jeudi 28 février 2008

La politique n'est pas une science.

Le pouvoir d'achat a-t-il ou non baissé? Querelle de chiffres. Mais les chiffres ne régleront rien à la politique. La question n'est pas de savoir si la plaquette de beurre a augmenté de 15% ou 40%, le problème est d'une part qu'il ait augmenté et d'autre part que l'opinion publique ait l'impression qu'il ait augmenté. La différence entre l'arithmétique et la politique est que l'impression ne fausse les chiffres que dans la seconde. Relisez Machiavel, son conseil au politique est simple: faites peu et promettrez beaucoup. Mais il faudrait tout de même pas oublier qu'une impression se base quand même sur quelque chose. Ne rien faire du tout ne fera jamais une bonne promesse...

Or l'impression est là et bien là, le coût de la vie à augmenté en France. Alors évidemment on peut disserter beaucoup sur ce qu'est le coût de la vie. Mais peut suffit. Il suffit d'aller à la boulangerie ou acheter une plaquette de beurre pour voir que les prix sont plus élevés. Mais par rapport à quoi? Par rapport à l'impression que l'on avait de pouvoir se les payer.
Alors évidemment tout cela est éminemment subjectif et ce qui influe peut-être le plus dans ce domaine est non pas l'impression diachronique c'est-à-dire l'évolution de son propre pouvoir d'achat dans le temps, mais synchronique, par rapport au pouvoir d'achat des autres. Les riches donnent l'impression d'être plus riches et les pauvres moins pauvres ou du moins plus soutenus, en particulier avec l'augmentation du SMIC. L'idée insupportable pour un citoyen est de croire qu'il évolue plus vers le bas que vers le haut, plus vers la pauvreté que vers la richesse. C'est cela le plus insupportable.

Ne cherchez pas à justifier cela ou d'y trouver une raison. C'est comme ça et ce que doit faire le politique c'est inverser cette impression. Inverser cette impression ne veut pas nécessairement faire que les raisons changent mais que ce sentiment change. Un leader est celui qui sait redonner confiance en ses hommes alors que la situation est critique.

Le travail de leader est compliqué. Il faut que le leader s'efface derrière ses hommes qui ne pense à lui qu'après avoir pensé à eux, qui ne montre ni ses failles ni ses faiblesses mais qu'il donne l'impression qu'il est ce que fait le groupe, sa synthèse en somme. Cela demande de l'abnégation, du calcul et beaucoup de travail, en particulier d'attention, mais aussi de modestie et de clarté. Donner un but au groupe de sorte que le groupe est l'impression que cela vient de lui et que ça le lui est révélé par son leader, et alors seulement le groupe ira et réussira. L'impression est tout et c'est le plus difficile.

C'est clair, c'est simple mais difficile.

Le moral des Français aujourd'hui est encore au plus bas....

lundi 25 février 2008

La connerie, la chose la mieux partagée....

Un salon de l'agriculture, un homme avec une saharienne beige, un président de la République, un “casse toi pauvre con" répliqué à un “ne me touche pas, tu me salies". Alors on crie. On crie que c'est sociologique, que tous le monde est comme ça et que seuls les arriérés soutiennent encore qu'on pourrait se serrer la main après une altercation ou que le silence est encore l'insulte la plus virulente.

Sauvez à tout prix les apparences même si elles ne sont pas très belles.

On nous avait promis du nouveau dans la vie politique française. Les utopistes se sont dit: chic, du sang neuf! Et bien mal leur en a pris, non, attente déçue. Du changement voulait simplement dire qu'on ravalerait de l'ancien et qu'on meublerait du Haussmann avec du But sous prétexte que ça fait plus jeune. Le jeunisme par des vieux s'appelle du gâtisme.

On s'était félicité du regain d'intérêt des français pour la politique, leurs activités dans les forum, groupes de discussions et leur présence aux urnes. Un sociologue aurait pu croire que le citoyen était en train de prendre en main son mal de vivre social et qu'une révolution sereine se mettait en place. Le fait est qu'on ne le saura pas encore. Non. Cacher à tout prix les problèmes et taire les enjeux. Au lieu de parler de l'écologie, de l'économie et de la vie réelle on a préféré l'option showbizz qui consiste à crier plus fort quand on nous entend pas plutôt que de répéter plus calmement ou d'expliquer plus en détail.

La politique en tant que chose publique est devenue une espèce de long épisode de reality show où on fini par se divertir de la dernière prise de pied dans le tapis ou de bec dans les allées du salon de l'agriculture. Pathétique. Certes. Mais notez que le changement ne vient pas non plus, ni d'un côté ni de l'autre.

Cela rappelle le sursaut promis par France Télécom à propos du Minitel lorsqu'il était mis à mal par l'arrivé de l'Internet et en particulier des écrans couleurs. Le PDG avait alors annoncé la “révolution", le “changement": Minitel serait maintenant en couleur! Le client pouvait maintenant choisir dans une gamme de 5 coloris celui qu'il voudrait pour son écran. L'affichage étant lui toujours monochrome...

Mais bon, au lieu de chercher à réfléchir au changement réel, fondamental, capital qu'il faudrait, on préfère jouer à ce jeu. La flemmardise est encore la chose la mieux partagée, à moins que ce ne soit la connerie. Le président donne l'exemple paraît-il...

dimanche 24 février 2008

OGM: bien ou mal?

Faut-il craindre les OGM et autres manipulations du génome? Le clonage est-il dérive? Est-ce nécessaire, inévitable ou à bannir?

Ces questions sont d'actualité et leur trouver une réponse est l'un des enjeux de notre époque.

Certains rejettent les OGM au nom de l'écologie. Cela pose la question de ce qui est écologique ou non. Je ne suis pas certain que beaucoup des espèces élevées de nos jours soient réellement naturelles. Une bonne partie d'en elles proviennent en effet de croisements provoqués par l'Homme dans le but l'optimiser certaines qualités, que ce soit la quantité de lait, de viande, la vitesse ou la robustesse de l'animal. Ces pratiques sont autant de modifications des espèces, en particulier génétiquement. Le fait d'apprivoiser et d'élever des espèces appartient également au répertoire des modifications. Modifier un comportement de sorte que l'espèce y réponde de manière spontanée forme certainement une modification génétique importante.

Ce qui effraie dans les OGM c'est le fait que l'Homme soit maintenant en mesure d'agir directement sur le génome et non plus simplement indirectement par le biais de la sélection ou de la reproduction. En somme au lieu d'atteindre une nouvelle mutation d'une espace en une ou plusieurs génération il devient possible de “commencer" une nouvelle mutation dès son premier organisme ou presque. À défaut d'être un Créateur ex nihilo, l'Homme est une artisan passé maître dans le façonnage et le modelage de ce qui lui tombe entre les mains.

Les modifications que l'Homme a fait subir à la nature ne sont pas moindre et la nature telle que nous la connaissons actuellement, au XXIe siècle, n'a plus grand chose à voir avec celle de nos ancêtres et aïeux. Le jardin d'Eden n'en retrouverait plus ses graines.

Est-ce bien? Est-ce mal?

La plus part des progrès de la médecine, pour ne pas dire leur totalité, provient de pratiques de changements génétiques. Les changements de comportements, de pratiques, les médicaments et autres traitements ont profondément bouleversés l'organisme humain, avec pour conséquences d'augmenter sensiblement l'espérance de vie, le niveau de condition physique, la résistances au virus, bactéries et autres. De nouvelles maladies ont également fait leur apparition. Sont-elles dues simplement à l'allongement de la période de vie (peut-être que l'organisme humain n'est pas fait pour vivre aussi vieux) ou bien à la résistance à d'autres maladies maintenant devenues secondaires ou bien encore sont-elles apparues à cause de ces modifications? Qu'importe en somme, il s'agit non pas de savoir “pourquoi", genre de question qui n'avance pas très loin, mais à comprendre “comment" pour, en particulier, savoir agir et interagir avec.

Les prouesses techniques, technologiques et la facilité de pouvoir y avoir accès tant intellectuellement que matériellement, ouvrent la voie à de possible docteurs Folamour avides de curiosité ou d'intentions moins nobles, capable de concocter quelques bombes génétiques dont les conséquences pourraient être négatives, pour ne pas dire néfastes.

Mais rien ne sert de s'apitoyer sur notre sort, pour la simple raison que nous ne savons pas ce qu'il est mais, et c'est ce qui me paraît plus délicat, nous ne savons pas vraiment ce que nous voudrions qu'il soit.

Il se trouvera toujours une secte pour nous dire que l'Homme est en fait sur Terre pour faire le ménage et que c'est le mal incarné. D'autres soutiendront qu'au contraire il est là pour préserver ce qui s'y trouve. Certains voudront défendre un progrès, d'autre le combattre et les arguments seront autant de fers croisés dans le vide, sans aucun échos car sans direction. Ce qu'il nous faut ce ne sont pas des opinions mais des idées.

Descartes écrivait que l'Homme était comme maître et possesseur de la Nature. On peut donner le sens que l'on veut à cette phrase tant qu'on n'omet pas le “comme". Mais Descartes donnait des perspectives à ces propos. Si l'agissait de connaître la Nature, de la comprendre, de l'examiner.

Que voulons nous faire de la Nature, nous, c'est-à-dire nous autres Homme du XXIième siècle. Rien de sert de s'appuyer sur Descartes pour y trouver la réponse, son présent n'était pas le notre, et fuir ne sert à rien, ce qu'il faut c'est vivre avec son temps et se confronter à notre époque.

La vague verte écologique qui submerge la Terre depuis quelques années semble au moins vouloir poser la question. Le temps de chevaliers Cousteau ou Dumont sont révolus. Ceux-là se battaient épée au clair pour les générations futures. Les discours écologiques actuels sont beaucoup moins évidents. Sauver la planète, très bien, mais pour qui, pour quoi? On ne retrouve plus cette idée des générations futures, on retrouve plus une préoccupation à très court terme qui ressemble plus "qu'est-ce que je ferais de ma voiture quand je serais à la retraite s'il n'y a plus de pétrole". Est-ce mieux ou pas je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que tout cela manque gravement de perspectives et d'ambition et donc d'écho et de crédibilité.

Qu'est ce que l'écologie? Quel sens donner à ce mot, à ce terme, mais non pas de manière absolue, non pas au sens du dictionnaire mais au sens vernaculaire contemporain. L'Homme a-t-il ou non la responsabilité de la Terre, de la Nature ou même de ses actes? C'est à cela qu'il convient de répondre.

Au lieu de corbeaux piaffants sur des airs graves, c'est un Descartes qu'il nous faut, mais un vrai, un bon, un Descartes quoi.

vendredi 22 février 2008

Nouveaux oligarques sociaux: VAE et ascenseur social.

C'est bien connu, c'est au pied du mur qu'on voit mieux le mur, ou pour le dire différemment c'est quand on est face à l'ours qu'on se demande si oui ou non on a bien pris les cartouches.

Dans le contexte économique que l'on connaît, se posent des questions sur l'accès au travail. Ce contexte est paradoxal au sens où jamais autant de richesses n'ont été disponibles qu'aujourd'hui et pourtant le chômage reste présent voire élevé et l'insertion professionnelle reste plus que jamais difficile. Il y a des richesses mais celles-ci sont très inégalitairement distribuées et réparties. Évidemment c'était mieux avant et bien sûr qu'une guerre arrangerait tout. Non, sérieusement. Le paradoxe de la situation vient que la population économie a évoluée dans un sens que le système n'a pas anticipé. Les baby-boomers qui actuellement forment la catégorie des seniors actifs ont bénéficié de conditions très favorables par rapport à leurs aînés mais aussi à leurs descendants. L'après-guerre leurs a permis de faire des études et de trouver un emploi sur un marché rénové et en plein expansion. La crise pétrolière a mis un terme à une embellie économique suivi des crises des années 90 liées au pétrole toujours mais aussi aux divers spéculations. Mais l'un des problèmes qui n'apparaît de manière criante que depuis peu est plus profond et ne touche pas tant à l'économie qu'à la structure sociale elle-même.

Ces baby-boomers ont connus une prospérité indéniable par rapports à leurs aînés sur le plan de la formation et de la santé. Il faut se réjouir de ces progrès. La contrepartie est que système économique et sociale doit maintenant absorber ces progrès sociaux sans en avoir l'espace. Les gains liés à la formation et à la santé ont gommé les cycles générationnels. Être “vieux" actuellement n'est pas la même chose que d'être vieux il y a vingt ou trente ans, le barème de la vieillesse est repoussé et c'est tant mieux. On vit plus longtemps et mieux. Donc on travaille plus longtemps ou est retraité plus longtemps. La contrepartie est que l'espace actif est plus engorgés et les anciens seniors ont de plus de plus en mal à trouver leur place étant défavorisés sur le plan de la formation (moins de diplômes) et bénéficiant une santé moins robuste, ce qui engendre une précarité sur la plan du travail ou de la retraite. À l'autre extrémité du spectre, les jeunes souffrent eux aussi de place sur l'espace de l'emploi, les seniors en poste et ce encore pour une dizaine d'année repoussant le turnover et retardant au maximum l'arrivée de sang neuf sur le marché pour permettre une stabilité du taux actuel des richesses. Plus d'entrant impliquerait nécessairement ou bien une nouvelle répartition des richesses et donc une baisse du pouvoir d'achat ou bien la création de nouvelles richesses fort difficiles à trouver.

À ce phénomène économique simple: plus d'actif donc une répartition plus large des richesses et donc une perte de pouvoir d'achat, s'ajoute un phénomène social.

Le pouvoir d'achat des baby-boomer ayant fortement progressé par rapport à leurs aînés, le catégories sociales ont elles aussi évoluées. Posséder un logement équipé et confortable n'est plus un luxe, pas plus que d'avoir un ou plusieurs véhicules et de pouvoir prendre des vacances. Ce qui était l'apanage des hautes couches sociales dans la première moitié du XXe est devenu à la fin du siècle monnaie courante (je parle évidemment de la situation Française et Occidentale). Le niveau social c'est donc dessiné économiquement alors qu'il reposait sur un prestige et un honneur différent avant cela. Le statut social au sens du début du XXe, issue des classes du XIXe reposait sur le nom, la fonction et le niveau d'étude. Faire des études étaient alors quelque chose rare et de valorisant socialement. L'élévation du niveau de formation à partir de l'après-guerre pour arriver maintenant une quasi généralisation du niveau Bac voire Bac+2 à rogné peu à peu le prestige lié au diplôme. Seuls restaient encore épargnés les diplômes de 3ième cycle et encore.

Pour mettre définitivement à mal le prestige lié à la formation, il devient possible maintenant d'acquérir un diplôme universitaire par validation d'expérience. C'est là une avancée sociale majeure. Les inégalités issue de l'égalité des chances par l'école peuvent être rattrapé par le parcours professionnel. L'accès à la certification universitaire et donc totale, ce qui a pour effet d'ajuster le niveau économique au niveau social, la croissante économique ayant été beaucoup plus rapide que la croissance sociale.

L'inconvénient de ce principe démocratique est l'isolement social et économique encore plus accru des aînés qui en ayant permis cette évolution reste en marge et de la richesse économique produite par leurs efforts et de la reconnaissance sociale. Mais les nouvelles générations sont elles aussi fortement affectée par ce réajustement sociale. Les diplômes ne valent plus comme ticket d'entrée sur le marché du travail puisqu'ils peuvent être acquis par la suite. L'expérience devient donc le nouveau critère par rapport à la connaissance et surtout au statut social. Alors qu'il y a encore une dizaine d'année avoir une diplôme était avoir une statut, un état social, maintenant il devient un label, un signal dont la valeur économique est devenue nulle puisque l'économie n'est plus assujettie au social mais l'inverse.

Alors que le diplôme avait pour effet de retarder l'arrivée de nouveaux actifs sur le marché du travail en élevant le niveau social général, la situation est maintenant différente. Le niveau économique primant, l'intérêt de faire des études diplômantes au delà du niveau médian est nul sauf dans le cas de pouvoir faire survivre l'ancien modèle social par le prestige et l'honneur. Le diplôme jouant alors le rôle de label, ce qu'ont bien compris les grandes écoles qui d'ailleurs ne délivrent pas de diplômes.

Ce progrès social valorise les couches sociale se situant juste sous le niveau médian en le permettant d'atteindre ce niveau médian ou les couches très élevées qui peuvent jouer à la fois sur le plan économique et social.

Les couches sociales basses constituées des anciens seniors ou des couches les plus pauvres ne bénéficient pas de ces avancées, pas plus que les couches intermédiaires qui elles ne peuvent pas accéder au niveau supérieur mais se font en plus rattraper par les couches médian. Elles qui étaient entre deux deviennent à leur tour médianes. C'est entre ces anciennes et ces nouvelles couches médianes que s'opère la fracture sociale. Alors que les unes avaient un statut de part leur attitude sociale leurs autres l'acquièrent économiquement. Ces nouveaux oligarques sociaux comparables au nouveaux riches d'entant, changent radicalement et profondément la structure sociale et forcent à se questionner sur le statut du savoir, des arts, des contenus et des connaissances.

Mon propos n'est pas de sauver les universités et de les reposer comme des citadelles imprenables et surtout intouchables aux classes inférieurs. Je serais même d'avis de considérer tout diplôme comme certificat et donc de dessiner les frontières entre l'entreprise et l'université. Mon propos est plutôt de comprendre ce qu'est ce nouvel état social, comment il se structure et fonctionne ou plus exactement comment le dessiner, le construire et le constituer. Mais également il est vrai de savoir ce que deviennent les enjeux non économiques dans ce nouveau modèle sociale. Qu'en est-t-il de l'art, de la science et du savoir? Est-il possible de les laisser entièrement au main de l'économie et de ses critères? Peut-être, je ne sais pas. La question qu'il s'agit de poser est celle de leurs apports sociaux, l'art, la science, la connaissances ont-ils d'autres fonctions qu'économiques? Ont-ils encore des fonctions particulières qui ne pourraient-être suppléées par l'économie?

Ces questions se ramènent à une seule: où allons-nous? Quelle perspective voulons nous donner à notre société, notre vivre ensemble. C'est une question qui me semble capitale et dont l'écho est pressant à l'heure actuelle. Cette question n'est pas dissociable du “d'où venons-nous?" et du “où sommes-nous?" mais il serait une grave erreur de croire qu'elle s'y réduit.

Penseur nous avons besoin de toi! Voilà déjà une fonction qui ne se réduit pas à l'économie.

jeudi 21 février 2008

Croire, vouloir, faire: oui les sectes sont un problème.

Les sectes sont-elles ou non un problème? Cette question fait suite aux propos d'une directrice de cabinet du président de la République qui affirme qu'elles n'en sont pas. On connaît l'importance de cette question dans le climat actuel ou le religieux refait une entrée fracassante dans le politique.

La question plus générale est celle de savoir s'il est possible de croire tout ce qu'on veut. Au nom d'un cinquième amendement laxiste ou d'une liberté de pensée, on pourrait croire que oui. Imaginons par exemple quelqu'un qui croit que les autres ne peuvent pas croire, est-ce là ou non une limite à cette liberté de croyance?

Dans une copie de lycée la maxime “ma liberté s'arrête là où commence celle des autres" n'est pas rare, mais elle n'est pas juste non plus. La liberté n'est pas une notion individuelle mais bien collective. Il serait un peu moins faux de dire que la liberté commence là où commence celle des autres, à moins que l'on souhaite un monde de brutes et de truands. Il en va de même pour a liberté de croire. Croire, contrairement à ce que voudrait penser les dogmatistes n'est pas une affaire privée. La croyance est une représentation du monde, une carte mentale sur laquelle l'agent, celui qui croit, agit. Je crois qu'il va pleuvoir, alors je prends mon parapluie. Je crois que les pommes sont meilleurs que les poires, alors je choisi une pomme. On croit pour agir. Et on agit parce qu'on choisi. La croyance est une condition du choix, une manière de ranger le monde avant de choisir une option dessus. La croyance a une fonction, une utilité, celle de permettre le choix. Et le choix à son tour doit être pratique, il doit permettre l'action. Et l'action doit réussir. Donc pour que l'action soit un succès il faut que le choix soit pertinent et pour que le choix soit pertinent il faut que la croyance soit rationnelle, c'est-à-dire qu'elle colle, d'une manière ou d'une autre, avec ce qu'est le monde, quel qu'il soit.

Le pari que nous offre Pascal est parfaitement rationnel: vous avez tout à gagner à croire en Dieu et rien à perdre, alors que vous risquer tout perdre et de ne rien gagner à ne pas croire. Mais la conclusion qu'il faut en tirer n'est pas qu'il faut courir dans la première église ou secte venue pour se convertir bêtement. Ce que nous dit Pascal c'est que la perspective de nos choix doit guider ceux-ci. Mieux vaut choisir ce qui nous permettra le plus grand choix et donc le plus grand gain qu'un gain qui nous paraît plus désirable maintenant mais qui nous coupe tout autre choix ensuite. Un bien vaut mieux que deux tu l'auras dit le pragmatique, ce que nous dit Pascal c'est qu'il vaut mieux un petit bien et plus demain qu'un seul définitif. On sait qu'un enfant a du mal à comprendre cela.

La croyance permet le choix et le choix l'action. La croyance doit donc prendre en considération ses conséquences. Toute croyance n'est donc pas bonne. Certains sont foncièrement mauvaises. Croire que se tirer une balle dans la tête permettra d'éviter un choix à faire est une mauvaise croyance, car elle met un terme à tout choix possible. Croire que ne pas croire est une bonne chose n'est pas une excellente croyance non plus car elle est inutilement paradoxale sans cesser d'être une croyance. Croire que personne d'autre que soi ne devrait pouvoir croire est aussi quelque chose d'assez dangereux car il suffit que par hasard quelqu'un autre ai la même idée pour que la notre ne vaille plus grand chose.

Dans le même ordre d'idée il serait vain de penser ou de croire qu'il serait possible de déléguer ses croyances, ses choix ou ses actions. Imaginez quelqu'un qui dirait qu'il ne veut pas décider et qui laisserait cette charge à quelqu'un autre en se soumettant à sa décision. Cet homme choisirait volontairement la servitude mentale. Mais c'est d'une part déjà là un choix et une croyance de sa part, et d'autre part, surtout, celle croyance est une irresponsabilité pour la croyance même. Cela reviendrait à dire qu'étant contre la violence je préfère donner mon pistolet à celui qui est violent pour qu'il en face ce que bon lui semble! C'est tout simplement suicidaire! Si celui à qui on a donner son pouvoir de croyance décidait que vous ne pouviez plus croire. Vous me diriez que cela étant paradoxal cela resterait tout de même une croyance et donc que cela est tout à fait impossible. Mais rappelez vous que la croyance n'est une moment dans une chaîne qui passe par le choix et l'action. La croyance de départ pourrait très bien rester une croyance, croire de ne pas croire ou de croire à quelque chose qui ne nous laisse pas croire. C'est une croyance et cela reste une croyance: accordé. Cependant cette croyance bloque le choix et l'action. Cette personne peut ainsi, sur la base de votre croyance, vous forcer à faire quelque chose que vous n'avez pas décidé, choisi, de faire, que vous soyez d'accord ou non avec cette action. En somme, en décidant de croire de ne pas croire pas vous même c'est votre liberté que vous perdez, liberté d'action et donc de penser et donc de croyance.

La liberté de penser et d'action est en péril à chaque fois que la chaîne qui part de la croyance à l'action en passant par le choix n'est plus à la maîtrise de celui qui croit, choisi et agi. Cette liberté est en péril à chaque fois que l'on postule à un moment où un autre de cette chaîne que l'un de ces maillons nous échappe, qu'il soit du ressort de la Nature, du Destin ou d'un Dieu. Notez que cela ne signifie pas que le Monde ne soit pas gouverné en définitive par la Nature, le Destin ou Dieu. La question ici n'est pas sur la nature des choses, mais sur la représentation humaine que nous en avons, ce qui n'est pas la même chose. Donc postuler un être supérieur qui décide pour nous est une limite à la croyance.

Revenons-en à la possibilité de croire tout ce que l'on veut au nom de la liberté. La croyance devant être rationnelle et raisonnable elle doit impliquer qu'une croyance en quelqu'un à qui on pourrait déléguer sa croyance n'est pas une croyance rationnelle et raisonnable et donc ne devrait pas être crue. Étendu, ce principe de raisonnabilité ou de rationnabilité de la croyance s'énonce comme “tout croyance doit être raisonnable" et donc "ma croyance commence là où elle devient raisonnable". Cet espace de rationalité de la croyance est le même pour tous, pour tous ceux qui croient. Ma croyance n'est donc pas un territoire clos que je dois barricader contre celles des autres, mais je peux la laisser ouverte et je dois rationnellement la laisser ouverte à tous dans la mesure où ces croyances, la mienne et celles des autres, se situent dans l'espace du rationnel. La croyance commence là où commence celle des autres, et donc ma liberté commence là où commence celle des autres.

Le propos est simple. La difficulté vient d'une embrouillamini de langage. Quelqu'un qui se dirait libre de librement donner sa liberté à un autre n'est pas quelqu'un de libre, c'est un serf, un esclave. Il se dit libre, il se croit libre, il est en fait soumis et enchaîné. Quelqu'un qui croit qu'il peut croire à quelqu'un qui croit pour lui n'est pas plus libre. Assujetti, déférent il est aussi soumis que l'esclave et aussi responsable de sa situation que le serviteur volontaire. Seul l'aliéné ne croit pas de lui-même.

Il ne faudrait pas croire que ne pas croire par procuration signifie être athée ou agnostique. Un athée, un agnostique peut tout aussi bien être aussi servile qu'un croyant zélé. Non, tout ce que cela signifie c'est que la croyance doit toujours être comprise en relation avec les choix et les actions de celui qui croit et donc toujours être conforme à ce qu'il veut et à ce qu'il fait. Un tel croyant est rationnel et ne peut que l'être. Ce qu'on peut regretter c'est qu'il soit si rare.

Les sectes sont donc un problème, mais non pas pour la France mais pour l'Homme en général, et par secte il faut entendre tout ce qui prétend, d'une manière ou d'une autre penser, croire, choisir, vouloir et agir à notre place.

Cette définition, vous l'aurez compris, est plus large que celle entendu généralement par ceux qui en parlent.

mercredi 20 février 2008

Lapalissade: la Révolution est une Révolution

“Politique" signifie, dans les cours de philosophie, “chose publique" par opposition à la “chose privée". “Chose publique" est ici à comprendre comme ce qui concerne tous les citoyens. Tout le monde n'est pas citoyen car tout le monde n'a pas le droit de prendre part à la chose publique de manière active. Un mineur par exemple est pris en charge par la chose publique mais n'en est pas acteur.

Avec la Révolution, la chose publique est devenue, en France, l'affaire du peuple et non plus seulement d'une élite et du dirigeant. Par le biais d'élections, le peuple délègue une partie de ses pouvoirs à certains chargés de le représenter et qui prennent des décisions au nom du peuple pour organiser la chose publique, c'est-à-dire pour que la vie en communauté soit possible et ce du mieux possible.

Avant la Révolution le peuple était passif; le terme “sujet" servant à désigner la population n'avait pas le sens qu'il a actuellement. “Sujet" s'oppose à “agent", est sujet celui qui porte un attribut, c'est-à-dire à qui quelque chose arrive. Ce n'est qu'au XVIIIe que le terme prendra l'acception de singularité, celui qui est différent des autres, puis au XXe la signification de sujet comme responsable de sa destinée.

Avec le XVIIIe, les Lumières et la Révolution Française, le peuple devient non plus un troupeau mais un amas d'individus singuliers qu'il s'agit de reconnaître non plus en bloc mais atomiquement. Ce changement à profondément bouleversé la chose publique. Alors qu'elle était un objet qu'il s'agissait de modelé, elle devint subitement une chose responsable d'elle-même qui décide elle-même pour elle-même. La révolution qui s'en suit est réellement une révolution, un retournement de situation, une culbute. Le dirigeant, le souverain qui régnait sur des sujets, devint un élu désigné par le peuple pour le représenter. Le pouvoir est donc passé d'un seul à tous, et s'il est revenu à un ce n'est pas pour rétablir la situation antérieure mais pour concentré une représentation. Alors que les sujets étaient la marionnette du souverain, l'élu est la marionnette du peuple.

Notre président affirme qu'il incarne la France et son peuple, alors qu'il ne fait qu'incarner l'autorité de l'État, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Le président français est un symbole au sens où il représente autre chose que lui-même, à savoir le pouvoir du peuple qui l'a désigné. Mais le président est autre chose qu'une simple image d'Épinal dans notre constitution. Étant l'incarnation de l'autorité de l'État, il se doit de diriger l'État. Diriger ne prend pas le sens antérieur à la Révolution, il ne s'agit pas de mener paître un troupeau, mais de donner une direction au peuple qui lui décide en fin de compte si c'est celle qu'il veut prendre ou non.

Les rouages de la chose publique se sont quelques peu grippés avec la concordance de l'élection présidentielle et législative et surtout leurs superpositions. Alors que le président donne la direction, l'assemblée décide si oui ou non elle convient, il s'agit donc de contrebalancer deux pouvoirs, qui maintenant avec la coïncidence des deux se trouve balancés d'un seul côté, si l'assemblé et du même bord que le président.

Très bien!, se réjouira-t-on, tant mieux!, c'est qu'alors le président indique une direction qui satisfait l'assemblée! Avançons donc et profitons de cette chance pour aller vite et loin!
Oui, certes et l'opposition n'a que ses yeux ou son imagination pour pleurer.

Mais ma question n'est pas là, n'est pas tant sur cette bizarrerie de calendrier que sur la direction que prend notre président actuel. Quelqu'un sait-il où il va?

Mais ce qui est le plus préoccupant n'est pas tant la direction qu'il prendrait que le flou complet de cette perspective du point de vue du peuple. La chose publique est avant tout une chose “publique" qui concerne tout le monde. Comment imaginer donc que la direction donnée à cette chose ne soit pas publiée ou transparente à tout un chacun?

Ce qui manque de nos jours est la clarté d'un projet, d'un programme, d'un dessein ou bien, et ce qui est pire encore, un projet, un programme ou un dessein.

Il ne faut pas oublié que l'un des héritages de la Révolution est que le peuple maintenant est le souverain et qu'il peut à tout moment reprendre ce qu'il à donné, c'est-à-dire la délégation de ses pouvoirs. Ne pas confondre déférence et indifférence....

mardi 19 février 2008

Fracture sociale: facture sociale

1000 policiers dans un quartier, une émission sur le mal de vivre des policiers, le constat que les policiers qui sortent de l'école ne sont pas assez formés, qu'ils ne savent pas ce qu'est la réalité parce qu'ils “sortent de chez papa maman" (sic.) et que de toute manière les banlieues sont devenues des poudrières incontrôlables.

Supermarché du XVe. La margarine que j'avais l'habitude d'acheter jusqu'à hier est passé de 3 euros à 6,45 euros en un mois.

Un ami, capessien, professeur de français en ZEP, un enfant qui marche tout juste, sa femme dans l'administration, vivent plus que chichement et me parle de déménager “ailleurs" parce qu'ils n'arrivent plus à finir les fins de mois et leurs 45 m2 leurs paraissent un palace vu le prix qu'ils le payent, et pourtant ce n'est pas du luxe.

L'affaire d'un chef de cabinet du ministre du logement poussé à la démission parce qu'occupe depuis vingt ans un HLM à prix très modéré dans un beau quartier.

Un article sur le salaire des patrons français qui sont parmi les mieux payés d'Europe et qui ont vu leurs primes augmenter de manière indécente en comparaison avec celles de leurs employés.

Il y a une dizaine d'année, monsieur Chirac faisait sa campagne sur le thème de la “fracture sociale". Tout le monde semblait avoir en tête les banlieues en les imaginant comme un continent à la dérive qui se séparerait de la France ou de la capitale ou des beaux quartiers, on ne sait pas très bien. Une fracture en les Français et la “racaille" (sic.) confinée dans des no man's land que la République n'atteindrait plus, ou du moins la police ne patrouillerait plus.

Après la crainte d'étranger, la “racaille" qu'il faudrait passer au Karsher, les immigrés clandestin et les sans papiers, cause de tous les maux de la Terre, il faut constater que la fracture sociale, à force de la vouloir, est enfin apparue. Mais pas là où certains l'espérait. La fracture sociale n'est pas entre les chômeurs et les autres, pas entre les RMIstes et les autres, autrement dit pas entre ceux que l'on stigmatise comme des “assistés" et qui ne sont pas autre chose que des laissés pour contre, ni même entre les SMICards et les autres, ni entre les classes moyennes et les autres, mais la brisure s'est produite là où on ne l'attendait pas: au beau milieu des classes moyennes.

Si le seuil de pauvreté est posé à 681 euros, être pauvre, c'est-à-dire ne pas arriver à finir le mois, dépenser plus de la moitié de ses ressources pour se loger, ne pas pouvoir économiser, épargner ou simplement dépenser pour du loisir mais ne devoir travailler que pour subvenir à ses besoins et ne pas nécessairement y parvenir, ce seuil là se situe maintenant au niveau de 1600 euros au moins. Bien entendu cela n'a rien à voir avec la pauvreté du Tiers Monde, mais la pauvreté est relative au contexte de vie. Cette nouvelle pauvreté déclasse encore plus la pauvreté absolue, celle de ceux qui ne parviennent même pas à acquérir de la richesse, qui sont exclus de système économique et qui ne font que payés sans gagner. Il y a encore au XXième siècle, à Paris, des hommes, des femmes et des enfants qui meurent de froid, de faim et qui vivent dans la rue. Il y a des Homme qui n'ont pas même accès aux droits fondamentaux que l'humanité voudrait se reconnaître.

La fracture sociale est en dix ans devenue réalité. Elle disloque le tissu social et trace une ligne de démarcation qui divise ceux qui y arrivent et ceux qui n'y arrivent pas ou plus. Cette ligne ne contournent pas les quartiers difficiles, elle traverse les quartiers les plus commun, les villes les plus respectable, les ouvriers, fonctionnaire et salariés les plus intégrés. La fracture sociale est une facture sociale. C'est celle de ceux pour qui vivre est devenu trop cher. Vivre ne veut pas dire habités des ors et des châteaux, ne veut pas dire partir en vacances à l'autre bout du monde, ne veut pas dire manger de la viande tous les jours, ne veut pas dire aller au cinéma, ne peut pas dire avoir une pièce en trop dans sa maison ou avoir une seconde voiture dans le garage. Non, vivre veut dire manger 2 fois par jour, se chauffer tous les mois d'hivers, avoir un toit, payer l'abonnement aux transports en communs, s'habiller pendant les soldes.

Il y a deux France: celle qui s'en sort et celle qui rame pour ne pas couler plus loin. Mais certains réalisent à leurs dépends qu'ils sont embarqués sur ce continent à la dérive alors qu'ils se croyaient à l'abris, que ces choses là ne peuvent arriver qu'aux autres, à ces étrangers, ces immigrés, ces sans papiers... Et bien non. Et la raison en est que ceux que l'on désignait comme paria et bouc émissaires n'ont jamais été ce qu'on a dit qu'ils étaient. Les banlieues que l'on montre du doigt sont bien française, peuplées de français, les sans papiers que l'on chasse sont ceux qui cuisaient notre pain alors que nous dormions, les chômeurs que l'on ne veut plus assistés les étudiants qui ont patienté et ceux qui ne pourront plus payer les retraites de leurs aînés car ne pourront plus même payer leurs vies au présent.

Au delà du constat déplorable, c'est agir qu'il faut pour qu'un jour, à nouveau, on puisse avoir le temps de rêver à demain, rêver de nouveau.

lundi 18 février 2008

Question de format

Reuters nous apprend que le Blu-Ray de Sony gagne par abandon sur le HD DVD de Toshiba. L'histoire se rejoue et un format en efface un autre. Les conséquences ne sont pas minces, toutes les machines équipées de lecteurs et de graveurs DVD vont bientôt se trouver aussi caduques que les platines vinyles, les lecteurs cassettes ou vidéo. L'avenir se prédit même semble-t-il sans aucun support autre que des ondes immatérielles avec la vidéo en ligne à la demande, les téléchargements de musiques, d'images et de films et le contenu en ligne, comme en témoignent les derniers ordinateurs portables.

Sans vouloir jouer les vieux jeux, j'aime encore le son de ma vielle platine vinyle et garde toujours la même surprise d'entendre que la musique s'arrête plus rapidement qu'avec mon iPod, qu'il faut physiquement tourner le disque avec la secrète impression de tenir dans mains un “morceau" de musique, doucement palpable au fond ces sillons du bout des doigts. J'avoue filmer encore en 16 mm et de développer ces mètres de pellicule dans des seaux. Cela ne m'empêche pas de les téléciner en numérique et de les monter sur ordinateur, mais j'aime le scintillement rythmé du projecteur et son tac-tac caractéristique, j'aime aussi l'idée de devoir faire attention à la lumière, à la prise de vue, d'entendre le film s'enclencher et se dérouler dans un tschic-tschic d'horloge Suisse, j'aime l'impression de “tenir" une image, de tenir une seconde dans la main, j'aime aussi, et surtout que l'image ne soit pas “gratuite" qu'elle demande à être pensée, construite, que la filmer demande du temps, de l'attention, de la réflexion. J'aime l'idée de l'irréversibilité du temps, qu'il ne soit pas possible d'effacer aussi facilement que d'appuyer sur une touche pour “perdre" des images. Avec la pellicule il me semble que l'on perd moins son temps car il est difficile de revenir en arrière, ce qui oblige d'aller de l'avant. Le numérique est fantastique mais il ne remplace pas l'argentique en cinéma, il le complète, le prolonge, mais ne le remplace pas.

Mais outre cette temporalité qui n'est pas la même, outre cette sensation physique qui est différente, c'est la question de la mémoire qui m'interpelle. La différence entre mes archives numériques et mes archives papiers est que j'arrive à me représenter les dernières mais beaucoup plus difficilement les premières. Cela n'est pas nécessairement inhérent au support ou au format mais peut-être simplement à mon espace cognitif ainsi fait. Mais il reste que je suis attaché au livre papier, au film pellicule ou même simplement à la sauvegarde sur disquette, cassette, CD ou DVD. Maintenant il me faudra les faire en Blu-Ray disques. Ce n'est pas une question de paranoïa, pas une question de craindre qu'un jour, par inadvertance, malveillance ou défaillance la grande toile d'information s'enraye, déraille ou s'éteigne et que tout ce monde virtuel disparaisse mais aussi pour moi, simplement pour m'y retrouver, pour savoir où j'ai rangé telle ou telle chose, sous quelle pile, sous quel livre, sur quelle étagère pour que tout ce monde qui est le mien se rattache d'une manière ou d'une autre à ma chambre et ma maison.

Carl Th. Dreyer raconte qu'une copie de Die Gezeichneten a été par hasard en Russie et offerte au Musée du cinéma de Copenhague (Cahier du cinéma n°170, septembre 1965). Quelle sensation cela doit-il faire de retrouver, de son vivant, le dernier exemplaire d'un œuvre que l'on croyait perdue! J'ai croisé aux confins des latitudes habitées un vieux cinéma dans une ville fantôme. Il y avait encore un film dans le projecteur silencieux. Des pilles de vieux films préservés par les conditions climatiques. Mais peut-être y a-t-il là des films que l'on ne soupçonne même pas, peut-être des dernières copies avant l'oubli.

Ce qui me préoccupe le plus, c'est l'oubli. Il y a tant de choses, sous tellement de formes différentes qu'il est matériellement difficile de toutes les retenir et de pouvoir toutes les lires tant les formats évoluent, diffèrent et se perdent. La technologie a fabuleusement compliqué le travail des archivistes de Babel. Comment préserver une trace de toutes ces informations? Comment ne pas oublier? Comment faire que l'avenir puisse se souvenir un peu de son passé?

Que l'on change de format tant qu'on veut, pour les raisons qu'on veut, mais qu'on ne garde qu'une seule mémoire: celle de tout ce dont il faut se souvenir.

dimanche 17 février 2008

qu'il nous étonne quelque fois de comment les choses adviennent, ou le retour de Dieu en politique

"...ce qui est bien éloigné de prouver que l'une de ces deux choses est la cause ou le pronostic de l'autre, à moins qu'on ne veuille qu'il soit permis à une femme qui ne met jamais la tète à sa fenêtre, à la rue Saint-Honoré, sans voir passer des Carrosses, de s'imaginer qu'elle est la cause pourquoi ces Carrosses passent, ou du moins qu'elle doit être un présage à tout le quartier, en se montrant à sa fenêtre, qu'il passera bientôt des Carrosses"
(Pierre Bayle, Pensées sur la Comète)


L'époque que nous vivons est passionnante en bien des points et parmi ceux-ci est le fait que le religieux revient avec insistance dans le politique. Non point que ce soit un mal, encore que, mais il est fort étrange de constaté que c'est au nom d'une prétendu perte de repères et que les esprits de nos contemporains seraient déboussolés.
Nos politiques, du moins certains, et le premier d'entre eux affirme l'existence d'un Dieu, seul et unique mais sans trop plus d'information sur le culte ou le dogme qui lui revient puisqu'il s'engage indifféremment et simultanément pour trois grandes religions. Peut-être continuera-t-il sa croisade avec les autres, peut-être que pas.
L'agnosticisme, pour l'heure, ne semble pas une position raisonnable et rationnelle dans l'esprit de ces nouveaux conservateurs semble-t-il puisqu'ils prétendent que les maux de notre sociétés sont liés à une conception trop laxiste et libérale de la laïcité. Être laïc nous dit-on ce n'est pas ne pas croire mais c'est croire jusqu'aux limites des croyances de l'autres.
Le scepticisme n'est donc plus de mise. Ne pas croire serait donc être athée, et sans doute être athée c'est être mauvais. Le doute ne serait donc à bannir. Douter serait mal. Or, le doute n'est pas nécessairement négatif. Sans invoquer Descartes, le doute peut-être simplement prudence: suspendre son jugement parce qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un jugement sur tout ou bien ne tenir pour jugement juste ce qu'il est nécessaire sans plus. La mesure et la parcimonie ont aussi du bon. Ainsi il est possible de s'étonner de la beauté du monde ou de son agencement sans devoir nécessaire en tirer la conclusion qu'un grand architecte en est l'auteur et devoir lui rendre un hommage particulier alors qu'il serait possible de se restreindre à honorer la Nature elle-même, ou bien même simplement se contenter de l'admirer et au passage de la protéger.

Le retour aiguë du religieux dans le politique risque également de conduire à une forme de "chasse aux sorcières" fort dommageable. Si un créateur revient sur le tapis, alors fort logiquement il est non seulement possible mais nécessaire de lui imputer ce qui advient. Ainsi je suis au chômage car le créateur le veut. Le climat se réchauffe parce que c'est dans les plans du grand architecte.
L'hypothèse du tissu social comme unité de la société s'en trouve par conséquent menacée. Le crime n'est plus l'acte d'une personne contre la société, mais un mouvement divin sur l'échiquier de l'humanité.

En somme une nouvelle forme de théodicée est a écrire: comment justifier les maux contemporains alors que réapparaît comme raison politique une raison religieuse. Quelle place donner à l'Homme et laisser à son esprit si lui même redevient une simple marionnette?

Fallait-il vraiment donner raison à Malraux?

C'est un nouveau défi aux penseurs de notre temps. Reste à les trouver....