Le caractère est un accident essentiel, si je peux dire, d'un personnage. Accident car aucune nécessité ne fait qu'un personnage ait tel ou tel caractère. Le caractère est un trait caractéristique qui dans d'autres circonstances, mondes ou situations aurait pu être différent. Pour un être humain il est nécessaire d'avoir un caractère mais accidentel que celui-ci soit l'avarice ou la jalousie.
Essentiel car le caractère contingent du personnage est un de ses traits caractéristique et en ce sens ne peut être modifié sans que le personnage le soit entièrement. Un avare reste un avare même si se contient ou s'éduque.
Déterminer le caractère d'un personnage est difficile. Un personnage est et doit être complexe dans la mesure où ses traits caractéristiques n'ont pas la même force et densité en fonction des situations qui l'expose et le révèle. Un avare sera plus avare lorsqu'il s'agira de donner son argent pour une bonne cause que lorsqu'il s'agira de s'acheter une nouvelle chemise. Il restera avare mais plus ou moins. Pareil pour la jalousie et pour tout autre trait de tempérament.
Mais le personnage doit constamment garder son tempérament. Le tempérament est l'équilibre du personnage. L'avare aura son point d'équilibre et son centre de gravité sur l'attachement excessif aux richesses par exemple. Le tempérament donne la personnalité et par conséquent la manière de penser et d'agir du personnage, c'est-à-dire sa conception du monde. Le monde de l'avare est un monde de richesse et de peur perpétuelle de se les faire dérober ou la volonté constante de vouloir se les approprier. Toute situation dans laquelle apparaît l'avare est structurée pour lui, de cette manière là.
La principale différence ce me semble entre ce qu'il est appelé “réalité" et la fiction est que dans la réalité la vision du monde de l'autre et peut-être même de soi, est opaque alors que dans la fiction elle est révélée et transparente. Dans une fiction l'avare voit effectivement de l'or partout même si dans la réalité c'est de l'étain ou du fer.
La fiction est le monde structurée selon une conception déterminée et donc claire et précise. Elle n'a de fonction que de révéler la situation dans lequel le personnage agit, de sorte qu'il ne soit nul besoin d'expliciter autrement le tempérament et le caractère du personnage par le truchement d'une voix off, d'une indication ou d'un monologue.
En montrant et en révélant le caractère du personnage, la fiction permet de prendre une distance avec qui agit comme un verre grossissant nous présentant l'être humain dans une dimension qui ne nous est jamais ou que très rarement transparente, et ce bien entendu pour divertir mais également et incidemment nous enseigner.
Dessiner le caractère d'un personnage est difficile car cela oblige à une compréhension profonde de cette dimension psychologique. Un bon auteur parvient à faire ce travail de manière “inconsciente" ou “implicite" au sens où il ne serait pas nécessairement expliciter le caractère d'un point de vue abstrait et détacher des situations par lesquelles il le manifeste. Un mauvais auteur fera un personnage boiteux, unidimensionnel ou pire comme un agrégat de traits qui non essentiels: le personnage d'un coup deviendra jaloux puis d'un coup avare, puis d'un coup curieux sans aucune cohérence et sans aucun respect pour la personnalité de celui-ci. Un personnage n'évolue par en ce sens car un être humain n'évolue pas ainsi, ce qui change ce sont les manifestations de ce caractère, les situations qui le révèlent plus ou moins, ou bien le combat du personnage avec son propre caractère. Ce ne sont donc pas des changements d'état qu'il faut mais des nuances dans un même registre. C'est difficile, ça se travail et ça s'apprend.
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