mardi 15 décembre 2009

Paysage: question de cadre.

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Même si cela ne devrait pas, tout est sujet à réflexion. Une photographie que l'on pourrait regarder comme une simple photographie devient objet de réflexion.

Ce qui frappe dans la photographie, quelle qu'elle soit, c'est le cadrage et même plus précisément le cadre. Contrairement à la réalité, la photographie est une image parce qu'elle est bornée, limitée. La photographie tronque et tranche le réel. Je parle de la photographie en tant que processus pour faire des images, sans même parler de la manipulation possible de ces images. Ici cette image est le scan non retouché d'un négatif Ekta 100. Peut-être aurait-il fallu corriger le ciel et les contrastes dans les ombres, mais brut ainsi elle a aussi son charme.

Le cadre est justement ce qu'on ne voit pas dans la photographie. Plus que la Nature peut-être, nous autres Hommes avons horreur du vide et ne le voyons pas. La photographie n'est pas tant une fenêtre sur le monde qu'une découpe de celui-ci. Si la photo tient c'est parce qu'elle est cadrée, c'est-à-dire non seulement qu'elle entre dans le cadre mais que ses rapports avec sont tels qu'ils paraissent équilibrés et que le contenu même de l'image semble tenir de lui-même. C'est alors que le regard commence à scruter et à noter les détails.

Sans ce cadre il n'y aurait rien à voir, ou dû moins nous ne saurions pas ce qu'il faudrait voir ou regarder. Le cadre en somme est un indicateur d'attention, il dit “c'est cela qu'il faut regarder". Mais même plus encore, il structure le regard: c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a un avant et un arrière-plan, un haut et un bas, c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a une perspective. Le cadre détermine ou dû moins contraint la “grammaire" visuelle de ce qui est montré et de comment le voir.

Le cadre photographie n'est pas différent des cadres sociaux. Tout comme dans la photographie, la vie est composée et structurée de la sorte, avec des hauts, des bas, des devants et des derrières, des hiérarchies et des perspectives qui délimitent l'espace et ses possibilités. Ce ne sont pas des formes et des couleurs mais des jeux et des rôles sociaux mais en fin de compte cela n'est pas très différent.

Regarder une photographie ou n'importe quelle image c'est aussi lire une manière de penser, de voir, de regarder et de comprendre l'espace, le regard humain et peut-être même le contexte social de ce regard. C'est une photographie occidentale. C'est en ce sens peut-être que la culture est relative. Simplement parce que ce n'est pas ce que l'image montre qu'il faut regarder mais l'image elle-même.

Un paysage des Alpes.