Les élèves et les étudiants sont souvent surpris lorsqu'on leur expose pour la première fois la méthode de la dissertation, en particulier de philosophie. Le processus de travail implique de réfléchir de manière non linéaire. Bien souvent la première réaction que vous obtenez lorsque vous leur soumettez un sujet et de les voir foncer tête baisser à partir du coin supérieur gauche d'une copie double, écrire frénétiquement, s'essouffler, le rythme diminue lentement pour péniblement échouer dans le premier tiers du verso de la page suivante, et puis là ensuite c'est le grand blanc... Pourquoi? parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent écrire, parce qu'ils n'y ont pas assez réfléchis et parce qu'ils ne pensent qu'à une chose: arriver au bout, sans s'être posé la question de comment. Une dissertation c'est un 5000 mètres, il ne faut ni partir pour un 100 mètres ni pour un marathon. Écrire une dissertation cela s'apprend. Il doit en être de même pour un scénario.
Pour écrire une dissertation il faut commencer par la fin, ou presque. Savoir ce que l'on veut dire: la conclusion. Mais évidemment pour cela il faut savoir de quoi on veut parler, donc le sujet, et la manière dont la réponse est apportée au sujet détermine la conclusion. En somme il y a un va et vient constant entre ces deux entités: la conclusion et l'introduction. Ensuite tout se déroule calmement et lentement: dans le développement il suffit d'exposer les étapes qui permettent d'aller de l'introduction à la conclusion et ce tout en sachant pertinemment où l'on va (la conclusion) sans jamais brûler les étapes car il faut être conscient que le lecteur lui, même s'il peu imaginer ou suspecter où vous l'emmener, ne le sait jamais avant d'avoir lu votre copie. Il faut ménager un suspens sur quelque chose que l'on sait déjà. Je crois que c'est cela que les étudiants ont le plus de mal à comprendre: arriver à faire abstraction de ce que l'on sait pour adopter le point de vu du lecteur tout en le guidant à son insu. Ce n'est pas facile mais cela s'apprend et les résultats sont surprenants. Car réussir cela c'est réussir à maîtriser son sujet, sa réflexion et la manière de l'exposer, et c'est exactement ce que l'on demande à un étudiant de philosophie.
Je ne suis pas expert en scénario mais je crois que cela marche de la même manière, à la fois pour l'écriture même du scénario mais également dans le processus qui l'incorpore. C'est ce qui fait qu'un scénario est vivant, car il possède une structure interne propre mais également s'adapte à son lecteur. Il n'est pas aberrant alors qu'un scénario puisse être a posteriori ou simplement être finalisé à la fin du processus qui l'emploi. Pensez au documentaire par exemple. La réalisation d'images peut très bien être l'étape de glanage d'information exactement comme les lectures et les recherches préalables sont le fourrage d'une thèse de philosophie. La mise en forme intervient dans un second temps, avec en particulier la sélection des données. Cette étape correspond au montage. Mais le plan de montage ou de sélection dépend évidemment d'un propos et donc d'un scénario qui n'est pas a priori mais fondé sur ces données. Il est tout aussi évident que les images ou les données ont été recueillies dans l'optique de quelque chose, même si cette perspective reste très vague et flou. C'est une sorte de pré-scénario, ou il serait plus juste de dire que c'est une idée préalable, qui est présente dans tout film ou toute thèse pour que cela puisse donner quelque chose.
La forme ne fait pas tout. Pas plus que le fond d'ailleurs. Du matériau accumuler sans ordre ni direction n'est qu'un fatras sans signification. Une forme vide est une page blanche. Il faut un équilibre entre les deux qui est l'organisation d'un contenu sur une page blanche, quelle que soit sa forme. Il en va de même pour la thèse, la dissertation ou le scénario. L'écriture s'apprend.
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