lundi 21 juin 2010

L'équipe de France, reflet d'une société.

La rationalité humaine n'est ni fixe ni arrêtée, elle est mouvante et s'adapte aux circonstances, à l'environnement, à ses désirs, ses peurs, ses passions, ses connaissances, les autres. C'est cette versatilité qui fait sa force et sa puissance car sa capacité à s'adapter, à créer, à innover. Mais sa force est aussi sa faiblesse car si elle se met à douter, se questionner sur elle-même, son propre fonctionnement ou sa légitimité, si elle prend peur des circonstances, de l'environnement, des autres ou d'elle-même alors elle perd pied et se laisse emporter dans une spirale, ne maîtrise plus rien, subit, se perd.

Ce qui arrive en ce moment à l'équipe de France de football au mondial en Afrique du Sud est assez symptomatique d'une perte de repères à tout point de vue. Aucune direction, aucune perspective, aucune ligne de force, une paranoïa, une surestime de soi, un déni de réalité, tant au propre qu'au figuré. Mais cette déroute ne se cantonne pas à l'équipe elle-même mais à l'ensemble de la société française. L'attitude de la presse en témoigne: elle est déboussolée. Cela montre qu'elle n'est là que pour relater ce qui se passe sans l'analyser ou le poser dans un cadre qui permettrait l'analyse. La presse n'a pas plus de plan d'attaque, de stratégie que l'équipe. Elle se pose de fausses questions existentielles, métaphysiques ou éthiques: elle se prend la tête littéralement à savoir s'il est possible ou non d'écrire une insulte dans un titre alors même que l'article est écrit dans un français douteux à l'orthographe légère. Les cancans ont repris le dessus parce qu'il faut bien s'occuper sans savoir très bien quoi faire d'autre.

La France découvre qu'on lui a menti depuis des années. À force de s'entendre répéter que les choses sont plus compliquées que cela et qu'il faut laisser faire les spécialistes, le français a perdu ses connaissances et commencé à douter même du bon sens, pour s'apercevoir en fin de compte qu'il n'est pas plus bête qu'un autre et que les belles promesses n'engagent que ceux qui y croient. Les arguments des instances sportives étant les mêmes que ceux des hommes politiques, le résultat sera le même. Ne jamais faire confiance sur les promesses de résultats simplement parce que celui qui les fait n'est maître ni du temps ni même de son propre destin.

La presse n'informe plus, elle n'est que le mégaphone de gens qui sont incapables de recul car le nez dans le guidon. La presse n'analyse plus, ne fourni plus d'outils d'interprétation et de compréhension, alors les dépêches s'empilent, se poussent les unes les autres, sans point de fuite mais dans une grande fuite en avant.

Ce que cela montre est que la société est perdue, sans repère, sans espoirs, sans buts, sans volontés, mais aussi que les princes n'ont plus la consistance de ceux que voulait conseiller Machiavel. Il ne suffit pas de détourner l'attention du peuple, de l'occuper comme un enfant, il faut aussi et surtout une stratégie pour en faire quelque chose, le mener quelque part. Le peuple se fout pas mal de la valeur éthique ou morale de l'action, il est aussi bien capable de se battre pour une bonne ou une mauvaise raison et il admire plus Napoléon Ier pour la grandeur de ses massacres que Napoléon III pour la faiblesse de ses choix. Car c'est aller quelque part qu'il veut, non devoir décider de lui-même. Mais pour cela faut-il encore que les princes sachent eux-mêmes et n'attendent pas que les circonstances adviennent d'elle-même.

Sans raison, sans rationalité l'Homme n'est même pas un animal, mais un bois mort charrié par les flots, c'est un poids qui se subit lui-même dans une inertie qui l'entraîne à l'opposé de ce qu'il devrait souhaiter.

Les instants pathétiques que nous traversons ne sont que les reflets sombres d'une mauvaise passe de laquelle nous devons nous tirer car nous le pouvons donc le devons.