mardi 8 décembre 2009

De l'effritement social.

L'effritement social est un chiffon rouge agité depuis la fameuse “fracture". Les jeunes contre les vieux, les actifs contre les assistés, les autochtones contre les intrus, les noirs contre les rouges, et j'en passe des dichotomies de cet acabit, des pires et des meilleures.

Mais avec le temps, est-ce par habitude, lassitude ou réalité, l'émiettement prend de plus en plus de consistance.

La réalité est qu'à force de dire que l'on s'oppose à quelque chose, même inconsciemment, et bien cela donne le droit de s'opposer. Mais non pas (ou plus) avec des mots mais avec des gestes, ou plutôt des attitudes, en particulière l'indifférence. Ah quoi bon parler d'un homme qui crève dans le caniveau, cela ne scandalise plus, l'émeu plus, mais pire encore, ne fait plus réagir. Simplement parce que la force et la volonté ne sont plus là. Qu'ils s'en mettent plein les poches ou qu'ils crèvent c'est la même chose. Plus de destin, plus de dessein, plus de responsabilité.

Pendant ce temps s'ils pensent faire ce qu'ils veulent serait trompeur et une bien grave erreur.

Quelques détails qui manifestent ces fêlures: l'entraide est moins franche qu'avant. Un idiot qui avait cru bon prendre la parole alors qu'il aurait mieux fait de se taire est maintenant traîné en diffamation, il vient demander de l'aide à qui soutenait la cause pour laquelle il s'égosillait et on lui tourne le dos. Tant pis pour lui. La mémé qui revient parce qu'elle a un peu de mal à finir son mois, on lui rappelle sèchement ses dires d'il y a quelques années lorsque les jeunes n'avaient qu'à bosser au lieu de perdre leur temps au chômage. Le patron qui se plaint de la baisse des rentrées d'argent et du comportement des clients et en profite pour faire serrer un peu plus la ceinture et exiger plus reçoit des démissions en retour. Non, l'emploi ne fait plus rêver. Travailler plus pour gagner plus, non, ce n'était pas le credo. Travailler pour être un peu heureux, oui peut-être et plus que de l'argent c'est de reconnaissance qu'il manque, mais maintenant c'est trop tard. Comme une mayonnaise qui ne prend pas, chacun retourne dans son coin et reprend ces billes. Que la boite dusse fermer? Qu'importe. Si les patrons savent si bien, qu'ils agissent maintenant.

Le semblant de liant qui reste est sous perfusion. Enlever les câbles et les drains et tout part à veaux l'eau. Même pour une épidémie de grippe on arrive à faire dire que les médecins ne sont pas compétents. A quoi bon alors.

Mais attention, à un certain stade, même payer des impôts ou cette dette qui nous croule sans que nous n'en tirons bénéfice nous paraîtra quelque chose d'inutile.

Il voulait nous vendre du rêve et c'est de la désillusion du vent que l'on récolte.

Ce qui me rassure et de voir des gens en CDI depuis des années rendre leur tablier rien que pour goûter un peu à la liberté. Le patron vient le voir en lui disant “mais que vais-je faire sans toi?", en se posant la question à lui-même il se rend compte qu'il n'en avait pas besoin.

Tout comme c'est le peuple qui tient le politique, c'est l'employer qui tient le patron. Espérons pour eux que l'écran reste encore un peu opaque.