mardi 14 avril 2009

Les jeunes: maux de vieux

Le Monde ce matin: “Un mineur tué dans une bagarre à proximité de la gare de Lyon". Le Figaro: "La violence des bandes ne peut rester impunie", un peu plus loin "Les pistes pour relancer l'emploi des jeunes".

Sur un plateau télé, un sociologue est appelé à la rescousse. Le journaliste: comment expliquez-vous cette soudaine montée de violence chez les jeunes. Le sociologue, vous savez, c'est un non événement, il n'y a pas plus de violence qu'avant, même moins, mais on en parle plus c'est tout. Mais comment réagir demande le journaliste. Il ne faudrait pas faire comme les pompiers, toujours éteindre le feu, mais prévenir. Il faut faire de la prévention et les deux causes majeures sont l'échec scolaire et le chômage. L'autre journaliste, oui mais ça c'est bien beau et ça prend du temps, mais là tout de suite, qu'est-ce qu'il faut faire, une nouvelle loi?

"En outre, les jeunes étant - par définition - une population difficile à contrôler, il suffit souvent d'une réforme mal expliquée - type contrat première embauche (CPE) en 2006 - pour les faire descendre dans la rue par centaines de milliers": l'article du Figaro.

La dialectique ne change pas beaucoup. La crainte du jeune, le jeune instable, le jeune qui ne veut pas travailler, le jeune pas qualifié, le jeune pas sociable, le jeune violent, le jeune en échec, le jeune...

Et puis d'un coup le jeune devient vieux. C'est comme le miracle des vacances scolaires durant lesquelles l'étudiant de seconde année, nul, évidemment, devient soudainement un L3 (licence troisième année) intéressant et intéressé. Les miracles de la vie.

Demain sans doute qu'il y aura encore un article de fond transformant un fait divers en fait de société. Deux jeunes se battent dans la rue sous le regard hagard d'un bon père de famille qui vient de claquer sa femme et qui fini amèrement les dernières gouttes épaisses d'un liquide visqueux fort en alcool. Le scandale et sous ses yeux et il pense le voir.

En poursuivant cette dialectique il suffit de parquer les jeunes pour protéger les vieux, qui soit dit en passant ont souffert de la rudesse de l'hiver, rien ne va plus tout se déglingue.

"Dernière idée de Laurent Wauquiez : des «formations rebonds» pour les jeunes qui se retrouvent sans activité à la fin de leurs études. «Il s'agit de leur proposer des stages commandos, des formations d'une durée de six mois, dans des filières où il y a des besoins, explique-t-on à Bercy. Un bac + 3 en psychologie condamné au chômage faute de débouchés suivrait par exemple une formation commerciale dans un métier porteur.»" Figaro toujours.

Du génie, du génie! quelle idée géniale. Alors là on applaudit des deux nageoires et on attend qu'un vieux (les derniers intelligents de l'espèce) demande pourquoi qu'on payerait encore un centime pour une formation qui mène nulle part. Pourquoi ne pas simplement faire une filière unique "représentant de commerce" directement, ça serait plus efficace et au moins il y aurait nettement moins de chômeur. J'oubliais qu'on faisait de la politique avec des Légo...

L'équation pourtant est maintenant simple et la pédagogie gouvernementale l'éclaire:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence

• jeune + études nulles (i.e. non commerciales) = chômeur

équations qui se résolvent de la sorte:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence + nouvelle loi = prison = baisse du chômage

• jeune + études nulles = chômeur + formation 6 mois commerce = plein emploi

Hmm pourquoi ne suis-je pas convaincu?


Bien évidemment les choses sont plus compliquées que ça. Évidemment que la psycho (je ne parle même pas de la philo) ne mène à rien. Enfin, il faut expliciter l'axiome du “ne sert à rien économiquement", bien que...
D'une part je ne suis pas sûr qu'une société de service pur et pur nous mène au plein emploi sinon peut-être, au mieux, jusqu'au prochain grand badaboum ou qu'un ancien, donc sage, aux affaires depuis trente ans, nous dise qu'on a bien vu que ça ne marchait pas et qu'on aurait du l'écouter quinze ans plus tôt.

Notre société, telle qu'elle fonctionne n'est pas très loin des camps pour jeunes. Le chômage guette le vieux donc, par ordre de bien séance, on demande au jeune de patienter (il est encore trop con pour être opérationnel) alors on le parque sur un banc l'école, puis de prépa, puis d'université, puis de post-diplôme puis... et pendant ce temps le jeune vieilli et d'un coup devient vieux, mais alors le vieux lui dit qu'il n'est encore jeune (le vieux) et qu'il faut qu'il attende encore un peu.
Et puis le vieux rit, il dit que le jeune est nul parce qu'à trente ans il est encore à l'école, qu'il est donc nul, donc qu'il doit attendre.
Alors le jeune en attendant refait un autre diplôme, enseigne à d'autres jeunes, fait d'autres études, d'autres recherches en attendant.
Le vieux le regarde un peu bizarrement, il se demande bien quel trafic il fait pour payer un loyer aussi exorbitant sans travailler. C'est louche. Alors le vieux lui dit que maintenant que c'est la débandade sur les marchés, le jeune doit attendre.

Un jeune en à marre d'attendre. Non pas un emploi, non pas un boulot, non pas une vie, non, ça il ne sait même pas ce que c'est parce que son père est jeune, donc au chômage, non, d'attendre le bus. Alors il le dit, un jeune ricane, ils se tapent dessus. Hop en haut du Figaro. Les jeunes se rebellent! Ils sont en difficultés scolaires donc la cause du chômage.... C'est repartit.

Heureusement il y a le temps. Il y a le temps qui passe et les jeunes restent plus longtemps que les vieux. Un jour viendra où il n'y aura plus de vieux, plus que des jeunes, des jeunes vieux, mais jeunes. Il y aura toujours autant de faits divers, de chômages, de livres de philosophie et de types complètement perdus qui feront de la psycho parce que ça sera le seul diplôme qu'ils n'auront pas encore. La différence, peut-être, est qu'on ne dira plus alors que la faute incombent au jeunes, mais peut-être aux enfants. Querelles de mots en fin de compte.

Alors, un maux valant mille mots on légifère, on fait une loi, on l'oublie, on ne signe pas le décret d'application, on regarde les chiffres de la bourse et on attend secrètement le journal du lendemain pour se trouver une occupation à la petite journée.

Bien sûr faire de la politique c'est compliqué, mais ça ce sont les philosophes qui le disent et tout le monde sait qu'ils ne servent à rien. Alors le vieux fait de la politique non philosophique: il tape sur les jeunes avec des mots pendant que les jeunes (f)ont des maux...

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