Il y a philosophie et philosophie. Cette ambiguïté, pour ne pas dire confusion, perd certains qui se sentent obligés de faire “philosophie" comme je l'ai si joliment entendu au détour d'un couloir, au lieu de faire de la philosophie ou, plus simplement, de penser.
Il y a la philosophie auquel on veut sans cesse mettre un p majuscule, ce type de philosophie qui fait systématiquement dire à votre interlocuteur que vous devez être bien intelligent parce que vous en êtes diplômés et qui se sent soudain obligé de faire des phrases compliquées avec des mots obscurs.
Le gouffre entre la philosophie telle qu'on l'imagine, semble-t-il, ce genre de philosophie un peu poussiéreuse, très académique et bien compliquée et la philosophie plus terre-à-terre mais pragmatique qui n'est autre qu'une pensée claire, consistante et articulée est particulièrement frappant lorsque vous devez interroger un étudiant qui présente un travail visuel obligé de passé une épreuve portant ce nom.
La philosophie appliquée, c'est-à-dire la pensée en action, lorsqu'elle s'accroche ou s'attarde au design d'espace, n'a pas besoin de convoquer des noms anciens et illustres ou d'user un vocabulaire compliqué. La philosophie et l'architecture sont très proches et maintes philosophes, y compris Descartes et Wittgenstein, c'est dire, l'ont fait remarquer. Penser l'espace pour l'aménager oblige à un exercice de conception que les philosophes envient: il faut penser une structure, un contenant, l'agencer et le meubler, s'y déplacer en pensée mais surtout imaginer sa fonction, les flux et ses utilisations et le modifier au fur et à mesure de l'expérience de pensée pour l'améliorer et l'optimiser. Faire cela c'est se demander ce qu'est l'espace, comment s'y déplacer, se l'approprier, comment il vit, comment il s'articule, quelles sont ses faiblesses et ses limites, qu'est-ce qui en fait l'originalité, quelles sont ses relations avec les objets qu'il contient ou qu'il ne contient pas, quelle est son histoire et celle des éléments qu'il renferme, etc. etc.
Répondre à ces questions ne requière pas de culture spécifiquement philosophique mais de formuler et de considérer des problèmes qui n'en sont pas moins profonds et complexes, à ceci près qu'eux peuvent avoir une application plus immédiatement saisissable que d'autres.
Tout travail d'agencement de l'espace, quel qu'il soit, nécessite de répondre à ces questions, mis à part peut-être pour des capharnaüms sans nom, et encore.
Et si cela est vrai pour l'architecture il n'est pas difficile de comprendre que c'est valable pour à peu près tout le reste. En sommes un monsieur Jourdain philosophique qui arrête de penser de la sorte ne fait plus grand chose, peut-être ne peut-il même pas être mort...
Alors, de grâce, réfléchissez avant de baisser les bras et de débiter des inepties que vous-mêmes jugeriez creuses et fallacieuses...
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