lundi 23 février 2009

Identité nationale: question de définition du même.

L'une des définitions donnée de l'identité est exprimée par le principe des indiscernables que l'on doit à W. G. Leibniz (Discours de Métaphysique, section 9).
Deux substances sont indiscernables si elle partage l'ensemble de leurs propriétés.

∀F(Fx ↔ Fy) → x=y

Cela vaut pour la métaphysique et la question ontologique ou une question de logique formelle.


La question de l'identité surgit maintenant dans le domaine politique, notamment dans l'appellation d'un nouveau portefeuille ministériel, comment définir l'identité d'un point de vue social ou humain?

Le même principe peut s'appliquer tel quel: deux individus sont identiques s'ils partagent les mêmes caractères. La définition des caractères en question reste alors à définir, ce qui laisse également ouverte la possibilité d'utiliser les tests ADN ou autres. Cependant cette notion de caractères, de propriétés ou de traits caractéristiques peut vite devenir problématique d'un point de vue éthique et moral, puisque pour une bonne part ces caractères en questions ne sont pas dépendants des individus et par conséquent toute utilisation de ceux-ci peut conduire ou conduit de facto à une discrimination qu'elle se veuille positive ou non.

Si ce critère est pris en compte, cela signifie que tout ce qui ne dépend pas de l'individu ou pour éviter toute confusion, de l'agent cognitif, ne peut être utilisé directement dans la définition sociale de l'identité, cela signifie qu'il faut s'intéresser ce qui dépende de l'agent. “Ce qui dépend de l'agent" correspond aux choix que l'agent peut faire dans un contexte où il est en mesure de choisir. Dire ceci n'implique pas directement que l'agent se trouve en position de liberté bien qu'il soit possible de définir la liberté en terme de choix non contraint dans un contexte approprié.

À ce stade du débat nous considérerons donc que les agents cognitifs (les individus) sont doués de choix et qu'il leur est donné une situation de choix non contraint. Par “situation de choix non contraint" il faut par exemple imaginer qu'au moment du désert une corbeille de fruit est présentée à un agent cognitif est qu'il peut choisir parmi les fruits qui lui sont présentés ou s'abstenir de choisir s'il ne veut pas manger de fruit. Ces situations sont rares mais il en suffit d'une pour que le principe s'applique.

Reprenons la définition de l'identité telle qu'elle est donnée par Leibniz. Dans ce cas deux agents cognitifs ne pourraient être distingués l'un de l'autre s'ils partagent les mêmes propriétés, et amendons-la avec les éclaircissements que nous venons d'apporter:

deux agents cognitifs sont identiques si dans une situation de choix donné ils choisissent les mêmes éléments dans un menu donné dans une situation donnée.

Il faut retenir que l'identité n'est faite que relativement aux critères en question. Par exemple, dans la formulation du principe de Leibniz, x et y sont identiques en fonction de F, non pas de leur graphie par exemple.

Ici, deux agents seront les mêmes s'ils choisissent les mêmes éléments dans une situation de choix, leur identité ne se basera donc que sur ce choix et non sur des autres critères possibles.

Mais allons plus loin. Le choix est manifesté par l'élément retenu dans un menu, mais ce n'est là que sa manifestation. Si le choix est issu d'un processus cognitif qui prend en compte les attentes, les désirs, les plaisirs, les émotions ou toutes autres motivations, si deux agents systématiquement choisissent les mêmes éléments, alors il est possible de postuler que leurs motivations, quelles qu'elles soient sont identiques et donc que ces agents sont identiques.

Ce raisonnement devient vite captieux. D'une part parce qu'il n'est pas dû tout évident qu'un choix ne provienne que d'une seule motivation possible. D'autre part, si le choix est effectivement le critère, il n'est pas suffisant pour déterminer l'identité de l'individu.

Revenons pourtant sur cette définition de l'identité sociale: deux agents sont considérés comme étant les mêmes si et seulement si dans toute situation égale de choix ils choisissent systématiquement les mêmes éléments dans un menu.

Au lieu maintenant de nous intéresser aux individus eux-mêmes, intéressons-nous à la possibilité même d'une telle définition. Cela signifie que dans une situation de choix le choix soit effectivement possible indépendamment d'aucun caractère propre de l'individu. Si cette définition est appliquée à des individus en société, cela signifie que la société doit accorder dans une situation de choix la possibilité de choisir à l'individu indépendamment de tout autre caractère.

Défini en termes de condition sociale, la définition en question devient:

dans une société deux individus sont identiques si dans une situation de choix ils choisissent les mêmes éléments dans un menu indépendamment de tout autre caractère.

La notion d'identité devient on le voit quelque peu bizarre car rien n'indique qu'il faille confondre les individus pour qu'il leur soit possible de choisir les mêmes choses. Il suffit simplement de considérer que ces deux agents cognitifs sont égaux car ils bénéficient dans les mêmes conditions des mêmes choix de sortent qu'ils puissent choisir sans contrainte les mêmes éléments dans un menu donné.

Qu'en est-il de l'identité sociale alors?

Si l'on s'en tient à la version logique l'idée serait de confondre les individus en fonction de certains caractères avec le risque de chercher ou de déterminer ces caractères alors même qu'il est très difficile de les établir ou qu'il soit contestable et condamnable de le faire.

Si maintenant la notion est comprise en termes de choix et de possibilité de choix, l'identité devient simplement une égalité des chances ou une égalité des choix: notions beaucoup plus positives et facile à discerner, mais on le voit avec une responsabilité qui ne repose plus sur l'individu mais incombe à la société elle-même.

vendredi 20 février 2009

Une problème de communication

La crise économique frappe le pays et ça, tout le monde l'aura remarqué. Et quand certains économistes ou responsables politiques affirment que la crise est certes grave mais touche moins notre pays que d'autres, sans doute que sur la base de certains chiffres ils n'ont pas tort. Il est vrai que si la vie est chère elle reste possible et accessible et que si les loyers deviennent insupportables l'heure n'est pas encore à l'expulsion de logements impayés.

Mais cantonner la crise au simple niveau économique et financier serait commettre une erreur de jugement. La crise est sociale et, comme on l'entend parfois, morale. Mais le dire ne suffit pas.

Revenons un instant sur la question des universités et de leur réforme. Sans nécessairement faire le lien avec un précédent billet, l'université à grandement besoin d'être rénovée et les universitaires et les étudiants sont certainement les premiers convaincus. Il faut d'ailleurs se rappeler des propositions profondes de réformes qui avaient été proposées par les chercheurs eux-mêmes lors des dernières grandes manifestations. Les universitaires et le gouvernement sont donc d'accord sur ce point. Or cela ne marche pas, pourquoi?

La réforme proposée par le gouvernement n'est certes pas parfaite mais globalement les universitaires la rejettent alors même qu'ils pourraient l'amender et l'améliorer. Mais ils ne le font pas, vont à l'affrontement et cela permet encore une fois de crier sur leur dos en les taxant de conservateurs et de corporatistes.

L'erreur serait d'en rester là dans l'analyse, et c'est l'erreur qui est commise. Les millions et les milliards ne font rien et cette histoire, toute cette histoire, n'est pas une question d'argent. Qui prétend que le “pouvoir d'achat" de règle et se réglera uniquement en augmentant les salaires? Il y a aussi la solution de baisser les prix ou bien de donner “autre chose". Comparez simplement le goût du pain à prix égale, si la boulangère vous le donne avec le sourire ou pas. Comparez à salaire égale l'humeur de la caissière à qui vous dites bonjour et de celle à qui vous ne lui dites pas. Comparez le travail de la secrétaire avec qui vous êtes courtois et celle avec qui vous ne l'êtes pas. Ces différences sont énormes et colossales et pourtant si elles peuvent faire perdre beaucoup, rapportent peu et ne coûtent rien.

Le problème actuel est celui-ci. Le gouvernement parle de « mal être » ou de “malaise existentiel" lorsqu'il parle des événements qui se passent dans le DOM. Certes mais là aussi les mots peuvent dire tout et son contraire.

Le malaise est réel, palpable et maintenant visible dans la rue, c'est un malaise de reconnaissance, d'estime et tout simplement d'humanité. Les gens du commun ne sont pas aussi idiots qu'on ne voudrait le croire, ils savent pertinemment qu'il y a la crise et beaucoup acceptent de ne pas être augmenté ou même de sacrifier une part de leur salaire pour que leur entreprise passe ce cap. Ils continuent à consommer malgré les incertitudes parce qu'ils savent aussi que l'économie c'est eux, leurs actes et leurs actions. Ils travaillent dur et avec ardeur car ils savent qu'il faut se serrer les coudes dans cette mauvaise pas. Et s'ils font “moins" parfois, par exemple en ce qui concerne les dons aux associations caritatives, ce n'est pas faute de vouloir mais parce qu'ils ne peuvent pas autant.

Mais ce qu'ils ne pardonnent pas ou plus et ce qu'ils crient maintenant dans la rue c'est l'ignorance de ces petits efforts, l'indifférence à ces petits riens qui font que la vie est supportable et qui distingue l'existence de la survie. Si leur “bonjour" n'est plus retourné, s'il est maintenant facturé ou critiqué et bien ils ne le donneront plus, ne l'offriront plus et c'est là que le lien se casse et que la fameuse fracture sociale apparaît, car en définitive l'économie réelle n'est pas faite que de biens, de produits, de consommation et de pouvoir d'achat, mais avant tout de relations, de regards, de mots et de sourires.

Alors bien sûr le bienséant ricanera de la naïveté de ces propos et l'homme de soutane se revigorera qu'enfin on prône un retour aux bonnes vieilles valeurs morales, mais ces deux-là, comme les premiers, auront tort. Non, c'est beaucoup plus simple, pratique et pragmatique que cela, c'est tout simplement ce qu'on appel le bon sens.

À vouloir bousculer ce que le bon sens à mis tant de temps à transformer en sagesse quotidienne on récole son désarroi, sa colère et finalement on perd son estime. Et regagner le confiance est ce qu'il y a le plus dur, de plus difficile et de plus méritant. Mais c'est un travail que les deux parties doivent faire.

Lorsqu'il y a des décennies certains paradaient en réclamant du rêve il fallait être bien crétin pour demander combien ça coûte ou coûterait le rêve. Car les termes de valeur et de prix ne s'appliquent pas qu'à la monnaie ou à l'économie.

Tant que cela ne sera pas compris, d'un côté comme de l'autre, le dialogue sera sourd, le temps passera et le choc n'en sera que plus violent. Tout cela n'est qu'une question de communication, mais la communication, finalement est l'essence même de l'échange. Enfin, la bonne communication s'entend.