lundi 6 octobre 2008

Marie-Claude Lorne

À la demande d'universitaires français il m'a été demandé de ne plus faire le rapprochement entre la tragique disparition de Marie-Claude Lorne et une critique du système universitaire français et donc de supprimer le message qui se trouvait ici.

Ceux-ci m'assurent par ailleurs qu'aucun dysfonctionnement n'était à déplorer dans cette triste affaire (comme dans aucune autre par ailleurs) et que toute la lumière serait faite sur ce cas.

J'ai le cœur gros à la disparition d'une amie dont je garde un souvenir vif, pleine de vie et de projets qui avait caressé le rêve de pouvoir enfin avoir le droit de faire le métier qu'elle aimait.
Je garde d'elle le souvenir de repas à la maison et de discussions sans fin, de sa culture et de la vivacité de son esprit qui ne pouvaient laisser indifférent ainsi que son rire si communicatif.

La dernière fois que nous avons discuté ensemble elle m'avait dit avoir l'impression d'être une Don Quichotte se battant contre des moulins. Une bourrasque l'aura emportée.

dimanche 7 septembre 2008

Une grammaire du paysage

Le paysage n'est pas naturel. Dire cela n'est pas dire qu'il n'y a pas de paysage sans Homme, même s'il est vrai qu'au sens premier le paysage est dessiné par le paysan qui aménage l'espace et la nature. Ce n'est pas non plus extrapoler la maxime cartésienne de s'en faire comme maître et possesseur. Non, dire que le paysage n'est pas naturel c'est en fait dire que sans compréhension, sans appréhension, sans lecture de paysage comme le paysage n'existe pas.

L'idée n'est pas non plus de soutenir que nous avons un accès à la Nature indépendamment du paysage. Le paysage est à la nature ce que le phénomène est au noumène. C'est le seul accès que nous en avons.

La lecture de la nature comme paysage est un phénomène si courant qu'il en devient transparent, sauf, évidemment dans ses retranchements. Regarder à travers la vitre de la fenêtre d'un train c'est voir une campagne de dérouler, une ligne d'horizon hérissée de clochers pareils à des mains pointant vers le ciel, c'est voir des troupeaux de bosquets et des tapis de forêts entre des parquets de parcelles labourées, des coutures de routes serpentines, des coulures d'un ciel juste nettoyé. Cette lecture du paysage est aussi transparente que la lecture d'un livre ou d'un roman.

Mais la lecture exige des savoirs et des compétences aussi bien qu'elle exige de les dépasser et de ne plus les voir ou s'en apercevoir. S'il est possible de manier parfaitement une langue ou un langage sans être capable d'expliciter les règles qui le gouverne il n'en reste pas moins que des règles le régissent.

Dans certaines conditions ces règles sont mises à rude épreuve. Dans certains coins les paysages sont si abstraits, si poétiques, si épurés, si directs, si sobres, si simples que leur lecture en dévient aussi complexe qu'un poème ou une peinture abstraite.

La principale difficulté peut-être, celle qui se remarque en premier est celle qui concerne l'échelle. Lorsque les rapports de grandeurs ne sont pas directement donné le regard se perd et cherche, perdu comme un appareil photo qui ne serait sur quoi faire la netteté. L'échelle d'un paysage est le plus souvent contenue et donnée dans celui-ci; c'est un arbre, un homme, une voiture ou un bâtiment. À partir de ce repère tout se calibre et se toise. Le ciel devient immense ou minuscule et le regard n'a qu'à suivre ces indications pour comprendre et voir. Mais lorsqu'il n'y a rien, ni arbre, ni homme, ni véhicule ni bâtiment, un simple cailloux peut devenu une falaise, une poussière un désert, un ciel un univers, le regard se perd et s'accroche désespérément à tout ce qu'il peut pour s'en faire un repère pour arpenter l'espace et la nature.

Regardez les photos prises par les sondes sur Mars ou la Lune. Quel champ et quelle surface l'image montre-t-elle? Est-ce une immensité ou un espace aussi petit qu'un bac à sable? Sans repère une ombre peut devenir un homme, un cratère une emprunte.

D'autres éléments structurent de manière essentielle le paysage: son horizon, son orientation, ses formes, ses textures, ses couleurs ou encore son époque et sa temporalité. Ces marques forme un lattis réticulaire sur lequel l'interprétation peut s'accrocher et s'arrimer comme à une sorte de grille de lecture. Ces éléments sont interconnectés et s'informent l'un l'autre de sorte qu'à partir d'un fragment il est possible de reconstruire l'ensemble. C'est en cela que c'est une grammaire du paysage.

Grammaire car comme un langage le paysage est une interprétation, une partition et un découpage de l'environnement du monde. Il faut donc qu'il y ait un monde à interpréter, le paysage n'est pas une illusion ou un fantasme, mais il faut également qu'il y ait une lecture de ce monde et donc un lecteur. Le paysage est une relation entre un environnement et quelqu'un qui l'arpente. Cet arpentage se fait par le regard, qu'il soit fixe ou mobile. Ce regard est stimulé par le monde, vient de l'observateur vers le monde qui l'informe et l'oblige à s'ajuster jusqu'à ce que finalement un point de focal apparaisse et permette de le voir. Cette mise au point est l'ajustement de tous ces paramètres qui, nous l'avons dit, sont en équilibres communs et donc s'informent les uns les autres. Une fois l'échelle trouvée, l'horizon apparaît et avec lui les formes et les textures et ainsi de suite.

Lire un paysage c'est maîtriser cette grammaire, c'est savoir l'utiliser et l'employer, cela passe par une éducation du regard, c'est en cela que le paysage n'est pas naturel, au sens ou il n'est pas inné, et c'est cela qu'il faut apprendre et enseigner.

vendredi 29 août 2008

Paradoxe de l'image filmée: la difficile simplicité.

Le statut de l'image est particulier dans notre société. Elle a valeur de témoignage et sa “vérité" est plus “directe" et “authentique" que tout autre. Ainsi un documentaire audiovisuel est souvent jugé plus fiable qu'un article de journal ou qu'un reportage radiophonique. D'un autre côté les gens ne sont pas dupes non plus et “savent", tout du moins fantasment, que l'image peut être truquée et trafiquées, mais plus que l'image elle-même c'est ceux qui la font qui seront alors mis en cause.

Certes l'image peut tromper comme elle peut dire la vérité. En fait l'image, comme n'importe quel autre support en dit rien d'autre que ce qu'elle véhicule. La vérité n'étant que la valeur d'une proposition, que celle-ci soit orale, textuelle ou visuelle cela ne change rien.

Sachant cela l'image animée n'est pas différente de n'importe quel autre moyen de relater des faits. Je dis des faits comme entités minimales de réalité, que celle-ci soit fictionnelle ou non.

Le paradoxe qui se pose alors est celui de l'utilisation de l'image dans le cadre des sciences humaines, sociales et cognitives. D'une certaine manière l'image rend directement accessible des événements, des faits, qui jusque là ne passaient que par le texte et le dire. La temporalité est différente, mais surtout la distance temporelle entre le fait et sa relation.
L'image filmée transporte en quelque sorte le fait avec elle-même alors que le texte ou de discours s'en éloigne toujours plus ne conservant que l'image cognitive: l'interprétation et la mémoire. En ce sens l'image serait un meilleur vecteur de vérité que le texte ou la parole. Filmer un événement permet de revenir “directement" sur lui alors qu'il est parfois difficile de retracer ce que fut “vraiment" cet événement en croisant des sources textuelles ou langagières.

Mais d'un autre côté les images “brutes" ne sont pas différentes des notes que prend l'anthropologue ou le philosophe lorsqu'il mène sont enquête. Ces notes ce sont des faits, des informations, des descriptions, des sensations, des références qui forment un amas accumulé que le chercheur doit ensuite organiser et structurer. Cette organisation et cette structuration n'est pas simplement un arrangement mais c'est surtout un tri, un recoupement, une synthèse. Il ne s'agit pas de tailler dans le gras et de passer la moitié de ces notes par dessus bord, mais de dessiner entre elles des relations qui permet de le regrouper en principes plus abstraits qui organisés composeront une théorie: théorie qui explique et rend compte de la situation, c'est la clé qui permet d'y voir plus clair et d'y comprendre quelque chose. Ce travail de synthèse et d'abstraction est aussi, sinon plus, difficile que le travail d'observation et de glanage d'information. Chez le chercheur ce travail est son travail, il vise directement et volontairement à la théorie. Mais ce travail de maturation peut se faire de manière plus indirecte et détournée par croisement de sources, passage de témoin et division collective du travail de mémoire en passant d'un conteur à un autre, d'une génération à une autre, d'un orateur à un autre. C'est pour cela que les contes, légendes, articles de journaux sont si importants, c'est que leurs structures même de production agissent comme autant d'alambics qui distillent l'humeur et la vapeur des faits tels qu'ils sont compris et qui en définitive donnent un concentré de la géographie conceptuelle et mentale de ceux qui les pensent. Ce processus est équivalent à celui de la théorie, à ceci près qu'il peut resté implicite dans une communauté, ce que le chercheur cherche à révéler.

L'image en elle-même n'est qu'un fait parmi d'autre. Le risque est de les accumuler ad nauseam jusqu'à les rendre tout à fait indigestes et incompréhensibles.

Le mal inverse serait de conclure à l'inaptitude de l'autonomie de l'image et de systématiquement la monter de manière narrative ou bien de lui adjoindre une voix off, une explication, un commentaire ou une illustration.

Si l'image filmique est comparable à une note alors son mode de réalisation doit être similaire à celui de la prise de note. Prendre une note est quelque chose de plus difficile qu'il n'y paraît au prime abord, cela demande de l'expertise et du savoir faire: savoir quoi prendre en note. L'anthropologue ou le philosophe est un être humain comme tout autre est pareillement est soumis à un flot constant et continu de faits, cependant il n'en note que certains: ceux qui sont pertinents pour son enquête et sa recherche. Un tri et une sélection s'opèrent donc déjà dans le choix du fait. Ensuite la note est synthétique, elle ne rend que certains traits caractéristiques du fait, ceux pertinents eux-aussi pour l'enquête. Ensuite ces notes elles-mêmes seront retravaillées et ainsi de suite.

L'image est donc similaire. Elle doit être pensée dans une optique particulière avant que d'être faite. Il serait tout aussi faut de dire que l'image est objective que de dire qu'elle est vraie. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit subjective ou fausse, ces valeurs, je le répète, n'étant que des propriétés de proposition. Une image peut-être vraie ou fausse comme objective ou subjective, ce qui importe est ce qu'elle montre de la manière dont elle le montre.

Le cinéma vérité ou objectif n'existe pas en soi. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas se faire ni se construire.

Le paradoxe que doit surmonter ce type d'image animé est qu'à la fois elle doit rester un fait tout en même temps qu'être un regard, un parti pris, une interprétation de celui-ci. Cela revient à vouloir prendre la note parfaite sur le terrain, celle qui ne sera pas modifiée par le processus de théorisation. C'est à la fois l'immédiat et l'absolu, le concret et l'abstrait. Ce n'est pas impossible c'est ce qu'on appel des idées ou des concepts, mais c'est très très très difficile à faire. Less is more, mais c'est évidemment là toute la difficulté.

Celui qui voudrait pendre des images au lieu de penser en se disant que ce sera plus sûr et plus facile se trompe lourdement.

mardi 26 août 2008

Le temps et la question de la propriété réelle des biens fondamentaux

La littérature sur le temps abonde et toutes les argumentations ont sinon été bien épuisées au moins été abordées quant à la défense d'une temporalité cyclique, elliptique ou linéaire.

Lorsqu'on aborde la question du temps vécu il est impossible de ne pas considérer la représentation de l'existence par l'agent dans la temporalité. Pour le dire d'une manière un peu brutale, l'agent cognitif se moque passablement de ce qui ne l'affecte pas d'une manière ou d'une autre. Le temps sera donc considéré avant tout comme une dimension dans laquelle des possibles accessibles à l'agent peuvent advenir qu'ils soient déjà advenus, qu'ils auraient pu advenir, qu'ils adviennent ou pourraient advenir. Cette accessibilité de possibles est ce que les existentialistes appelaient le pro-jet, ou pour le dire plus simplement le projet, c'est la question que l'on pose à l'enfant ou au chômeur “alors, que vas-tu faire de ta vie?".

On pourrait penser que le projet s'inscrit dans la temporalité. C'est parce qu'il y a un futur qu'on peut demander ce que l'on fera dans quelques années, sans se départir tout à fait d'une notion linéaire de projet, mélange hérité de la chrétienté et des Lumières.

Le projet est en fait indépendant de la temporalité, du moins il peut s'en dissocier. S'il est vrai qu'il est possible de rendre compte de notre vie mentale en terme de continuité linéaire tendant vers un progrès, il est également possible de rendre compte d'un mode de vie dans lequel le projet ne serait pas une projection dans l'avenir et tendant vers un but, mais comme le déroulement de repaires. Cette forme de temporalité est cyclique mais non pas au sens d'un éternel retour mais plutôt de celui du cycle des saisons. Les saisons reviennent périodiquement sans jamais être vraiment les mêmes. Ce sont des repaires comme les repas, les nuits ou les périodes de sommeil peuvent être des repaires.

Le drame d'une partie de la société est qu'elle se cale sur cette forme de temps alors que la majorité fonctionne sur un point de vue linéaire progressiste. Cette frange de la population est dé-socialisée car ne joue pas le jeu, par exemple elle ne cherche pas à gagner de l'argent, à s'établir, à obtenir une meilleure position sociale ou à préserver ses acquis. Non, elle vie dans une sorte de présent mais qui lui-même est distendu. Ce n'est pas un présent au sens d'un ‘moment' ou d'un ‘instant' comme le préconise le carpe diem, mais c'est un flottement durant lequel se réalise un laps entre deux repaires: entre manger et dormir par exemple; un entre-deux. Le temps est dilaté en fonction de ce qui l'occupe et du monde d'activité, il peut être extrêmement distendu comme nous le rapporte les relations de voyage dans les régions polaires par exemple. Je me souviens d'un passage de Nansen lorsqu'il est coincé avec un coéquipier sur l'archipel François Joseph et qu'il raconte que ce qu'il prenait pour des journée s'étalait en fait sur des plusieurs dizaines d'heures et qu'en définitive une journée pour eux finissait par durer 72 heures, les repaires telle que l'alternance jour/nuit n'étant pas présente dans ces régions.

Le même phénomène peut advenir sous nos latitudes et se traduisent par des cycles perturbés du sommeil, des insomnies, des cycles déréglés d'alimentation, des difficultés de concentration, des comportements violants ou au contraire trop calmes, bref autant d'attitudes qui ne conviennent pas trop à une vie en société.

Mais si ces modes de vies sont condamnables ce ne peut être que sur une base de santé de l'individu. L'expérience involontaire de Nansen, qui a plusieurs fois été depuis refaite en particulier dans des grottes, montre qu'il est tout à fait possible de vivre normalement sur d'autres repaires et même faudrait-il peut-être dire, sur des repaires propres à l'agent cognitif, entres autres, les fameux cycles biologiques. En ce sens ce n'est pas condamnable rationnellement.

Il est fort probable que la majorité des personnes dé-socialisées soient en fait parfaitement “normale" au sens psychologique et médical du terme, bien qu'elles ne s'accordent pas avec le rythme de vie “imposé" par la société. Certains choisissent volontairement un mode de vie décalé alors que d'autres en sont victimes, réduites à s'écarter de la norme car incapables de s'y plier.

Mais si une telle perception et conception du temps ne collent pas à une société branchée sur la linéarité vers un mieux, cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit négative. Si l'existence n'est plus pendue à un bâton et une carotte elle peut s'avérer plus créatrice, contemplative ou simplement moins stressante, mais ceci, évidemment, si elle n'est ni jugée ni comparée à une norme sociale. Or c'est le propre de la vie en société que d'ériger des normes et des diapasons.

La question qui se pose alors est celle de la possibilité réelle qu'une vie en société pour tous les êtres humains. Si de manière prescriptive il est concevable que tout être humain vit ou doit vivre en société, de manière descriptive on voit que cela n'est pas si simple. Les raisons peuvent être multiples: peut-être que tout être humain prend pas à une société uniquement si celle-ci est parfaite, ou bien peut-être qu'essentiellement certains ne peuvent pas vivre en société, ou bien encore, peut-être que tout être humain doit et peut vivre en société mais que celle-dit doit laisser une place à certains qui n'y prennent pas part directement. Forme d'associable sociablité rousseauiste.

L'inconvénient dans notre société française actuelle est que la prédominance de la linéarité progressiste alliée à une notion de responsabilité individuelle mêlée de destin et d'autonomie conduit à considéré chacun comme responsable de sa situation et qu'il ne mérite que ce qu'il a. Ainsi un sans domicile fixe sera tombé dans la panade par dépression nerveuse, aléas économique ou décision personnelle mais quoi qu'il arrive a toujours la possibilité de s'en sortir. Si en un sens c'est vrai ce n'est pas pour autant facile.

Une situation d'échec sans perspective peut conduire ou bien à une dépression carabinée pouvant aller jusqu'au suicide, ou bien à un structuration différente du mode de vie sur des repaires accessibles, le monde des possibles ayant changé avec la situation. Imaginons quelqu'un qui pour une raison ou une autre se trouve en difficulté sociale, c'est-à-dire qu'il ne peut plus suivre la course effrénée vers le progrès et le mieux dans les limites des heures et des journées imparties et qui pour une raison ou une autre au lieu de sombrer dans des idées noires restreint le champ de ses possibles accessibles à une liste modeste et réaliste. Sa vie va devenir morne au yeux de certains mais réglée et sûre en réalité, tout comme l'étaient les journées de Nansen sur son archipel. Manger, dormir, marcher. Rien de palpitant, des habitudes, des répétitions de la même chose, des repaires stables et immuables. Un tel être humain pourrait vivre des années sans même s'en apercevoir et vivre très bien d'un point de vue mental et médical, sans jamais sombrer dans la folie et même en pouvant développer une imagination débordante. Remettre un tel être humain dans le “droit chemin" de la “société moderne" serait particulièrement difficile voire tout à fait impossible, mais il n'en reste pas moins qu'une telle personne pourrait-être heureuse et épanouie au sens de l'individu au moins. Et pourtant une telle personne viendrait certainement à dépérir assez rapidement et à frôler la folie par un état sanitaire délicat: la crasse, la malnutrition et les maladies en aurait vite raison.

Or ces raisons sont contingentes et il faudrait remettre les choses dans leurs contextes pour être honnête. Avez-vous déjà essayé de vous laver dans une grande ville comme Paris lorsque vous n'avez pas de logement ni trop d'argent à dépenser? C'est possible mais difficile. Pareil pour manger. Pareil pour dormir au sec. Ces conditions de vie ne sont pas des conditions “normales" parce la société telle qu'elle est organisée les accapare pour les intégrer à son propre mode de fonctionnement. À l'État de Nature, si jamais, un tel individu pourrait vivre d'eau fraîche et de verdure. Or ce sont des denrées disparues de nos villes et même peut-être de nos campagne.

La société pourrait fonctionner en laissant des espaces disponibles pour des actions simples et vitales sans nécessairement devoir “assister" ceux qui les fréquentes. Des fontaines par exemple, des bains publiques et peut-être même des cantines. Sacrilège me criera-t-on, ça ne ferait que ruine l'économie et voler les justes propriétaires de ces richesses au profit de parasites. Certes, c'est là que le bât blesse. Le bât blesse parce que l'eau est devenue une propriété de certain, que l'espace est devenu une propriété de certains, que la nourriture, l'abris et même le temps sont devenus la propriété de certains.

La question qu'il faut se demander alors, en ce début de XXIe siècle et avec les bonnes intentions morales, écologiques, humanistes et humanitaires que notre société veut bien se donner, est celle de la propriété réelle de certains biens. L'eau doit-elle appartenir à Véolia ou bien à l'humanité? Et ce pour chacun des biens premiers. Si on accorde à certain la possession de ces biens, alors il est juste de reconnaître qu'ils peuvent en être dessaisis et destitués par d'autres. C'est ce qu'on appelle une guerre comme celles qui nous attendent au sujet de l'eau. Si au contraire on considère que ce sont là des biens qui appartiennent à l'humanité en propre et donc à personne en particulier alors chacun y a droit dans la mesure de ses besoins (ce qui ne signifie donc pas de manière équivalente mais bien égalitaire), et si ces biens coûtent alors chacun doit y participer à la mesure de ses possibilités (qui ne correspondent pas nécessairement à ses besoins). Ainsi chacun, même un SDF a le droit (au sens de devrait avoir le droit) de se laver dans des bains publics, d'être soigné dans des dispensaires, etc. Nous verrions alors que d'autres modes de vie seraient non seulement possibles mais auraient leur pleine place et part dans la société car ce sont en définitive comme cela que vivent les artistes, les penseurs et les inventeurs, lorsque par chance ils peuvent subvenir à l'existence avant que de vivre.

La moralité de cette histoire? C'est que peut-être l'homme qui au coin de la rue demande une pièce pour manger vit mieux que celui qui la lui donne, “vit mieux" au sens où il sait pourquoi il vit et ce qu'il vit (le fameux bonheur espéré de nos société). -Finalement peu sont ceux qui ont vraiment un projet de vie, beaucoup moins nombreux en tous les cas que ceux qui pensent en avoir en fuyant continuellement ce qu'ils auraient espéré avoir...

Une meilleure société reste encore possible, c'est toujours bon d'avoir de l'espoir.

dimanche 24 août 2008

La question écologique: réalité des comportements et quotas de bonne conscience

L'écologie est l'une des préoccupation centrale et majeure de ce début de siècle. La prise de conscience qui était dénigrée dans les années 70 pour devenir une noble cause de chevalier isolé avec Cousteau, est maintenant devenue une politique de gouvernement. Alors qu'il s'agissait il y a 30 ans d'une position philosophique de laisser une planète aussi bleue à l'humanité de demain puis avec le commandant de laisser une planète à peu près bleuté à nos petits enfants, il s'agit maintenant de nos enfants ou bien de notre propre retraite. L'échéance se rapproche rattrapée par des conclusions alarmistes de fins des temps ou de catastrophes millénaristes et de rapports du GIEC.

Dans ce contexte où nul ne peut se détourner de cette question sans être taxé de cynique ou pire de criminel contre l'humanité, les comportements ne coïncident pas toujours avec les principes et les idées. La télévision diffuse au moins plusieurs fois par semaine des reportages qui nous démontrent combien l'agriculture est mauvaise lorsqu'elle utilisent des pesticides et des OGM et combien il est plus moral de changer sa manière de consommer en sauvant les petits producteurs contre les méchantes multinationales. Tout cela est louable, mais l'affaire est légèrement plus compliquée que cela.

J'en reviens à l'exemple de l'éco-taxe mise en place par le gouvernement. Taxer les produits les plus polluants est une bonne chose, quoi que. Je dis quoi que parce que ou bien ces produits sont nocifs pour l'environnement en ce cas il ne faut pas se contenter de les taxer mais il faut aller plus loin et les éliminer. Sincèrement à quoi sert-il d'avoir un 4x4 ou une voiture de plus de 3ch en ville? Je veux bien que dans certaines circonstances il soit nécessaire ou simplement utile d'avoir une grosse voiture, mais ces cas restent exceptionnels et devraient le rester. Donc ou bien on les taxe vraiment au point de dissuader radicalement le péquin d'en acheter ou bien on ne fait rien. Une mesurette n'est là que pour se donner bonne conscience sans trop se poser la question de ce qu'il adviendrait vraiment de l'industrie automobile si les mesures étaient plus réalistes et pertinentes.

Mais ce n'est pas là que le bât blesse. Le pire est de subventionner les produits qui (soit disant) sont plus "verts". Vous achetez une voiture qui pollue un peu moins qu'une autre alors vous avez doit à une prime. Soit. C'est un peu comme si vous donniez un bonbon à votre enfant à chaque fois qu'il dit bonjour à son institutrice. C'est bien de l'encourager, mais n'est-ce pas là le comportement normal qu'il devrait avoir sans devoir être récompenser pour cela? Si on lui frappe sur les mains à chaque fois qu'il lui donne un coup dans les jarrets au lieu de la saluer et lui donne un bonbon à chaque fois qu'il dit bonjour cela signifie que le comportement "normal" est celui consistant à rester indifférent et à ignorer l'institutrice? Excusez mais je crois que ce n'est pas une bonne chose. Le comportement normal devrait être celui de saluer poliment, pour une voiture de ne pas polluer ou de polluer le moins possible, pour une agriculture de détruire le moins possible l'environnement et ainsi de suite.

La prime fonctionne ici comme une emprunte négative sur les comportements, elle incite à penser "tiens, je ne ferais pas ça mais comme j'y gagne à le faire autant le faire", donc l'action n'est pas faite pour elle-même mais par incitation déguisée. Enlevez la prime et vous verrez quelle est la conscience réelle du consommateur en matière d'écologie.

Changer l'apparence ne suffit à changer l'essence, or la conscience écologique n'est louable (et même pas puisqu'elle devrait-être naturelle étant le meilleur comportement rationnel) que si elle est sincère et désintéressée (au sens où elle n'est effectuée qu'en suivant l'ordre des raisons et non pas par cupidité).

L'écologie est notre mythologie contemporaine. Notre raison de vivre. Nous travaillons pour sauvez la planète, du moins nous aimerions bien mais nos préoccupations personnelles et quotidiennes nous ne nous le permettant pas, nous espérons chaque matin que le gouvernement s'en charge, qu'une équipe d'éminents scientifiques s'en occupent, qu'un génie trouvera enfin l'équation magique "maximum d'énergie = 0 déchet", et se faisant nous continuons à utiliser notre vieille voiture, à jeter des emballages inutiles, allumer toutes les lampes et manger des tomates rouges aux hormones, parce que nous pouvons pas nous permettre mieux. Il y a donc le mythe général d'un côté et l'action personnelle de l'autre et, pour le moment, une inadéquation entre les deux. Nous voulons faire quelque chose pour participer à cette belle aventure et cependant nous le faisons pas parce que la réalité est différente. Or il n'y a d'autre réalité que celle des actions individuelles, et même si l'action générale n'en dépendant pas directement, elle y est conditionnée en fin de compte car il n'y a pas d'abstraction sans un monde concret ne serait-ce que pour la penser.

La raison impose donc de modifier les comportements réels et concrets plutôt que les idées creuses et générales. C'est plus simple mais plus brutal également. Les révolvers tuent? Cessons de construire des revolvers et interdisons-les. Les grosses cylindrées polluent, arrêtons d'en faire et de les utiliser... la première source de pollution en France vient de la mauvaise isolation des logements? isolons-les ou reconstruisons les. C'est simple, mais vous voyez la dose de courage qu'il faut pour agir...

Ma foi tant que la Terre le permet nous pouvons continuer sur la voie de la facilité en nous voilant à face ou “achetant" des quotas de CO2 et des droits à polluer qui ne sont que des passe droit que prenaient ceux qui le pouvaient pour louer un plus pauvre se faire tuer au front à leur place... mais par pitié ne poussez pas l'ignominie à dire que c'est là un comportement écologique et rationnel car il ne l'est pas.

jeudi 14 août 2008

Question d'euthanasie.

L'actualité nous confronte à un nouveau cas d'euthanasie. Un jeune homme atteint d'une maladie dégénérative rare et incurable à mis fin à ses jours prétextant le caractère insupportable de sa condition et, surtout, de pouvoir mettre fin à ses jours sans avoir la certitude de pouvoir le faire lorsque son état se sera aggravé.

Il y a dans cet acte une chose insupportable et insoutenable: celle de voir quelqu'un de lucide comprendre qu'il pourrait encore vivre mais qui sait également que bientôt il ne pourra plus maîtriser le court de son existence et la subir comme enfermé dans une voiture dont les portières seraient closes, les câbles de freins rompus dans une pente sans issue.

Tout comme les derniers cas récents, ce jeune homme avait fait une demande officielle de pouvoir mettre fin volontairement à ses souffrances dans un cadre légal. Cela montre également le niveau de réflexion et de lucidité de la part des personnes dans cette situation.

Monsieur le président a répondu par une fin de nom recevoir arguant des convictions philosophiques personnelles allant à l'encontre de la libre détermination de sa propre existence. Outre que ces conceptions “philosophiques" sont suffisamment étranges pour qu'on se demandent ce qu'elles sont de précisément philosophiques (elles semblent plus ressortir de la conviction religieuse que de l'argumentation rationnelle) bien que la question reste ouverte, beaucoup d'autres questions viennent troubler cette réponse. D'une part, excusez monsieur le président, mais vos convictions philosophiques nous intéresse beaucoup moins que celle de l'État et de la société française. Que vous soyez personnellement contre l'euthanasie est une conviction qui vous est propre est qui est respectable tant qu'elle reste dans le domaine de la sphère privée. Or la question de l'euthanasie et celle soulevée par ce jeune homme est publique et non pas privée.

Mais si cela est vrai que l'euthanasie vous choque, cela signifie que vous considérez qu'une forme de téléologie gouverne la destinée des Hommes et que seul ce dessein est en droit de choisir ou non le moment et les conditions de la mort. Vision très proche de celle avancée par le Vatican. Cela est défendable, mais il faut alors pousser le raisonnement dans ses retranchements et conclure que l'individu n'est ni libre de ses choix ni de sa destinée, que les choses adviennent car elles sont écrites et régies par un scénario pré-écrit. Comment ce déterminisme peut-il être défendu en même tant qu'un libéralisme débridé? Comment prôner l'autonomie et l'auto-détermination et soutenir en même temps une idée de finalité et de prédestination? Je serais curieux, monsieur le président, de connaître la subtilité de l'argumentation d'une telle position.

Si au contraire le libéralisme reconnaît la possibilité à chacun de faire ce qu'il souhaite dans la mesure de ses capacités, alors il faut reconnaître à l'individu la gestion totale de sa propre existence, et ceci inclue le suicide et au besoin assisté.

Quel serait le risque de permettre l'euthanasie dans un cadre légale et réglementé? Que tout le monde voudrait soudainement en finir avec la vie et demander à des médecins de les achevés? Vous savez vous-mêmes que cela est absurde, à moins que le suicide soit interdit ou que son interdiction fasse baisser le taux de mortalité volontaire. Vous savez mieux que moi que ce n'est pas le cas.

Remarquez également que les personnes ayant amené sur la place publique le débat et qui ont mis leurs actes à exécutions sont des personnes sensées et lucides qui justifient et argumentent leur acte de manière rationnelle et positive. Elles sont passées à l'acte alors qu'elles pouvaient encore le faire sachant, cela prouve une maturation extraordinaire de leur plan. C'est un hymne à la vie positive qu'elles chantent par leur attitude et non pas un massacre et un désarroi. Je suis persuadé que si une fée leur proposait entre la mort immédiate ou bien une réminiscence immédiate que leur choix serait rapide et catégorique.

Le plus étonnant dans ces tristes affaires et que l'opinion publique semble comprendre cela et respecter ces choix, mais que pour une raison toute aussi froide et calculatrice de peur de perdre des élections, le pouvoir et ses responsables semblent encore frileux pour accorder la France avec les français.

Monsieur le président, je ne vous demande ni de renoncer à vos convictions personnelle ni de signer un blanc passé à l'euthanasie, mais je demande un vrai débat, rationnel et construit de sorte que l'on puisse savoir si l'on accorde ou non la dignité aux individus ou bien si l'on considère qu'elle ne revient qu'à des cellules biologiques.

N'oubliez pas, monsieur le président, que vous vous êtes dit libéral pendant votre campagne, et qu'il faut rendre hommage à ceux qui souffrent mais qui dans leurs souffrances cherchent à rendre la vie un peu meilleure à ceux qui viendront à souffrir.

samedi 26 juillet 2008

Bonus Malus: l'écologie en question.

Le bonus malus a été mis en place par le gouvernement pour incité le consommateur à acheter des véhicules moins polluants en les favorisant à l'achat et en pénalisant les autres par une taxe. Cette méthode s'est avérée très efficace pour modifier le comportement des usagers et des consommateurs mais très périlleuse économiquement, ce qui a forcé le gouvernement à revoir sa copie et a étendre la taxe non seulement à l'achat mais à la durée de vie du véhicule.

Le gouvernement veut maintenant étendre cette pratique à d'autres produits, en particulier au logement.

Le parc de logement en France est assez ancien et souffre d'un manque criant d'isolation. Certaines études affirment que plus de la moitié des habitations seraient ainsi énergiphage. L'exécutif entend donc obligé les propriétaires à indiquer le bilant énergétique réel du logement lorsque celui-ci est proposé à la vente ou à la location et étudie la possibilité d'une taxe à la consommation pour les plus gourmands.

L'idée est belle est louable, mais elle ne correspond pas tout à fait à la réalité du terrain. D'une part le parc d'habitation est très déséquilibré dans sa répartition et son accès. Il ne faudrait pas oublier qu'en France en 2008 des personnes dorment dans le rue, et lorsque je parle de personnes je parles de centaines de personne rien à qu'à Paris. C'est un problème qu'il faut régler avant et indépendamment de la question de l'énergie ou bien avec la question de l'énergie, ce qui serait encore mieux mais beaucoup plus coûteux et compliqué que ne l'est le problème actuellement et qui n'est toujours pas réglé.

Ensuite, le parc immobilier n'est pas aussi flexible que le sont les produits industriels et manufacturés. Il est toujours possible d'arrêter ou de diminuer la production d'une voiture très polluante au profit d'une autre moins gourmande en restructurant la chaîne de production sans trop de difficulté et assez rapidement. Et s'il est possible d'imposer des normes plus strictes à la construction de nouveaux logements, il est très difficile de le faire pour ceux déjà existants.

Qui va payer cette taxe? Le locataire ou l'acheteur? Mais si cette taxe s'ajoute au prix cela ne rendra que plus difficile encore l'accès au logement, sans compter que cela se passe dans un contexte où les banques réduisent d'accès aux emprunts pour cause de difficultés de financement dans le domaine. Le risque est donc de gelé le problème plutôt que de le résoudre.

Si c'est au propriétaire de payer alors ou bien ce surcoût sera répercuté sur le prix et ramènera à la première possibilité ou bien certains propriétaires préféreront ne pas prendre le risque de la réfection et gèleront leur parc en attendant de le vendre en l'état pour une reconstruction ou un propriétaire plus fortuné. Un parc à deux vitesse risque donc de se mettre en place entre des nouveaux logements ou des logements refaits et plus chers et un parc plus ancien et mis en jachère. D'autant plus que le problème perdurera car des logements mal isolé continuent à polluer même non occupés en faisant des ponts et des trous thermiques.

Pour être efficace une telle mesure doit être radicale et se coupler à un vrai droit opposable au logement et à une taxation très importante sur les logements vides et vacants. Mais la contre partie évidemment et de se mettre à dos une série de spéculateurs, en particulier de banques, ce que les autorités rechigneront sans doute à faire.

L'idée en l'état d'un système de bonus malus pour le logement ne renforcera que les inégalités dans le domaine et accentuera la paupérisation et la précarité d'une classe moyenne jusque là encore épargnée mais fragilisée.

Ce qu'il faut c'est une politique forte de reconstruction totale du parc immobilier en France avec un plan de répartition de la consommation énergétique par capitalisation et mise en commun: développer le chauffage collectif, limiter les ponts thermiques, favoriser l'inertie de chaleur etc. dans des formes d'habitation où l'usage collectif des biens et des transports soient optimal. Cet notre mode de vie dans notre entier qu'il faut revoir, sinon cela ne sera qu'une mesurette qui intenable dans la durée se retournera contre nous.

L'écologie c'est bien mais il faut la penser de manière réaliste sans oublier que ce sont nos interactions avec l'environnement qu'il faut modifier et non pas nous ou l'environnement. Mais nous sommes parties de l'environnement, et ce sont par conséquent également les interactions inter-humaines qu'il faut revoir et optimiser.

En ce sens les SDF sont une pollution de notre système social et au lieux de vouloir les passer par dessus bord comme certains le préconisent, c'est le système entier qu'il faut ajuster pour que ce genre de situation n'arrive pas et plus. Or à ce jour la problématique de l'environnement ne couvre pas ces questions là et c'est en ce sens que les réponses apportées ne marcheront pas plus que les précédentes.

vendredi 25 juillet 2008

Comment vivre au présent et penser à l'avenir?

Le niveau de vie que nous connaissons actuellement n'a rien à voir avec celui de nos aïeux et c'est tant mieux. La moindre chambrée d'étudiant, ou presque, est mieux équipée maintenant que le château d'un notable d'il y a cinquante ans.

Mais tout c'est pas rose pour autant. L'économie reste le moteur de notre quotidien et à ses moindre sursaut ce sont des bons que nous faisons, et maintenant comme tout va plus vite et bien tout ce passe plus rapidement. C'est une lapalissade, certes, mais vraie, alors pourquoi se priver de la dire?

Un exemple simple, considérer les informations par exemple. Maintenant (enfin depuis une décennie maintenant) la presse écrite est devenue non plus mensuel ni hebdomadaire mais change plusieurs fois parLe niveau de vie que nous connaissons actuellement n'a rien à voir avec celui de nos aïeux et c'est tant mieux. La moindre chambrée d'étudiant, ou presque, est mieux équipée maintenant que le château d'un notable d'il y a cinquante ans.

Mais tout ce n’est pas rose pour autant. L'économie reste le moteur de notre quotidien et à ses moindres sursauts ce sont des bons que nous faisons, et maintenant comme tout va plus vite et bien tout ce passe plus rapidement. C'est une lapalissade, certes, mais vraie, alors pourquoi se priver de la dire?

Un exemple simple, considérer les informations par exemple. Maintenant (enfin depuis une décennie maintenant) la presse écrite est devenue non plus mensuelle ni hebdomadaire mais change plusieurs fois pas jour et tend à devenir instantanée. Les sites internet des quotidiens sont remis à jour plusieurs fois dans la journée et ces médias sont devenus aussi réactifs que la radio ou la télévision. C'est très bien, très pratique, mais la contre partie est que l'analyse devient plus difficile à faire et perd peu à peu du terrain, car l'analyse demande du temps et du recul.

Prendre le temps n'est pas qu'un slogan de paresseux, c'est aussi celui du sage.

Prenez un autre exemple. Imaginez que vous considérez que le climat et son dérèglement soit une préoccupation majeure qui doit être traitée le plus vite possible. La démarche est louable. Vous regardez rapidement autour de vous et vous constatez qu'il y a beaucoup de voitures très polluantes. Si le nombre des grosses cylindrées baissait alors la pollution diminuerait. C'est donc logiquement que vous proposez de favoriser l'achat de véhicules moins polluants en donnant un bonus à l'achat et pénalisez celui de voitures polluantes par un malus. Le raisonnement semble correct ainsi or il ne l'est pas. En effet vous influez sur un mode de consommation et donc sur une pratique qui perdurera alors même que le contexte initial aura changé, puisque vous espérez le changer. Au début donc vous aurez le résultat escompté mais très vite la balance va peser du côté des véhicules plus propre et donc vous allez dépenser plus que vous allez recevoir, à moins d'inciter l'achat de véhicules polluants pour financer les propres... ce qui va à l'encontre de la démarche. Vous vous rendez compte de la manœuvre après quelques mois et donc décidez de taxer les véhicules les plus polluants non pas uniquement à l'achat mais chaque année avec le renouveau de la vignette, ce qui ne fait qu'aggraver le cas... Non la seule solution est de taxer les véhicules sales et de ne pas favoriser outre mesure les véhicules propres, c'est le seul compromis qui ne nuit pas à l'économie du système et n'écrase pas l'industrie automobile non plus... Mais pour cela il faut réfléchir au moins à moyen terme et non pas à court terme.

Idem pour les 35 heures. Un invité à la télévision disait que c'était l'échec des 35 heures car si elles accordaient plus de temps les salaires ne suivaient pas et donc les gens ne profitaient pas plus de leurs temps libres. Certes, mais de-là à en tirer comme conclusion qu'il faut allonger le temps de travail il faut être très tordu. Le plus simple serait d'élever simplement les salaires. Certes cela paraît injuste, mais c'est cela qui relance l'économie et donc l'achat et donc la productivité. À produire plus sans pouvoir acheter plus, par manque de temps mais aussi et surtout parce qu'il n'est pas certain du tout que les salaires suivront, c'est à la consommation qu'on s'en prend, et donc au moteur de la société... Encore une mauvaise idée...

C'est essayer d'imaginer les conséquences à long terme de nos actions et décisions qu'il faut faire et non pas se limiter au temps présent de l'immédiateté. C'est une bien mauvaise compréhension du carpe diem, aux conséquences très fâcheuses.

Prendre le temps, prendre le temps, voilà le slogan qu'il faut répéter ad noseam, c'est le mal de notre temps, celui de ne pas savoir le prendre. jour et tend à devenir instantanée. Les sites internet des quotidiens sont remis à jour plusieurs fois dans la journée et ces média sont devenus aussi réactifs que la radio ou la télévision. C'est très bien, très pratique, mais la contre partie est que l'analyse devient plus difficile à faire et perd peu à peu du terrain, car l'analyse demande du temps et du recul.

Prendre le temps n'est pas qu'un slogan de paresseux, c'est aussi celui du sage.

Prenez un autre exemple. Imaginez que vous considérez que le climat et son dérèglement soit une préoccupation majeure qui doit être traitée le plus vite possible. La démarche est louable. Vous regardez rapidement autour de vous et vous constatez qu'il y a beaucoup de voitures très polluantes. Si le nombre des grosses cylindrées baissait alors la pollution diminuerait. C'est donc logiquement que vous proposez de favoriser l'achat de véhicules moins polluants en donnant un bonus à l'achat et pénalisez celui de voitures polluantes par un malus. Le raisonnement semble correct ainsi or il ne l'est pas. En effet vous influez sur un mode de consommation et donc sur une pratique qui perdurera alors même que le contexte initial aura changé, puisque vous espérez le changer. Au début donc vous aurez le résultat escompté mais très vite la balance va peser du côté des véhicules plus propre et donc vous allez dépenser plus que vous allez recevoir, à moins d'inciter l'achat de véhicules polluants pour financer les propres... ce qui va à l'encontre de la démarche. Vous vous rendez compte de la manœuvre après quelques mois et donc décidez de taxer les véhicules les plus polluants non pas uniquement à l'achat mais chaque année avec le renouveau de la vignette, ce qui ne fait qu'aggraver le cas... Non la seule solution est de taxer les véhicules sales et de ne pas favoriser outre mesure les véhicules propres, c'est le seul compromis qui ne nuit pas à l'économie du système et n'écrase pas l'industrie automobile non plus... Mais pour cela il faut réfléchir au moins à moyen terme et non pas à court terme.

Idem pour les 35 heures. Un invité à la télévision disait que c'était l'échec des 35 heures car si elles accordaient plus de temps les salaires ne suivaient pas et donc les gens ne profitaient pas plus de leurs temps libre. Certes, mais de là à en tirer comme conclusion qu'il faut allonger le temps de travail il faut être très tordus. Le plus simple serait d'élever simplement les salaires. Certes cela paraît injuste, mais c'est cela qui relance l'économie et donc l'achat et donc la productivité. À produire plus sans pouvoir acheter plus, par manque de temps mais aussi et surtout parce qu'il n'est pas certain du tout que les salaires suivront, c'est à la consommation qu'on s'en prend, et donc au moteur de la société... Encore une mauvaise idée...

C'est essayer d'imaginer les conséquences à long terme de nos actions et décisions qu'il faut faire et non pas se limiter au temps présent de l'immédiateté. C'est une bien mauvaise compréhension du carpe diem, aux conséquences très fâcheuses.

Prendre le temps, prendre le temps, voilà le slogan qu'il faut répéter ad noseam, c'est le mal de notre temps, celui de ne pas savoir le prendre.

jeudi 24 juillet 2008

Qu'est-ce qu'un emploi? Qu'est-ce qu'un travail?

Qu'est-ce qu'un emploi? Je pose la question naïvement et de manière quelque peu provocatrice, mais si je la pose c'est bien pour avoir une réponse, et en y réfléchissant un peu, la réponse n'est pas évidente.

En ouvrant la radio, la télévision ou en lisant le journal il n'est pas difficile de constater que l'emploi et le travail sont au centre de nos préoccupations, de manière directe ou non. Des cadres qui manifestes dans la rue voilà qui n'est pas banal et ils manifestent paradoxalement pour avoir du travail mais pas trop.

Depuis que la loi dite de modernisation du travail et entrée en application et qu'il est maintenant possible de déroger aux 35h, les annonces publiées sur le site de l'ANPE ont changé. Certaines offres demandent un BAC+5 et propose un emplois d'ouvrier qualifié à 40h par semaine pour 1600 euros sans oublier qu'une expérience de 2 ans au moins à un poste similaire est exigée. Et une offre comme celle-ci n'est pas isolée et ce de moins en moins.

Alors évidemment il y a le coup de la vie et le pouvoir d'achat: le prix du kilo de tomates (quoi qu'il baisse un peu ces derniers temps sur le marché) le loyer et les charges. Mais 1600 euros pour 40h après un BAC+5 en vaut-il vraiment la chandelle?

Rationnellement la question est compliquée: d'un côté il est vrai qu'il est nécessaire de participer à l'effort économique du pays et plus le PIB sera élevé plus le niveau de vie le sera, et plus pragmatiquement et prosaïquement il faut payer le loyer qui lui ne suit pas la même courbe que le kilo de tomates. En sommes la raison économique nous ordonne d'accepter un travail quel qu'il soit puis qu'un travail est déjà en soit “une offre raisonnable" comme dirait le gouvernement. Travailler plus. Point.
D'un autre côté, si l'on considère le problème d'un point de vue existentiel ou au regard du coût de la vie mais au sens littéral du terme, cela veut dire que le plus clair de notre existence va se passer à ne rien faire pour son propre développement mais se dévouer au PIB. Je ne dis pas qu'il ne faut pas y participer, loin de là et de toute manière le développement personnel ne peut se faire sans l'aide des autres et donc sans les aider en retour, mais jusqu'à quel point? Avons-nous tous la carrure d'une mère Théresa? Cela serait bien, mais allons!
Travailler plus pour gagner plus, voilà le slogan qui a mener l'exécutif au pouvoir, et le plus surprenant est qu'un tel slogan ait marché. La question qu'il faudrait poser est celle de “pourquoi gagner plus?", et j'espère que les réponses à cette question convergeraient pour dire qu'il faut gagner plus pour vivre mieux. Or ce n'est pas du tout ce que l'exécutif semblait et semble toujours d'ailleurs avoir en tête. Vivre mieux veut également dire se reposer, être moins stresser, prendre le temps de se détendre et de se cultiver, habiter un endroit calme, en harmonie avec l'environnement et créer. Or la première valeur est le temps. On le sait bien, même naïvement la peur la plus étouffante est celle de la mort, celle de n'avoir pas eu le temps de faire ce que l'on aurait aimer faire. Gagner plus, oui, mais de temps. Or comment gagner sur ce tableau si on vous propose de travailler plus sans gagner nécessairement plus d'argent (où gagne-t-on plus à être payer 1600 euros pour 40h?) et surtout perdre du temps?

La conséquence de la nouvelle loi de modernisation de l'économie sera simplement de faire baisser le taux de productivité horaire et donc le PIB en fin de course. Le travail n'est plus une fin en soi, quoi qu'heureusement ça ne semble pas être la conception majoritaire dans notre pays et certains pensent peut-être encore qu'ils auront une retraite dorée, où qu'avoir une grande maison est bien même si on passe plus de temps au bureau que dans son salon, ou bien simplement que d'avoir de l'argent c'est cool même si on n'a plus le temps de le dépenser...

Prochaine étape: l'ouverture des magasins le dimanche. En effet si maintenant les cadres doivent travailler 40 samedi dans l'année, quand vont-ils dépenser?

Quoi qu'il en soit je suis preneur de toute offre d'emploi, pour autant qu'elle soit raisonnable...

samedi 5 juillet 2008

Image fixe / image animée

Cela faisait quelque temps que je n'avais pas revu ma mère. Je me suis aperçu qu'elle avait changée de lunettes. Celles-ci lui vont bien, mais je me suis également rendu compte qu'elle ressemblaient étrangement, par leurs formes, à celle que portait ma grand-mère sur une ancienne photographie. Je me souviens que ces lunettes de grand-mères font vraiment lunettes de grand-mère sur ces photos en noir et blanc. Et pourtant, en jetant un coup d'œil dans la vitrine d'un opticien, non, elles sont bien encore au goût du jour.

Évidemment, entre le visage de ma mère et celui de ma grand-mère il y a de grandes différences. La plus frappante ici étant que ma mère est là devant moi alors que je n'ai qu'une photographie noir et blanc de ma grand-mère. Il y a la couleur ensuite contre le noir et blanc. Enfin il y a le mouvement, qui est liée à la première des différences. Il est étonnant de s'apercevoir combien un être vivant bouge même lorsqu'il reste immobile.
Sur la photographie ma grand-mère est figée dans un mouvement, elle se retourne, surprise par l'objectif, ce qui rend la pause particulièrement vivante et animée. Mais elle reste comme cela, en suspension dans l'espace et le temps, pétrifiée comme une statue de sel. Ma mère, en face de moi, ne cesse de bouger, même infimement mais elle bouge.

L'image fixe, comme la photographie, n'est pas nécessairement confinée dans l'instant. Il est possible d'impressionner une longue plage de temps sur un même espace et par cette accumulation donnée le sentiment de profondeur et de durée. Tout comme il est vrai que l'image animée, comme au cinéma par exemple, n'est pas nécessairement diluée dans la durée. Un instant peut être décomposée spatialement de manière beaucoup plus étendue qu'il ne l'est généralement perçu, ou au contraire accéléré. Je ne dis pas également que l'image animée saisie plus la vie que l'image fixe.

Il me semble cependant que sur une image fixe, la forme des lunettes de ma mère n'auraient fait la même impression que celles de la grand-mère. Un objet, une forme propre et individuelle devant d'autres formes. Dans une image animée les objets fixes n'ont pas le même statut ceux qui sont animés, ils ne se détachent pas de la même manière, ne rendent pas compte de la même présence.

Un portrait filmé de face en gros plan ou en plan rapproché, légèrement ralenti durant quelques minutes alors que le sujet ne change pas de position, par rapport à un portrait de ce même sujet dans les mêmes conditions mais en image fixe, quelque soit le temps de pause, doivent avoir des caractères extrêmement différents et finalement rendre compte de deux personnes totalement différentes, même si c'est une seule et même.

Ce sont là des intuitions, reste à passer à la pratique, ce que je m'en vais de ce pas faire.

mardi 24 juin 2008

Caractère: accident essentiel.

Le caractère est un accident essentiel, si je peux dire, d'un personnage. Accident car aucune nécessité ne fait qu'un personnage ait tel ou tel caractère. Le caractère est un trait caractéristique qui dans d'autres circonstances, mondes ou situations aurait pu être différent. Pour un être humain il est nécessaire d'avoir un caractère mais accidentel que celui-ci soit l'avarice ou la jalousie.

Essentiel car le caractère contingent du personnage est un de ses traits caractéristique et en ce sens ne peut être modifié sans que le personnage le soit entièrement. Un avare reste un avare même si se contient ou s'éduque.

Déterminer le caractère d'un personnage est difficile. Un personnage est et doit être complexe dans la mesure où ses traits caractéristiques n'ont pas la même force et densité en fonction des situations qui l'expose et le révèle. Un avare sera plus avare lorsqu'il s'agira de donner son argent pour une bonne cause que lorsqu'il s'agira de s'acheter une nouvelle chemise. Il restera avare mais plus ou moins. Pareil pour la jalousie et pour tout autre trait de tempérament.

Mais le personnage doit constamment garder son tempérament. Le tempérament est l'équilibre du personnage. L'avare aura son point d'équilibre et son centre de gravité sur l'attachement excessif aux richesses par exemple. Le tempérament donne la personnalité et par conséquent la manière de penser et d'agir du personnage, c'est-à-dire sa conception du monde. Le monde de l'avare est un monde de richesse et de peur perpétuelle de se les faire dérober ou la volonté constante de vouloir se les approprier. Toute situation dans laquelle apparaît l'avare est structurée pour lui, de cette manière là.

La principale différence ce me semble entre ce qu'il est appelé “réalité" et la fiction est que dans la réalité la vision du monde de l'autre et peut-être même de soi, est opaque alors que dans la fiction elle est révélée et transparente. Dans une fiction l'avare voit effectivement de l'or partout même si dans la réalité c'est de l'étain ou du fer.

La fiction est le monde structurée selon une conception déterminée et donc claire et précise. Elle n'a de fonction que de révéler la situation dans lequel le personnage agit, de sorte qu'il ne soit nul besoin d'expliciter autrement le tempérament et le caractère du personnage par le truchement d'une voix off, d'une indication ou d'un monologue.

En montrant et en révélant le caractère du personnage, la fiction permet de prendre une distance avec qui agit comme un verre grossissant nous présentant l'être humain dans une dimension qui ne nous est jamais ou que très rarement transparente, et ce bien entendu pour divertir mais également et incidemment nous enseigner.

Dessiner le caractère d'un personnage est difficile car cela oblige à une compréhension profonde de cette dimension psychologique. Un bon auteur parvient à faire ce travail de manière “inconsciente" ou “implicite" au sens où il ne serait pas nécessairement expliciter le caractère d'un point de vue abstrait et détacher des situations par lesquelles il le manifeste. Un mauvais auteur fera un personnage boiteux, unidimensionnel ou pire comme un agrégat de traits qui non essentiels: le personnage d'un coup deviendra jaloux puis d'un coup avare, puis d'un coup curieux sans aucune cohérence et sans aucun respect pour la personnalité de celui-ci. Un personnage n'évolue par en ce sens car un être humain n'évolue pas ainsi, ce qui change ce sont les manifestations de ce caractère, les situations qui le révèlent plus ou moins, ou bien le combat du personnage avec son propre caractère. Ce ne sont donc pas des changements d'état qu'il faut mais des nuances dans un même registre. C'est difficile, ça se travail et ça s'apprend.

vendredi 20 juin 2008

Comment faire plus d'un personnage: la difficile tache du scénariste.

L'une des innombrables difficultés du scénariste est de parvenir à créer plus d'un personnage. Par là il faut comprendre “personnage" au sens fort du terme, un personnage avec une personnalité qui lui soit propre et des caractéristiques particulières. Alors, si inventer des caractéristiques et encore quelque chose de pas trop compliqué, la personnalité est une autre paire de manche.

Il ne suffit pas d'affubler quelqu'un d'un chapeau pour en faire quelqu'un. Faut-il encore faire ce que ne soit pas qu'un pantin, une marionnette ou un épouvantail. Un personnage doit vivre et la vie d'un personnage doit pousser de l'intérieur, sortir d'elle-même et le mouvoir de manière toute à fait autonome et spontanée. Un professeur d'esthétique répétait jusqu'à radoter au sujet des ronde-bosses grecques qu'elles poussaient de l'intérieur contrairement au copies taillées romaines qui étaient pataudes et lourdes à côté de leurs originaux. Il en va de même pour les personnages.

Cette difficulté est générale et s'étend bien au delà du scénario. Philosophiquement et pompeusement c'est le problème de l'autre, d'autrui. C'est un problème difficile d'abord car il oblige à s'effacer un peu devant quelqu'un autre pour imaginer, penser, concevoir, écouter, admettre, comprendre ce qu'il peut penser, vouloir, croire ou désirer et ce indépendamment de nous, c'est-à-dire sans préjugé ni jugement. Le risque à prendre est de voir que cet autre peut avoir des comportements qui nous dépassent. Il faut l'accepter. Il faut parfois accepter de se corriger soi-même, de reconnaître une erreur ou bien au contraire essayer de convaincre ou d'expliquer à cette entité étrange qui résiste en nous regardant avec de large yeux qui appellent réponse et reconnaissance.

Vouloir passer en force, minimiser ou ignorer l'avis de l'autre c'est le nier et par de là accepter que lui puisse avoir la même attitude et réaction vis-à-vis de nous. C'est faire d'un obstacle un mur au lieu d'essayer de le transformer en jalon. Cela est vrai dans la vie: aussi bien en art qu'en politique ou en philosophie.

Refuser l'autre c'est se condamner au solipsisme. Créer un personnage est déjà une chose difficile car elle suppose de s'extérioriser, mais dans le pire les cas l'auteur arrive encore à faire de ce pseudo-autre un soi déguisé et y place ses propres attentes, désirs, croyances et connaissances comme moteur. C'est boiteux et ne trompe pas grand monde mais cela peut ressembler à un personnage. L'écueil ensuite et d'en faire un deuxième. Alors là l'auteur vert badigeonne deux trois mannequin de personnes qu'ils côtoie de la manière dont il les côtoie c'est à dire de l'extérieur. Les habits sont détaillés mais les intentions grossières et grotesques. L'un est radicalement méchant lorsque l'autre est mièvrement gentil. Point.

Or un personnage est un caractère, au sens de Théophraste et de La Bruyère. Si ce n'est pas un être vivant comme ceux que l'on côtoie dans la vie de tous les jours, il est mue par des réflexions et des pensées qui ne sont pas figées mais vivantes, qui agissent et se contredisent pour lui faire désirer ceci et puis non cela, qui est méchant mais avec des remords, gentil par calcul et nécessité, qui à peur, froid, faim et sommeil. Et lorsque l'auteur l'accepte et le laisse se développer alors il prend vie dans les situations qu'imagine l'auteur et celles-ci deviennent autre choses que des actions vides mais des prétextes à révéler les subtilités de ceux qui y participent. C'est là que tout devient magique et c'est là que l'art nous apprend quelque chose, car sans le vouloir il nous montre comme des personnages y font fasse et par là comment nous, peut-être, nous pourrions le faire.

Créer plus de deux personnages (c'est-à-dire au moins un qui est plus que le pale miroir de son auteur) est un défi, mais lorsqu'il est surmonté cela commence à pouvoir devenir de l'art, d'ailleurs le reste ne va jamais beaucoup plus loin que la page blanche.

Mais c'est une tache difficile, en art, en philosophie tout comme en politique, ça s'apprend et se travaille.

jeudi 19 juin 2008

Fiction ou réalité? Le dilemme du scénariste.

Fiction ou réalité, telle est la question.

Cette distinction est l'une de celles utilisées pour démarquer le film fictionnel ou romancé du documentaire, mais c'est aussi une distinction que la plus part des auteurs refusent, du moins ceux à qui l'on pose la question.

D'un côté cette distinction semble tout à fait légitime. Par fiction serait entendu tout ce qui est sorti de la tête ou de l'imagination de le l'auteur alors qua réalité désignerait ce qui vient du monde et que l'auteur ne ferait que capter avec son moyen d'expression.

Derrière une telle distinction semble parfois ressortir un relent de critique envers la fiction qui serait une moindre réalité ou bien au contraire du documentaire - si tant est qu'il corresponde à la réalité - pour manque d'imagination et de créativité.

De manière essentielle cette distinction est évidemment problématique. Elle tend à recouper l'opposition entre un réalisme d'un côté et un empirisme de l'autre. Or si cette opposition peut avoir un sens dans une épistémologie il est difficile de voir lequel elle pourrait avoir dans une esthétique.

Une fiction qui ne se nourrirait pas de la réalité aurait bien peu de chance de ressembler à quelque chose, non seulement parce que cela signifierait que son auteur est totalement transparent, ce qui est déjà difficile à concevoir, mais également et surtout qu'elle serait absolument incompréhensible à un public humain qui lui se base pas mal sur la réalité pour ancrer la signification des choses. Toute fiction, d'une manière ou d'une autre, se rattache à la réalité, soit pour la dépasser, la transformer ou la nier, mais elle reste comprise par rapport à la réalité. Le problème est alors de savoir ce qu'il faut entendre par réalité. Réalité peut être entendu dans un sens strict étroit comme tout ce qui ne dépend pas de l'Homme, ou bien d'une manière plus large comme tout ce qui ne dépend pas d'un homme en particulier. Dans le premier cas cela regroupe tout ce qui est lorsque vous enlever les humains du tableau, dans l'autre n'est réel que ce qui peut être commun au moins à deux êtres humains, ceux-ci restent donc dans le cadre mais on enlève tout ce qui se passe dans l'esprit d'un seul et qui ne se retrouve dans aucun autre. La fiction comme exempte de toute réalité dans le premier sens est inaccessible à l'Homme et donc ne peut pas correspondre à la fiction telle que nous en parlons. La fiction exempte de réalité dans le second sens serait un langage privé absolument incompréhensible à tout autre que celui qui le pense. Dans les deux cas la chose n'est pas souhaitable.

Maintenant le problème est symétrique pour la réalité. Si la réalité est tout ce qui est indépendamment des Hommes alors elles est inaccessibles et si elle est ce qui est commun au moins à deux êtres humains différents, alors elle est très vaste.

La réalité et la fiction ne serait que deux nuances d'un spectre coincé entre un monde privé et un monde dépeuplé. Vu de cette manière je crois que la question prend une autre forme.

Cependant il serait également intéressant de se poser la question du statu de l'histoire dans l'espace épistémologique. En effet ce bipolarisme est trop étroit. Personne n'est vraiment réaliste pur et dur comme personne n'est empiriste fanatique. Mais certains voudraient n'être ni l'un ni l'autre. Certains objets que l'on peut penser ont un statu bizarre, que l'on appel “universaux" ou “abstraits" qui correspondent à des entités uniques, clairement définissables et distinguables d'autres entités et qui pourtant n'ont aucune existence sensible en propre. Ces entités comme “chaise" par exemple qui désigne n'importe quelle chaise sans n'être aucune en particulier, “liberté" ou “π", sont un casse tête pour les ontologues. Si certains continuent à vouloir les faire réelles ou bien au contraire idéales, d'autres proposent de les mettre ailleurs, dans un “troisième royaume" pour reprendre l'expression de Gottlob Frege, un monde situé entre les deux, entre la réalité dépeuplée et l'expérience sensible humaine.

Qu'est-ce que ce troisième monde? Ce “juste milieu" correspond aux “conceptions", c'est-à-dire au réseau de concepts organisés pour désigner de manière complexe. Une histoire, une théorie mathématique, une carte topographique sont autant de représentations complexes dans le sens où elles font intervenir plusieurs représentations combinées entre elles afin d'en former une nouvelle. Ces conceptions sont des constructions mentales, composées de concepts articulés entres eux. Ces concepts sont réels aux sens où ils sont publics. Cependant ils dépendent grandement des Hommes puisque la communication et les échanges entre humains les modifient. Si vous enleviez les agents cognitifs du monde, les concepts n'apparaîtraient pas. Mais les concepts ne sont pas accessible par l'expérience au sens usuel du terme, ils ne se sentent pas à l'aide des sens qui nous mettent en contact avec le monde sensible. Ils sont accessible par la pensé, l'esprit, la réflexion, le langage, la culture. Si certains veulent considérer que c'est un sixième (ou plus) sens, qu'ils le fassent mais comme il n'est pas coutume de le dire, certains préfèrent considérer qu'il y a un entre-deux entre la réalité brute et l'expérience sensible.

L'espace des conceptions est certainement un très bon lieu où mettre le scénario, entre fiction pure et réalité brute. C'est un espace de pensée, nourri et enrichi de réalité mais qui est une manière de la structurer, de la dessiner et de la modeler pour l'expérimenter, la dépasser et la comprendre. Certains essaient d'y coller au plus près, d'autres au contraire de voir jusqu'où il est possible de s'en éloigner. Ce spectre, entre autre est celui de l'art et celui du scénario.

Tout comme aucune construction humaine est dénuée de scénario, aucune conception n'est exempte de réalité, ni de fiction d'ailleurs.

samedi 14 juin 2008

Scénario / dissertation: l'ordre d'écriture.

Les élèves et les étudiants sont souvent surpris lorsqu'on leur expose pour la première fois la méthode de la dissertation, en particulier de philosophie. Le processus de travail implique de réfléchir de manière non linéaire. Bien souvent la première réaction que vous obtenez lorsque vous leur soumettez un sujet et de les voir foncer tête baisser à partir du coin supérieur gauche d'une copie double, écrire frénétiquement, s'essouffler, le rythme diminue lentement pour péniblement échouer dans le premier tiers du verso de la page suivante, et puis là ensuite c'est le grand blanc... Pourquoi? parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent écrire, parce qu'ils n'y ont pas assez réfléchis et parce qu'ils ne pensent qu'à une chose: arriver au bout, sans s'être posé la question de comment. Une dissertation c'est un 5000 mètres, il ne faut ni partir pour un 100 mètres ni pour un marathon. Écrire une dissertation cela s'apprend. Il doit en être de même pour un scénario.

Pour écrire une dissertation il faut commencer par la fin, ou presque. Savoir ce que l'on veut dire: la conclusion. Mais évidemment pour cela il faut savoir de quoi on veut parler, donc le sujet, et la manière dont la réponse est apportée au sujet détermine la conclusion. En somme il y a un va et vient constant entre ces deux entités: la conclusion et l'introduction. Ensuite tout se déroule calmement et lentement: dans le développement il suffit d'exposer les étapes qui permettent d'aller de l'introduction à la conclusion et ce tout en sachant pertinemment où l'on va (la conclusion) sans jamais brûler les étapes car il faut être conscient que le lecteur lui, même s'il peu imaginer ou suspecter où vous l'emmener, ne le sait jamais avant d'avoir lu votre copie. Il faut ménager un suspens sur quelque chose que l'on sait déjà. Je crois que c'est cela que les étudiants ont le plus de mal à comprendre: arriver à faire abstraction de ce que l'on sait pour adopter le point de vu du lecteur tout en le guidant à son insu. Ce n'est pas facile mais cela s'apprend et les résultats sont surprenants. Car réussir cela c'est réussir à maîtriser son sujet, sa réflexion et la manière de l'exposer, et c'est exactement ce que l'on demande à un étudiant de philosophie.

Je ne suis pas expert en scénario mais je crois que cela marche de la même manière, à la fois pour l'écriture même du scénario mais également dans le processus qui l'incorpore. C'est ce qui fait qu'un scénario est vivant, car il possède une structure interne propre mais également s'adapte à son lecteur. Il n'est pas aberrant alors qu'un scénario puisse être a posteriori ou simplement être finalisé à la fin du processus qui l'emploi. Pensez au documentaire par exemple. La réalisation d'images peut très bien être l'étape de glanage d'information exactement comme les lectures et les recherches préalables sont le fourrage d'une thèse de philosophie. La mise en forme intervient dans un second temps, avec en particulier la sélection des données. Cette étape correspond au montage. Mais le plan de montage ou de sélection dépend évidemment d'un propos et donc d'un scénario qui n'est pas a priori mais fondé sur ces données. Il est tout aussi évident que les images ou les données ont été recueillies dans l'optique de quelque chose, même si cette perspective reste très vague et flou. C'est une sorte de pré-scénario, ou il serait plus juste de dire que c'est une idée préalable, qui est présente dans tout film ou toute thèse pour que cela puisse donner quelque chose.

La forme ne fait pas tout. Pas plus que le fond d'ailleurs. Du matériau accumuler sans ordre ni direction n'est qu'un fatras sans signification. Une forme vide est une page blanche. Il faut un équilibre entre les deux qui est l'organisation d'un contenu sur une page blanche, quelle que soit sa forme. Il en va de même pour la thèse, la dissertation ou le scénario. L'écriture s'apprend.

dimanche 25 mai 2008

Avec ou sans scénario: documentaire / reportage

Peut-on, ou plutôt, doit-on se passer de scénario lorsqu'on entend rendre compte de la réalité par l'audiovisuel? Cette question est une antienne récurante. Outre la question de la réalité et de la vérité voire de la véracité, deux approches s'affrontent.

La première dirait que la réalité, quelle qu'elle soit, se saisi toujours sur le vif: il s'agit de d'attraper ce qui se passe avant, peut-être, de le décortiquer plus tard pour en rendre compte ou l'expliquer. Est alors saisi un événement qui se manifeste par lui-même par sa singularité et sa rupture avec le flux des autres actions. Une balle est tirée, une femme s'effondre, une voiture passe à une allure inhabituelle ou bien on suit un commando ou une troupe de soldats en s'attendant à ce que quelque chose se passe.

La seconde considère qu'aucun événement n'advient s'il n'est expliqué et justifié. Tout élément perturbateur est soit une exception dont il faudra rendre compte ou bien un prétexte pour révéler une attitude, un comportement ou une position de la situation en dehors de cet imprévu. En somme l'exceptionnel est le moins intéressant car le moins courant et le moins habituel.

La première approche est celle du reportage. On se rend sur place parce qu'il se passe (s'est passé ou va se passer) quelque chose d'extraordinaire. On saisi ce qui se passe sans prendre gare à ce qui se passe. L'observateur en étant témoin est acteur, même passif, de la situation dans la mesure où celle-ci l'englobe et le dépasse, au risque parfois d'y laisser sa vie. L'observation ne parvient pas à délimiter et circonscrire ce qui ce passe et donc à l'expliquer et à en rendre compte. Cette attitude se détache et condamne même toute scénarisation, mise en scène, en forme ou en écriture de ce qui se passe sous prétexte de saisir l'instant tel qu'il se présente. Ceci fait abstraction, évidemment, de la sélection préalable de cet événement comme événement digne d'intérêt plutôt qu'autre chose et ses répercutions sur ce qui est filmé, montré et suivi.

La seconde approche est celle du documentaire. Au lieu de “rapporter" le documentaire “documente" ou se documente. Rien n'est filmé dans l'instant ou dans la précipitation mais ce qui est montré procède d'une “observation" et donc d'une recherche préalable de ce qui y a ou ce qu'il faut montrer: le documentaire sélectionne des documents qui rendent compte d'une “réalité". Cette réalité est construite comme un cadre de représentations, d'explications et de comportements qui manifestent un certain rapport au monde, ce que j'ai par ailleurs expliqué comme étant des conceptions ou des formes de croyances. Cette pratique exige de comprendre ce que l'on filme et de ne montrer que ce qui permet de restituer cette conception du monde qui est le thème centrale du documentaire. Le documentaire est donc construit et cette construction est un scénario, certes pas au sens romanesque de la fiction, mais est narratif comme l'est un travail de recherche, i.e. au sens d'une exposition et d'une démonstration.

Ces deux approches, qui évidemment ne contraignent pas l'ensembles des pratiques audiovisuelles doivent être clairement distinguées et ne doivent pas être confondues. Sans juger de la supériorité de l'une sur l'autre, elles sont toutes les deux aussi respectables et intéressantes, mais n'ont ni les mêmes fonctions ni les mêmes propos.

mardi 20 mai 2008

Scénario catastrophe: quels acteurs?

Un cyclone frappe la Birmanie et fait des milliers de morts, de disparus et de sans abris. Un tremblement de terre raye de la carte une région de Chine avec son lot de blessés, de cadavres et de laissés pour compte. Le climat qui part à vau l'eau, le prix du pétrole qui s'enflamme comme les pneus aux portes des raffineries, les loyers qui grimpent, les salaires qui stagnent, le panier toujours aussi cher mais de moins en moins rempli. Ce sont les faits, les situations, le décor. Un scénario à besoin de plus, il a besoin de savoir comment ces faits, ces situations et ce décor révèlent quelque chose des personnages. Qui sont les personnages dans cette histoire?

Il faut des méchants, il faut toujours des méchants, alors mettons une classe politique corrompue, des flics ripoux et des patrons maffieux. Soit.

Il faut des gentils aussi, mettons-y des gentils alors: un vieux professeur idéaliste, une jeune scientifique de génie et un dieu des stades moins bête qu'il n'en a l'air et surtout avec un cœur gros comme ça.

Et maintenant que fait-on de tout cela?

Il manque le suspens et pour du suspens il faut un fil directeur, une direction, une perspective et pour cela il faut savoir où aller.

Ce qui peut choquer et scandaliser dans tout cela ce sont les morts et les misères infligées à des hommes et des femmes. La Nature est cruelle. Si on a la fibre religieuse on aura recours à quelque chose de transcendantal ou s'en éloignera. Si on est écologiste on dira qu'il faut tout abandonner pour tout recommencer différemment. Si on est moraliste on condamnera la bêtise humaine. Mais tout cela ne fait pas une idée, une thèse, une direction.

Non, ce qu'il faut c'est mettre en scène les personnages pour qu'ils se révèlent dans ces situations. Cela signifie rien d'autre que le centre de l'histoire sont les personnages eux-mêmes et il faut se demander ce qu'ils veulent et ce qu’eux feraient dans ces situations-là. La perspective est toute différente. Si le héros veut sauver des birmans il faut qu'il le fasse coûte que coûte. L'humanité ne connaît pas de frontière, les birmans sont tout autant des hommes que les chinois ou les américains. Si le protagoniste veut vivre il doit se positionner vis-à-vis du prix du pétrole et des marchandises. Bref, les personnages déterminent les situations et non l'inverse, celles-ci ne sont là que pour révéler ceux-là.

Il est étonnant que les gens admettent cela de la fiction et non pas de la réalité...

dimanche 18 mai 2008

Scénario: le fond et la forme.

Je ne suis plus tout à faire sûr d'adhérer à l'idée selon laquelle il est possible de distinguer le fond de la forme d'un discours, quel qu'il soit.

Lorsque je commençais mes études de philosophie je me rappelle avoir milité pour cette distinction. Pour diverses raisons je considérai que le fond, le contenu, était plus important que la forme qui selon mon idée d'alors n'était qu'un carcan qui étouffait le contenu, l'idée brute, originaire et originale.

En étudiant la logique formelle je suis ensuite venu à considérer qu'il n'y avait rien d'autre que la forme et que le contenu, le fond, n'était qu'une chimère idéale et idéaliste qui ne disait rien d'autre que la forme qui l'exprimait et donc que le contenu était la forme.

En réfléchissant ensuite je suis arrivé à la conclusion qu'une forme sans contenu serait tout aussi inutile qu'un couteau sans manche et sans lame: à quoi bon ficher une lame dans un manche si ce n'est pour en faire un couteau et qu'est-ce qu'un couteau sinon un manche dans lequel une lame est fichée? Et que peut-être un contenu sans forme? Que serait un couteau qui n'aurait ni manche et ni lame?

La forme et le fond ne sont pas même intimement liés, ils sont une seule et même chose. Et si deux formes différentes peuvent exprimer le même contenu et si deux contenus peuvent se retrouver dans une même forme, tout cela dépend d'une interprétation, d'un référent de valeur que l'on appelle une sémantique voire une pragmatique. Toute expression suppose une forme, une syntaxe, un contenu, une sémantique et une pertinence, une pragmatique, mais ces distinctions elles-mêmes sont trompeuses car une expression ne peut différer selon la sémantique, la syntaxe ou la pragmatique dans laquelle on la met. La combinatoire ne se situe pas à ce niveau: une expression n'est pas une construction d'éléments comme un édifice en Légo, une expression est une construction qui suppose déjà qu'un contenu soit formé et exposé d'une certaine manière. Pas de contenu sans forme, forme sans contenu, pertinence sans pragmatique, ce ne sont pas des parties de l'on assemble mais plutôt une déconstruction et décomposition que a posteriori.

De fait rien ne sert de promouvoir une idée pour une idée ou de se poser la question de quoi mettre dans une certaine forme, ce n'est que mal posé un problème qui au départ est simple: exprimer quelque chose de pertinent, quelque soit cette pertinence. Cela suppose de penser ce qu'on veut dire en adéquation avec comment on le dit et en vue de quoi on le dit et tout cela simultanément. Un discours qui ne répondrait pas à ces critères serait vide, incompréhensible ou inutile et même ne serait pas un discours du tout. Ce n'est pas une théorie du tout ou rien, c'est simplement ce qu'est une expression, c'est tout.

Ainsi la distinction forme, fond, contenu est aussi naïve que l'est celui avant qu'il n'y réfléchisse.

samedi 17 mai 2008

Scénario: le personnage.

Le scénario est un mode d'écriture et de composition singulier différent de l'écriture “littéraire" au sens du roman ou de la nouvelle. La différence la plus criante est que le scénario est interprété. En ce sens il y a plus de concordance entre une partition de musique qu'avec un roman. Le scénario doit donc inclure des indications sur la manière de le lire et de l'interpréter. Mais ces indications ne sont pas nécessairement scéniques ou des didascalies, qui en un certain sens pourraient presque revenir au metteur en scène ou au réalisateur, du moins pour toutes celles qui ne dépendent pas des personnages et des situations (mais aucune autre didascalie ne devrait être indiquée), exactement comme une partition d'un opéra avec son livret ne donne que ce qui est nécessaire à la construction des personnages à travers les situations, tout le reste revient à l'interprétation. Non, ces indications doivent simplement permettre d'entrer dans le personnage pour l'interprète. Car à la grande différence d'un héros de roman, le personnage n'est pas un point de vue sur le monde mais est une manifestation d'un protagoniste en tant qu'il est le centre d'un faisceau d'actions dans une situation. Essayons d'être plus clair. Un personnage de roman peut avoir une vie intérieure relatée en première ou en troisième personne. Le personnage de scénario ne peut avoir recours à cela ou pour le dire plus justement: il ne doit pas avoir recours à cet artifice car tant qu'un personnage parle il n'agit pas et toute parole d'un personnage doit être performative, sinon elle est redondante et donc inutile. Mais dire cela n'est pas amputer le personnage de toute vie intérieure. Évidemment le personnage possède son propre espace intérieur mais contrairement à tout autre sujet lui n'existe que par les situations dans lesquelles il intervient. Ce n'est ni du réductionnisme ni du béhaviorisme, c'est simplement la construction du personnage dans le scénario. L'intériorité du personnage doit apparaître par les situations dans lesquelles il intervient et donc par ses actions et réactions avec son environnement. Au lieu de dire que le personnage a peur ou bien lui faire dire ou penser qu'il a peur, le personnage doit se retrouver dans une situation qui peut faire peur et il doit trembler ou se figer. Le scénario met en scène le personnage et le spectateur doit lire le personnage comme il lirait un roman. Le scénario écrit une image ou un comportement qui doit être interprété pour qu'il soit décodé par le spectateur. Si dans une situation qui peut engendrer le sentiment de peur un personnage tremble comme une feuille alors le spectateur comprendre que le personnage à peur. Si le personnage dit “j'ai peur" ou bien un monsieur loyal arrive pour dire que le personnage à peur ou bien c'est une information redondante et donc non seulement inutile mais même désobligeante car c'est prendre le spectateur pour un imbécile ou bien c'est une action au sens d'une parole performative et elle peut-être comique (elle signifie par exemple que le personnage n'est pas sûr de comprendre ce qui lui arrive). Dans l'idéal un scénario peut se passer de parole. Le muet fonctionne parfaitement et tout aussi efficace pour dire des choses très complexes et élaborées.

La grande force du scénario est justement de pointer sur les manifestations du caractère du personnage et non pas sur sa psychologie explicative. Un personnage bien fait est un stéréotype canonique d'un comportement. Un bon scénario est une étude de caractères au sens de Théophraste, La Bruyère ou Vauvenargues. Il faut que le personnage agisse comme il est, c'est à dire non pas nécessairement comme il pense être ou quelqu'un pense qu'il est, mais tel qu'il est essentiellement. C'est par les manies, les gestes, les attitudes, les postures qu'il se montre et se manifeste et c'est ainsi que le spectateur va le voir, le lire et le comprendre.

Un bon scénario est une bonne étude de caractères. Et comme il n'a pas le droit à l'explication il doit montrer les caractères par des situations qui les manifestent. Ainsi il est impossible de détacher le personnage des situations et celles-ci de celui-ci, et il n'y a rien d'autre de nécessaire dans la réalisation d'un scénario: tout le reste n'est que simagrées et fioritures inutiles.

samedi 10 mai 2008

Scénario: le poids de l'Histoire

Un scénario est avant tout une histoire, c'est une platitude qui se ride lorsque l'histoire est l'Histoire.

Une série de photographies très troublante vient d'être publiée. Il s'agit de dix clichés trouvés par Robert L. Capp, soldat des troupes d'occupation américaines, dans une cave en 1945 dans les environs de Hiroshima. Ces photographies ont certainement été prises par un photographe japonais amateur le lendemain du largage de la bombe atomique. Si elles n'ont été rendues publiques que le 5 Mai 2008, c'est que Robert L. Capp les avait déposé aux archives de la Hoover Institution en 1998 avec la close qu'elles ne soient pas publiées avant dix ans. Dix ans ont passé, soixante-trois depuis le largage de la bombe. On connaissait la photographie du champignon prise depuis le bombardier mais jamais le résultat humain au sol. L'immense champ de ruine dévasté qui figure sur d'autres clichés célèbres n'est que la toile de fond, la scène sur laquelle avait dû se dérouler une tragédie dont on imaginait l'ampleur sans jamais ne l'avoir jamais vue. Ces dix clichés sont le maillon manquant de ce film. Y figurent les acteurs, ou plus exactement devrais-je dire, les figurants, et comme on pouvait s'y attendre la réalité dépasse l'imagination. Des corps dans une flaque dont toute description est inutile. Les regarder est bien plus que regarder une image de guerre, un cliché d'un journal de news de l'époque ou actuel, c'est regarder l'Histoire. L'image elle-même de par son grain, son cadrage et son tirage montrent quelque chose de ce temps là.

Lorsque j'ai vu ces clichés je me suis demandé comment maintenant il était possible de raconter, au sens de raconter l'histoire, de cet événement. Toute la littérature, tout le cinéma, toute la musique, tous les documentaires, tous les livres et les cours d'Histoire rejaillissent et l'intercalent entre ces images et le regard qu'on porte dessus. Le scénario n'est plus toujours une histoire, n'est pas simplement une histoire. Parfois certains événements parlent de la manière dont nous racontons les histoires, notre histoire et l'Histoire en générale. Le scénariste ne peut ignorer le voile rétinien entre le monde et l'imagination et plus particulier ce voile commun, qu'il soit social, culturel, langagier, coutumier ou tout autre, mais cette cornée qui est l'Histoire telle que nous la voyons ou voulons la voir et que le scénariste, malgré lui peut-être, raconte et qu'il contribue à façonner.

Ces dix clichés sont une leçon d'Histoire et d'histoire: ils nous disent autant de ce qui s'est passé que de ce qu'on en a raconté.

Voici ces images.

dimanche 4 mai 2008

Notes sur le rythme au cinéma.

Le cinéma c'est du mouvement. Le mouvement c'est une succession, la succession c'est la périodicité, la périodicité c'est le rythme.

Qu'est-ce que le rythme? Le rythme c'est une succession de phénomènes. Mais cette définition est trop large, elle permet de comprendre absolument tout, même un singleton à un rythme. Certains rythmes à ce compte sont totalement dénués de signification. Une lampe peut grésiller, un cœur battre, la coque d'un navire craquer sous le balancement des vagues, mais ces phénomènes ne disent rien, ils ne signifient rien. La nature, au sens large et globale à un rythme car tout à un rythme.

Mais certains rythmes disent quelque chose, ils sont signifiants. Une lampe peut s'allumer et s'éteindre pour indiquer que la voiture va tourner, qu'il y a un malade à bord, que c'est le moment d'attaquer. Un grésillement peut être un message ou bien ce peut-être une valse.

Qui dit signification dit agencement et qui dit agencement dit ordre et proportion. Un éclat est plus long ou plus court qu'un autre, une succession est plus lente pour plus rapide qu'une autre, un accent plus fort ou plus faible qu'un autre. Il faut un étalon donc, un repère, une structure.

Le rythme implique le temps, la mesure mais aussi la distinction, il s'agit d'accélérer, de marquer, de précipiter, de retenir, ralentir, scander le rythme, tout cela par rapport à la mesure.

Le rythme est ce qui donne du relief, l'accent, la vitesse, la prestance déterminer le sentiment d'une phrase, une mélodie et donne corps au sens.

Le rythme implique un déroulement, un déploiement, un enchaînement, des articulations, des motifs, des moments, des mouvements, une évolution.

Mais le rythme n'est pas uniquement temporel, il a besoin de dimension mais cette dimension peut-être n'importe laquelle: temporelle, spatiale, événementielle, social, politique, cognitive, biologique...

Mais ce ne sont là que des dimensions caractéristiques du rythme qui ne rendent pas compte, du moins suffisamment compte du rythme au cinéma. Il faut comprendre le rythme de l'image, ses masses, formes et dynamiques picturales, mais aussi l'inter-image, la succession d'une image à l'autre, d'agencement des séquences entre elles, de leurs formes, contenus, rôles, plus le texte, la musique, le son et les bruits, mais encore l'harmonie générale, le sens du film, tout cela mêlé et mixé en un support unique.

Il me semble que c'est une erreur d'employer le rythme musical, théâtral, linguistique, pictural et tout autre rythme en général pour analyser et expliquer le rythme cinématographique. Il me semble par exemple que l'attention, au sens cognitif du terme, n'est pas la même visuellement qu'auditivement mais que le cinéma doit conscillier les deux et cette multimodalité ou intermodalité oblige à réfléchir un peu plus longuement à la question.

Je ne fais ici que lever le problème, j'espère arriver à le résoudre par la suite.

vendredi 2 mai 2008

La difficile tache de donner des leçons.

Les américains sont cons (ou barrés, au choix), c'est bien connu. Un américain, ça ne change jamais de caleçon, ça se bâfre de frites et de hamburger (pour ne pas citer de marque) et puis surtout, surtout, ça ne lit pas un américain.

Voyons voir. Pour voir rien de tel que des chiffres. J'adore les statistiques, on me le dit souvent “toi, tu adore les statistiques", et c'est vrai. Les statistiques ne disent rien, je ne crois pas plus en les chiffres qu'en les mots, mais ce qu'il y a de pratique c'est qu'on peut les comparer. Alors je suis aller voir les chiffres. Ce n'est pas du très récent mais c'est déjà éclairant. Selon le rapport #46 du National Endowment for the Arts, intitulé “Reading at Risk: A Survey of Leterary Reading in America", et bien les américains ne lisent pas beaucoup. Le rapport date de juin 2004, donc ce ne sont pas les chiffres d'aujourd'hui, mais voyons voir.

En 2002, 56.6% des américains n'ont lu aucun livre dans l'année alors que 46.7% en ont lu au moins un.

Les hommes lisent moins que les femmes: 37.6% des hommes ont lu au moins un livre alors que 55.1% des femmes ont lu au moins un livre en 2002.

Plus on est éduqué plus on lit, ça ne paraît pas étrange.

Par tranche d'âge:

entre 18-24 ans, 42.8% ont lu au moins un livre en 2002

25-34: 47.7%

35-44 46.6%

45-54: 51%

55-64: 48.9%

65-74: 45.3%

75 et plus: 36.7%

Chiffres plutôt inquiétant qui montre que les américains, effectivement ne lisent pas tant que ça.

Mais, ce qu'il y a de bien avec les chiffres, c'est qu'on peut comparer. En consultant les données de l'Insee et bien on apprend aussi des choses sur les habitudes des français. Soyons honnêtes et comparons les données à la même période.

En 2002, en France:

15-24 ans: 28% n'ont lu aucun livre dans l'année

25-39: 37% n'ont lu aucun livre dans l'année

40-59: 38% n'ont lu aucun livre dans l'année

60 et plus: 47% n'ont lu aucun livre dans l'année

soit au total:

39% n'ont lu aucun livre dans l'année,

29% ont lu au moins un livre par mois,

33% ont lu moins d'un livre par mois.

Les derniers chiffres que j'ai trouvé sur le site de l'Insee datent de 2005. On y apprend que 42% des français n'ont pas lu de livre en 2005, et le plus inquiétant peut-être est que 17% des “cadres et professions intellectuelles supérieures" n'ont lu aucun livre en 2005, certes la catégorie qui lit le plus, mais tout de même.

Bien sûr on pourrait gloser beaucoup sur savoir ce qu'est ou non un livre, mais reste que les français ne lisent pas beaucoup plus que ça, juste un peu plus que les américains, et encore...

Cela dit, peut-être que les américains ou les français ne sont pas aussi stupide que ça. L'arrivée du Web a certainement beaucoup bousculé les habitudes et qu'on écrit maintenant plus qu'avant et lit par conséquent plus, peut-être moins de livre, mais plus de textes électroniques comme les Blog, emails ou autres tchates.

La culture à certainement elle-aussi investie ces lieux-là et les statistiques doivent en faire justice.
Espérons.

mardi 29 avril 2008

Qu'est-ce qu'un film?

Un jour je me suis posé la question: mais qu'est-ce donc qu'un film?
Une partie de mon cerveau s'est tout de suite emballée dans la voie de l'ontologie formelle en tentant de définir un film par ses limites, ses fonctions, la représentation et la sémiotique, mais c'est une partie qui gamberge souvent sans direction bien précise. Or il doit y avoir une réponse simple à une question aussi simple.

Évidemment, je pose encore cette question dans la perspective des autres, vis-à-vis du scénario. Faire un film demande une équipe de cameramen, de maquilleurs et d'acteurs, un réalisateur, une production, des câbles et/ou de la pellicule et tout cela tout cher pour ne pas dire très cher et évidemment on ne fait pas un film comme ça à la légère. Un film commence généralement par une production qui décide de mettre de l'argent dans un projet qui lui paraît tenir la route et c'est à ce moment là que l'équipe de tournage va se mettre en branle. Il ne viendrait jamais à l'idée de quelqu'un de sein de faire travailler quelqu'un sans le rémunérer, donc il ne viendrait pas à une production d'engager un cameraman sans le payer. Or, comme on l'a dit, on n'emploie pas quelqu'un comme ça à la légère surtout s'il s'agit de le payer. Au commencement, vous avez bien noté qu'il y a une production qui accepte de miser de l'argent sur un projet qui tient la route. On repasse lentement “sur un projet qui tient la route", vous notez le détail? “projet qui tient la route".
Qu'est-ce qu'un projet qui tient la route? Et bien tout simplement un film tournable et réalisable, qui permette d'embaucher une équipe et de le vendre dans des salles. Mais comme vous l'avez aussi noté, une production ne s'engage à mettre des sous sur la table que lorsque le projet tient la route. Comment un projet tient-il la route? Je veux dire, comment un projet existe-t-il avant la production? Cette question est, vous l'avez reconnu, la sacro-sainte question de la poule et de l'œuf, qui vient en premier, à ceci près qu'ici la question a été tranchée: il y a d'abord l'œuf. Peut importe comment il est arrivé là. La question du “projet qui tient la route" est celle de l'origine de l'œuf.

Je reste convaincu, mais c'est une opinion personnelle, qu'un film naît, en partie, d'un scénario. Un scénario est quelque chose d'à la fois très précis et très vague. C'est un ensemble de pages qui contiennent des indications scéniques et des dialogues qui seront mis en mouvement par l'image et le jeu d'acteur. Mais ce texte là, fini pourrait-on dire qui va donner lieu à son interprétation par l'image et le mouvement, est lui aussi issu d'un processus de création long et fastidieux qui en définitive se ramène à une vague idée dont il est le développement. Comme écrire un livre, écrire un scénario impose de réfléchir, de lire, de regarder, d'écouter et de voir beaucoup. La pensée est essentiellement, ontologiquement pour faire pompeux, intrinsèquement temporelle. S'il y a quelque chose qui échappe complètement à la quatrième dimension, c'est la pensée: elle exige du temps et se méfie de toute immédiateté et spontanéité. Comme disait Hemingway: “The first draft of anything is shit". Triste mais vrai. Tout travail de la pensée mérite et exige réflexion, pâle tautologie, et il faut travailler, travailler et retravailler chaque mot, chaque phrase et chaque page pour qu'à la fin tout devienne simple, clair et limpide et que le lecteur, l'auditeur ou le spectateur ressorte de là en se disant que c'est facile d'écrire un film, tout découle, il suffit de dérouler la bobine. Mais bon dieu que c'est difficile! Less is more.

Revenons à notre omelette. Imaginons, pur raisonnement par l'absurde, que tout film commence par un scénario. Si c'était le cas alors le scénariste, en charge du scénario, devrait est compris dans l'élaboration du film, du moins son travail devrait faire partie du travail du film, je veux dire, être pris en compte dans la production. Or les productions ne financeraient et ne financent jamais un film sans scénario (bien que parfois elles prennent pour un scénario ce qui n'en est pas un, cf. supra), par conséquent elles demandent un scénario avant de financer quoi que ce soit, donc le scénario ne fait pas partie de la constitution du film. CQFD.

Faux, mensonges me dira-t-on, ceci est calomnie puisque le scénariste est rémunéré et apparaît au générique, donc il fait partie du film! C'est vrai, mais c'est a posteriori. La production qui trouvera qu'un projet tient la route achètera le scénario, c'est-à-dire le projet (peut-être pas le scénario définitif), mais le projet existe déjà indépendamment de la production en question. Ne sont payés en fait que les bons projets, ceux qui tiennent la route et pas la multitude des autres.
Très bien clappera-t-on, magnifique, qu'elle merveilleuse illustration de la vie, de la sélection naturelle, du plus pur darwinisme! Seuls les meilleurs scénarios existent les autres s'étiolent et se froissent dans les corbeilles avant même d'avoir pu se reproduire! Magnifique!

Soit. Donc les bons films sont des générations spontanées. Le fruit du hasard. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que bien souvent les réalisateurs soient leurs propres scénaristes ou producteurs. C'est vrai, c'est un fait et c'est bien que seuls les meilleurs survivent. Pas de Mozart qu'on assassine, seuls des gueux qui se prennent pour des génies.

C'est vrai et c'est tant mieux, mise à part que la sélection pourrait encore être meilleure si elle ne sélectionnait pas ses vainqueurs parmi le plus haut sur le podium mais un peu avant dans la compétition. Si elle disait, bon, je fais le parti de vous aider un peu en 16e de finale disons, et maintenant je lance la compétition. La compétition serait plus rude car les participants plus vaillants, et si le vainqueur est le même au final il s'est d'autant mieux battu qu'il en ressort plus vif, plus fort et meilleur. Il y aurait tout simplement une compétition, une émulation.

Imaginons une production qui au lieu d'acheter un projet qui tient déjà la route et dise qu'elle choisira un ou des projets parmi des projets qui lui paraissent prometteurs. Tous ces projets ne tiendront peut-être pas tous la route, certes, mais certains la tiendront, peut-être plus d'un et peut-être que le vainqueur sera encore mieux car aura bénéficié de meilleurs conditions pour s'épanouir. Peut-être. Cela marche sur le papier, peut-être pas dans la réalité. Quoi que si cela marche aux États Unis, peut-être que cela marcherait chez nous et peut-être que nous verrons plus de films, de documentaires et de production qui tiennent effectivement la route plutôt qu'un modeste chemin non carrossable ou pire, une impasse.

Je ne sais pas pourquoi j'en suis venu à me dire cela: mais j'ai bien envie de faire commencer un film au scénario.... Utopie, utopie...