Tout le monde se rappelle la grande grève des scénaristes américains de ces derniers mois.
La question qu'on se pose est "pourquoi les scénaristes français n'ont pas fait grève (ou ne font pas grève)?"
Un excellent article sur le site nonfiction.fr apporte des éléments de réponse à cette question.
Scénariste n'est pas un métier en France, c'est un hobbies, une occupation, une passion, quelque chose que l'on fait à côté, pour son plaisir. Les scénaristes n'ont pas de statut, ce ne sont pas des intermittents, ce ne sont pas des salariés, tout juste des auteurs s'ils veulent se déclarés comme tels, mais ‘auteur' n'est pas beaucoup plus un statut en France.
Le scénariste écrit un texte qu'il vendra par l'intermédiaire de son agent, s'il en a un, à un producteur qui le fera réaliser par quelqu'un s'il le veut. Le processus d'écriture est donc en amont du processus de réalisation, un peu comme si on pensait qu'il n'en faisait pas parti, un peut comme si la réalisation pouvait se passer du scénario.
Le scénariste n'est pas le réalisateur, c'est certain, mais il est difficile de penser qu'un film puisse être bon s'il pêche par son scénario, aussi bon que puisse être le réalisateur. Un film avec un excellent scénario restera un bon film, même si la réalisation ne suit pas. Mais un scénario n'est pas quelque chose de statique. Il est une trame qui laisse possible une grande variété de traitement. Le scénario est une partition de musique qui peut être interprétée de différentes manières sans devoir jamais le changer. Mais le scénario est un support d'image et a besoin d'image et rien n'empêche d'adapter cette trame à la réalisation. Le scénariste est, au moins pour une part, auteur du film, et l'associer à la réalisation permettrait de rendre le scénario moins rigide et la réalisation plus fluide.
Il reste aussi que le scénariste est un auteur et en ce sens doit faire une œuvre consistante et non pas simplement se contenter de croire qu'il fait un film. Scénariste n'est pas réalisateur. Le scénario doit être vivant, franc, audacieux, mais cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas respecter un certain format. Tout comme une dissertation doit être construite avant même d'être originale, un scénario doit l'être. Rédiger une dissertation s'apprend, écrire un scénario également.
Mais il y a une différence entre écrire et penser. Il est possible d'écrire et de penser seul comme il est possible d'écrire et de penser à plusieurs ou bien d'écrire seul une pensée collective ou inversement. La force de frappe en dépend: non pas que l'on pense mieux ou écrit mieux en groupe, mais parfois, lorsque le temps l'exige, il peut être bon de travailler collectivement, en particulier sur un format comme la série télé. Une série est une suite d'épisodes autonome qui constitue un ensemble cohérent de part ses personnages et ses péripéties. Rien n'empêche de dessiner la série de manière générale et de la développer ensuite, et cette division du travail est tout à fait adaptée à un travail collectif. Cela permet de durer dans le temps et de rester consistant (bien que ça ne le garantisse pas) et surtout d'économiser du temps et de l'argent. Mais la conception de l'auteur comme individualiste, autonome et couper du reste de la production est un frein à cette pratique, ce qui s'en ressent fortement dans la qualité de l'écriture et de la production.
Il serait bon de repenser un peu ce qu'est un film, une série télé, un documentaire et toute autre production scénarisée pour qu'enfin la France puisse rivaliser au moins avec les auteurs américains, sans les copier, mais en faisant mieux ce qu'ils savent le mieux faire: un cinéma qui leur ressemble.
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