L'anthropologie cherche à travers les différences les traits communs aux différentes cultures et finalement à l'Homme avec une majuscule. L'idée sous-jacente est bien qu'il n'y a qu'un seul et même Homme derrière chacun humain.
Mais si cette hypothèse est vraie alors la vérifier en cherchant un universel derrière chaque acte, chaque action, chaque outil, chaque objet ou chaque rite devient très compliqué. Le risque en effet est de tomber dans les pièges d'une mauvaise abstraction et dans le syndrome de Lichtenberg avec un couteau sans lame auquel il manque le manche.
Cette difficulté est l'un des paradoxes philosophiques de l'identité. Soit l'identité est une et deux choses identiques ne peuvent être distinguées ou bien elle est accidentelle et deux choses sont identiques parce qu'elles ne sont que similaires, c'est-à-dire qu'elles diffèrent par ailleurs.
L'idée d'une humanité une et unique est sans doute à comprendre en un sens théorique. En ce sens elle dit simplement que tous les hommes quels qu'ils soient procèdent de la même espèce et en ce sens ne sont pas distinguables et ne doivent pas l'être. C'est l'idée de la déclaration universelle des droits de l'Homme et c'est sur cette même conception que toute discrimination, quelle qu'elle soit entre des humains, sur quel critère que ce soit, est intolérable.
Mais d'un point de vue anthropologique ou de philosophie descriptive et non plus prescriptive ou normative, la question est différente. Considérer que tout est identique ou doit être identique revient à nier les différences qui justement sont des spécificités intéressantes. Si un classement est effectué sur cette base alors cette approche est condamnable, mais en revanche si elle considère que tout développement humain, quel qu'il soit, procède d'une même base, alors chacun apparaît comme un possible dans un menu rapporté à une fonction unique et spécifique. Une robe en peau de saumon, une tunique en plume, une robe à panier ou un blue-jean ne sont que des choix possibles parmi le menu des vêtements eux-mêmes pensés comme une fonction biologique de protection et un usage social.
Les différences en ce sens sont des enrichissements, des développements qui permettent de cartographier les possibles humains et à partir de là faire apparaître des invariants ou au moins des pondérations qui permettraient, en négatifs de comprendre l'ampleur et la profondeur de la géographie mentale humaine.
L'idée, en définitive est la même, au lieu de partir du général bien difficile à définir a priori à particulier du particulier, on part du particulier pour déterminer le général. C'est dans le fond la fonction d'un musée ethnographique ou d'une enquête de terrain. Avec la restriction que le général ainsi déduit ne devient pas catégorique et ne détermine pas essentiellement l’espèce humaine, mais devient un outil d'affinement progressif d'un portrait de l'Homme. Cultiver la différence c'est en somme cultiver toute la créativité humaine et enrichir les possibles contre une uniformisation radicale appelée par une compréhension naïve car compréhensive des propriétés. Cette uniformisation est logique et confortable (qui n'a pas de blue-jean sans sa garde-robe) mais appauvrit considérablement, à terme, notre savoir sur nous-mêmes.
C'est pour cela qu'il faut garder traces de toutes les différences, les cultiver mais aussi et surtout prendre le temps de les observer, de les contempler et de les comprendre. Finalement, ce qui rend similaire chaque Homme c'est que chacun est différent et unique.
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