dimanche 13 septembre 2009

La question du commentaire dans le film.

Le commentaire est une partie difficile du film, en premier lieu, en ce qui concerne sa position. Qui parle? Comment? pourquoi? Ces questions sont non seulement légitimes mais de leurs réponses dépendent l'interprétation même du film.

Par défaut si l'on peut dire, un interlocuteur part du principe que l'échange auquel il participe consiste en une série d'opinion et de position prise face au monde et aux événements qui le compose. Donc, l'interlocuteur en question part du principe que tout ce qui est dit reflète la position de celui qui le dit comme son propre point de vue ou un point de vue qu'il adopte et auquel il adhère, un peu comme s'il transcrivait l'ensemble des propos qu'il entend en les préfixant d'un ‘je crois que"x"' ou sous une forme indirecte, ce qui ne change pas grand chose sinon complexifie un peu plus la relation “si l'interlocteur I exprime x, alors I accepte que x".

Ce formalisme pourra paraître un peu byzantin mais il ne l'est pas, bien au contraire. Il montre un trait caractéristique humain qui pense avant tout de manière pragmatique en vue d'une action et d'un but et par conséquent pour qui l'explication ou l'exposition est moins évidente et prépondérante que la détermination et l'expression. De ce trait découle le fait que l'ensemble de ce qui est dit sera attribué à son auteur ou si celui-ci n'est pas clairement ou immédiatement identifiable à celui qui l'exprime. L'un des exemples paradigmatique est celui du professeur (et particulièrement de philosophie) qui expose un fait, une hypothèse ou la pensée d'un auteur et l'élève qui s'emporte en l'attribuant au professeur ou, et c'est plus souvent le cas en sanctionnant le cours d'un “mais, et vous, qu'elle est votre opinion sur la question?" ne supportant pas la “neutralité" des propos professoraux.

Il en va de même pour le film. Si les propos des personnages ne portent pas vraiment à confusion et leurs seront attribués comme à n'importe quel interlocuteur, les commentaires et les voix off sont ambigus.

Une des options qui se présente alors est celle du professeur: jouer la neutralité et l'objectivité en n'exposant que des faits. C'est une position tenable et certainement la plus appropriée (quoi que) dans le cas de films à caractères épistémologiques ou documentaire. Mais attention cette position requière de n'être que factuelle ou logique et ne faire que dérouler une démonstration, or ceci est extrêmement difficile à faire. Cela implique de ne porter aucun jugement direct ou indirect sur la situation ou ce qui est exposé à la manière d'un logicien posant une démonstration. Il est fort probable que l'effet produit sur le spectateur tiendra de l'efficacité maximal si et seulement si le spectateur a tenu le coup et est resté jusqu'au bout, ce qui est nettement moins évidement.

L'alternative la plus crédible et sans doute la plus simple tout en restant consistante est d'assumer pleinement le propos et de faire en sorte que le spectateur comprenne que le commentaire reflète sans ambiguïté la pensée de l'auteur. C'est la solution que j'ai moins même adoptée dans le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils". Le commentaire et la voix off prennent alors le dessus sur l'ensemble des propos tenus par les personnages visibles à l'écran comme si le dialogue se faisait directement entre l'auteur et le spectateur. Cela peut se faire par le biais d'un témoignage: l'auteur relate des faits auxquels il n'a pas participé ou assisté mais dont le film apportera l'ensemble des éléments pour compléter ses dires ou bien transcrit une opinion directe sur ce que montre le film. La difficulté repose alors sur le fait de ne pas perdre le spectateur dans un discours trop général comme s'il assistait à une visite guidée non obligatoire ou bien à un propos qui ne l'intéresse tout simplement pas ou de tomber dans une intimité trop personnelle qui n'intéresse finalement que l'auteur lui-même.

Les autres options paraissent assez difficiles à tenir. Jouer la carte d'un point de vue abstrait est toujours litigieux car l'ambiguïté de l’origine amoindrie le propos et brouille la compréhension. La “petite voix" qui n'est personne tout en étant un personnage devient vie anecdotique. Le faux commentaire qui se veut objectif ou objectivant tout en portant des jugements les uns à la suite des autres sans véritable raisonnement digne de ce nom relève plus de la (mauvaise) propagande que du commentaire mais, hélas, c'est ce type que l'on croise le plus souvent dans des documentaires qui finissent plus comme de diatribes à charge que de véritables documentaires qui exposent, expliquent ou démontrent quelque chose.

Une dernière alternative est de ne pas mettre de commentaires et de laisser le spectateur le travail de la réflexion. Cela parait simple, simpliste voire facile, mais c'est au contraire la chose la plus difficile à faire car cela suppose qu'il y ait vraiment un film documentaire en face, c'est à dire des faits bruts, un agencement qui expose sans juger tout en menant à une conclusion que doit construire le spectateur et qui doit être compatible avec les propos de l'auteur. C'est la véritablement du cinéma documentaire, mais reste encore un idéal à atteindre...

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