N'oublions pas que le cinéma n'est qu'un moyen d'expression à l'instar de l'écriture. Il y a autant de manière de faire du cinéma qu'il y a des manière d'écrire et presque autant de genres.
Le montage est un élément essentiel du cinéma, de l'image animée et de tout média multimodal en général, nous avons déjà évoqué cet aspect. Mais en tant qu'il traite avec l'image, le cinéaste doit également prendre en compte la question du cadrage.
Le cadrage est particulièrement délicat dans le cas du film document et le cinéma ethnographique. En effet il s'agit de montrer alors un événement et la manière de le concevoir implique un certain cadrage et un certain cadrage implique nécessairement une manière de concevoir l'événement.
Deux options radicales s'opposent: une version contemplative ou objective versus une version analytique et interprétative. La premier pose la caméra sur un pied l'événement au grand angle in extenso sans coupe ni mouvement si ce n'est pour suivre l'événement dans sa totalité si celui-ci y oblige.
L'autre tourne l'événement de l'intérieur en cadre les éléments saillants et recompose la totalité à partir de ces repères. Cette technique découpe l'événement pour le construire ou le reconstruire à partir de son interprétation et sa compréhension qui ont guidé son tournage.
La version “objective" est proche du nominalisme: elle considère que chaque événement est particulier et en tant que tel ne peut pas être découpé sans altération. Le point de vue “extérieur" vise justement à garantir l'objectivité du tournage, à ne pas prendre position pour laisser l'événement “parler de lui-même" et s'il demande une explication c'est au spectateur de la trouver. Au pire une voix off commentera de manière professorale et détaché ce qui se passe.
La version constructiviste est plus analytique et cherche dans l'événement des points forts et des articulations qui en un sens revient à y chercher une structure avec des invariants qui permettent de le comprendre en le rapportant à d'autres événements, des catégories ou des lois. Le montage recompose l'événement, l'image est proche des articulations et des temps forts et cherche à les cadrer au mieux en fonction de leurs natures (agent, moyen, relation). Dans l'idéal l'événement ainsi recomposé devient intelligible par son exposé même et peut se passer de commentaire, sinon pour ce qui l'image ne peut montrer.
Les premiers films paraissent longs, les seconds décousus et compliqués, mais c'est le prix pour “voir" et “montrer" les événements et faire un cinéma similaire à un article scientifique ou à une thèse.
Évidemment ces deux positions sont extrêmes et caricaturales, et bien sûr l'ensemble du spectre entre ces deux jalons une multitudes de points de vue sont possible, quoi qu'il en soit le cinéaste ethnographe doit choisir et se prononcer sur son choix.
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