mardi 21 avril 2009

Séquestration de patrons...

Au petit écran, le présentateur, bien coiffé, costume bleu et cravate à rayure ne sait plus où donner de la tête.

Les médias en ont rêvé: une info bien croustillante, violente même comme un volcan en éruption, pour montrer un peu de spectaculaire, donner un visage à la crise.

Et puis voilà que ça arrive: des entreprises licencient voire ferment sous couvert de la crise, même si les profits sont parfois bien juteux. On ferme, on met des ouvriers à la rue.
Alors l'ouvrier humilié se révolte. Il crie, mais on lui demande de la boucler. Il hurle, on lui demande de se calmer. Alors il se débat, il bloque le patron dans son bureau. Il barricade le portail, on lui envoie les forces de l'ordre.

Les responsables syndicaux sont débordés. De toute manière ils ne représentent plus grand monde. Le patronat crie qu'il ne peut discuter avec une foule. Il demande de l'ordre. On appelle à la police, elle charge, on en jette en prison.

Au petit écran on s'indigne et on pleurniche sur l'ordre social ébranlé, sur la violence de l'ouvrier comme une bête sauvage qu'il fait canaliser coûte que coûte. On fait une nouvelle loi, puis une autre.

On ne comprend pas comment un ouvrier peut en arriver à détruire son outils de travail. On trouve ça choquant.

Ils ne savent pas ce qu'est le chômage.

Ils ne se rendent pas compte qu'on vit bientôt mieux en prison qu'en détresse.

Alors on passe au sujet suivant: la coupe de football...

lundi 20 avril 2009

Question de discrimination.

Imaginez que vous vouliez aller au hamman et qu'on vous informe que la soirée est réservée aux femmes ou, pire, aux gays, et que vous vous être un homme hétérosexuel, considériez-vous que vous êtes victime d'une discrimination?

Je présume que non. Je présume que non car rien de vous oblige à aller au hammam ou à ce hammam là, et vous pouvez toujours vous repliez sur un autre hammam ouvert aux hommes hétérosexuels, même si c'est moins drôle.

Empêcher à une personne de faire quelque chose qu'elle n'est ni obligée de faire ni qu'il nécessaire de faire, il est difficile de considérer que cette personne est victime d'une discrimination. C'est la réponse qui a été faite à un homosexuel qui souhaitait donner son sang.

Comme on le sait, l'EFS (établissement français du sang), organisme habilité à collecter le sang en France, ne permet pas aux homosexuels, entre autre, de donner leur sang du fait du haut risque de contamination du sang lié à leurs mœurs déviantes et dangereuses. La Halde (haute autorité de lutte contre des discriminations et pour l'égalité) souligne que refuser à un homosexuel n'est pas faire preuve de discrimination puis que le don du sang n'est pas un droit, mais « le don du sang, à travers les concepts qui lui sont liés de générosité, de solidarité, et de conscience de l’altérité est un devoir d’aide et d’assistance et non un droit fondamental et inaliénable. Ce devoir d’assistance implique le respect des impératifs de sécurité.
Cependant, il convient de ne pas transformer ce principe légitime de sécurité en stigmatisation ou en mesure qui peut être considérée comme discriminatoire » (document de la Halde).

La question de la discrimination est donc complexe puis qu'il s'agit à la fois de savoir ce qui relève d'un droit et ce qui n'en relève pas et de la manière de pouvoir satisfaire un droit.

Le risque est de considérer une manière a minima de répondre à un droit qui relèverait de la discrimination et une manière d'y répondre de manière plus substantielle qui elle ne le serait pas. Prenez le problème du remboursement des lunettes de vue par exemple: la sécurité sociale rembourse un forfait minimum qui correspond à une paire de lunette entièrement remboursée ou remboursable. Évidemment ce ne sont pas les plus fashion qui soit mais elles permettent de voir. Si vous voulez être fashion vous devez en être de votre poche et alors les riches sont plus chanceux que les pauvres. En ce sens il n'y a pas de discrimination insupportable puisque le droit à compenser une handicape est respecté et que d'avoir des lunettes fashion n'interfère par avec le fait d'avoir une correction optique appropriée.

Le risque est de généraliser ce type de raisonnement. Si le travail est un droit, le fait d'avoir accès à un travail intéressant ou rémunérateur peut être considéré comme un plus esthétique non nécessaire et donc pouvant faire l'objet de discrimination. Une fois un emploi “raisonnable" fourni, la guerre est ouverte avec n'importe quelle arme.

Dans le cas du hammam il n'y a pas discrimination dans la mesure où il y a d'autres hammam qui sont ouvert pour la personne désireuse d'y aller. Le problème serait différent si pour une raison différente de votre propre bien-être ou sécurité (imaginons qu'une personne cardiaque ne puisse aller, pour des raisons médicales dans un hammam) l'accès à un lieu ou à une activité ou un événement vous est interdit, alors vous pouvez considérer que vous faites l'objet d'une discrimination.

Or ces restrictions ne sont pas suffisantes: je ne suis pas en train de dire qu'il faut vendre de l'alcool au mineurs sous prétexte que leur interdire serait discriminatoire, d'autant que cela irait à l'encontre de leur bien-être et de leur sécurité, ni qu'il faut laisser n'importe qui entrer dans les hammams gays, mais il est possible qu'il faille prendre en compte non pas uniquement le bien-être et la sécurité de l'individu mais aussi ceux de la collectivité. Ainsi il est possible d'interner une personne parce qu'elle nuit à la collectivité. Ce n'est pas une discrimination en tant que tel puisqu'elle répond à un impératif de cohésion sociale.

C'est cet argument qui permet à l'ESF, sous couvert du gouvernement d'écarter les homosexuels du don du sang. Les homosexuels, par leurs comportements et leurs mœurs peu fiables, n'est-ce pas (dites moi, savez-vous le pourcentage d'hétérosexuels qui trompent leur conjoint, selon les chiffres cela oscille entre 60% et 80% des couples qui ne sont pas d'une fidélité à toute épreuve, bon évidemment, pas vous), et que cela est un facteur de risque trop élevé pour risquer de contaminer le transfusé. Outre que les poches de sang sont testées avant la transfusion (j'espère, et j'ai toujours été fasciné par l'argument selon lequel les poches sont testées en groupe mais qu'ils vous envoient quand même le détail du test de votre sang -- la magie de l'induction je suppose), il est tout à fait possible de concevoir que le sang des pédés ne doit pas contaminer le sang des hétérosexuels, mais pour qu'il n'y ait pas discrimination il faudrait qu'il existe une possibilité pour eux de donner leur sang avec les précautions requises (par exemple en testant individuellement les poches (mais je sais ça coûte trop cher) ou bien en lot de poche de pédé (mais là soudainement ça sonne discriminatoire). Parce qu'il ne faut pas charrier: tous les pédés ne sont pas des folasses et personnellement je connais des couples homosexuels plus fidèles que des hétérosexuels, mais c'est une autre histoire.

L'autre point qui titille la question est celui des archives de l'EFS qui, une fois qu'elle vous a estampillée PD vous refoule quoi qu'il arrive, à vie.

Un article du Figaro du jour relate la n-ième mésaventure d'un homosexuel qui pensait être civique en donnant son sang et qui considère encore que vraiment c'est injuste de ne pas avoir le droit de le faire.

Au fait, l'intelligence est-elle aussi un comportement déviant? Car il semble que beaucoup de postes ne soient pas accessibles aux intelligents, sur la base de critères stupides, évidemment.

mardi 14 avril 2009

Les jeunes: maux de vieux

Le Monde ce matin: “Un mineur tué dans une bagarre à proximité de la gare de Lyon". Le Figaro: "La violence des bandes ne peut rester impunie", un peu plus loin "Les pistes pour relancer l'emploi des jeunes".

Sur un plateau télé, un sociologue est appelé à la rescousse. Le journaliste: comment expliquez-vous cette soudaine montée de violence chez les jeunes. Le sociologue, vous savez, c'est un non événement, il n'y a pas plus de violence qu'avant, même moins, mais on en parle plus c'est tout. Mais comment réagir demande le journaliste. Il ne faudrait pas faire comme les pompiers, toujours éteindre le feu, mais prévenir. Il faut faire de la prévention et les deux causes majeures sont l'échec scolaire et le chômage. L'autre journaliste, oui mais ça c'est bien beau et ça prend du temps, mais là tout de suite, qu'est-ce qu'il faut faire, une nouvelle loi?

"En outre, les jeunes étant - par définition - une population difficile à contrôler, il suffit souvent d'une réforme mal expliquée - type contrat première embauche (CPE) en 2006 - pour les faire descendre dans la rue par centaines de milliers": l'article du Figaro.

La dialectique ne change pas beaucoup. La crainte du jeune, le jeune instable, le jeune qui ne veut pas travailler, le jeune pas qualifié, le jeune pas sociable, le jeune violent, le jeune en échec, le jeune...

Et puis d'un coup le jeune devient vieux. C'est comme le miracle des vacances scolaires durant lesquelles l'étudiant de seconde année, nul, évidemment, devient soudainement un L3 (licence troisième année) intéressant et intéressé. Les miracles de la vie.

Demain sans doute qu'il y aura encore un article de fond transformant un fait divers en fait de société. Deux jeunes se battent dans la rue sous le regard hagard d'un bon père de famille qui vient de claquer sa femme et qui fini amèrement les dernières gouttes épaisses d'un liquide visqueux fort en alcool. Le scandale et sous ses yeux et il pense le voir.

En poursuivant cette dialectique il suffit de parquer les jeunes pour protéger les vieux, qui soit dit en passant ont souffert de la rudesse de l'hiver, rien ne va plus tout se déglingue.

"Dernière idée de Laurent Wauquiez : des «formations rebonds» pour les jeunes qui se retrouvent sans activité à la fin de leurs études. «Il s'agit de leur proposer des stages commandos, des formations d'une durée de six mois, dans des filières où il y a des besoins, explique-t-on à Bercy. Un bac + 3 en psychologie condamné au chômage faute de débouchés suivrait par exemple une formation commerciale dans un métier porteur.»" Figaro toujours.

Du génie, du génie! quelle idée géniale. Alors là on applaudit des deux nageoires et on attend qu'un vieux (les derniers intelligents de l'espèce) demande pourquoi qu'on payerait encore un centime pour une formation qui mène nulle part. Pourquoi ne pas simplement faire une filière unique "représentant de commerce" directement, ça serait plus efficace et au moins il y aurait nettement moins de chômeur. J'oubliais qu'on faisait de la politique avec des Légo...

L'équation pourtant est maintenant simple et la pédagogie gouvernementale l'éclaire:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence

• jeune + études nulles (i.e. non commerciales) = chômeur

équations qui se résolvent de la sorte:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence + nouvelle loi = prison = baisse du chômage

• jeune + études nulles = chômeur + formation 6 mois commerce = plein emploi

Hmm pourquoi ne suis-je pas convaincu?


Bien évidemment les choses sont plus compliquées que ça. Évidemment que la psycho (je ne parle même pas de la philo) ne mène à rien. Enfin, il faut expliciter l'axiome du “ne sert à rien économiquement", bien que...
D'une part je ne suis pas sûr qu'une société de service pur et pur nous mène au plein emploi sinon peut-être, au mieux, jusqu'au prochain grand badaboum ou qu'un ancien, donc sage, aux affaires depuis trente ans, nous dise qu'on a bien vu que ça ne marchait pas et qu'on aurait du l'écouter quinze ans plus tôt.

Notre société, telle qu'elle fonctionne n'est pas très loin des camps pour jeunes. Le chômage guette le vieux donc, par ordre de bien séance, on demande au jeune de patienter (il est encore trop con pour être opérationnel) alors on le parque sur un banc l'école, puis de prépa, puis d'université, puis de post-diplôme puis... et pendant ce temps le jeune vieilli et d'un coup devient vieux, mais alors le vieux lui dit qu'il n'est encore jeune (le vieux) et qu'il faut qu'il attende encore un peu.
Et puis le vieux rit, il dit que le jeune est nul parce qu'à trente ans il est encore à l'école, qu'il est donc nul, donc qu'il doit attendre.
Alors le jeune en attendant refait un autre diplôme, enseigne à d'autres jeunes, fait d'autres études, d'autres recherches en attendant.
Le vieux le regarde un peu bizarrement, il se demande bien quel trafic il fait pour payer un loyer aussi exorbitant sans travailler. C'est louche. Alors le vieux lui dit que maintenant que c'est la débandade sur les marchés, le jeune doit attendre.

Un jeune en à marre d'attendre. Non pas un emploi, non pas un boulot, non pas une vie, non, ça il ne sait même pas ce que c'est parce que son père est jeune, donc au chômage, non, d'attendre le bus. Alors il le dit, un jeune ricane, ils se tapent dessus. Hop en haut du Figaro. Les jeunes se rebellent! Ils sont en difficultés scolaires donc la cause du chômage.... C'est repartit.

Heureusement il y a le temps. Il y a le temps qui passe et les jeunes restent plus longtemps que les vieux. Un jour viendra où il n'y aura plus de vieux, plus que des jeunes, des jeunes vieux, mais jeunes. Il y aura toujours autant de faits divers, de chômages, de livres de philosophie et de types complètement perdus qui feront de la psycho parce que ça sera le seul diplôme qu'ils n'auront pas encore. La différence, peut-être, est qu'on ne dira plus alors que la faute incombent au jeunes, mais peut-être aux enfants. Querelles de mots en fin de compte.

Alors, un maux valant mille mots on légifère, on fait une loi, on l'oublie, on ne signe pas le décret d'application, on regarde les chiffres de la bourse et on attend secrètement le journal du lendemain pour se trouver une occupation à la petite journée.

Bien sûr faire de la politique c'est compliqué, mais ça ce sont les philosophes qui le disent et tout le monde sait qu'ils ne servent à rien. Alors le vieux fait de la politique non philosophique: il tape sur les jeunes avec des mots pendant que les jeunes (f)ont des maux...

mercredi 8 avril 2009

Université: une année blanche?

L'année avance et avec elle les problèmes. Maintenant que le mouvement se poursuit depuis plusieurs semaines et que les cours sont bloqués depuis parfois 10 semaines lit-on dans les journaux, qu'advient-il de l'année universitaire?

La question qui se pose maintenant est celle de savoir que faire d'une année à moitié amputée.

Fidèle à sa stratégie, le gouvernement a attendu que la gangrène fasse son œuvre pour que le problème pourrisse et se transforme sans devoir vraiment le régler. Le problème initial des revendications des universitaires devient maintenant celui des étudiants.

Il est vrai que de prendre en otage quiconque n'a jamais été une très bonne idée, en l'occurrence force est de constater que les étudiants y ont perdu quelques plumes. Et lorsqu'on dit “comprendre" ces rétentions cela ne signifie pas qu'on les approuve mais que l'on est conscient de la gravité de ce qui a pu mener à un tel acte, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, sans compter que de ne pas prendre en considération les remarques ou les revendications d'une personne revient à le prendre également en otage, ce qui n'est évidemment pas mieux.

Une rétention des notes plutôt que l'annulation des cours aurait sans doute eu un meilleur effet et un meilleur résultat: enseigner tout en refusant de délivrer un quelconque diplôme en validant les notes. Les étudiants auraient été pénalisés tout en ayant tout de même emmagasiné les connaissances nécessaires et la situation aurait pu être débloquée aussitôt le conflit réglé. Ici certains ont perdus un semestre donc une année.

Les propos accusateurs de la ministre, repris dans Le Figaro ne sont pas vraiment pour rassurer sur la résolution rapide et pacifique du conflit. Mais que faire?

Annuler les examens et donner la moyenne à tous les étudiants privés de cours serait une injustice vis-à-vis des autres mais également valider des connaissances absentes et ce qui revient à cautionner le fait qu'on n'apprend rien à l'université mais qu'il faut un diplôme pour travailler (or les deux prémisses sont fausses comme le démontre l'expérience).

Reporter les notes du premier semestre au second ne serait pas mieux. Que reste-t-il alors? Ce que semble vouloir la ministre: que les enseignants mettent leurs poings dans les poches et triment en cours supplémentaires et zippés afin de faire un semestre en trois semaines et valider une année dans la précipitation. Cela est certes possibles sur le papier ou en rêve mais peu probable dans la réalité des Hommes car c'est bien méconnaître le fonctionnement d'un étudiant: c'est croire qu'un étudiant est comme un disque dur sur lequel le prof se content de copier des fichiers, or un étudiant a besoin de temps pour comprendre et se mettre en condition pour apprendre, sans compter qu'il faut re-mobiliser des étudiants qui n'attendent probablement pas sagement dans leur petit mansardes que les grandes personnes règles leurs petites histoires. En trois semaines ce ne sont pas les connaissances que l'on va accroître mais bien la consommation d'anxiolytiques.

Annuler l'année et reconnaître que ce sont les étudiants qui payent les pots cassés en perdant une année ou un semestre? Ce serait une injustice incompréhensible, d'autant que ce sera à pure perte pour certains qui n'auront pas les moyens d'attendre une année de plus.

À moins d'aller vraiment dans l'optique de la semestrialisation en permettant que le premier semestre soit conserver et que les étudiants puisse effectuer leur semestre manquant à l'autonome en rendant réellement autonomes est semestres et en découpant les diplômes non pas en années mais en modules. Certains étudiants auraient alors perdus un semestre, ce qui est moins pire que de perdre une année entière (semestre qu'ils conservent quoi qu'il arrive d'ailleurs) et gagnés en liberté. Cela signifie également que les droits d'inscriptions devraient être semestrialisés et que les enseignements soient réellement des modules que les étudiants peuvent choisir et non pas choix de seconde main entre un tronc commun rigide et des options qui n'ont rien à voir ou si peu avec. Autrement dit cela ne signifie pas que les étudiants ayant obtenus le premier semestre doivent attendre le second semestre 2010 pour valider le second semestre 2009 amputé, mais qu'ils doivent pouvoir le faire au premier semestre 2010. Bonjour l'organisation des enseignements mais bon, rien est impossible puisque cela se passe bien dans d'autres pays...

Cet état de fait est peut-être une occasion de mettre sur pied une vraie réforme en profondeur de l'université, mais il semble que ce ne soit pas vraiment l'objet du débat ni du conflit actuel...

mardi 7 avril 2009

La distance avec le sujet

Dans un petit restaurant autours d'un couscous. L'un des convives, par ailleurs étudiant en première année de philosophie explique pourquoi il dévore des yeux la viande dans le plat au centre de la table: il est devenu végétarien. Ses raisons sont un peu obscures et confuses, elles tournent essentiellement autours de la maltraitance des animaux. Par provocation je lui dis qu'il doit alors admettre que tout ce qui vit à une âme (enfin, cela vient après un raisonnement un peu plus construit) et donc s'abstenir aussi de manger la semoule. Il prend tout cela au sérieux et cherche des contres arguments.

Il me parle d'une secte quelque part en Inde qui ne mange que ce qui tombe des arbres, il a oublié le nom et le cherche. Toujours provocateur je lui demande si ce ne sont pas les newtoniens. Un bref moment d'hésitation puis il éclate de rire.

Nous discutons un peu sur ce que peuvent bien manger ces hommes-là et il me dit que c'est un peu trop restrictif à son goût. Mais il suffit de mettre tout ce qu'on veut manger dans l'arbre et de le secouer, ou d'attendre qu'un enfant y soit grimper, de secouer l'arbre et de lui dire, avec des gros yeux bien effrayant que s'il ne veut pas qu'on le mange il faut qu'il aille nous chercher du chocolat au supermarché.

En fait, dans toute situation il y a une manière de la tourner de sorte qu'elle paraît moins exiguë qu'il n'y paraît. L'inverse est aussi vrai.


Dans cette discussion ce qui a le plus surprit le végétarien et qu'il soit possible d'être ironique à partir de choses sérieuses. Il a tendance à croire que la philosophie est une chose sérieuse.

C'est peut-être cela qui définie la force dans une discipline: la capacité à prendre de la distance avec le sujet.

Bien entendu cela n'a rien à voir avec la grandeur d'esprit mais c'est une attitude fort utile. Je me souviens au début de mon enseignement, encore idéaliste vis à vis de la philosophie, je ne supportais que difficilement que des étudiants puissent remettent en cause ce que j'admirais tant dans un raisonnement ou dans une œuvre.

À force d'entendre des âneries et de se prendre des coups on fini par comprendre que ces projectiles n'atteignent pas leur cible car ce ne sont que des tirs à l'aveugle plus défensifs qu'offensif. Une fois cela comprit la stratégie est beaucoup plus simple, calme et efficace.

J'admire, dans le fond, la candeur et la naïveté dont on fait preuve en première année encore. Idolâtrant quelques auteurs, violemment virulent contre d'autres, encore en quête d'une vérité que l'on pense pure et absolue.

Avec le temps et les coups on comprend que la chose est plus simple car plus complexe. On comprend aussi que l'existence reste indépendante de la fonction et de la discipline. On fait la part des choses, on se prend moins au sérieux, et en définitive c'est comme cela qu'on arrive à aller plus en profondeur là où d'autres ne pensaient même pas aller, aveugler qu'ils sont par la lumière.

Prendre un peu de distance avec le sujet pour se donner au moins l'espace d'en rire ou de l'admirer...