La profilmie est la modification de comportement induite par la présence de la caméra. Tout le monde sait qu'il perd son naturel devant un objectif, qui grimasse, qui essaie de se cacher derrière son ombre, qui crie, saute ou pleure.
Ces attitudes sont évidemment naturelle et se comprenne dans le jeu des cadres sociaux de représentation et de l'art de jouer des personnages en public, mais il reste que c'est le genre d'attitude que l'observateur souhaiterait mettre entre parenthèse ou éviter histoire de voir ce qui se passe “réellement" derrière ce masque. Réellement est ici mis entre guillemets car ce sont évidemment des comportements tout aussi réels que les autres et tout aussi intéressants à étudier.
Il y a deux grandes manière de lutter contre la profilmie: soit sur-jouer les comportements en la renforçant ou bien attendre que l'attention soit dissipée par autre chose que par la caméra.
La première option est celle du cinéma avec des acteurs et un scénario. La scène captée est préméditée et jouée volontairement pour la caméra, en ce sens tous les comportement captés sont profilmiques et recomposés de sorte que la présence de la caméra ne soit plus un problème ou un élément perturbateur mais au contraire la raison même d'être de ces comportements. Les résultats sont évidemment très bons lorsque les acteurs, le scénario et la prise de vue sont bons.
La seconde option, lorsqu'il n'est pas possible de faire jouer (et de surcroît rejouer les protagonistes) et lorsqu'on s'interdit de piéger ceux-ci par exemple avec de très longues focales de sorte à ce qu'ils ne sachent même pas qu'ils sont filmés, est de faire durer les prises de vue un tout petit plus longtemps que le temps estimé par le protagoniste de celles-ci. Je m'explique. Imaginons que vous soyez en train d'interviewer quelqu'un, vous laissez tourner la caméra avant et après le début et la fin “réelle" de l'interview et vous aurez des comportements très différents, parfois plus naturels. Dans des scènes de groupe la choses est également valable, souvent la dynamique de groupe met du temps à se mettre en place et ce sont ces moments là qui sont les plus intéressants pour l'observateur. Celui-ci doit donc être prêt à accepter d'aller au delà de son propre point de vue et de sa propre lassitude. En effet ce prolongement de la prise de vue est estimée en fonction d'une observation jugée “normale" par les protagonistes, c'est-à-dire le temps qu'ils estiment qu'un observateur quelconque, par exemple eux, prendrait dans des conditions quelconques d'observation. Temps qui sert par ailleurs au rôle d'acteur joué par le protagoniste en question, c'est-à-dire à l'attitude profilmique que l'on cherche justement à contrecarrer. Pour se faire donc il faut jouer le jeu du réalisateur-observateur en filmant ou prétendant filmer durant ce laps de temps et continuer au-delà. Étrangement ce dépassement de cadre ne fait généralement pas l'objet de protestations comme rupture du jeu de l'observateur et de l'observé mais rompt le jeu de l'acteur pour entamé celui du simple interlocuteur. Autrement dit au lieu d'accuser l'observateur de ne plus jouer le jeu, le protagoniste préfère abandonner l'attitude profilmique, sans pour autant ignorer soudainement qu'il est toujours filmé ou qu'il peut l'être.
Et c'est là que tout devient intéressant, mais il faut s'y préparer et c'est moins évidemment qu'il n'y parait...
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