mercredi 23 septembre 2009

Les mots sont parfois trompeurs.

'Philosophie', voilà un mot qui fait peur. Contrairement peut-être au terme ‘sémiologie' qui lui est inconnu.

Quand je dis que le terme ‘philosophie' fait peur, je réfère à l'attitude des étudiants lorsqu'ils sont confrontés au premier cours et je prends comme un compliment la remarque d'un étudiant qui me dit en rigolant, mais un peu gêné, “monsieur, on est un peu surpris parce qu'on ne pensait pas que la philo c'était ça". Il faut dire que je venais que leur donner comme sujet “qu'est-ce qu'une porte?". Cela peut sembler étrange comme ça, mais comme ils sont en design d'espace je ne pense pas que cela fasse vraiment de mal de se pencher avec un peu de sérieux sur la question. Mais sa remarque, du moins telle que je l'ai compris et pris, n'était pas agressive, juste un constat avec même un soupçon qui n'était pas de déplaisir.

Pourquoi lorsque l'on parle de philosophie il faudrait à chaque fois déterrer Kant? Bien que je considère la Critique de la Raison Pure comme un véritable chef d'œuvre, je crois sincèrement qu'avant d'y comprendre quoi que ce soi il n'est pas mauvais de commencer par des choses plus triviales, juste histoire de pratiquer un peu le bon sens pour voir s'il est aussi bien partager que ça.

Peut-être n'est-ce qu'une question de terme et une querelle de mots. Peut-être que “philosophie" est un peu trop pompeux pour ce qu'on exige réellement d'étudiants en BTS de design d'espace, de mode ou de communication visuelle. Après tout ce qu'on leur demande c'est simplement de réfléchir, d'être capables de jouer au jeu des raisons, des cohérents, consistants, rationnels et raisonnables et en plus, d'être pratiques. Je n'exige rien de plus d'un étudiant en design d'espace qu'il conçoive clairement un espace, ses circulations, ses orientations, ses fonctions, son ergonomie, les possibles de vie et d'appropriation d'un agent. Rien de plus. Pour cela la question d'une porte n'est pas impertinente et même plus devient centrale et nécessaire. Une porte cela peut-être beaucoup de chose me dit une étudiante, une autre me demande si une porte peut-être métaphorique. Sans doute, sans doute. Les premiers pas dans la pensée, aussi incertains que ceux d'un nouveau né, tout commencement doit avoir un début.

D'aucuns diront que ce n'est pas ça la philosophie mais ils ne se mouilleront pas à l'enseigner ici, d'autres diront que ce n'est que ça et n'en feront pas ailleurs. Peu importe du moment que cela mène quelque part...

Quelqu'un que se questionne sur ce qu'est une porte sera me surprendre avec et cela fera un bon designer d'espace...

dimanche 20 septembre 2009

La presse en parle: “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils"

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(cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans Le Progrès du 18 septembre 2009, à propos de l'exposition de François Sylvand au Palais Episcopal de Belley et du film présenté à cette occasion “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils".

dimanche 13 septembre 2009

La question du commentaire dans le film.

Le commentaire est une partie difficile du film, en premier lieu, en ce qui concerne sa position. Qui parle? Comment? pourquoi? Ces questions sont non seulement légitimes mais de leurs réponses dépendent l'interprétation même du film.

Par défaut si l'on peut dire, un interlocuteur part du principe que l'échange auquel il participe consiste en une série d'opinion et de position prise face au monde et aux événements qui le compose. Donc, l'interlocuteur en question part du principe que tout ce qui est dit reflète la position de celui qui le dit comme son propre point de vue ou un point de vue qu'il adopte et auquel il adhère, un peu comme s'il transcrivait l'ensemble des propos qu'il entend en les préfixant d'un ‘je crois que"x"' ou sous une forme indirecte, ce qui ne change pas grand chose sinon complexifie un peu plus la relation “si l'interlocteur I exprime x, alors I accepte que x".

Ce formalisme pourra paraître un peu byzantin mais il ne l'est pas, bien au contraire. Il montre un trait caractéristique humain qui pense avant tout de manière pragmatique en vue d'une action et d'un but et par conséquent pour qui l'explication ou l'exposition est moins évidente et prépondérante que la détermination et l'expression. De ce trait découle le fait que l'ensemble de ce qui est dit sera attribué à son auteur ou si celui-ci n'est pas clairement ou immédiatement identifiable à celui qui l'exprime. L'un des exemples paradigmatique est celui du professeur (et particulièrement de philosophie) qui expose un fait, une hypothèse ou la pensée d'un auteur et l'élève qui s'emporte en l'attribuant au professeur ou, et c'est plus souvent le cas en sanctionnant le cours d'un “mais, et vous, qu'elle est votre opinion sur la question?" ne supportant pas la “neutralité" des propos professoraux.

Il en va de même pour le film. Si les propos des personnages ne portent pas vraiment à confusion et leurs seront attribués comme à n'importe quel interlocuteur, les commentaires et les voix off sont ambigus.

Une des options qui se présente alors est celle du professeur: jouer la neutralité et l'objectivité en n'exposant que des faits. C'est une position tenable et certainement la plus appropriée (quoi que) dans le cas de films à caractères épistémologiques ou documentaire. Mais attention cette position requière de n'être que factuelle ou logique et ne faire que dérouler une démonstration, or ceci est extrêmement difficile à faire. Cela implique de ne porter aucun jugement direct ou indirect sur la situation ou ce qui est exposé à la manière d'un logicien posant une démonstration. Il est fort probable que l'effet produit sur le spectateur tiendra de l'efficacité maximal si et seulement si le spectateur a tenu le coup et est resté jusqu'au bout, ce qui est nettement moins évidement.

L'alternative la plus crédible et sans doute la plus simple tout en restant consistante est d'assumer pleinement le propos et de faire en sorte que le spectateur comprenne que le commentaire reflète sans ambiguïté la pensée de l'auteur. C'est la solution que j'ai moins même adoptée dans le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils". Le commentaire et la voix off prennent alors le dessus sur l'ensemble des propos tenus par les personnages visibles à l'écran comme si le dialogue se faisait directement entre l'auteur et le spectateur. Cela peut se faire par le biais d'un témoignage: l'auteur relate des faits auxquels il n'a pas participé ou assisté mais dont le film apportera l'ensemble des éléments pour compléter ses dires ou bien transcrit une opinion directe sur ce que montre le film. La difficulté repose alors sur le fait de ne pas perdre le spectateur dans un discours trop général comme s'il assistait à une visite guidée non obligatoire ou bien à un propos qui ne l'intéresse tout simplement pas ou de tomber dans une intimité trop personnelle qui n'intéresse finalement que l'auteur lui-même.

Les autres options paraissent assez difficiles à tenir. Jouer la carte d'un point de vue abstrait est toujours litigieux car l'ambiguïté de l’origine amoindrie le propos et brouille la compréhension. La “petite voix" qui n'est personne tout en étant un personnage devient vie anecdotique. Le faux commentaire qui se veut objectif ou objectivant tout en portant des jugements les uns à la suite des autres sans véritable raisonnement digne de ce nom relève plus de la (mauvaise) propagande que du commentaire mais, hélas, c'est ce type que l'on croise le plus souvent dans des documentaires qui finissent plus comme de diatribes à charge que de véritables documentaires qui exposent, expliquent ou démontrent quelque chose.

Une dernière alternative est de ne pas mettre de commentaires et de laisser le spectateur le travail de la réflexion. Cela parait simple, simpliste voire facile, mais c'est au contraire la chose la plus difficile à faire car cela suppose qu'il y ait vraiment un film documentaire en face, c'est à dire des faits bruts, un agencement qui expose sans juger tout en menant à une conclusion que doit construire le spectateur et qui doit être compatible avec les propos de l'auteur. C'est la véritablement du cinéma documentaire, mais reste encore un idéal à atteindre...

Affiche pour le films “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils"

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Une affiche pour le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils".

real-fiction.com

dimanche 6 septembre 2009

Qu'est-ce que le cinéma? #2

Le terme ‘cinéma', en français, à strictement parler, ne signifie pas plus que l'enregistrement ou la projection d'une suite de vues donnant l'impression de mouvement (Trésor de la langue Française).

Le cinéma a à voir avec l'image. Nous l'avons déjà dit même s'il faut insister sur le sens large du terme image.

Mais si le cinéma n'est que l'enregistrement ou la restitution de vues pour donner l'impression de mouvement, la technique n'influe pas. Le cinéma se définie en terme fonctionnel, l'implémentation de cette fonction n'est que secondaire. Vous pouvez ainsi faire du cinéma avec un morceau de papier que vous bouger à la manière des flip books, ou bien en filmant en image par image des dessins ou des figurine à la manière du dessin animé ou du cinéma d'animation, ou en pellicule, ou en video, ou en numérique, ou par ordinateur, ou en 3D, ou n'importe comment, peu importe.

Que ces outils soient différents avec des contraintes et des possibilités différentes est un fait, qu'on puisse les utiliser de manières différentes est certain, mais cela ne définie pas le cinéma, mais des usages.

Une voiture, une calèche ou un semi-remorque sont des véhicules. Deux personnes conduiront différemment une même voiture, cela va de soit, mais cela ne permet pas d'inférer quoi que ce soit sur la voiture elle-même ni sur ce qu'est un véhicule.

On peut s'intéresser aux pratiques, en approuver ou en combattre, mais rien ne change à la question et aucune de ces approches ne permettra d'éclairer ce qu'est ou non le cinéma.

Ajoutons qu'il faut faire attention au langage, les mots ne suffisent pas à cacher une réalité: le découpage du monde en petites portions à coup de termes savant ne révèlent pas nécessairement des articulations au delà de celui qui les assène.

Restons à cette définition fonctionnelle: le cinéma est n'importe quoi qui enregistre ou restitue des images afin de donner une impression de mouvement. C'est une belle définition, simple, efficace et utile.

jeudi 3 septembre 2009

Qu'est-ce que le cinéma? #1

D'abord, qu'on se rassure, je ne répondrai pas à la question dans ce post.

“Une succession d'image en un certain ordre agencé en vue de produire chez un spectateur un certain état d'esprit" ou quelque chose comme ça. C'est vague et il le faut. Ce flou doit également empreindre chacun des termes. Par image, par exemple, il faut entendre également image sonore, sensitive, tactile, etc.

L'ordre est important mais pas suffisant. Il ouvre sur le montage mais il faudrait ajouter la notion de mouvement ou de consécution pour ne pas inclure un simple accrochage photographique: ici ce n'est pas le spectateur qui se déplace mais les images, l'ordre est dont imposé et la suite d'image devient une chaîne donc la concaténation (pour faire savant) rejointe la nécessité d'un enchaînement quasi-logique qui déroule une intention, une visée avec la force d'un raisonnement ou d'une démonstration. Cependant il n'y a rien de nécessaire sinon la contingence de cette intention, traduite plus ou moins parfaitement dans le montage, le rythme et le cadrage: certains y cherchent des règles, une logique ou une grammaire quand d'autres n'y revendiquent qu'un hasard ou un génie aveugle.

L'un des éléments important du cinéma ou du film (autre débat) est le spectateur. Je suis convaincu qu'une œuvre d'art ne peut en être une sans public, même potentiel, même hypothétique. Une œuvre d'art qui se voudrait inaccessible, incompréhensible, inatteignable, strictement autiste (car même dans la sphère privée il y a un public, évidemment) ne serait pas une œuvre d'art ou bien serait une œuvre d'art qui jouerait sur la notion de public ou d'interprétation mais toujours pour un public et une interprétation.

Cette conception de l'art et du cinéma est pragmatique, elle insiste sur l'art comme moyen d'expression et véhicule de sens, même s'il faut être particulièrement prudent sur ce point, et donc d‘œuvre comme signe (bien que je n'aime pas ce terrain glissant) au lieu d'y chercher une signification ontologique, un sens caché, perdu, enfouit, je serais plutôt du genre à mettre l'accent sur le fait qu'un signe n'est signe que parce qu'il est interprété comme tel, et donc que son interprétation, son décodage, son representamen plutôt que sur un sens pur et dur qui courrait dans le limbes d'un quelque troisième royaume. Abstrait certes mais pratique quand même.

Delà, j'ai également l'impression que la classification pour ne pas dire le dépeçage du cinéma en genres tient plus en une organisation de publics plutôt que de différences intrinsèques pures. Une même image peut dire différentes choses selon le point de vue adopter: un film peut être fiction d'un point de vue, documentaire de l'autre, expérimental d'un troisième, sans que cela ne lui enlève grand chose, bien au contraire.

La définition du cinéma doit donc inclure la notion de public. Cela devrait être une lapalissade.