lundi 22 février 2010

DVD “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" disponible début mars!

DVD-couv.jpg

Le DVD du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" sera disponible début mars pour l'exposition de Cluses.

Il comprend:
• le film: 55 minutes en version française
• une visite de l'exposition de Belley
• une interview du peintre à propos du film
• un livret avec les textes du film

Il sera en vente à l'exposition de Cluses, à l'atelier du peintre et sur le site de la Real-fiction.com au prix de 22€.

Les limites de la pensée: au sujet de l'information collaborative.

La liberté d'expression est un droit qui ne devrait jamais être remis en cause et il s'en faut de peut pour que ce soit un devoir.

Les évolutions des technologies de la communication ont fait exploser les possibilités d'expression: qui maintenant ne peut téléphone, envoyer un courrier électronique, écrit un billet sur un blog ou simplement prendre une photo ou une vidéo? Ces actes si compliqués il y a encore peu se sont démocratisé au point que n'importe qui n'importe où peut s'exprimer en s'adressant au monde entier en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ou plutôt le penser.

Les médias se sont rués sur cette aubaine. Aveuglé par cette utopie d'une démocratie participative ou d'une information embarquée, elle jubile d'être au cœur même de l'événement alors même qu'il se produit. Il est vrai que de dire qu'un athlète est mort à l'entrainement sur une piste de bobsleigh est devenu "has been" alors qu'il y a forcément une caméra ou un téléphone portable qui peut le montrer. À quoi bon dépêcher des équipes spécialisées lorsqu'il suffit d'arpenter des sites communautaires pour télécharger des vidéos amateurs (le seul qualificatif devant certainement permettre de ne pas soulever la question des droits), quand bien même celles-ci ne correspondraient pas aux faits.

Parce que le bât est justement là. Cet aveuglement commence par le fait de ne pas se poser les questions nécessaires. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit quelque chose que ce qu'il dit correspond à quoi que ce soit. Le travail journalistique doit respecter une éthique et un protocole qui ne lui permet peut-être pas de dégainer le premier, mais de viser juste. Le scoop à quelque peu éclipsé la véracité des faits et des propos. L'idée semble bien maintenant de trier le premier quoi qu'il arrive que de dire quelque chose de vrai ou de consistant. Si seulement en plus les conséquences étaient assumées, mais c'est une autre question.

Ensuite, la simple possibilité de s'exprimer n'est pas suffisante pour s'exprimer: encore faut-il avoir quelque chose à raconter. Le blog et les sites d'information collaboratif regorgent d'opinions dans le meilleur des cas, de billevesées plus ou moins nauséabondes dans la plus part, vendues comme de l'information. Mais le pire n'est pas encore là, le pire vient des commentateurs, le plus souvent anonymes, qui critiquent en vilipendant cette information non pas pour la corriger ou en déplorer l'inconsistance, mais pour l'abreuver d'opinions divergentes toutes aussi mal pesées.

Au rythme où vont les choses les médias se prennent les pieds dans le tapis et se mettent à faire de même et cette opinion de chacun pollue ainsi tous les secteurs de la vie commune jusqu'à la politique qui se limite maintenant à des disputes enfantines.

La pensée demande de la raison et la raison demande des arguments, des faits, des réflexions, des preuves, donc du temps. Ne serait-ce quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures, mais c'est déjà trop long semble-t-il à qui n'attend pas de l'information, des faits mais du sensationnel et quelque chose pour se distraire de l'ennui terrible de l'écran blanc que lui laisse son dernier téléphone 3G.

Ce qu'exige la consistance c'est une structure: que les éléments mis ensembles ne permettent pas de dériver des contradictions. Cela demande un peu de temps, beaucoup d'observation et de la finesse dans le raisonnement.

Ce que la démocratie participative avait oublié c'est que la démocratie ne peut se contenter du sentiment du peuple ou d’opinions individuelles. Les entendre et les prendre en compte, pourquoi pas, mais cela ne battit pas une politique et encore moins une démocratie.

Ce que la presse semble oublier c'est que l'information ne se fait pas avec des opinions ou des croyances, ni même des faits, mais des explications, des compréhensions, des mises en perspectives, des analyses de faits.

À tirer tout azimut tout se brouille et la pensée s'y perd.

vendredi 19 février 2010

La question du stress.

Le stress revient sur le devant de la scène (site du ministère du travail). C'est une arme classique et communément utilisée pour affranchir un subordonné et marquer son autorité, pour ne pas dire son emprise dessus.

La faute incombe évidemment au supérieur. L'usage du stress est une marque de faiblesse, une incapacité à structurer une situation, y faire face et par conséquent d'établir une stratégie efficace et concertée (passant donc par le dialogue et l'échange d'arguments rationnels). Si les subordonnés sont stressés alors les dirigeants le sont également et donc tous subissent les circonstances au lieu d'y participer pleinement. C'est un constat, presque une lapalissade.

Il est facile de trouver des exemples autour de soi. L'état de stress des étudiants dans l'école où j'enseigne est assez important voire préoccupant dans certain cas. Cela se manifeste par de la désorganisation dans le travail (absence, non-rendu), par des troubles du comportement (fatigue, excitation, boulimie) voire plus grave par des troubles psychologiques ou physiologiques (angoisse, insomnie, démangeaisons cutanées, etc.)

Le temps de travail est un facteur important: trop lourd et mal structuré il favorise une fatigue latente très difficile à récupérer et qui finalement use les organismes comme les esprits. Après deux ans d'études les étudiants semblent avoir vieilli de cinq. Les rythmes de travail donc mais aussi les quantités. Avoir 8 heures de cours dans une journée est une chose, avoir 5 heures de travail ensuite en est une autre. 12 heures de travail et d'attention est beaucoup, trop, pour un être humain normalement constitué pris dans des obligations sociales qui plus est.

L'équipe d'encadrement porte également une part de responsabilité, notamment par un manque de coordination ou de visibilité d'ensemble. Voir les étudiant deux heures par semaine ne signifie pas qu'ils ne travaillent que deux heures par semaine (l'inverse est vrai, ce n'est pas parce qu'un prof enseigne deux heures qu'il ne travaille que deux heures). Plus de coordination donc (les cahiers de classe doivent avoir, je présume, cette volonté sans qu'elle fonctionne dans la pratique). Plus de visibilité également. Je suis frappé de constater combien d'étudiants ne savent pas pourquoi ils étudient, à long ou moyen terme, mais également et surtout à court terme. Ils ne perçoivent pas de finalité ou de direction dans ce qu'on leur enseigne et donc perdre facilement le fils, donc l'attention, donc la concentration, donc la capacité à travailler, donc finissent par décrocher. Mais si dans l'absolue chacun devrait être mettre de son destin comme un capitaine de son navire et donc devrait être en mesure de répondre seul à ces interrogations, dans la pratique les choses ne marchent pas ainsi. Il incombe donc au capitaine de rameuter ses troupes de temps à autre et de leur donner des directives claires et motivantes pour mener à bien l'opération qu'il a planifiée. Cela implique donc que la planification n'est pas la direction, les directives ou les motivations, évidemment. Un chef de guerre ne dévoile jamais ses plans même à ses propres troupes, mais il leur donne des objectifs qui permettront de les réaliser, cela va s'en dire.
Donc l'enseignant, dans ce cas précis, doit expliquer quels sont les objectifs, où les étudiants vont être conduits et pourquoi. Faites l'expérience et vous verrez le changement radical dans le comportement de la classe et des élèves individuellement: tout devient calme et sérénité, et le travail s'en ressent grandement.

Si les dirigeants ont leur responsabilité, les subordonnés également. La Boétie, dans son discours De la servitude volontaire insistait déjà sur la propension des subordonnés à se croire affranchis de toute responsabilité et finalement d'être passif. Un être humain privé de sa responsabilité est ou bien un esclave ou bien un fou (pour faire vite). L'esclave n'a pas son mot à dire et guère plus de droits, en particulier celui de se plaindre de sa situation. Idem pour le fou. Si donc les subordonnés veulent plaindre du traitement qui leur est réservé, libre à eux, mais qu'ils endossent les responsabilités qui leur incombent. Ils peuvent signaler les dysfonctionnements, les dérèglements, les inconsistances ou incongruités du système dont ils font partis. Ils peuvent éventuellement proposer des aménagements ou des améliorations ou demander des compensations. Mais surtout ils doivent être en mesure de se positionner eux, en tant qu'être humain raisonnable pourvu de droits et de possibilités. Ils doivent se demander quelle part de responsabilité ils veulent et peuvent assumer dans le système et quel rôle ils veulent tenir dans celui-ci. Plus humainement encore ils peuvent se prémunir contre ces pressions extérieures en connaissant leurs intentions, leurs projets personnels, leurs capacités et leurs limites. Ils doivent, parce qu'ils le peuvent, endosser toutes leurs responsabilités en tant qu'humain rationnel. Ils peuvent résister au stress simplement en ne tenant pas compte de directives inconsistantes sachant pleinement qu'elles seront mises à mal par leur simple formulation. De l'insubordination? Non, de la rationalité. Une critique n'en est pas une si elle n'est pas consistante et constructive, donc si elle ne répond pas à ces critères minimums de rationalité pourquoi devrait-on en tenir compte? Utopique? Non dans la mesure où ces directives ne sont pas données un pistolet sur la tempe (ce qui tend à priver la faculté de choix et de responsabilité et donc à ramener au statut d'esclave). Demander des raisons n'est certes pas toujours chose simple mais elle est rationnelle et raisonnable, plus, bien plus, que de se plier à des directives floues ou absurdes. Là encore, faites l'expérience: demandez des explications lorsqu'une directive ne vous paraît pas rationnelle. Plus qu'une engueulade c'est une déstabilisation qui se constate chez votre interlocuteur, parce que s'il est rationnel il sait parfaitement que sa demande est absurde, sinon il va s'en apercevoir à votre remarque ou bien encore ne pas comprendre de quoi il s'agit et son propre stress va apparaître au grand jour, ses faiblesses avec.

La raison est moins pénible ou aride qu'il n'y parait, et finalement est l'état le moins stressant dans lequel vivre, simplement parce que le stress n'y a pas sa place, pas de rôle à jouer.

Cela implique de se connaître soi-même, ce qui est un véritable travail en soi plus difficile que ne le pensent ceux qui n'ont jamais voulu y songer sérieusement. Mais c'est aussi quelque chose qui doit s'apprendre et donc s'enseigner. L'école est aussi là pour cela. Cela implique évidemment que l'enseignant lui-même ne soi pas stresser.

Le stress est donc véritablement un obstacle sérieux, mais les mesures pour y remédier ne peuvent venir d'en haut (ni plus d'en bas d'ailleurs) mais est un équilibre entre ce qu'en anthropologie Leroi-Gourhan appelle le “milieu interne" et le “milieu externe": entre l'espace cognitif de l'individu et l'environnement dans lequel il évolue. C'est un véritable programme existentiel, mais rien d'autre en fait que de vivre comme un être humain.

mercredi 17 février 2010

L'éducation a-t-elle un coût?

Étrange de poser la question alors qu'on enseigne dans une école privée, certes, mais ce n'est pas le sens premier que je voudrais soulever.

Si je pose la question c'est que de temps à autre je me demande pourquoi j'enseigne. J'aime l'enseignement. Bizarre de dire cela comme ça mais c'est vrai. Je le sais parce que je ne peux m'empêcher d'enseigner, ne pas enseigner me manque. J'aime enseigner aussi dans des structures peu conventionnelles ou moins conventionnelles que l'Éducation Nationale. Peut-être est-ce par souvenir de ma scolarité ou bien par crainte de passer ou de rater les concours. Peut-être. Je crois surtout que c'est la liberté de programme et de contraintes administratives que j'aime le plus, cela donne plus de temps à consacrer aux étudiants et plus de sens à l'engagement aussi.

Il n'y a pas de cours pour apprendre à enseigner. Au début, au premier cours, on est parachuter de l'autre côté du bureau et il faut se lancer. Ce n'est pas évident. La peur nous taraude le ventre, une peur un peu confuse, la peur du regard des autres, des collègues, des anciens professeurs, des étudiants, la peur de ne pas savoir, la peur de ne pas faire face, juste la peur. Peu à peu ce sentiment disparaît. Le trac reste bien sûr, mais moins de peur. Le métier entre, nos habitudes aussi. Le petit rituel avant le cours pour se mettre en condition. Bien sûr reste le sentiment amer de honte après un mauvais cours quand on n'est pas dans son assiette, fatigué, que finalement le cours que l'on croyait avoir suffisamment préparé.

À force l'étudiant devient plus clair, plus compréhensible, son comportement et ses réactions plus lisibles et il devient plus facile d'y faire face. Au début toute entorse à la discipline est un affront difficile à digérer. Peu à peu on comprend qu'en fait le contenu est secondaire. Bien sûr qu'il est nécessaire est important, mais que ces accrocs ne sont pas des manques de respects mais plutôt des failles dans l'édifice de la compréhension: l'apprentissage passe avant le savoir. Apprendre à savoir avant de savoir quoique ce soit. Alors la perspective change et l'on comprend que la matière n'est pas un bloc à pousser entre le bureau et les étudiants, mais qu'il faut véritablement les y amener, la faire vivre, naître ou renaître devant eux comme un tour de magie toujours aussi fascinant pour qui le découvre. Donner envie, donner envie, donner envie. Convaincre que la motivation est le bon côté de la force. Rassurer, rassurer, rassurer. Ensuite, le savoir ils vont le chercher tout seul d'eux-mêmes pour peu qu'on en ait baliser le chemin.

Convaincre et rassurer. On n'est pas un psychologue quand même! Et pourtant c'est bien là la clé du mystère. Un étudiant ça s'amadoue, ça s'apprivoise, et dès qu'il est en confiance alors il peut accepter de prendre le risque de découvrir. Les Christophe Colomb ne sont pas monnaie courante et qui irait de lui-même se jeter dans l'inconnu, délaisser son savoir pour le remettre en question ou en endosser un autre? Apprendre n'est pas évident, ils nous le rappellent, on l'avait oublié.

Le métier s'acquiert sur le tas, ce qui ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas s'apprendre. D'ailleurs, avec le recul, on l'a bien appris, par mimétisme de professeurs qui nous ont marqués et fascinés. Volontairement ou non c'est bien à eux que l'on essaie de ressembler, c'est bien notre propre émerveillement que l'on cherche à susciter chez nos étudiants. C'est éprouvant et difficile et ça ne marche pas tout le temps, pour ne pas dire pas beaucoup en fait, s'il fallait être réaliste.

Mais un rien sur ce parcours est un succès incommensurable. Une question sincèrement curieuse est un Grall. Un saut de sourcil d'un point compris est un feu d'artifice qui redonne sens à cette vocation dont on vient parfois à douter. Et ça n'a pas de prix. D'un côté comme de l'autre du bureau.

mardi 9 février 2010

La découverte de l'homme.

8-1.jpg8-2.jpg9-3.jpg

Voilà longtemps que je n'avais pas voyagé et la découverte de l'Afrique a été aussi bouleversante que le Grand Nord. Si là-bas j'avais découvert ce qu'est le paysage dans son essence même, ici j'ai l'impression d'avoir appris ce qu'était l'Homme.

Le contraste avec la vie parisienne permet de révéler les différences et de devoir se positionner par rapport à elles. Dire cela c'est dire que tout tient dans le regard et la manière dont on découpe, décortique, analyse ou conceptualise le monde. Ce fut l'Afrique et le Svalbard pour moi, ce pourrait être n'importe où pour un autre, voire, pour celui qui sait vraiment voir, l'endroit qu'il n'a jamais quitté.

Découvrir l'Afrique, plus exactement le Gabon, et le cyclisme de haut niveau a été une bonne école et finalement essayer de comprendre les règles, les mécanismes et les habitudes du cyclisme n'est pas très différent que d'essayer de comprendre les clés d’une autre culture, d'autres comportements et habitus.

Une chose m'a frappée: ces contrastes ne semblaient pas vraiment poser de problèmes à quiconque en fait. Les caméras filmaient avec le plus grand naturel le folklore local aussi authentique que la Kinkerne est représentative de la Savoie. Un enfant pleure dans un village vite une photo. Une femme vent des beignets, vite, une réfugiée politique. Avec la même aisance avec laquelle les coureurs sont filmés et photographiés comme des coureurs cyclistes le sont et, sous-entendus, doivent l'être. Cela en dit long sur la manière de conceptualiser le monde.

Moi qui ne m'y connais rien, ce qui m'a frappé, c'est le côté profondément humain de tout ce petit monde, gabonnais comme coureurs cyclistes. Il y a quelque chose d'absurde évidemment dans le fait de traverser le Gabon à vélo lorsqu'on vient de France ou du Danemark, quelque chose de franchement bizarre à suivre des cyclistes qui traversent le Gabon assis dans une voiture climatisée. Mais il y a quelque chose de très humain aussi: ce n'est plus tel ou tel coureur, connu ou pas, mais un homme sur un vélo, un effort aussi absurde que magnifique d'essayer de se surpasser, de faire une chose qui n'a pas d'autre sens que sa propre réalisation.
Dans l'effort, dans la fatigue l'homme devient humain et tous se ressemblent. Ce n'est plus untel ou untel mais un Homme, un visage, un effort, un prototype, un stéréotype, un échantillon qui vaut pour tout autre car à travers lui c'est nous que nous voyons.

La couleur de peau, la race, la nationalité, le passé, la culture, l'origine, tout cela n'a plus de sens: c'est un homme, c'est tout. Et le naturel est si puissant qu'il n'est même pas besoin de majuscule pour comprendre.

Je pensais prendre des paysages là-bas, ce sont des portraits que je ramène. La découverte est immense.

lundi 8 février 2010

Éloge de l'indépendance.

Légitimement je ne pourrais me plaindre de ma situation bien que j'espère parfois qu'elle soit meilleure et plus confortable. Si je ne m'en plains pas c'est qu'à sa manière elle est plus confortable que celle qu'il m'arrive de souhaiter lorsque je me réfère aux autres. Oui un salaire dépassant les 500 euros par mois serait une bouffée d'oxygène, oui un appartement plus vaste que ces 30 m2 à deux ne ferait pas de mal...

Mais la liberté d'esprit m'a pas de prix et les remarques positives qui remonte au sujet d'un film ou d'une image réconfortent plus que tout autre chose. L'indépendance: pouvoir faire uniquement ce que l'on veut comme on le veut. Faire un film tel qu'on l'a en tête sans se plier à des règles, des coutumes, des contraintes autres que celles que l'on accepte. Voilà le sens de la liberté et celle-ci est inestimable.

Sans un passage par la recherche universitaire, je pense qu'il me serait difficile d'être dans le même état d'esprit. Elle m'a montrée les limites de la connaissance et le travail incessant pour l'améliorer et la poursuivre avec opiniâtreté et humilité. Connaître ses limites et ses capacités mais aussi que l'existence n'est vécue que lorsque ces capacités sont menées à ces limites.

Peu à peu le chemin se trace, il est peut-être modeste mais il est à ma mesure et je me sens bien le soir en me couchant d'avoir fait ce que j'avais à faire, ni plus ni moins.

Cette liberté rare je me rends compte que bien peu la connaissent et s'engluent encore dans des considérations qui ne leurs conviennent pas et pendant ce temps ils oublient d'exister.

L'indépendance c'est pouvoir exister seul, et ce n'est pas évident et être bien accompagné aide beaucoup!

dimanche 7 février 2010

Premières images du Gabon

1-10.jpg
1-11.jpg
1-12.jpg
7-2.jpg
7-3.jpg
7-4.jpg


Scans rapides de six images du Gabon, presque au hasard. “Presque" car ce sont des scans d'essais, mais je tenais quand même à présenter autant de portraits que de paysages.
Ces trois portraits sont presque anonymes. “Presque" parce que même si j'ai interagit avec ces personnes, elles valent pour vous d'anonymes et de stéréotypes de gabonais ou d'africain, idem pour ces paysages, c'est pour cette raison qu'aucune autre précision que ce qui est présenté dans l'image ne sera apportée.

En faisant le tri dans les images et dans les rushs pour le film, un ordre commence à apparaître ou plus exactement je commence à retrouver la perspective que je voulais prendre et que j'essayais de suivre en prenant ces images.

Ce film, comme ces photos, sont pris sur le vif, dans le feu de l'action, ce qui m'est très inconfortable. Le rythme m'était imposé et était trop rapide pour que je puisse prendre véritablement mes marques. C'est là que je découvre que je suis plus lent que je le pensais.

J'ai accepté ce parti-pris comme fils conducteur: mon premier contact avec l'Afrique, mon premier contact avec le vélo, la difficulté de trouver mes marques, de comprendre les règles du jeu tout comme celle d'une autre culture. Cette distance se retrouve dans les photos et surtout dans le film et me permettra d'exprimer cette distance inconfortable, ces obstacles qui entravent la compréhension évidente de ce que l'on voit ou l'on vit. Et pourtant il y a une douceur dans ces images, un calme qui reflète le sentiment ressenti là-bas.

Ce ne sont là que les premières images, les autres suivront bientôt.

mardi 2 février 2010

Premier retour sur l'Afrique

Voilà une semaine maintenant que je suis revenu du Gabon où j'étais invité à suivre la Tropicale Amissa Bongo 2010. Vous ne connaissez pas la Tropicale Amissa? Pourtant une horde de média était présente cette année, mais peut-être que vous ne la connaissez pas aussi parce que vous ne suspectez pas qu'il puisse y avoir une course cycliste de première catégorie au Gabon. Une course de première catégorie signifie la présence d'équipes professionnelles, ici Cofidis, AG2R ou encore Bbox pour ne citer qu'elles.

Et oui, au Gabon il y a aussi des coureurs cyclistes. Je sais, un noir sur un vélo est aussi impensable qu'un blanc vainqueur du 100 mètre, et pourtant.

Le plus frappant dans cette aventure est justement la confrontation aux préjugés. Je pensais en avoir moins que les autres, l'arrogance des études sans doute, mais cette première fois au Gabon fut véritablement une claque. D'abord parce que le Gabon est très vert, étonnamment vert et que cela fini par être dérangeant pour un pays d'Afrique. On en avait presque oublié la forêt tropicale. Il y fait chaud, une trentaine de degrés mais le taux très élevé d'humidité (qui frôle les 100%) rend la chaleur plus supportable que je l'avais imaginée. La beauté du peuple ensuite et sa manière si littéraire de manier le français renvoie le parlé parisien au rang de patois local.

Le dénuement. La pauvreté est un concept vide et abstrait lorsqu'on n'y est pas confronté directement. Mais si la chaleur de là-bas n'a rien à voir avec celle de nos latitudes, la pauvreté non plus. Ici les gens sont pauvres lorsqu'ils ne peuvent suivre le rythme effréné de la consommation, ils sont pauvres de vivres dans les logements insalubres, lorsque l'évier fuit et que le chauffage ne marche pas. Ici les pauvres le sont parce qu'ils leur manquent quelque chose.
Là-bas, j'ai traversé des villages où il n'y a rien. Des cahutes en taule ondulée sous la chaleur, une pompe à eau pour l'ensemble, pas d'électricité. De la terre battue, des pièces minuscules qui se confondent avec la maisonnée entière, pas d'ouverture autre que la porte qui ferme mal. Il n'y a rien. Le dénuement est tel qu'on se demande par où commencer. Mais ces gens là ne demandent pas. Ils n'ont rien mais n'ont même pas l'air de s'en rendre compte. Ils sont juste souriants et vous parlent avec un peu de crainte et d'appréhension au début puis jovialement dans un français raffiné. Ils se débrouillent et bricolent avec une ingéniosité réelle qui fait que rien n'est inutilisé, même si c'est pour tout autre chose que sa fonction première.

L'étudiante qui m'avait invité à découvrir son pays me disait une fois qu'elle ne s'était jamais sentie aussi “noire" qu'en France. L'inverse est vrai, jamais je n'avais ressenti le fait d'être “blanc". Inévitablement sans doute en ai-je pris les plis et les travers néo-colonialiste: difficile de s'empêcher de tutoyer quelqu'un de plus jeune alors qu'il nous appelle “monsieur Benjamin". Je veux croire que je fais la même chose ici mais je n'en suis pas certain non plus.

L'un des enseignements de ce voyage, outre le monde du cyclisme et celui des journalistes qui méritent un article à eux seuls, il y a celui de la difficulté de vivre “simplement", sans tout l'attirail que nous ne voyons même plus et qui nous déboussole tant lorsqu'il nous manque. Les chaussures, les chapeaux, les crèmes solaires ou anti-moustiques, les appareils photos et autres montres, mais aussi plus bêtement les lunettes de vue. J'ai croisé bien peu de Gabonais dans l'arrière pays équipés de lunettes alors qu'ils ne doivent pas en avoir moins besoin que nous.

C'est ce genre de voyage qui bien que de bons hôtels en bons hôtels en berlines climatisées laisse des traces et nous rappelle combien nous sommes peu de chose et encore moins sans tout le bardas auquel nous nous agrippons.

J'essaie encore de mettre un peu d'ordre dans mes notes et mes images pour en dégager quelque chose de plus consistant, mais il fallait déjà commencer par des premières impressions.