jeudi 31 décembre 2009

Le désespoir de la bureaucratie.

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Voilà encore un post pour lequel je vais encore me faire taper dessus et pour lequel on me rappellera qu'il faut apprendre à se taire et à serrer les poings dans les poches. Certes, mais on ne se refait pas.

‘Bureaucratie' est l'autre terme pour ‘inertie' à ceci près que l'inertie est un mouvement. La bureaucratie c'est un immense mur contre lequel viennent se fracasser l'enthousiasme et les espoirs de quelques personnes qui pensent naïvement que faire est mieux qu'attendre.

Voilà: après deux ans enfin et quelques mails bien salés, la réponse tombe: “La rémunération n'est donc pas possible" (sic.). Merci, au revoir.

Voilà. C'est bien, c'est clair et net comme un tranchant de tronçonneuse bien affûté et pourtant il reste un je-ne-sais-quoi qui immanquablement nous pousse à redemander que l'on répète encore une fois: “La rémunération n'est donc pas possible." Ni, merci, désolé, rien. Sec, comme du bois mort.

Vous avez donc enseigné pour rien. Soit. Le seul écho qui reste est celui des mails qui rebondissent d'un bureau à l'autre, d'un ordinateur à un serveur, d'un câble à un clavier, sans ordre ni but. Des années d'échos pour rien puisqu'en fin de compte le dossier s'est désintégré au fils des couloirs et des pièces jointes, des signatures égarées ou des mails qui ont dû sombrer dans la boite spam.

Rationnellement il reste à espérer que le Bon Dieu existe et sera se souvenir du dévouement de ces naïfs qui ici-bas ont tenté de faire plutôt qu'attendre.

Cela conforte mon opinion et mon nouveau credo: ne fait rien pour autrui sans qu'il n'ait déjà déboursé (et ensuite c'est plus la peine de faire quoi que ce soit puisqu'il a déjà payé). Horrible de devenir de cette trempe-là soi-même mais bon, l'âge passe voyez-vous, les illusions aussi. Il faut bien qu'il y ait des avantages aux cheveux blancs.

Un philosophe d'envergure impressionnante m'a un jour dit à table commentant vers moi le CV copieux de l'autre voisin qui se vantait mine de rien: “Fais peu, prétend beaucoup". Je n'avais jamais vraiment saisi la profondeur de cette maxime qui m'écœurait pas mal j'avoue. Mais maintenant elle sonne plus clair à mon oreille, effectivement.

Cela permet au moins de distinguer les actions que l'on fait pour soi de celles qu'on fait pour autrui. Je m'étais donné pour consigne de faire de “l'humanitaire" jusqu'à 30 ans. Ils sont passés. Maintenant je ne fais plus que pour moi, sinon il faut payer. Dommage pour les reliquats, mais cela m'apprendra, et c'est ce que je ne manquerai pas d'enseigner moi-même.

En lisant Saramago je me disais qu'il exagérait, tirait le trait jusqu'à la caricature et que ce monde tyrannique-là n'était que de papier. En ce 31 décembre 2009 je sais qu'il n'en est rien, mais qu'il est bien camouflé quand même.

Que cela n'empêche pas de passer un bon réveillon et que l'année 2010 soit meilleure pour tout le monde!

mardi 29 décembre 2009

Question d'orientation.

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Un parent d'élève m'appelle pour des cours particuliers pour sa fille.

En deux heures le constat est là: elle n'est pas brillante mais pèche surtout par un manque total d'organisation et de méthodologie, cas classique. Elle doit présenter le bac à la fin de l'année et en l'état c'est pas gagné. Le père dit de manière catégorique “il faut qu'elle ait le bac" en sortant une sacrée liasse de billets de la poche. Pourquoi faire? Pourquoi devrait-elle avoir le bac? Qu'est-ce qu'elle va en faire de son bac?

La question le désarçonne. Je me tourne vers la fille. Que veux-tu faire l'année prochaine? Yeux en soucoupe. Elle ne sait pas, elle n'a pas réfléchi à la question.

Le père insiste: ce n'est pas le problème, elle verra bien quand elle aura son bac.

Ben oui mais le problème est que les inscriptions sont bien souvent avant le bac et quoi qu'il arrive je ne comprends pas quelle motivation un enfant peut avoir pour décrocher son bac sans projet. Son intérêt est bien au contraire de rester à la maison, pas fou.

Le père ne semble pas comprendre, la fille ne saisit pas l'enjeu de l'orientation.

L'orientation tient. Le père saute dessus et, comme prévu, tire à boulet rouge sur l'école (un lycée privé) et ses incapables d'enseignants qui ont mal orienté sa fille et qui ne savent pas la motiver.

Avec sa liasse il voudrait en plus qu'on l'éduque et qu'on fasse son travail. Non, tout ne s'achète pas dans la vie et surtout pas l'enthousiasme ou la motivation. Eh oui, construire un projet d'existence et sa mise en forme pédagogique est le travail d'un parent et nul ne pourra s'y soustraire sans en payer les pots cassés.

Il est choqué. Il veut que je revienne vite lui donner des cours pour son bac blanc. Non. Elle n'a jamais travaillé seule et ne sait pas ce que c'est, ça serait bien qu'elle commence à comprendre. À coup de billets (qu'il montre plus qu'il ne donne) il veut rattraper ses lacunes. Mais on ne comble pas des lacunes de paresse. Les deux ans qu'elle a passé à ne rien faire sont perdus. Maintenant il faut aller de l'avant, avancer, se donner un but et l'atteindre. Il voudrait peut-être qu'elle vive avec toujours deux ans de retard sur son présent? Allons il faut être réaliste et assumer, pour une fois, une fois seulement.

Le jour où elle me dira ce qu'elle veut faire en septembre prochain, je garantis qu'en deux semaines elle obtient son bac, juré craché, mais pas pour 25 euros de l'heure.

Ah bon entendeur, salut.

lundi 28 décembre 2009

De la valeur des choses et quelques paradoxes.

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Quelle est la valeur des choses?

La question n'est pas aussi anodine et il faudrait même y entendre quelques roulements existentiels par dessus. La valeur des choses c'est la valeur des choses qu'on achète ou qu'on vend mais aussi et surtout celle que l'on estime.

Ce matin je suis allé acheter une baguette et depuis la semaine dernière celle-ci a pris 5 centimes, bientôt 15 dans l'année et c'est la boulangerie du quartier où l'inflation est la plus contenue. Et c'est une baguette tout ce qu'il y a de plus ordinaire, le boulanger n'était pas content que je ne prenne pas la baguette de campagne à 1,20 euros, mais je n'avais même pas assez. Un peu plus tôt la pharmacienne m'a littéralement agressé en le hurlant dessus que mon médecin ne devait plus me prescrire de médicaments génériques et que j'étais un mauvais client parce que je ne voulais pas acheter autre chose que ce qui était indiqué sur l'ordonnance. Non je n'ai pas besoin de levure, de sirops, de fils dentaires ou je ne sais quoi d'autre.
La fin de l'année semble tendue pour tout le monde.

Un parent d'élève m'appelle pour un cours particulier. Je demande 30 euros de l'heure, pour tester. Il a fallu batailler pour avoir en avoir 25. Je sais que cela peut paraître beaucoup d'un certain point de vue mais j'avoue également avoir honte. 25 euros ce n'est même pas de la prostitution. C'est bien en de ça de ce que j'estime valoir pour une heure de coaching scolaire simplement parce qu'à 25 euros de l'heure je sais que j'aurais encore le regard noir du père et les remarques désobligeantes sur le système scolaire et les dons cachés de la fille, alors même que la mère est enseignante. Mais c'est partout pareil.

La différence est justement que maintenant la différence se fait sentir. À 25 euros de l'heure je fais de la garderie et dis “oui, oui". À 25 euros de l'heure ce n'est pas un docteur avec 10 ans d'expérience qu'ils “louent" mais un bac+3 boutonneux qui s'en contre fiche, à ce prix-là ce n'est pas un maître mais un esclave qu'ils auront. Après tout, moi, le bac, je l'ai eu et s'ils estiment que donner quelques cours sous-payés permettra de l'acheter à leur fille et bien ils se trompent.

Parce que le prix du pain est si cher, le prix de l'enthousiasme ou de l'engagement l'est tout autant.

Parfois j'ai honte. J'ai honte de faire ce que je fais au prix que je le fais. J'ai honte parce que j'ai honte de ne pas pouvoir payer le loyer en fin de mois, j'ai honte parce que je dois emprunter de l'argent pour manger, j'ai honte parce que je n'y arrive plus. Depuis longtemps j'ai peu à peu rogné et abandonné mes rêves. Depuis deux ans je ne vais plus au cinéma si ce n'est pour voir mes propres films. Je n'ai pas encore renoncé aux livres mais dans l'année je vais quitter Paris simplement parce que je ne peux plus y suivre le cours affolant des prix et des augmentations.

Cette honte c'est la mienne parce que peu à peu cette valeur à laquelle je n'arrive pas à me vendre ou me faire payer pour ce que je fais, déteint peu à peu sur moi, sur la valeur que je m'accorde, ma propre estime, mon amour-propre.

S'il y a une distance à partir du moment ou la fuite se transforme en agression, il doit y avoir un seuil auquel la soumission devient révolte. La question n'est pas tellement celle de l'argent mais de ce qui va avec, du regard que l'autre porte sur l'autre, la confiance ou le lien qui peut en émaner, sur lequel quelque chose peut se construire. À partir d'un certain stade l'ouvrier, celui qui fait ne se distingue plus de la machine, sauf que contrairement à elle, lui en souffre. Il ne s’investit plus dans son ouvrage simplement parce qu'il ne peut pas, il n'a plus la place pour le faire. Ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, mais simplement que s'il le fait alors il se dévalorise et s'il ne le fait pas il se protège. C'est une sorte de paradoxe économique de l'action. À 25 euros de l'heure je ne peux pas faire correctement mon travail sans aller à l'encontre de l'éthique qui me permet de le faire sereinement. À 30 une sorte de cercle vertueux se mettrait peut-être en place et je ferais plus qu'il ne me serait demandé simplement parce que l'estime serait là et l'enthousiasme prendrait le pas dessus.

Mais ça les gens s'en foutent et s'en contre-foutent. Si ce père de famille voulait aider sa fille il se soucierait un tant soit peu de l'enseignant. Mais c'est justement parce qu'il n'y est pas attentif que sa fille a besoin de cours. Autre paradoxe.
Si son pain était moins cher ou nettement meilleur, j'irais en acheter tous les jours. Si la pharmacienne était aimable je lui achèterais peut-être quelque chose. Mais elle ne peut l'être parce qu'elle ne fait pas son chiffre, il ne peut-être bon parce qu'il estime payer trop de charges, etc.

Le lien social est là, dans cet invisible ineffable et impalpable et pourtant si tangible et si présent.

A force d'économie de bout de chandelle tout part à vau l'eau. Voyez-vous, ce pauvre père de famille, sa fille va devoir suivre des cours pendant un semestre entier à raison de plusieurs par semaine simplement pour que je puisse m'y retrouver en fin de compte et cela sans aucun égard pour les résultats de sa fille. S'il y avait regardé à deux fois, en deux heures elle aurait son bac, parole juré craché, deux pauvres heures à 30 euros. Et bien pour 40 heures à 25, je ne suis pas certain qu'elle l'ait voyez-vous. Le pire est que lui aura perdu son argent et moi mon honneur.

La valeur des choses...

mardi 15 décembre 2009

Paysage: question de cadre.

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Même si cela ne devrait pas, tout est sujet à réflexion. Une photographie que l'on pourrait regarder comme une simple photographie devient objet de réflexion.

Ce qui frappe dans la photographie, quelle qu'elle soit, c'est le cadrage et même plus précisément le cadre. Contrairement à la réalité, la photographie est une image parce qu'elle est bornée, limitée. La photographie tronque et tranche le réel. Je parle de la photographie en tant que processus pour faire des images, sans même parler de la manipulation possible de ces images. Ici cette image est le scan non retouché d'un négatif Ekta 100. Peut-être aurait-il fallu corriger le ciel et les contrastes dans les ombres, mais brut ainsi elle a aussi son charme.

Le cadre est justement ce qu'on ne voit pas dans la photographie. Plus que la Nature peut-être, nous autres Hommes avons horreur du vide et ne le voyons pas. La photographie n'est pas tant une fenêtre sur le monde qu'une découpe de celui-ci. Si la photo tient c'est parce qu'elle est cadrée, c'est-à-dire non seulement qu'elle entre dans le cadre mais que ses rapports avec sont tels qu'ils paraissent équilibrés et que le contenu même de l'image semble tenir de lui-même. C'est alors que le regard commence à scruter et à noter les détails.

Sans ce cadre il n'y aurait rien à voir, ou dû moins nous ne saurions pas ce qu'il faudrait voir ou regarder. Le cadre en somme est un indicateur d'attention, il dit “c'est cela qu'il faut regarder". Mais même plus encore, il structure le regard: c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a un avant et un arrière-plan, un haut et un bas, c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a une perspective. Le cadre détermine ou dû moins contraint la “grammaire" visuelle de ce qui est montré et de comment le voir.

Le cadre photographie n'est pas différent des cadres sociaux. Tout comme dans la photographie, la vie est composée et structurée de la sorte, avec des hauts, des bas, des devants et des derrières, des hiérarchies et des perspectives qui délimitent l'espace et ses possibilités. Ce ne sont pas des formes et des couleurs mais des jeux et des rôles sociaux mais en fin de compte cela n'est pas très différent.

Regarder une photographie ou n'importe quelle image c'est aussi lire une manière de penser, de voir, de regarder et de comprendre l'espace, le regard humain et peut-être même le contexte social de ce regard. C'est une photographie occidentale. C'est en ce sens peut-être que la culture est relative. Simplement parce que ce n'est pas ce que l'image montre qu'il faut regarder mais l'image elle-même.

Un paysage des Alpes.

mardi 8 décembre 2009

De l'effritement social.

L'effritement social est un chiffon rouge agité depuis la fameuse “fracture". Les jeunes contre les vieux, les actifs contre les assistés, les autochtones contre les intrus, les noirs contre les rouges, et j'en passe des dichotomies de cet acabit, des pires et des meilleures.

Mais avec le temps, est-ce par habitude, lassitude ou réalité, l'émiettement prend de plus en plus de consistance.

La réalité est qu'à force de dire que l'on s'oppose à quelque chose, même inconsciemment, et bien cela donne le droit de s'opposer. Mais non pas (ou plus) avec des mots mais avec des gestes, ou plutôt des attitudes, en particulière l'indifférence. Ah quoi bon parler d'un homme qui crève dans le caniveau, cela ne scandalise plus, l'émeu plus, mais pire encore, ne fait plus réagir. Simplement parce que la force et la volonté ne sont plus là. Qu'ils s'en mettent plein les poches ou qu'ils crèvent c'est la même chose. Plus de destin, plus de dessein, plus de responsabilité.

Pendant ce temps s'ils pensent faire ce qu'ils veulent serait trompeur et une bien grave erreur.

Quelques détails qui manifestent ces fêlures: l'entraide est moins franche qu'avant. Un idiot qui avait cru bon prendre la parole alors qu'il aurait mieux fait de se taire est maintenant traîné en diffamation, il vient demander de l'aide à qui soutenait la cause pour laquelle il s'égosillait et on lui tourne le dos. Tant pis pour lui. La mémé qui revient parce qu'elle a un peu de mal à finir son mois, on lui rappelle sèchement ses dires d'il y a quelques années lorsque les jeunes n'avaient qu'à bosser au lieu de perdre leur temps au chômage. Le patron qui se plaint de la baisse des rentrées d'argent et du comportement des clients et en profite pour faire serrer un peu plus la ceinture et exiger plus reçoit des démissions en retour. Non, l'emploi ne fait plus rêver. Travailler plus pour gagner plus, non, ce n'était pas le credo. Travailler pour être un peu heureux, oui peut-être et plus que de l'argent c'est de reconnaissance qu'il manque, mais maintenant c'est trop tard. Comme une mayonnaise qui ne prend pas, chacun retourne dans son coin et reprend ces billes. Que la boite dusse fermer? Qu'importe. Si les patrons savent si bien, qu'ils agissent maintenant.

Le semblant de liant qui reste est sous perfusion. Enlever les câbles et les drains et tout part à veaux l'eau. Même pour une épidémie de grippe on arrive à faire dire que les médecins ne sont pas compétents. A quoi bon alors.

Mais attention, à un certain stade, même payer des impôts ou cette dette qui nous croule sans que nous n'en tirons bénéfice nous paraîtra quelque chose d'inutile.

Il voulait nous vendre du rêve et c'est de la désillusion du vent que l'on récolte.

Ce qui me rassure et de voir des gens en CDI depuis des années rendre leur tablier rien que pour goûter un peu à la liberté. Le patron vient le voir en lui disant “mais que vais-je faire sans toi?", en se posant la question à lui-même il se rend compte qu'il n'en avait pas besoin.

Tout comme c'est le peuple qui tient le politique, c'est l'employer qui tient le patron. Espérons pour eux que l'écran reste encore un peu opaque.

vendredi 4 décembre 2009

Identité nationale: risque d'un débat mal posé.

Il doit y avoir une bonne manière de poser le problème, sinon la question, de l'identité nationale, mais tel qu'il est posé il l'est mal. D'abord il y a la question de la terminologie: “identité" et “nationale" sont des termes connotés qui charrient plus que de besoin. Ensuite, il y a le pourquoi de la question. Une question ne peut être posée sans finalité, simplement parce que toute réponse, quelle qu'elle soit, est une motivation pour l'action. In abstracto ce débat n'en est pas un et ne peut en être un. Quels sont donc les tenants et les aboutissants et les intentions de ceux qui posent la question? C'est une première à laquelle il faudrait poser.

Au Panthéon des grands Hommes de la nation, à l'entrée, se font face les cénotaphes de Voltaire et de Rousseau, tous deux considérés comme des pairs de la nation (et non pas des pères) parce qu'ils ont contribué à forger ce qu'on a appelé par la suite "l'esprit français" et des Lumières. Et ces termes et ces noms ressurgissent dans le débat comme un patronage bienveillant. Or ce serait oublier un peu vite que Rousseau n'était pas français mais Genevois et que Voltaire n'a pu vivre qu'aux frontières de la France. Le Panthéon des grands Hommes (ce qui inclue bien évidemment les femmes) est peuplé de grands Hommes mais peu de français au sens étroit du terme, sens qui justement oppose le français à l'immigré par exemple. Marie Curie n'était pas “français" comme le poulet de Bresse est un poulet de Bresse. Picasso, Van Gogh, Stravinski, Julien Green, Brel ou Marguerite Yourcenar ne sont pas français et pourtant nous les associons et les assimilons à la France et à son patrimoine justement parce qu'ils y ont contribué.

Alors voilà, d’aucuns diront que la différence entre le méchant immigré et le bon est que le dernier “apporte" quelque chose à la France, l'enrichie alors que l'autre en profite et la dépouille. Si le débat est comptable, je ne suis pas certain que la France en sorte grandie. Aucun de ces grands noms de la “culture française", mais “culture francophone" serait plus juste n'a terminé sereinement son existence en France. Pensez même à Descartes qu'on site en héros national qui n'a eu pour choix de vie que l'exile. On revendique Hugo et c'est bien à cause d'un débat mal pesé du même tonneau qu'il a dû chercher refuge ailleurs.

Que la France ait des valeurs, qu'il y ait un esprit français cela ne fait aucun doute, et c'est justement cet esprit qui en a fait et qui fait sa grandeur. C'est parce qu'il était possible d'éditer l'Encyclopédie en France qu'elle a pu se faire en France, mais n'oublions pas que Descartes écrivait aussi en latin.

Vouloir enfermer un esprit dans une boite à catégorie c'est le taxidermiser dans une boite à papillon comme dirait Céline, autre grandeur de la littérature française qui en illustre aussi le paradoxe.

Vous voulez parler de culture, de vision politique, de valeurs, soit, mais ce n'est pas parler d'hommes et de femmes, de flux de population ou de billets de banque. Poser ce débat en ces termes c'est faire le jeu de la différence. Souvenez-vous du couteau sans lame auquel il manque le manche. À chercher l'essence du français vous n'allez trouvez que du vide ou des choses que vous ne voudriez pas voir. Si vous le posez en termes de valeurs alors il faudra accepter que certains qui ne viennent pas de ces contrées puissent les incarner et les faire vivre mieux que d'autres et que de bons vieux franchouillards de sang et de terre préféreront se vendre à l'ennemie plutôt que de risquer de les défendre. Parce que tous les français de carte d'identité ne font pas tous vivre ces valeurs, cette culture, cette langue et une vision qui sont celles que nous voudrions que la France défende.

N'oubliez pas non plus que tous les grands Hommes du Panthéon dont on retient le nom ont été des dissidents car les valeurs qu'ils ont fait émergées ne l'étaient pas de leur temps. N'oubliez pas qu'au moment des Lumières et de la mise en place de des droits de l'Homme la politique n'était que Terreur et tyrannie.

Le risque d'un débat mal posé est de n'entendre que ceux qu'on aimerait faire taire. Les autres œuvrent en silence, justement pour faire alors que d'autres palabrent.

vendredi 20 novembre 2009

Projection: l'avis de la presse.

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Article du Dauphiné Libéré paru le vendredi 20 novembre à propos de la projection du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" à Rumilly.

mercredi 18 novembre 2009

Accueil enthousiaste du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" à Rumilly.

L'intérêt d'une œuvre d'art est d'être vu car seul le public peut la faire vivre.

Force est de constater que le public est nettement moins fainéant, débile ou imbécile que la rumeur tient parfois à la faire croire. Bien au contraire il est exigeant à condition de ne pas le prendre pour un fainéant, un débile ou un imbécile. C'est le constat que je tire de la projection du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" du 17 novembre à Rumilly. 120 personnes ont fait le déplacement, parfois de loin pour voir ce film qui ne sera peut être pas présenté en salle de ci tôt (hélas). De tous horizons et tous intérêts et malgré tout, tous sont restés jusqu'au terme mais ont posé des questions très pertinentes qui éclairent le propos mais aussi la manière dont il est reçu. Et plus, ce public en redemande.

L'aspect parfois compliqué, alambiqué voire ésotérique du propos, déformation professionnelle, pouvait faire craindre un rejet ou une incompréhension, mais pas dû tout et bien au contraire même cela semble avoir donné de l'ardeur à chacun qui maintenant ose dire ce qu'il pense.

Ce type de film est singulier et sort des sentiers battus car les circuits traditionnels lui sont encore barrés, espérons pour peu encore, mais cela laisse l'espoir d'une place pour cette expression et la possibilité même d'un circuit de diffusion adapté.

Quoi qu'il en soit cet accueil est le meilleur et le plus beau que pouvait lui réserver le public et ce film, hier, en est véritablement devenu un à travers ses yeux.

Merci encore.

jeudi 12 novembre 2009

Article de l'Hebdo des Savoies parut le 12 novembre 2009

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Article parut dans l'Hebdo des Savoies, le jeudi 12 novembre 2009.

(Précision: le prix Kodak à été remis à David Falco pour le travail photographique du projet commun réalisé au Svalbard et dont j'ai écrit les textes et réalisé le film.)

mardi 10 novembre 2009

Avis: Le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" en salle mardi prochain

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Avis de programmation du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils", publié sur le blog de l'Heldo des Savoies, avant l'article qui paraîtra dans l'édition de cette semaine.

samedi 7 novembre 2009

Tapage nocturne: encore.

Une fois de plus des voisins remettent ça, une fête à 30 personnes dans leur 85m2 carré avec particule et la musique à fond dont, à l'étage du dessus, 50m2 en moins, nous ne profitions que des vibrations qui font sautiller les verres sur la table.

Un soir, puis un autre, une ribambelle qui finie par user jusqu'à la dernière barrière de l'impératif catégorique le plus coriace.

Le bruit est la pollution que je supporte personnellement le moins, d'autant que les bouchons d'oreille ou autre boule Quiès sont pires.

C'est une question de bon voisinage, si seulement cette notion à un sens et qui reste à l'appréciation de chacun malgré une réglementation, ce qui rend celle-ci bien difficilement applicable en pratique. Le bruit, c'est comme la douleur, chacun à un seuil différent et pour soi ce qui est toujours insupportable paraît broutille à autrui. Tout comme dans une fête on ne fait jamais assez de bruit parce que tout est toujours plus supportable du fait du seuil que l'on repousse sans cesse par acclimatation. L'effet est donc proportionnellement inverse chez l'auditeur passif...

Au moins ce qui est bien c'est que l'on comprend que la tolérance n'est pas innée et que rien ne sert de prêcher la bonne parole à une âme qui n'est déjà convaincue.

Autre indication important: louer un 85m2 à 25 ans agrémenté d'une particule permet semble-t-il de se foutre complètement du reste de l'humanité...

Colère lasse.

mercredi 4 novembre 2009

Le syndrome de la boite vide: le risque de l'identité nationale

Les relations interpersonnelles sont parfois comprises en terme de jeux ou de rôles comme dans une pièce de théâtre. Il y a par exemple celui qui joue le "rôle" du professeur et ceux qui jouent le "rôle" de l'élève. Ce sont des habits que l'on endosse dans un certain cadre, un certain contexte, une certaine scène parce qu'ils sont rassurants et permettent d'identifier facilement les différents protagonistes et puis, surtout peut-être, parce qu'ils permettent d'être prévisible. Appartenir à un groupe, à une culture, c'est être prévisible. C'est savoir quelles seront vos actions, vos pensées, vos intentions, vos réactions dans une cadre donnée dans une situation donnée. Nous ne sommes que des conditionnels en puissance. C'est ainsi est c'est tant mieux parce que c'est plus simple comme ça.

Cependant dire que c'est simple ne veut pas dire que c'est facile. Si le rôle du professeur est simple il est difficile à jouer et à tenir. Idem pour celui de l'élève. Il est d'autant plus difficile que le rôle n'est qu'une coquille vide, il faut faire vivre, animer le personnage et cela demande un véritable investissement, sans compter qu'endosser un rôle c'est endosser la responsabilité qui va avec. Le professeur doit préparer son cours, corriger les copies, évaluer les élèves, etc.

Les choses commencent à se gâter lorsque les règles du jeu commencent à se déliter parce que les participants et cela est plus grave encore lorsque ce sont les arbitres, commencent à les détourner ou pire encore, à s'en désintéresser. Il est encore possible de cadrer la tricherie dans les règles d'un jeu et de prévoir les réactions à adopter (c'est le jeu de la justice ou de la police), mais on ne peut forcer un jouer à vouloir jouer. Même le refus de combattre est un cas limite en escrime et sa réglementation laisse toujours un arrière-goût douteux.

Nul n'est forcé de jouer un rôle ou dû moins l'est en démocratie.

Maintenant imaginer que le rôle est celui de postuler à la présidence d'un établissement public et que d'un coup d'un seul, on considère qu'une personne n'ayant pas joué le jeu puisse parfaitement y prétendre sous prétexte que les règles sont floues ou méritent d'être réécrites. C'est tout le jeu qui s'effondre alors et il est normal que tous les joueurs s'indignent: ou bien que le jeu ne soit plus le même ou bien que cette révision n'ait pas été prévue ou bien soit si tardive. Ce qui se passe alors est l'évanouissement total du jeu: enlevez les règles et ils ne restent plus rien. Ce sont dans ces circonstances que l'on voit bien ce qu'est le jeu social, et ce jeu social c'est le lien social. C'est quelque chose de très ténu, d'infime et de minime, enlevez le texte aux acteurs il ne reste plus que des gens sur une scène qui d'ailleurs n'en est plus une et qui n'ont plus rien à faire ensemble sans pour autant qu'ils disparaissent ou même que cela les affecte tant que ça. Ce sont des hommes et des femmes, mais ce ne sont plus des acteurs qui jouaient une pièce. Quelque chose a disparu, quelque chose de bougrement important, ce qui a disparu ce sont les relations, le lien, entre ces personnes.

Notre société tend doucement vers ce mal-là. Le jeu social est mis à mal, on ne veut plus jouer, on veut changer les règles, même plus tricher, non mais ne plus jouer. Les patients ne veulent plus jouer au patient, alors les médecins au médecin, les professeurs au professeur, alors les élèves à l'élève, les politiques au politique, alors les citoyens au citoyen. Le mal c'est alors l'ennuie, la lassitude. Ne rien faire. Là, pataud. Ça part à vau-l'eau, doucement, ça coule, on laisse aller et c'est tout le lien social qui finalement part avec l'eau du bain.

Alors, pour éviter le syndrome de la boite vide on change l'emballage, évidemment. C'est là qu'on ressort, qu'on exhume le bon vieux concept “d'identité nationale" pour essayer de refaire du Français. Si seulement c'était pour redessiner les règles du jeu, essayer de retaper ou de rattraper la fracture sociale, les déficits publiques, les projets communs, l'aventure collective peut-être que cela aurait du sens, mais là, tel qu'on nous la ressert l'impression est plutôt que c'est par dépit, parce qu'on n'a rien d'autre en stock alors on tire les dernières cartouches. Ce qu'il manque c'est un auteur, un scénariste, quelqu'un qui redonne du texte et du sens à la pièce.

Mais l'identité nationale, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est un concept creux et vide s'il ne s'accompagne pas d'un dessein commun. C'est une chose de créer un jeu aux règles merveilleuses et pleine de subtilités et de justesse, mais ça se sont les philosophes et les utopistes qui le font. Ce sont des jeux de papier. S'en est une autre d'y jouer. Ça ce sont les gens comme vous et moi. Une autre encore est de convaincre les gens à y jouer, les motiver, les enthousiasmer, les emporter, les persuader, ça c'est aux politiques de le faire. C'est ce qui manque. Mais chacun son rôle. En démocratie le choix est là. Il faut l'assumer ensuite.

Je reste personnellement assez perplexe quant à la force de persuasion de l'identité nationale pour rejouer en société. Mais je ne suis qu'un simple jouer, ni plus, ni moins.

mardi 3 novembre 2009

Claude Lévi-Strauss: la disparition d'un géant

Claude Lévi-Strauss s'est éteint le 1er novembre 2009. Il disait à l'occasion de son centenaire, fêté cette année, qu'il vivait reclus du monde actuel parce qu'il ne le comprenait pas. Difficile de rester son propre contemporain et il faut croire qu'entrer dans la Pléiade c'es sortir de l'existence.

Souvent les gens s'étonnaient d'apprendre qu'il était encore parmi nous, en somme il ne fait maintenant que confirmer ce qu'ils pensaient. Mais c'est là une disparition bien triste qui tourne un chapitre dans le livre de l'Histoire et de la compréhension de l'Homme. Une figure totémique et tutélaire de la pensée, comme un repère dans le brouillard.

Déboussolés il va nous falloir reconstruire le paysage de la pensée pour trouver les mythes d'aujourd'hui en espérant qu'ils jalonneront le passé...

dimanche 1 novembre 2009

Deux manières de faire de la politique...

Dans un même journal, deux manières de réagir différemment face aux décisions du pouvoir politique.

La première est de blâmer toute critique et d'inciter à entrer dans le rang, conseil que madame Morano donne à Rama Yade, reprenant le mot de Jen-Pierre Chevènement “un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l'ouvrir, ça démissionne". En soulignant au passage que la formule de Chevènement s'appliquait à lui-même et non pas pour zigouiller un collègue.

L'autre est la prise de parole de Mahmoud Vahidnia, un étudiant iranien, devant l'ayatollah Khamenei, guide suprême iranien, ce mercredi 28 octobre 2009.

Certes les situations et les conditions ne sont pas les mêmes, les réactions un peu courroucées des dirigeants seules se rejoignent. Lorsque quelqu'un vous dit que vous avez toute liberté de le critiquer cela signifie ou bien que vous êtes fasse à un masochiste qui n'en vaut pas la peine soit que vous allez passer un sale quart d'heure.

Le courage de l'étudiant frise la témérité voire le suicide mais son geste est louable au plus au moins ne serait-ce parce qu'il montre qu'il est possible encore d'avoir des idéaux sous la contrainte, ce qui est toujours de bon augure pour la Raison. Il est triste que de tels coups dans l'eau n'aient pour conséquences que le funeste destin de leurs auteurs, mais parfois, à court d'autre chose, le combat pour autrui peut prévaloir. Peut-être même le doit-il.

De l'autre cela montre par contraste la grandeur et la qualité du débat politique français actuel. La zizanie complète d'un équipage sans autre ambition que la sienne dans une embarcation qui prend l'eau de toute part avec un capitaine aveugle et colérique sans vision ni dessein. La critique va bientôt être anti patriotique et au doute répondra bientôt une Marseillaise scandée aux bruits des talons. La possible mise en examen d'un ancien président de la République scandalise cette clique sous prétexte qu'elle ébranle la grandeur de la fonction sans imaginer un instant que le scandale est qu'il soit possible que des éventuels prévenus puissent briguer de tels mandats. Le scandale n'est pas dans la fonction mais quand qui en revêt l'habit.

Peut-être faut-il attendre que la Raison ne supporte plus la pression que lui met un pouvoir qui n'en a pas pour qu'un héros, ne serait-ce que d'une heure, ose apporter sa contribution à la lumière d'un équilibre meilleur entre les Hommes et redonne un sens au mot ‘politique'. Peut-être que le lent délitement de l'édifice commun en atténue la ruine à ses occupants, peut-être. Hélas.

jeudi 29 octobre 2009

Les propos de l'artiste...

Souvent les réactions sont violentes lorsqu'on dit qu'une image se construit. Dire qu'une image se construit n'est pas dire autre chose qu'un poème ou un texte se construisent.

Les réactions sont violentes dû fait d'un relent romantique un peu naïf. Le génie brut et naïf qui versifie comme il respire est un mythe ou bien un cas si particulier qu'il n'enlève rien au propos. Une image se construit, l'axe, l'angle, la distance, la couleur, le contraste etc. sont autant de paramètres qui permettent l'expression.

Mais derrière ce débat un autre pointe, peut-être plus profond et plus difficile encore. Pourquoi construire une image? La réponse est évidente une fois qu'on y a réfléchi: une image se construit pour exprimer quelque chose, ce quelque chose est un "regard sur le monde", un point de vue, un propos.

Autrement dit l'image, comme toute forme d'expression d'ailleurs, doit dire quelque chose ou plus exactement véhiculer quelque chose, une intention de son auteur, peut-être.

La question fondamentale alors est celle de savoir s'il est possible de voir le monde sans le penser, s'il est possible de montrer le monde sans montrer un regard, un point de vue, une perspective sur le monde.

La vision naïve de l'artiste béat retranstrivant bêtement, inconsciemment, ce qu'il voit tombe. L'artiste ne peut pas ne pas voir (écouter, entendre, comprendre, sentir...) le monde, il doit nécessairement s'impliquer, construire son regard, élaborer sa relation au monde et en rendre compte, ce qui l'en rend également responsable.

Une image sans propos est un bruit sans intérêt qui ne mérite pas qu'on ennuie le reste du monde avec.

Le scénario n'est que l'un des moyens comme un autre, cela peut prendre d'autres formes, qu'importe, mais, quoi qu'il en soit, il faut réfléchir...

Bref, un artiste doit avoir quelque chose à dire sinon se taire. Et s'il dit quelque chose mieux vaut qu'il soit consistent, cohérent, intéressant et surtout intelligible...

Qui a dit que cela devait être facile.

jeudi 22 octobre 2009

Le scénario et le film

Le scénario est essentiel au film, je l'ai déjà dit plus d'une fois ici. Un film sans scénario n'est qu'une suite improbable d'images dont on peut supprimer ou rajouter un élément sans que le film n'en soit affecté, tout simplement parce que s'en n'est pas un.

Cependant le scénario n'est pas à comprendre de manière littéraire. Un texte littéraire est un texte littéraire, un scénario est un scénario. Inutile par exemple de romancer un scénario puisque cela ne sera d'aucun usage pour le tournage. Le scénario est plutôt une trame qui disparaît dans le tournage pour laisser place au film. Un peu comme la pellicule s'imprime de lumière et le développement fait apparaître l'image. Quelque chose à disparu pour qu'apparaisse autre chose. Il en va de même pour le cinéma.

Un réalisateur une fois s'offusquait que je lui dise que je conçois mes scénarios comme des partitions et que le mieux qu'il puisse leur arriver est qu'ils soient jouer par plusieurs réalisateurs. Pour lui le scénario c'est le film (même si dans un autre temps seul le réalisateur et non le scénariste en est l'auteur...).

Sur un même texte deux films, s'ils sont vraiment bien fait, ne se ressembleront pas. Ils révéleront différemment les nuances et ne seront pas plus ennuyeux que deux interprétations d'une même musique.

Tout n'est pas dans le scénario donc: sa réalisation, son interprétation pourrait-on dire même, est capital.

Dire cela c'est dire qu'un film ne peut se contenter d'un bon scénario. Il faut également une bonne image.

L'image est l'espace même du cinéma, plus précisément, l'écran. Il ne s'agit donc pas de la caméra et encore moins du réalisateur, mais pas non plus du spectateur, puisque plusieurs spectateurs verront la même chose, le même point de vue, alors que ce n'est pas le cas dans l'expérience directe ou au théâtre par exemple.

L'écran comme unité de mesure, avec sa bi-dimentionalité, son rectangle et ses contraintes. L'axe et l'angle de prise de vue et leurs restitutions en deux dimensions, plus la couleur, le son, le jeu des modèles, la musique, etc.

Un film sans scénario n'est pas un film, pas plus un film dont l'écran n'est pas composé. Le scénario n'est qu'un élément et finalement sa principale utilité est d'être un fil conducteur entre plusieurs collaborateurs: si l'équipe est réduite ou que seul le réalisateur mène la danse, peut-être même qu'il n'a pas besoin d'être écrit. Dire qu'il n'a pas besoin d'être écrit ne signifie pas qu'il n'existe pas ou qu'il ne doit pas exister, bien au contraire. Le scénario est l'expression, le rendu, d'un raisonnement, d'un déroulement. Mais finalement cette expression se retrouve dans le film une fois terminé. Le scénario sur papier n'est pas nécessaire.

mardi 13 octobre 2009

La fin des privilèges.

L'affaire de népotisme qui défraye la chronique ces derniers jours (par exemple) répond à un autre débat d'une manière heureuse.

Qu'une personne puisse être nommée (quelle que soit la manière) à un poste à forte responsabilité (même honorifique) si jeune et avec si peu de bagage, de diplôme et d'expérience est une très bonne nouvelle. Ce que les défenseurs de l'intéressé ne manquent pas de souligner. Ils s'indignent que l'âge puisse être un obstacle et soutiennent que les compétences s'acquièrent sur le terrain.

Nous ne voulions pas en entendre plus et ces remarques seront certainement beaucoup plus efficaces qu'un plan spécifique dédié à l'emploi des jeunes.

En effet, l'argument de l'âge est trop souvent avancé pour repousser une candidature. La jeunesse est, on le sait, synonyme d'instabilité, de naïveté voire de violence. Mieux vaut donc ne pas trop les recruter, les jeunes. Mais voilà qu'en un geste tous ces préjugés sont balayés, être jeune devient respectable, devient l'ambition, devient, la fraîcheur, devient l'assurance, devient la confiance en un avenir prometteur et serein. Embauchez donc des jeunes!

Les diplômes ne valent plus rien, cela est définitivement scellé. Ce que les réformes de l'école, du lycée et de l'université ne disaient qu'à mi-mot et que les résultats staliniens du bac tendaient à montrer est maintenant officiellement promulgué. À quoi bon perdre du temps sur les bancs de l'école puisque ce qui compte ce n'est même plus l'expérience, même plus les compétences, mais le fait d'apprendre sur le terrain, “bien entouré" s'empresse-t-on d'ajouter. D'autant, et l'actualité le démontrer également, que la validation des acquis de l'expérience (VAE) permettra au besoin de brocarder le papier filigrané au mur: pour devenir avocat plus besoin de passer par l'université, il suffit de devenir vieux, et avec le temps...

L'expérience? Voilà un mot qui change de sens. Les caquets des DRH et autres recruteurs vont devoir trouver un autre motif que le manque d'expérience puisque seul le terrain à venir est nécessaire.

Quant aux compétences, le regard acéré d'un partisan suffit à les tailler dans la meilleure étoffe sans même avoir recours à une lettre de recommandation.

Le profil du candidat parfait s'en trouve entièrement re-dessiné et tout comme un coup de crayon guérit des millions de gens en rayant un nom sur la liste des maladies, un geste aussi simple qu'un fait du prince suffit à lever le handicape de millions de chômeurs.

Voilà l'une des réformes sans doute les plus importantes de ce quinquennat. Le changement était promis, le voilà qui arrive!

samedi 10 octobre 2009

Pensée comme manière d'être

Si l'architecture est le reflet de son époque comme dirait Gombrich, la pensée doit être un reflet d'une manière d'être.

À force d'avoir sacralisé la pensée, certains ont des difficultés à penser. Certes il y a bien une pensée savante, difficile, compliquée et obscure que seule une poignée d'initiés peut comprendre, mais cela n'est qu'une frange de la pensée.

Lorsque je donne un sujet aux étudiants qui prend une forme de ce qu'ils jugent être philosophique (entendu comme savant, compliqué et obscure) ils me font des copies qui sont compliquées et obscures (hélas pas très savantes). Pourquoi?

Le problème majeur est une confusion de ce qu'est l'abstraction. L'abstraction est une forme de généralisation à partir de principes décontextualisés qui permettent, pareils à des outils, de comprendre les cas particuliers à partir de schémas plus généraux. Si cela terni un peu la qualité propre et unique du cas singulier, cela permet de le rapprocher d'autres, de le comparer et en définitive de le comprendre, ce qui n'est pas inutile. En aucun cas cela signifie de prendre un regard supérieur, détaché et d'essayer d'appliquer de manière sauvage des moules à une matière informelle.

La meilleure stratégie est toujours de partir de-là où l'on est. Lapalissade certes mais qu'il est bon de rappeler est qui est l'une des règles de survie en montagne. Partir d'où l'on est c'est partir de ce que le voit, ce que l'on sent, ce que l'on perçoit, du bon sens, de ses désirs, intentions, attentes, projets ou encore doute. Pourquoi aller convoquer tout de suite de grands auteurs de des définitions que l'on ne comprend pas.

Le conseil, pour ne pas dire la règle, vaut pour tout et en particulier pour l'analyse d'image. Au lieu de chercher quoique ce soit de savant dans une image, commencer par la regarder telle qu'on la voit, telle qu'on la comprend et partir de-là comme hypothèse de départ, chercher à l'infirmer ou à la confirmer et avancer doucement mais sûrement dans l'analyse.

Combien oublient que l'horizon est déterminé par le canal latéral de l'oreille interne, c'est-à-dire sur une ligne horizontale rejoignant les deux oreilles, au milieu du nez, juste sous les yeux. Dire que l'horizon est là, c'est dire que dans l'espace égocentrique, l'espace par rapport au sujet, le milieu est là, ce qui est supérieur est “dessus", inférieur “dessous", que le devant et le derrière déterminés par le canal antérieur, c'est à dire également au niveau de l'oreille sur le profile, le près et le loin par l'effort du bras pour saisir l'objet.
Cela est valable, évidemment, en l'absence de tout indice contraire explicite (par exemple une indication d'échelle sur un plan ou dans une photographie -- un arbre est un étalon de ce type).
Ces évidences permettent à elles seules de comprendre le cadrage d'une image à partir de la sphère composée de l'angle du haut vers le bas, de l'axe de la position sur le côté, et de la distance.

Rien à partir de ces données qui ne dépendent que ce l'image et de celui qui la regarde, il est possible de faire une analyse précise et fine d'une image. Partir de là où l'on est...

Ensuite, évidemment, le problème est de réfléchir, de faire attention de ce que l'on dit, de pouvoir expliquer et justifier chacun de ses dires, avancer prudemment, mais rien d'autre peut suffire pour commencer.

Penser c'est avancer et le mieux pour se faire est de partir de sa propre hauteur au lieu de vouloir prendre un regard plongeant sur le monde, de chercher l'omniscience. D'autant qu'à la sortie le résultat n'est pas plus mauvais, bien au contraire.

Ceux qui se perdent dans des conjectures compliquées sont perdus. Ceux qui ne pensent pas, ne veulent pas exister. Seuls ceux qui pensent à leur échelle et avancent peuplent le monde et vivent leur existence pleinement. Ni plus ni moins. Et pourtant, et pourtant...

dimanche 4 octobre 2009

“François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" au cinéma!

Séance exceptionnelle suivie d'un débat avec l'artiste et le réalisateur au cinéma Concorde à Rumilly le mardi 17 novembre 2009 à 20h.

Pour l'occasion un accrochage des œuvres du peintre aura lieu à l'atelier.

Une image peut-elle dire quelque chose?

L'idée que l'image puisse servir d'outil de connaissance ne va visiblement pas de soi. Même si l'on admet que l'image peut servir à étudier une époque en tant que témoignage, reste à savoir ce qu'on entend pas là: tantôt il semble que ce soit la subjectivité de l'auteur qui permet de comprendre cela, tantôt l'image en tant que produit d'une époque. Mais dans les deux cas ce n'est pas l'image qui est vue mais son mode de production.

Dire que l'image peut servir d'outil de connaissance c'est dire que l'image en elle-même dit quelque chose, un peu comme un livre dit quelque chose, indépendamment en en plus de son mode d'élaboration. Lire Descartes ou Malebranche au XXIe siècle peut avoir un sens parce qu'il est possible de comprendre leurs ouvrages même en ne connaissant rien (admettons) du contexte dans lequel ils ont été écrit. D'une certaine manière ces livres sont contemporains ou peuvent l'être parce qu'il est possible de les comprendre, de les interpréter dans un contexte contemporain différent du leur propre. Un sémioticien dirait qu'il est possible de trouver une “sémiose" qui comprend ces ouvrages et le présent. Il en va de même d'une œuvre d'art.

Mais est-il possible de comprendre une image autrement qu'en tant qu'œuvre d'art?
Tout comme un texte peut-être littéraire ou philosophique, la typologie de l'image est plus riche et complexe que simplement bipartite entre art et publicité.

Un lecteur est capable de distinguer un ouvrage de philosophie d'un ouvrage de littérature par ce que ces ouvrages sont différents, leurs structures sont différentes parce que leurs objectifs, leurs buts, leurs fonctions sont différents. Dire cela n'est rien dire des qualités stylistiques de ces ouvrages. Un ouvrage de philosophie peut-être remarquablement bien écrit, agréable à lire est figurer au panthéon de la grande littérature au même titre qu'un roman ou une nouvelle, la question n'est pas là.

L'image en tant qu'outil a été relativement bien et rapidement accepté par les sciences dures. L'astrophysique ou la biologie moléculaires utilisent des images sans aucun problème et ont mêmes développés des critères de lecture et d'interprétation tout comme pour les textes scientifiques.

Le problème est plus coriace pour les sciences “molles" comme les sciences humaines. L'image a été utilisée au début pour des sciences “à cheval", entre deux, “tendres" peut-être comme la physiologie ou la criminologie, puis par les “humanités" comme la sociologie, l'anthropologie ou l'ethnologie. Balinese Character marque véritablement un tournant tout comme photographies de Evans, Curtis ou les films de Rouch, Gardner ou Wiseman.

Si ces images sont devenues des œuvres d'art à part entières, c'est que leur mode de lecture a un peu changé et qu'on ne les regarde plus de la même manière. C'est un peu lire Diderot ou Voltaire pour de la bonne littérature romanesque avant de les lire comme des œuvres philosophiques. C'est plus la grille de lecture qui serait à blâmer, si jamais, que les œuvres elles-mêmes.

Les images scientifiques, qu'elles soient dures ou molles, disent quelque chose autant que le texte qui les accompagne ou qu'elles remplacent. Une image ne vaut pour mille mots comme dit le proverbe que si mille mots peuvent être énoncés pour dire la même chose. Or beaucoup d'images ne passent pas ce test minimal et en définitive ne disent pas tant quand elles disent quelque chose.

L'image peut parler, dire beaucoup même, être vue et revue comme un bon livre peut être lu et relu, à condition que (1) quelque chose soit dit, (2) soit exprimé, (3) soit compréhensible. Trois étapes nécessaires et cruciales qui trop souvent restent ignorées et les images qui en découlent ne disent rien, ne crient rien mais ne sont même pas des sifflements, ce ne sont que des remplissages. On sait que la nature à horreur du vide, est-ce seulement une raison pour la combler de vent?

Une image, pour dire quelque chose doit être construite, tout comme un texte, pour être philosophique, doit répondre à certaines contraintes. Ces contraintes ne sont pas des barrières ou des limites mais plutôt une ossature qui étaye le propos afin de le développer et de le faire tenir et perdurer, à l'instar d'un bâti qui doit avoir une structure porteuse stable et fiable.

Comme on ne s'improvise pas architecte, on ne fait pas des images à l'improviste.

vendredi 2 octobre 2009

Qu'est-ce qu'un documentaire?

La question pourrait une question de mots, mais ce n'est pas de terminologie dont je voudrais parler ici, mais plutôt de l'objet même qu'est, que peut-être ou que devrait être le documentaire.

L'une des difficultés majeures liée à cette question est celle de l'utilité, de l'utilisation ou de l'usage du documentaire. L'actualité nous montre l'importance de cette difficulté. Il est simple de réagir à chaud à un événement, de laisser l'émotion prendre le dessus et rendre compte de l'événement par cette émotion. C'est ce que font les médias dans leur majorité. Le problème qui survient alors est double: d'une part il concerne la compréhension de l'événement, en regardant les réactions qu'il a suscitées, en ne retenant qu'elles l'événement lui-même tend à disparaître et à être occulté, l'autre est la cohérence et la consistance de ces réactions. Dans le temps ces réactions peuvent se modifier, différer jusqu'à brouiller tout à fait le compte-rendu et l'événement lui-même ou bien, ce qui est une variante, deux événements du même type peuvent faire l'objet de réactions très différentes de la part des mêmes personnes ce qui rend très confus la lecture de ces événements et finalement de ces réactions.

L'actualité nous fournie l'exemple du viol: deux viols commis par des personnes différentes dans des conditions qui peuvent être comparées, mais l'un suscite l'indignation, l'autre la clémence ou le pardon.

Le documentaire en tant que genre qu'il soit textuel, photographique, radiophonique, cinématographique ou autre ne doit pas tomber dans ces travers parce que sa fonction est autre. Le documentaire doit rendre compte de l'événement. Rendre compte est à comprendre au sens fort du terme, rendre des raisons, rendre justice. Cela implique de comprendre l'événement, sa structure, son espace, son développement, où il commence et où il fini, quelles sont ses causes et ses conséquences, etc. Cela impose un travail minutieux de recherche et d'analyse au préalable dont il est fait la synthèse dans une exposition.

Toute recherche, toute analyse, toute compréhension est une perspective sur un événement ou un objet. Dire cela c'est dire qu'une perspective n'est jamais neutre et en ce sens ne correspond jamais à l'objectivité telle qu'elle est comprise par le sens commun. L'erreur, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, serait de considérer que de pas prendre de perspective permet d'atteindre cette objectivité quitte à laisser tourner la caméra sans opérateur ou prendre des images au hasard. Cela ne conduit pas à l'objectivité mais à des images vides ou des textes sans sens.

L'objectivité du documentaire est la même que celle de n'importe quelle recherche scientifique et en particulier en sciences humaines. L'objectivité vient s'il est rendu pleinement justice à l'objet de la recherche, s'il est exposé dans son ensemble ou dû moins dans l'ensemble de ses caractères essentiels, que la perspective de la recherche est clairement définie et affichée, transparente, qu'elle est discutée et argumentée, cohérente et consistante. On ne demande pas une réponse définitive, on demande un élément consistant de réponse.

Le test le plus simple dans cet exercice est celui du temps. Si un documentaire (comme tout document) résiste au temps alors il a de bonnes chances d'être de valeur. Résister au temps signifie par exemple pouvoir être regardé plusieurs fois à différents intervalles et toujours capter l'attention du spectateur ou, ce qui est mieux, pouvoir faire l'objet à différents moments, d'analyses et d'interprétations différentes sur ses mêmes bases. Si le document résiste à cela, alors il présente quelque chose et c'est ce qu'on lui demande.

Évidemment tout cela peut intervenir à plusieurs niveaux. Un document peut-être intéressant par son contenu, ce qu'il dit, ce qu'il expose, c'est le cas par exemple de beaucoup d'ouvrages anciens qu'on lit et étudie toujours à l'heure actuelle, mais il peut être intéressant également d'un point de vue technique pour ses trouvailles ou ses utilisations d'outils et de moyens, ou encore en tant de document relatif à une époque, en tant que témoignage de son temps, etc.

Mais on le voit, pour aboutir à cela il faut se prémunir de la réaction immédiate, de la précipitation et de la facilité. Préparer un documentaire exige de la réflexion, celle-ci peut aller assez vite avec un bon entraînement et une bonne pratique, mais exige toujours de considérer l'objet de la recherche pour lui-même et en lui-même, de développer une stratégie, une perspective pour le comprendre et l'exposer pour quelqu'un.

Un véritable travail en soi, bien plus difficile qu'il n'y parait sans pourtant être impossible.

mercredi 23 septembre 2009

Les mots sont parfois trompeurs.

'Philosophie', voilà un mot qui fait peur. Contrairement peut-être au terme ‘sémiologie' qui lui est inconnu.

Quand je dis que le terme ‘philosophie' fait peur, je réfère à l'attitude des étudiants lorsqu'ils sont confrontés au premier cours et je prends comme un compliment la remarque d'un étudiant qui me dit en rigolant, mais un peu gêné, “monsieur, on est un peu surpris parce qu'on ne pensait pas que la philo c'était ça". Il faut dire que je venais que leur donner comme sujet “qu'est-ce qu'une porte?". Cela peut sembler étrange comme ça, mais comme ils sont en design d'espace je ne pense pas que cela fasse vraiment de mal de se pencher avec un peu de sérieux sur la question. Mais sa remarque, du moins telle que je l'ai compris et pris, n'était pas agressive, juste un constat avec même un soupçon qui n'était pas de déplaisir.

Pourquoi lorsque l'on parle de philosophie il faudrait à chaque fois déterrer Kant? Bien que je considère la Critique de la Raison Pure comme un véritable chef d'œuvre, je crois sincèrement qu'avant d'y comprendre quoi que ce soi il n'est pas mauvais de commencer par des choses plus triviales, juste histoire de pratiquer un peu le bon sens pour voir s'il est aussi bien partager que ça.

Peut-être n'est-ce qu'une question de terme et une querelle de mots. Peut-être que “philosophie" est un peu trop pompeux pour ce qu'on exige réellement d'étudiants en BTS de design d'espace, de mode ou de communication visuelle. Après tout ce qu'on leur demande c'est simplement de réfléchir, d'être capables de jouer au jeu des raisons, des cohérents, consistants, rationnels et raisonnables et en plus, d'être pratiques. Je n'exige rien de plus d'un étudiant en design d'espace qu'il conçoive clairement un espace, ses circulations, ses orientations, ses fonctions, son ergonomie, les possibles de vie et d'appropriation d'un agent. Rien de plus. Pour cela la question d'une porte n'est pas impertinente et même plus devient centrale et nécessaire. Une porte cela peut-être beaucoup de chose me dit une étudiante, une autre me demande si une porte peut-être métaphorique. Sans doute, sans doute. Les premiers pas dans la pensée, aussi incertains que ceux d'un nouveau né, tout commencement doit avoir un début.

D'aucuns diront que ce n'est pas ça la philosophie mais ils ne se mouilleront pas à l'enseigner ici, d'autres diront que ce n'est que ça et n'en feront pas ailleurs. Peu importe du moment que cela mène quelque part...

Quelqu'un que se questionne sur ce qu'est une porte sera me surprendre avec et cela fera un bon designer d'espace...

dimanche 20 septembre 2009

La presse en parle: “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils"

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(cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans Le Progrès du 18 septembre 2009, à propos de l'exposition de François Sylvand au Palais Episcopal de Belley et du film présenté à cette occasion “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils".

dimanche 13 septembre 2009

La question du commentaire dans le film.

Le commentaire est une partie difficile du film, en premier lieu, en ce qui concerne sa position. Qui parle? Comment? pourquoi? Ces questions sont non seulement légitimes mais de leurs réponses dépendent l'interprétation même du film.

Par défaut si l'on peut dire, un interlocuteur part du principe que l'échange auquel il participe consiste en une série d'opinion et de position prise face au monde et aux événements qui le compose. Donc, l'interlocuteur en question part du principe que tout ce qui est dit reflète la position de celui qui le dit comme son propre point de vue ou un point de vue qu'il adopte et auquel il adhère, un peu comme s'il transcrivait l'ensemble des propos qu'il entend en les préfixant d'un ‘je crois que"x"' ou sous une forme indirecte, ce qui ne change pas grand chose sinon complexifie un peu plus la relation “si l'interlocteur I exprime x, alors I accepte que x".

Ce formalisme pourra paraître un peu byzantin mais il ne l'est pas, bien au contraire. Il montre un trait caractéristique humain qui pense avant tout de manière pragmatique en vue d'une action et d'un but et par conséquent pour qui l'explication ou l'exposition est moins évidente et prépondérante que la détermination et l'expression. De ce trait découle le fait que l'ensemble de ce qui est dit sera attribué à son auteur ou si celui-ci n'est pas clairement ou immédiatement identifiable à celui qui l'exprime. L'un des exemples paradigmatique est celui du professeur (et particulièrement de philosophie) qui expose un fait, une hypothèse ou la pensée d'un auteur et l'élève qui s'emporte en l'attribuant au professeur ou, et c'est plus souvent le cas en sanctionnant le cours d'un “mais, et vous, qu'elle est votre opinion sur la question?" ne supportant pas la “neutralité" des propos professoraux.

Il en va de même pour le film. Si les propos des personnages ne portent pas vraiment à confusion et leurs seront attribués comme à n'importe quel interlocuteur, les commentaires et les voix off sont ambigus.

Une des options qui se présente alors est celle du professeur: jouer la neutralité et l'objectivité en n'exposant que des faits. C'est une position tenable et certainement la plus appropriée (quoi que) dans le cas de films à caractères épistémologiques ou documentaire. Mais attention cette position requière de n'être que factuelle ou logique et ne faire que dérouler une démonstration, or ceci est extrêmement difficile à faire. Cela implique de ne porter aucun jugement direct ou indirect sur la situation ou ce qui est exposé à la manière d'un logicien posant une démonstration. Il est fort probable que l'effet produit sur le spectateur tiendra de l'efficacité maximal si et seulement si le spectateur a tenu le coup et est resté jusqu'au bout, ce qui est nettement moins évidement.

L'alternative la plus crédible et sans doute la plus simple tout en restant consistante est d'assumer pleinement le propos et de faire en sorte que le spectateur comprenne que le commentaire reflète sans ambiguïté la pensée de l'auteur. C'est la solution que j'ai moins même adoptée dans le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils". Le commentaire et la voix off prennent alors le dessus sur l'ensemble des propos tenus par les personnages visibles à l'écran comme si le dialogue se faisait directement entre l'auteur et le spectateur. Cela peut se faire par le biais d'un témoignage: l'auteur relate des faits auxquels il n'a pas participé ou assisté mais dont le film apportera l'ensemble des éléments pour compléter ses dires ou bien transcrit une opinion directe sur ce que montre le film. La difficulté repose alors sur le fait de ne pas perdre le spectateur dans un discours trop général comme s'il assistait à une visite guidée non obligatoire ou bien à un propos qui ne l'intéresse tout simplement pas ou de tomber dans une intimité trop personnelle qui n'intéresse finalement que l'auteur lui-même.

Les autres options paraissent assez difficiles à tenir. Jouer la carte d'un point de vue abstrait est toujours litigieux car l'ambiguïté de l’origine amoindrie le propos et brouille la compréhension. La “petite voix" qui n'est personne tout en étant un personnage devient vie anecdotique. Le faux commentaire qui se veut objectif ou objectivant tout en portant des jugements les uns à la suite des autres sans véritable raisonnement digne de ce nom relève plus de la (mauvaise) propagande que du commentaire mais, hélas, c'est ce type que l'on croise le plus souvent dans des documentaires qui finissent plus comme de diatribes à charge que de véritables documentaires qui exposent, expliquent ou démontrent quelque chose.

Une dernière alternative est de ne pas mettre de commentaires et de laisser le spectateur le travail de la réflexion. Cela parait simple, simpliste voire facile, mais c'est au contraire la chose la plus difficile à faire car cela suppose qu'il y ait vraiment un film documentaire en face, c'est à dire des faits bruts, un agencement qui expose sans juger tout en menant à une conclusion que doit construire le spectateur et qui doit être compatible avec les propos de l'auteur. C'est la véritablement du cinéma documentaire, mais reste encore un idéal à atteindre...

Affiche pour le films “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils"

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Une affiche pour le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils".

real-fiction.com

dimanche 6 septembre 2009

Qu'est-ce que le cinéma? #2

Le terme ‘cinéma', en français, à strictement parler, ne signifie pas plus que l'enregistrement ou la projection d'une suite de vues donnant l'impression de mouvement (Trésor de la langue Française).

Le cinéma a à voir avec l'image. Nous l'avons déjà dit même s'il faut insister sur le sens large du terme image.

Mais si le cinéma n'est que l'enregistrement ou la restitution de vues pour donner l'impression de mouvement, la technique n'influe pas. Le cinéma se définie en terme fonctionnel, l'implémentation de cette fonction n'est que secondaire. Vous pouvez ainsi faire du cinéma avec un morceau de papier que vous bouger à la manière des flip books, ou bien en filmant en image par image des dessins ou des figurine à la manière du dessin animé ou du cinéma d'animation, ou en pellicule, ou en video, ou en numérique, ou par ordinateur, ou en 3D, ou n'importe comment, peu importe.

Que ces outils soient différents avec des contraintes et des possibilités différentes est un fait, qu'on puisse les utiliser de manières différentes est certain, mais cela ne définie pas le cinéma, mais des usages.

Une voiture, une calèche ou un semi-remorque sont des véhicules. Deux personnes conduiront différemment une même voiture, cela va de soit, mais cela ne permet pas d'inférer quoi que ce soit sur la voiture elle-même ni sur ce qu'est un véhicule.

On peut s'intéresser aux pratiques, en approuver ou en combattre, mais rien ne change à la question et aucune de ces approches ne permettra d'éclairer ce qu'est ou non le cinéma.

Ajoutons qu'il faut faire attention au langage, les mots ne suffisent pas à cacher une réalité: le découpage du monde en petites portions à coup de termes savant ne révèlent pas nécessairement des articulations au delà de celui qui les assène.

Restons à cette définition fonctionnelle: le cinéma est n'importe quoi qui enregistre ou restitue des images afin de donner une impression de mouvement. C'est une belle définition, simple, efficace et utile.

jeudi 3 septembre 2009

Qu'est-ce que le cinéma? #1

D'abord, qu'on se rassure, je ne répondrai pas à la question dans ce post.

“Une succession d'image en un certain ordre agencé en vue de produire chez un spectateur un certain état d'esprit" ou quelque chose comme ça. C'est vague et il le faut. Ce flou doit également empreindre chacun des termes. Par image, par exemple, il faut entendre également image sonore, sensitive, tactile, etc.

L'ordre est important mais pas suffisant. Il ouvre sur le montage mais il faudrait ajouter la notion de mouvement ou de consécution pour ne pas inclure un simple accrochage photographique: ici ce n'est pas le spectateur qui se déplace mais les images, l'ordre est dont imposé et la suite d'image devient une chaîne donc la concaténation (pour faire savant) rejointe la nécessité d'un enchaînement quasi-logique qui déroule une intention, une visée avec la force d'un raisonnement ou d'une démonstration. Cependant il n'y a rien de nécessaire sinon la contingence de cette intention, traduite plus ou moins parfaitement dans le montage, le rythme et le cadrage: certains y cherchent des règles, une logique ou une grammaire quand d'autres n'y revendiquent qu'un hasard ou un génie aveugle.

L'un des éléments important du cinéma ou du film (autre débat) est le spectateur. Je suis convaincu qu'une œuvre d'art ne peut en être une sans public, même potentiel, même hypothétique. Une œuvre d'art qui se voudrait inaccessible, incompréhensible, inatteignable, strictement autiste (car même dans la sphère privée il y a un public, évidemment) ne serait pas une œuvre d'art ou bien serait une œuvre d'art qui jouerait sur la notion de public ou d'interprétation mais toujours pour un public et une interprétation.

Cette conception de l'art et du cinéma est pragmatique, elle insiste sur l'art comme moyen d'expression et véhicule de sens, même s'il faut être particulièrement prudent sur ce point, et donc d‘œuvre comme signe (bien que je n'aime pas ce terrain glissant) au lieu d'y chercher une signification ontologique, un sens caché, perdu, enfouit, je serais plutôt du genre à mettre l'accent sur le fait qu'un signe n'est signe que parce qu'il est interprété comme tel, et donc que son interprétation, son décodage, son representamen plutôt que sur un sens pur et dur qui courrait dans le limbes d'un quelque troisième royaume. Abstrait certes mais pratique quand même.

Delà, j'ai également l'impression que la classification pour ne pas dire le dépeçage du cinéma en genres tient plus en une organisation de publics plutôt que de différences intrinsèques pures. Une même image peut dire différentes choses selon le point de vue adopter: un film peut être fiction d'un point de vue, documentaire de l'autre, expérimental d'un troisième, sans que cela ne lui enlève grand chose, bien au contraire.

La définition du cinéma doit donc inclure la notion de public. Cela devrait être une lapalissade.

lundi 31 août 2009

François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils



(bande d'annonce)

Un film de Benjamin Sylvand.

HDV, couleur, sonore, 55'55.



Ce film a été tourné à l'occasion du soixantième anniversaire du peintre François Sylvand et de ses quarante ans d'exposition.

real-fiction.com

vendredi 28 août 2009

La difficulté de l'image

L'image parait simple et facile, d'autant qu'il est maintenant possible d'en faire sans trop d'effort avec un appareil peu coûteux voire un simple téléphone portable.

Je suppose que la majorité de ceux qui font des images ne s'en rendent même pas ou plus compte. Une photo souvenir, une photo de famille, un MMS cela est devenu un reflex banal de nos jours et par conséquent on ne réfléchi par trop au statut de l'image ou à comment la faire, ce n'est pas plus mal et cela est sans doute généralisable à beaucoup d'activités liées aux évolutions technologiques.

Ce qui me surprend plus, en revanche est la réaction de ceux qui disent faire de l'image volontairement. Demandez à un photographe, un graphiste, ou un cinéaste (ou qui se revendique comme tel) de vous expliquer l'une de ses images. Vous aurez de grande chance de tomber une réponse du type: “une image vaut mille mots" suivi d'un silence embarrassé, et parfois cette réponse vaut mieux qu'un mauvais discours.

Je sais, l'attaque est basse et méchante et tôt auront conclus les pressés que je prends les photographes, les graphistes et les cinéastes pour des débiles écervelés. Outre que je ne me serais pas permis de limiter cet épithète à si peu, ce n'est pas vrai.

Seulement, déformation professionnelle oblige, il me paraît insensé et insoutenable de prôner une irresponsabilité de l'image. Lorsque quelqu'un dit quelque chose ou l'écrit, le minimum et de l'en tenir pour responsable et de lui demander des raisons et des explications au besoin. Il doit en aller de même pour l'image. La spontanéité et l'appel au génie aveugle est bon pour les prétentieux et les naïfs, mais ne suffit jamais à produire quoi que ce soit de bon.

Or cela suppose que faire une image, quelle que soit sa forme, s'apprend, se pratique et se réfléchi, et c'est loin d'être évident en pratique.

Lire une image est comme lire un texte. Qui ne sait pas lire un texte de philosophie le trouvera très rébarbatif et incompréhensible. Qui saura ce qu'il doit en attendre et y lire pourra le trouver passionnant. Idem pour une image.

Facile, me direz-vous, et comment lit-on une image alors?

Je conviens que comme pour la philosophie il n'existe pas de manuel tout fait, mais cela ne veut pas dire qu'il faille passer outre.

C'est pour cela que je pense qu'il est important de fournir des clés et de partager son expérience, c'est pour cela que j'organise cet atelier à l'ETNA. Ce n'est peut-être pas la solution optimum ou idéale, mais c'est un moyen pour essayer d'y remédier, modestement.

lien vers l'atelier

mercredi 12 août 2009

L'écriture documentaire

L'écriture documentaire, que ce soit pour un film ou tout autre support, est un exercice périlleux: il s'agit d'une part de laisser place au feu de l'action, contrairement à une fiction où l'ensemble des paramètres peuvent être contrôlés ou modifiés, sans se laisser aller à la dérive.

L'erreur serait d'écrire un documentaire comme on écrit un scénario, sur une trame narrative qui inévitablement mène sur le terrain de la fiction. Et si la fiction peut-être intéressante d'un point de vue ethnographique ou anthropologique elle l'est en tant qu'elle révèle, indirectement, les cadres de pensé et d'expérience de celui qui la fait. Or il semble que ce ne soit que rarement là l'intention de celui qui l'écrit.

L'écriture documentaire est plus proche du développement de la logique formelle que du roman. Elle doit suivre un fil argumentaire, le fil du raisonnement, le fil de la pensée. Pour cela, il faut penser et il faut argumenter, c'est-à-dire avoir quelque chose à dire et le démontrer. Cela peut-être fait de manière poétique ou littéraire, mais c'est alors une question de style, non de domaine.

Cela impose un travail sur le contexte avant le tournage, savoir ce que l'on veut dire, pourquoi, comment les choses fonctionnent a priori, ensuite il s'agit de tourner d'après ce cadre en fonction de ce qui se donne à tourner. Autrement dit il faut partir avec des hypothèses est chercher à les confirmer ou les infirmer sur le terrain. Ensuite, une fois cela fait, il faut recomposer clairement, au montage, le développement et l'exposition de l'argument avec les hypothèses et leurs valeurs, la conclusion suit si cela est bien fait. C'est ce qui reste à écrire, a posteriori, dans les commentaires.

Inutile donc de partir à fleur au canon en attendant de voir et d'être surpris par ce qui va se passer. Cette fausse attitude contemplative est naïve ou juste révélatrice d'une paraisse d'esprit. Partir avec un scénario tout écrit et bouclé est tout aussi inutile, mieux vaut alors tourner en décors artificiels au chaud, cela est bien plus pratique et en définitive certainement coûteux.

Réfléchir, agir, comprendre, exposer, c'est simplement ce qu'il faut faire.

Mais cela est valable pour tout.

lundi 20 juillet 2009

Profilmie et attitude devant la caméra

La profilmie est la modification de comportement induite par la présence de la caméra. Tout le monde sait qu'il perd son naturel devant un objectif, qui grimasse, qui essaie de se cacher derrière son ombre, qui crie, saute ou pleure.

Ces attitudes sont évidemment naturelle et se comprenne dans le jeu des cadres sociaux de représentation et de l'art de jouer des personnages en public, mais il reste que c'est le genre d'attitude que l'observateur souhaiterait mettre entre parenthèse ou éviter histoire de voir ce qui se passe “réellement" derrière ce masque. Réellement est ici mis entre guillemets car ce sont évidemment des comportements tout aussi réels que les autres et tout aussi intéressants à étudier.

Il y a deux grandes manière de lutter contre la profilmie: soit sur-jouer les comportements en la renforçant ou bien attendre que l'attention soit dissipée par autre chose que par la caméra.

La première option est celle du cinéma avec des acteurs et un scénario. La scène captée est préméditée et jouée volontairement pour la caméra, en ce sens tous les comportement captés sont profilmiques et recomposés de sorte que la présence de la caméra ne soit plus un problème ou un élément perturbateur mais au contraire la raison même d'être de ces comportements. Les résultats sont évidemment très bons lorsque les acteurs, le scénario et la prise de vue sont bons.

La seconde option, lorsqu'il n'est pas possible de faire jouer (et de surcroît rejouer les protagonistes) et lorsqu'on s'interdit de piéger ceux-ci par exemple avec de très longues focales de sorte à ce qu'ils ne sachent même pas qu'ils sont filmés, est de faire durer les prises de vue un tout petit plus longtemps que le temps estimé par le protagoniste de celles-ci. Je m'explique. Imaginons que vous soyez en train d'interviewer quelqu'un, vous laissez tourner la caméra avant et après le début et la fin “réelle" de l'interview et vous aurez des comportements très différents, parfois plus naturels. Dans des scènes de groupe la choses est également valable, souvent la dynamique de groupe met du temps à se mettre en place et ce sont ces moments là qui sont les plus intéressants pour l'observateur. Celui-ci doit donc être prêt à accepter d'aller au delà de son propre point de vue et de sa propre lassitude. En effet ce prolongement de la prise de vue est estimée en fonction d'une observation jugée “normale" par les protagonistes, c'est-à-dire le temps qu'ils estiment qu'un observateur quelconque, par exemple eux, prendrait dans des conditions quelconques d'observation. Temps qui sert par ailleurs au rôle d'acteur joué par le protagoniste en question, c'est-à-dire à l'attitude profilmique que l'on cherche justement à contrecarrer. Pour se faire donc il faut jouer le jeu du réalisateur-observateur en filmant ou prétendant filmer durant ce laps de temps et continuer au-delà. Étrangement ce dépassement de cadre ne fait généralement pas l'objet de protestations comme rupture du jeu de l'observateur et de l'observé mais rompt le jeu de l'acteur pour entamé celui du simple interlocuteur. Autrement dit au lieu d'accuser l'observateur de ne plus jouer le jeu, le protagoniste préfère abandonner l'attitude profilmique, sans pour autant ignorer soudainement qu'il est toujours filmé ou qu'il peut l'être.

Et c'est là que tout devient intéressant, mais il faut s'y préparer et c'est moins évidemment qu'il n'y parait...

vendredi 3 juillet 2009

Cinéma d'intrusion vs. d'observation

Le cinéma d'observation se contente de rester neutre par rapport à l'organisation des événements, un peu à la manière du reportage à la différence qu'ici c'est l'ensemble de l'organisation qui intéresse et non pas simplement ses points de rupture, autrement dit des événements à proprement parler, extraordinaire.

Le cinéma d'observation vise donc à la discrétion et à la mobilité et donc se doit d'être souple et léger.

Le réalisateur, souvent seul membre de l'équipe de tournage doit savoir ce qu'il filme ou ce qu'il veut filmer, ce qui implique un temps d'observation important pour s'imprégner et comprendre les cadres en jeu. Dans l'idéal cette période doit être relativement longue et en immersion dans le milieu, ce qui ne signifie pas nécessairement de “copiner" avec les agents mais de s'être fait voir d'eux au point d'être toléré. L'utilisation d'un outil est pour cela un facteur important d'interaction: l'appareil photographique, la caméra ou le crayon donnent une fonction à qui les porte et quelqu'un d'occupé est toujours mieux toléré qu'un simple contemplatif assez vite perçu comme un pervers ou un mystique. Il s'agit également de communiquer avec les agents en question, c'est-à-dire de ne pas se tenir à l'écart comme un chasseur devant sa proie, mais d'expliquer ce qu'on fait si on le demande.

Sur ce point il est également judicieux de rester relativement vague ou de raconter une histoire crédible aux yeux des agents observés sans nécessairement entrer dans les détails, surtout les concernant. Dire que l'on fait un documentaire ou un reportage sur la vie d'un village de campagne passe mieux que de dire que l'on fait l'observation des mœurs de ses habitants. Il est d'ailleurs courant d'observer que les agents sont plus prompts à donner des informations sur la communauté ou sur les autres que sur eux-mêmes, inutile donc d'affirmer ou de prétendre faire leur psychanalyse ou de les décortiquer comme des rats de laboratoire.

Le plan de tournage doit donc être clair mais assez souple pour tenir compte de ce qui est effectivement observer et non pas chercher à illustrer un propos a priori, chose fort aisée et simple tant une image peut dire tout et son contraire sous la contrainte.

Ce plan de tournage est un guide et un rail qui s'appuie sur l'observation préalable ou directe, mais alors avec plus de perte, et il est bon de se méfier des invitations à filmer. Souvent l'observé tient à jouer au réalisateur et essaie de forcer à tourner tel ou tel plan ou séquence qu'il juge intéressant. Il faut alors faire la part des choses entre le fantasme bien partagé de jouer au cinéaste et de croire qu'un plan peut être intéressant parce qu'on croit qu'il peut l'être et un plan effectivement intéressant parce qu'il s'inscrit dans une continuité filmique. D'autant que, lorsque qui est conseillé de filmé est intéressant, cela ressort souvent de l'extraordinaire ou de l'exception qui n'est pas nécessairement le plus intéressant.

Dans la même logique, mieux vaut ne pas trop montrer d'image ou de montage aux agents avant que le film ne soit effectivement construit et monté. Il faut montrer quelque chose pour contenir la frustration qui ne manquera pas d'apparaître, mais alors plutôt montrer ce que l'agent s'attend à voir que ce qu'on entend effectivement montrer. Cela permet d'éviter l'invitation à filmer qui devient vite exponentielle et surtout la profilmie (l'attitude induite par le fait que l'on est filmé) qui elle aussi a tendance à se renforcer au fur et à mesure où l'agent croit comprendre où va le film et donc à penser qu'il le maîtrise ou en est l'auteur.

Garder la maîtrise du tournage est capital, non seulement pour arriver au film planifié à l'origine mais aussi pour conserver sa fonction qui avait justement permis d'être accepté et toléré. Une fois que l'agent pense avoir pris la main alors il commence à considérer qu'il n'a plus besoin de vous ou à demander des contreparties qui font sortir du cadre de l'observation.

Le cinéma d'intrusion évite cela en soumettant l'agent filmé à sa volonté de manière claire et a priori. L'inconvénient est qu'aucun événement non planifié a priori par un scénario ne peut alors être filmé.

L'attitude du cinéaste d'observation est beaucoup moins simple et confortable qu'il n'y paraît, mais elle est essentielle pour parvenir justement à ce type de cinéma.

mardi 23 juin 2009

Cinéma vérité: la difficile position de l'observateur.

L'action de filmer est une interaction comme une autre. Lorsque vous entrez dans une boulangerie pleine de monde et que vous dites “bonjour" une partie de l'assemblée vous regarde et murmure quelque chose sans vraiment vous répondre. Vous venez de “casser" l'équilibre précaire des relations sociales.

La caméra, l'opérateur ou l'observateur agissent de la même manière quoi que l'analogie puisse être poussée jusqu'à la danse de l'éléphant dans un magasin de porcelaine sans trop tirer la caricature.

L'autre jour j'assistais au tournage d'une interview pour un film documentaire dans un petit local associatif. La débauche de moyen aurait sans doute fait sourire un Spielberg mais elle était déjà assez impressionnante compte tenu du lieu et des circonstances: une caméra beta sur trépied et moniteur de contrôle, trois postes d'éclairage, un preneur de son, un régisseur, un cadreur, un réalisateur et deux superviseurs, le tout dans une petite dizaine de mètres carrés au milieu d'une grande activité et, évidemment, pas mal de bruit. Ce dispositif en soi passerait (presque) pour léger en plein air ou au milieu d'un hall d'aéroport mais ici il occupait une bonne partie de la place disponible et obstruait les passages et circulations qu'empruntait les occupants du site. Ce type même de dispositif fait partie de ceux que je qualifie d'intrusif au sens où il est non seulement visible et vu par les protagonistes mais surtout qu'il perturbe fortement les interactions de ceux-ci. De cette manière il est évident que les images obtenues ne reflètent pas les interactions normales entre ces protagonistes et qu'elles ne peuvent être considérées comme des témoignages fiables ou valides de ces interactions.

J'ai eu l'occasion de filmer avec un dispositif beaucoup plus léger: une caméra, parfois sur trépied, avec un micro directionnel. La qualité du rendu est certes beaucoup moins flatteur, mais si ce dispositif est visible et vu, chose qui me paraît essentiel afin de ne par trahir la confiance avec les protagonistes (différences sans doute entre le reportage ou documentaire et le paparasisme) il est plus rapidement et facilement accepté par ceux-ci qui finissent alors par l'oublier jusqu'à laisser croire à l'observateur-opérateur qu'il a atteint son “nirvana": voir sans être vue ou devenir présent mais transparent.

Il serait cependant trompeur de croire que l'opérateur accepté ne déforme pas ou plus la “réalité" qu'il filme ou cherche à filmer. Le biais profilmique, c'est-à-dire la prise en compte par les protagonistes de la caméra et du fait qu'ils sont filmés dans leurs interactions est toujours là et bien présent, cependant il arrive parfois qu'il ne soit plus le centre de l'attention et c'est alors que l'opérateur a l'impression, sans doute à juste titre, d'avoir saisi un “morceau de réalité". Cela ne peut se faire que lorsque les protagonistes ont oubliés, pendant un instant la situation dans laquelle ils se trouvaient, et pour cela, inévitablement, il faut que le dispositif puisse se faire oublier.

La différence entre le “papararisme" et ce type de saisie par “acceptance" ressort dans les images: une image volée est fait indépendamment du fait qu'elle est saisie et donc elle sera floue, mal cadrée, parasitée par des éléments extérieurs au sujet principal et l'interaction des protagonistes ne prend pas en compte l'observateur ou son point de vue. En somme c'est comme si l'on montrait une bulle ou une bille pour en monter l'intérieur. Dans le processus par acceptance, la caméra ou le dispositif fait parti des interactions mais elle n'en est pas le centre d'intérêt, les images, sans nécessairement être de meilleure qualité, sont plus lisible et laisse apparaître le sujet de l'interaction filmée comme centrale.

Dans les cas où l'acceptance n'est pas possible ou que le dispositif est toujours trop encombrant pour être oublié il est possible de contourner le problème de l'incidence d'une profilmie trop importante en ayant recours à une reconstitution de l'interaction à filmer quitte à passer par la fiction. Mais ça sera l'objet d'une autre discussion.

jeudi 4 juin 2009

Philosophie et Design d'espace

Il y a philosophie et philosophie. Cette ambiguïté, pour ne pas dire confusion, perd certains qui se sentent obligés de faire “philosophie" comme je l'ai si joliment entendu au détour d'un couloir, au lieu de faire de la philosophie ou, plus simplement, de penser.

Il y a la philosophie auquel on veut sans cesse mettre un p majuscule, ce type de philosophie qui fait systématiquement dire à votre interlocuteur que vous devez être bien intelligent parce que vous en êtes diplômés et qui se sent soudain obligé de faire des phrases compliquées avec des mots obscurs.

Le gouffre entre la philosophie telle qu'on l'imagine, semble-t-il, ce genre de philosophie un peu poussiéreuse, très académique et bien compliquée et la philosophie plus terre-à-terre mais pragmatique qui n'est autre qu'une pensée claire, consistante et articulée est particulièrement frappant lorsque vous devez interroger un étudiant qui présente un travail visuel obligé de passé une épreuve portant ce nom.

La philosophie appliquée, c'est-à-dire la pensée en action, lorsqu'elle s'accroche ou s'attarde au design d'espace, n'a pas besoin de convoquer des noms anciens et illustres ou d'user un vocabulaire compliqué. La philosophie et l'architecture sont très proches et maintes philosophes, y compris Descartes et Wittgenstein, c'est dire, l'ont fait remarquer. Penser l'espace pour l'aménager oblige à un exercice de conception que les philosophes envient: il faut penser une structure, un contenant, l'agencer et le meubler, s'y déplacer en pensée mais surtout imaginer sa fonction, les flux et ses utilisations et le modifier au fur et à mesure de l'expérience de pensée pour l'améliorer et l'optimiser. Faire cela c'est se demander ce qu'est l'espace, comment s'y déplacer, se l'approprier, comment il vit, comment il s'articule, quelles sont ses faiblesses et ses limites, qu'est-ce qui en fait l'originalité, quelles sont ses relations avec les objets qu'il contient ou qu'il ne contient pas, quelle est son histoire et celle des éléments qu'il renferme, etc. etc.

Répondre à ces questions ne requière pas de culture spécifiquement philosophique mais de formuler et de considérer des problèmes qui n'en sont pas moins profonds et complexes, à ceci près qu'eux peuvent avoir une application plus immédiatement saisissable que d'autres.

Tout travail d'agencement de l'espace, quel qu'il soit, nécessite de répondre à ces questions, mis à part peut-être pour des capharnaüms sans nom, et encore.

Et si cela est vrai pour l'architecture il n'est pas difficile de comprendre que c'est valable pour à peu près tout le reste. En sommes un monsieur Jourdain philosophique qui arrête de penser de la sorte ne fait plus grand chose, peut-être ne peut-il même pas être mort...

Alors, de grâce, réfléchissez avant de baisser les bras et de débiter des inepties que vous-mêmes jugeriez creuses et fallacieuses...

vendredi 29 mai 2009

La différence comme marque de similitude.

L'anthropologie cherche à travers les différences les traits communs aux différentes cultures et finalement à l'Homme avec une majuscule. L'idée sous-jacente est bien qu'il n'y a qu'un seul et même Homme derrière chacun humain.

Mais si cette hypothèse est vraie alors la vérifier en cherchant un universel derrière chaque acte, chaque action, chaque outil, chaque objet ou chaque rite devient très compliqué. Le risque en effet est de tomber dans les pièges d'une mauvaise abstraction et dans le syndrome de Lichtenberg avec un couteau sans lame auquel il manque le manche.

Cette difficulté est l'un des paradoxes philosophiques de l'identité. Soit l'identité est une et deux choses identiques ne peuvent être distinguées ou bien elle est accidentelle et deux choses sont identiques parce qu'elles ne sont que similaires, c'est-à-dire qu'elles diffèrent par ailleurs.

L'idée d'une humanité une et unique est sans doute à comprendre en un sens théorique. En ce sens elle dit simplement que tous les hommes quels qu'ils soient procèdent de la même espèce et en ce sens ne sont pas distinguables et ne doivent pas l'être. C'est l'idée de la déclaration universelle des droits de l'Homme et c'est sur cette même conception que toute discrimination, quelle qu'elle soit entre des humains, sur quel critère que ce soit, est intolérable.

Mais d'un point de vue anthropologique ou de philosophie descriptive et non plus prescriptive ou normative, la question est différente. Considérer que tout est identique ou doit être identique revient à nier les différences qui justement sont des spécificités intéressantes. Si un classement est effectué sur cette base alors cette approche est condamnable, mais en revanche si elle considère que tout développement humain, quel qu'il soit, procède d'une même base, alors chacun apparaît comme un possible dans un menu rapporté à une fonction unique et spécifique. Une robe en peau de saumon, une tunique en plume, une robe à panier ou un blue-jean ne sont que des choix possibles parmi le menu des vêtements eux-mêmes pensés comme une fonction biologique de protection et un usage social.

Les différences en ce sens sont des enrichissements, des développements qui permettent de cartographier les possibles humains et à partir de là faire apparaître des invariants ou au moins des pondérations qui permettraient, en négatifs de comprendre l'ampleur et la profondeur de la géographie mentale humaine.

L'idée, en définitive est la même, au lieu de partir du général bien difficile à définir a priori à particulier du particulier, on part du particulier pour déterminer le général. C'est dans le fond la fonction d'un musée ethnographique ou d'une enquête de terrain. Avec la restriction que le général ainsi déduit ne devient pas catégorique et ne détermine pas essentiellement l’espèce humaine, mais devient un outil d'affinement progressif d'un portrait de l'Homme. Cultiver la différence c'est en somme cultiver toute la créativité humaine et enrichir les possibles contre une uniformisation radicale appelée par une compréhension naïve car compréhensive des propriétés. Cette uniformisation est logique et confortable (qui n'a pas de blue-jean sans sa garde-robe) mais appauvrit considérablement, à terme, notre savoir sur nous-mêmes.

C'est pour cela qu'il faut garder traces de toutes les différences, les cultiver mais aussi et surtout prendre le temps de les observer, de les contempler et de les comprendre. Finalement, ce qui rend similaire chaque Homme c'est que chacun est différent et unique.

dimanche 24 mai 2009

Cinéma d'observation

L'image peut servir à plusieurs fins. Elle peut, entre autres, servir à illustrer, à exposer ou à révéler.

Ces trois fonctions, qui n'épuisent pas toute l'image, supposent toutes trois une idée qui les soutienne.
Dans l'illustration l'idée est déjà exposée indépendamment de l'image qui n'est là qu'en redondance.
Dans l'exposition l'image soutient l'idée et la montrant sous un angle différent afin d'en permettre la saisie.
Dans le cas de la révélation, l'image est nécessaire à la saisie de l'idée qui ne se manifeste que par elle, complètement ou partiellement.

Le film ethnographique et documentaire utilise l'image comme révélateur, car si c'est bien une idée et une certaine compréhension de ce qui est filmé qui guide la prise de vue (l'angle, le cadrage, l'exposition, etc.) ce n'est qu'avec l'image que l'opérateur sait si son hypothèse de travail était correcte ou non et si ses parti-pris de prise de vue convenables et pertinents.

Cela suppose que l'image donne à voir quelque chose que l'on soupçonne ou que l'on attend sans savoir a priori si elle va le faire ou non. Contrairement à une mise en scène ou à une reconstitution, possible dans les deux autres types d'image.

L'image n'est donc pas une fin ou un aboutissement de l'exposé d'une idée mais bien le commencement d'un travail de défrichage, d'analyse et d'interprétation de l'image pour y trouver la manifestation d'une idée que le montage aidé parfois d'un commentaire permettra de mettre à jour.

L'image devient risquée puisqu'elle peut ne rien révéler du tout soit que l'idée n'apparaît pas (si elle existe) ou bien que les hypothèses de travail étaient fausses ou mal étayées ce qui peut se voir dans la prise de vue (cadrage, axe, angle...) qui en brouille la lecture.

Une image peut dire beaucoup de chose pour peu qu'elle soit lue avec finesse. L'information qu'on peut en tirer est aussi riche qu'un texte démonstratif, mais tout comme les textes scientifiques et ardus l'image est difficile à lire. Il fait la décortiquer, l'analyser, l'interpréter.

L'interprétation prête le flanc à la critique. On se demande si les commentaires de “Dead Birds" rendent effectivement compte de ce que pensent les acteurs. Mais cet engagement est indispensable et, comme dans toute étude réfléchie, l'interprétation, si elle est bien faite, doit toujours rester compatible avec toutes les autres et avec les faits.

Réaliser des images à caractère révélateur, des images d'investigation suppose donc de suivre les prémisses et l’ébauche d'un raisonnement tout en essayant à travers la prise de vue d'en tirer des éléments qui l'étayeront, le révéleront ou bien donneront des indications sur l'interprétation qu'il faudra en faire a posteriori. Le tournage d'un tel film ne peut donc se faire sur la base d'un scénario à proprement parler puisque rien n'est écrit de manière prévisible et assurée de sorte à pouvoir prédire ou anticiper la prise de vue, mais sur la base d'un plan basé sur des hypothèses qu'il s'agira de vérifier en direct et de moduler le cas échéant.

Ces contraintes sont peu compatibles avec une équipe large puisque la réactivité doit être totale mais plus encore le tournage doit se déterminer en fonction de ce qui se passe. L'opérateur image ne peut donc difficilement être différent du réalisateur à moins de supposer une connivence très forte entre les deux. Cependant, le fait que l'opérateur soit celui qui valide les hypothèses et qui conduira l'interprétation est beaucoup plus aisé et facile, puisque cela lui permet d'un même point de vue de conduire ces deux tâches.

L'inconvénient étant évidemment que le réalisateur doit être opérateur et donc connaître l'image et la technique de la prise de vue et du matériel employé tout en connaissant les méthodes d'interprétation et de lecture d'image si bien qu'il puisse remplir les deux tâches simultanément sans en parasiter aucune. Ces qualités sont déjà rares l'une et l'autre pour trouver les deux dans le même individu, mais cela arrive, heureusement.

Le son est un élément important et la prise de son peut se faire ou bien de manière directe avec une caméra équipée ou bien par un preneur de son distinct de l'opérateur image. Si le preneur de son connaît bien son métier il pourra suivre les protagonistes et l'action en l'anticipant plus facilement que l'opérateur image.

L'équipe de captation idéale donc se compose de deux membres: un opérateur réalisateur et un preneur de son, éventuels assistés pour le matériel, mais une équipe légère est moins intrusive et produit de meilleurs résultats.

Mais évidemment rien ne remplace l'idée et l'échafaudage des hypothèses et la présence d'esprit de leur validation, confirmation, infirmation et de réactivité lors de la prise de vue.

L'idée reste donc la clé maîtresse de toute image.