L'image peut servir à plusieurs fins. Elle peut, entre autres, servir à illustrer, à exposer ou à révéler.
Ces trois fonctions, qui n'épuisent pas toute l'image, supposent toutes trois une idée qui les soutienne.
Dans l'illustration l'idée est déjà exposée indépendamment de l'image qui n'est là qu'en redondance.
Dans l'exposition l'image soutient l'idée et la montrant sous un angle différent afin d'en permettre la saisie.
Dans le cas de la révélation, l'image est nécessaire à la saisie de l'idée qui ne se manifeste que par elle, complètement ou partiellement.
Le film ethnographique et documentaire utilise l'image comme révélateur, car si c'est bien une idée et une certaine compréhension de ce qui est filmé qui guide la prise de vue (l'angle, le cadrage, l'exposition, etc.) ce n'est qu'avec l'image que l'opérateur sait si son hypothèse de travail était correcte ou non et si ses parti-pris de prise de vue convenables et pertinents.
Cela suppose que l'image donne à voir quelque chose que l'on soupçonne ou que l'on attend sans savoir a priori si elle va le faire ou non. Contrairement à une mise en scène ou à une reconstitution, possible dans les deux autres types d'image.
L'image n'est donc pas une fin ou un aboutissement de l'exposé d'une idée mais bien le commencement d'un travail de défrichage, d'analyse et d'interprétation de l'image pour y trouver la manifestation d'une idée que le montage aidé parfois d'un commentaire permettra de mettre à jour.
L'image devient risquée puisqu'elle peut ne rien révéler du tout soit que l'idée n'apparaît pas (si elle existe) ou bien que les hypothèses de travail étaient fausses ou mal étayées ce qui peut se voir dans la prise de vue (cadrage, axe, angle...) qui en brouille la lecture.
Une image peut dire beaucoup de chose pour peu qu'elle soit lue avec finesse. L'information qu'on peut en tirer est aussi riche qu'un texte démonstratif, mais tout comme les textes scientifiques et ardus l'image est difficile à lire. Il fait la décortiquer, l'analyser, l'interpréter.
L'interprétation prête le flanc à la critique. On se demande si les commentaires de “Dead Birds" rendent effectivement compte de ce que pensent les acteurs. Mais cet engagement est indispensable et, comme dans toute étude réfléchie, l'interprétation, si elle est bien faite, doit toujours rester compatible avec toutes les autres et avec les faits.
Réaliser des images à caractère révélateur, des images d'investigation suppose donc de suivre les prémisses et l’ébauche d'un raisonnement tout en essayant à travers la prise de vue d'en tirer des éléments qui l'étayeront, le révéleront ou bien donneront des indications sur l'interprétation qu'il faudra en faire a posteriori. Le tournage d'un tel film ne peut donc se faire sur la base d'un scénario à proprement parler puisque rien n'est écrit de manière prévisible et assurée de sorte à pouvoir prédire ou anticiper la prise de vue, mais sur la base d'un plan basé sur des hypothèses qu'il s'agira de vérifier en direct et de moduler le cas échéant.
Ces contraintes sont peu compatibles avec une équipe large puisque la réactivité doit être totale mais plus encore le tournage doit se déterminer en fonction de ce qui se passe. L'opérateur image ne peut donc difficilement être différent du réalisateur à moins de supposer une connivence très forte entre les deux. Cependant, le fait que l'opérateur soit celui qui valide les hypothèses et qui conduira l'interprétation est beaucoup plus aisé et facile, puisque cela lui permet d'un même point de vue de conduire ces deux tâches.
L'inconvénient étant évidemment que le réalisateur doit être opérateur et donc connaître l'image et la technique de la prise de vue et du matériel employé tout en connaissant les méthodes d'interprétation et de lecture d'image si bien qu'il puisse remplir les deux tâches simultanément sans en parasiter aucune. Ces qualités sont déjà rares l'une et l'autre pour trouver les deux dans le même individu, mais cela arrive, heureusement.
Le son est un élément important et la prise de son peut se faire ou bien de manière directe avec une caméra équipée ou bien par un preneur de son distinct de l'opérateur image. Si le preneur de son connaît bien son métier il pourra suivre les protagonistes et l'action en l'anticipant plus facilement que l'opérateur image.
L'équipe de captation idéale donc se compose de deux membres: un opérateur réalisateur et un preneur de son, éventuels assistés pour le matériel, mais une équipe légère est moins intrusive et produit de meilleurs résultats.
Mais évidemment rien ne remplace l'idée et l'échafaudage des hypothèses et la présence d'esprit de leur validation, confirmation, infirmation et de réactivité lors de la prise de vue.
L'idée reste donc la clé maîtresse de toute image.
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