mardi 29 avril 2008

Qu'est-ce qu'un film?

Un jour je me suis posé la question: mais qu'est-ce donc qu'un film?
Une partie de mon cerveau s'est tout de suite emballée dans la voie de l'ontologie formelle en tentant de définir un film par ses limites, ses fonctions, la représentation et la sémiotique, mais c'est une partie qui gamberge souvent sans direction bien précise. Or il doit y avoir une réponse simple à une question aussi simple.

Évidemment, je pose encore cette question dans la perspective des autres, vis-à-vis du scénario. Faire un film demande une équipe de cameramen, de maquilleurs et d'acteurs, un réalisateur, une production, des câbles et/ou de la pellicule et tout cela tout cher pour ne pas dire très cher et évidemment on ne fait pas un film comme ça à la légère. Un film commence généralement par une production qui décide de mettre de l'argent dans un projet qui lui paraît tenir la route et c'est à ce moment là que l'équipe de tournage va se mettre en branle. Il ne viendrait jamais à l'idée de quelqu'un de sein de faire travailler quelqu'un sans le rémunérer, donc il ne viendrait pas à une production d'engager un cameraman sans le payer. Or, comme on l'a dit, on n'emploie pas quelqu'un comme ça à la légère surtout s'il s'agit de le payer. Au commencement, vous avez bien noté qu'il y a une production qui accepte de miser de l'argent sur un projet qui tient la route. On repasse lentement “sur un projet qui tient la route", vous notez le détail? “projet qui tient la route".
Qu'est-ce qu'un projet qui tient la route? Et bien tout simplement un film tournable et réalisable, qui permette d'embaucher une équipe et de le vendre dans des salles. Mais comme vous l'avez aussi noté, une production ne s'engage à mettre des sous sur la table que lorsque le projet tient la route. Comment un projet tient-il la route? Je veux dire, comment un projet existe-t-il avant la production? Cette question est, vous l'avez reconnu, la sacro-sainte question de la poule et de l'œuf, qui vient en premier, à ceci près qu'ici la question a été tranchée: il y a d'abord l'œuf. Peut importe comment il est arrivé là. La question du “projet qui tient la route" est celle de l'origine de l'œuf.

Je reste convaincu, mais c'est une opinion personnelle, qu'un film naît, en partie, d'un scénario. Un scénario est quelque chose d'à la fois très précis et très vague. C'est un ensemble de pages qui contiennent des indications scéniques et des dialogues qui seront mis en mouvement par l'image et le jeu d'acteur. Mais ce texte là, fini pourrait-on dire qui va donner lieu à son interprétation par l'image et le mouvement, est lui aussi issu d'un processus de création long et fastidieux qui en définitive se ramène à une vague idée dont il est le développement. Comme écrire un livre, écrire un scénario impose de réfléchir, de lire, de regarder, d'écouter et de voir beaucoup. La pensée est essentiellement, ontologiquement pour faire pompeux, intrinsèquement temporelle. S'il y a quelque chose qui échappe complètement à la quatrième dimension, c'est la pensée: elle exige du temps et se méfie de toute immédiateté et spontanéité. Comme disait Hemingway: “The first draft of anything is shit". Triste mais vrai. Tout travail de la pensée mérite et exige réflexion, pâle tautologie, et il faut travailler, travailler et retravailler chaque mot, chaque phrase et chaque page pour qu'à la fin tout devienne simple, clair et limpide et que le lecteur, l'auditeur ou le spectateur ressorte de là en se disant que c'est facile d'écrire un film, tout découle, il suffit de dérouler la bobine. Mais bon dieu que c'est difficile! Less is more.

Revenons à notre omelette. Imaginons, pur raisonnement par l'absurde, que tout film commence par un scénario. Si c'était le cas alors le scénariste, en charge du scénario, devrait est compris dans l'élaboration du film, du moins son travail devrait faire partie du travail du film, je veux dire, être pris en compte dans la production. Or les productions ne financeraient et ne financent jamais un film sans scénario (bien que parfois elles prennent pour un scénario ce qui n'en est pas un, cf. supra), par conséquent elles demandent un scénario avant de financer quoi que ce soit, donc le scénario ne fait pas partie de la constitution du film. CQFD.

Faux, mensonges me dira-t-on, ceci est calomnie puisque le scénariste est rémunéré et apparaît au générique, donc il fait partie du film! C'est vrai, mais c'est a posteriori. La production qui trouvera qu'un projet tient la route achètera le scénario, c'est-à-dire le projet (peut-être pas le scénario définitif), mais le projet existe déjà indépendamment de la production en question. Ne sont payés en fait que les bons projets, ceux qui tiennent la route et pas la multitude des autres.
Très bien clappera-t-on, magnifique, qu'elle merveilleuse illustration de la vie, de la sélection naturelle, du plus pur darwinisme! Seuls les meilleurs scénarios existent les autres s'étiolent et se froissent dans les corbeilles avant même d'avoir pu se reproduire! Magnifique!

Soit. Donc les bons films sont des générations spontanées. Le fruit du hasard. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard que bien souvent les réalisateurs soient leurs propres scénaristes ou producteurs. C'est vrai, c'est un fait et c'est bien que seuls les meilleurs survivent. Pas de Mozart qu'on assassine, seuls des gueux qui se prennent pour des génies.

C'est vrai et c'est tant mieux, mise à part que la sélection pourrait encore être meilleure si elle ne sélectionnait pas ses vainqueurs parmi le plus haut sur le podium mais un peu avant dans la compétition. Si elle disait, bon, je fais le parti de vous aider un peu en 16e de finale disons, et maintenant je lance la compétition. La compétition serait plus rude car les participants plus vaillants, et si le vainqueur est le même au final il s'est d'autant mieux battu qu'il en ressort plus vif, plus fort et meilleur. Il y aurait tout simplement une compétition, une émulation.

Imaginons une production qui au lieu d'acheter un projet qui tient déjà la route et dise qu'elle choisira un ou des projets parmi des projets qui lui paraissent prometteurs. Tous ces projets ne tiendront peut-être pas tous la route, certes, mais certains la tiendront, peut-être plus d'un et peut-être que le vainqueur sera encore mieux car aura bénéficié de meilleurs conditions pour s'épanouir. Peut-être. Cela marche sur le papier, peut-être pas dans la réalité. Quoi que si cela marche aux États Unis, peut-être que cela marcherait chez nous et peut-être que nous verrons plus de films, de documentaires et de production qui tiennent effectivement la route plutôt qu'un modeste chemin non carrossable ou pire, une impasse.

Je ne sais pas pourquoi j'en suis venu à me dire cela: mais j'ai bien envie de faire commencer un film au scénario.... Utopie, utopie...

vendredi 25 avril 2008

Qu'est-ce qu'un documentaire?

Qu'est-ce qu'un film documentaire? Contrairement à la fiction, car on oppose systématiquement le documentaire et la fiction, le documentaire traiterait du réel. Je ne pose pas la question de ce qu'est le réel... Alors que la fiction maquillerait la réalité et/ou la vérité sous des fards afin de nous la rendre plus attractive, le documentaire nous la monterait crue et nue. Mais alors, le documentaire, le vrai, ne serait rien autre qu'une image brute sans montage ni cadrage? Cela ressemble fort au couteau sans lame auquel il manque le manche de Lichtenberg. Même la séquence “No Comment" d'Euronews montre quelque chose et décide de la réalité.

Cette notion d'abstraction, d'effacement de soi devant la réalité afin de mieux la voir est un lieu commun intenable comme un paire d'yeux qui se verraient elle-même sans le truchement d'un miroir et sans loucher. Mais bien plus encore que cette contradiction, quand bien même cela serait possible, quel en serait l'intérêt?

La réalité en soi ne pose jamais problème, elle est et c'est tout. Ce qui pose problème c'est de la voir (au sens générique du terme), de la comprendre, de l'interpréter.
Un même fait peut est lu de manières différentes et contradictoire en fonction des points de vues, des connaissances, des désires, des croyances ou des aspirations. La réalité en elle-même ne donne pas son interprétation car elle s'en moque et ne lui appartient même pas. Ce qu'il y a de difficile c'est d'avoir un point de vue sur les choses. Celui qui n'en a pas ne voit rien, celui qui voudrait avoir le plus large possible est aveugle. Il faut un juste milieu entre la cécité et l'aveuglement. Le sage timoré prendra systématiquement la tangente afin de rester en dehors ou au milieu, l'irresponsable penchera d'un côté ou de l'autre, le réfléchi réfléchira avant de choisir la position, le sceptique n'en prendra pas, le cynique rira des autres. Mais ce qu'il faut c'est se décider, et c'est ça le plus difficile, car c'est s'engager et par conséquent devenir responsable: de son point de vue et de la réalité à travers le relief qu'on lui donne.

Le documentaire en tant qu'abstraction et retrait est pleutre et inutile. Ce qu'il faut c'est un engagement. Mais un engagement rationnel et effectif. S'engager ne signifie pas s'aveugler, mais voir, observer et réfléchir, et c'est difficile.
Le documentaire qui montre la réalité est en fait un document. En tant que document il est un engagement, un engagement dans la réalité et dans l'histoire, mettons-y même un grand h, l'Histoire, car ce sont les documents qui nous permettre de retracer la vision du monde de nos aïeux et d'en révéler, comme en photographie, la réalité, leur réalité, mais qui ne fut qu'une compréhension de ce qu'ils avaient sous les yeux.

Un document est une thèse sur le monde, c'est le constat d'un point de vue, d'une perspective, c'est dire: “tiens, voilà ce que j'ai vu", et dire cela c'est dire “cette portion de réalité a attiré mon attention suffisamment pour que j'ai envie d'en parler à quelqu'un autre". La réalité apparaît alors et dans cette apparition (phénoménale pour ceux qui aiment ce terme) apparaît aussi le besoin de comprendre et d'interpréter. Les noumènes kantiens sont creux et vides, ce qui importe ce sont les phénomènes et cela forcent l'esprit à se mettre en branle pour savoir de quoi il en retourne.
Le document c'est ça, le documentaire doit être ça.

Mais je le répète et le souligne: un point de vue se construit. Il ne s'agit pas de dire ou de montrer n'importe quoi sous prétexte que c'est un documentaire ou un document. Non, ce qu'il faut c'est réfléchir, réfléchir vraiment, construire son point de vue pour qu'au final on se dire “ah oui, c'est ça la meilleure interprétation possible, ça doit donc être comme ça et pas autrement". C'est un véritable travail. C'est ça un documentaire.

samedi 19 avril 2008

Qu'est-ce que l'économie déjà?

L'économie est l'art de gérer un bien afin d'en tirer le meilleur rendement avec la moindre utilisation des ressources et des richesses. Pour certains cela signifie se faire un maximum de fric quelle qu'en soient les conséquences et la manière de le faire. Ces gens-là ne font pas de l'économie, ils font peut-être des profits mais pas de l'économie.

L'économie concerne avant tout les ressources domestiques: être économe c'est savoir gérer un foyer domestique au départ. Être capable de gérer des ressources afin d'en tirer le maximum sans gaspiller. Cela signifie savoir partager, optimiser, projeter.

Dans certaines situations il n'est pas possible de gérer convenablement les richesses dans devoir profondément refondre et restructurer le foyer. Dans certaines cultures les membres les plus anciens du foyer se sacrifient pour économiser des ressources: ils se laissent tomber du traîneau ou bien s'enfoncent dans la montagne. Dans d'autres on sacrifie les nouveaux nés tantôt les filles, tantôt les garçons tantôt les deux. Ailleurs ce sont les inaptes au travail ou bien les femmes stériles. Mais à chaque fois ces pratiques sont extrêmement codifiées et une analyse plus précise montre qu'elles sont généralement très efficace et permettent un sacrifice minimum pour le rendement obtenu. Ces situations de crises qui poussent à une régulation de population restent exceptionnelles et rares. Quoi qu'il en soit ce sacrifies sont toujours destinés à préserver le bien commun et il est évident que dans de pareil cas chacun participe à l'effort pour stabiliser et rétablir la situation.

Etonnamment la mondialisation a changé la donne. Alors qu'une société devient d'autant plus prospère qu'elle s'ouvre aux autres, les sociétés modernes n'ont pas réussi à négocier cette ouverture. D'abord elles l'ont comprise comme une opportunité d'expansion et sans s'ouvrir se sont contenter de coloniser des peuples et des territoires et de les piller sans aucun regard pour les conséquences de leurs actes. Ensuite, comprenant qu'on reçoit moins en pillant qu'en échangeant elles ont tenté d'accorder une autonomie ou une indépendance à leurs grenier afin d'en tirer encore plus: elles veulent maintenant vendre à ceux qu'elles ont pillé ce qu'elles ont pillé. Or le commerce et l'économie ne marchent pas ainsi. L'économie est l'art de gérer des ressources, pas d'en faire apparaître de manière magique. Si vous prenez quelque chose à quelqu'un il ne lui reste plus rien pour vous le racheter alors que si vous lui échangé alors les ressources restent stables mais leur richesse a augmenté par l'échange. La valeur d'un bien ne se compte pas en ressource mais en capacité d'échange.

Maintenant nous voilà confronté à une nouvelle crise: les richesses ont été gaspillé et par conséquent des richesses ont été détruite, celles qui restent prennent une valeur considérable que l'échange ne peut même plus évaluer et que personne ne peut bientôt s'offrir. Ce n'est pas de l'économie c'est du carnage.

La crise alimentaire et la crise climatique qui sourdent à l'horizon ne sont que les conséquences de ces inconséquences.

Mais les sacrifices consentis pour essayer de l'enrayer ne sont pas des sacrifices raisonnables, moraux et acceptables. Accroître la pauvreté et la paupérisation, accroître les inégalités, accroître les famines, les guerres et les maladies sont autant d'injustices dont il faudra s'acquitter par la suite mais qu'il faut surtout et avant tout stopper. Ces sacrifices ne ressemblent en rien à ceux des peuples ancestraux, ils ne sont ni consentis ni surtout ne permettent de résoudre le problème et de stabiliser les ressources, car les ressources ne sont pas équilibrés ni équitablement réparties. Certains meurent le ventre vide alors que d'autres agonisent d'indigestion. Il y a là, pour ceux qui ne le voient pas, une profonde et radicale asymétrie qui ne se rétablira pas en l'accentuant, c'est une lapalissade mais aux vues de certains comportements il ne paraît pas inutile de le redire.

Pensez ressources et non pas richesses car si les ressources peuvent se passer de richesses l'inverse n'en pas vrai, pas même dans les rêves les plus fous.

Mais il faut agir avant de gaspiller plus encore.

mercredi 16 avril 2008

Personnage et employé: pour un meilleur scénario.

Un bon scénariste doit aimé tous ses personnages. Aimer tous ses personnages ne signifie pas que tous doivent être bons, gentils et ressembler à leur auteur, non, mais cela signifie que l'auteur doit tous les respecter pour ce qu'ils sont. Cela peut paraître bizarre, mais ceux qui écrivent connaissent ce sentiment étrange de voir se développer leurs personnages de manière autonome. Les personnages se révèlent par l'auteur et l'auteur est d'autant meilleur qu'il sait les révéler de manière originale à travers toutes leurs facettes et de détails caractéristiques de leurs caractères. Pour cela il faut les penser, les observer, les comprendre et les écouter. Qu'ils soient bons ou méchants tout personnage est complexe et complet. Un auteur qui n'aimerait pas l'un de ses personnages ne le révélerait pas ou pas honnêtement, il ne verrait pas ou ne voudrait pas voir certains de ses aspects et le rendrait plat et inintéressant.
Le spectateur repère immédiatement cela et est sans appel.

Dans la réalité il en va de même que dans la fiction. La vie, d'une certaine manière est écrite comme un scénario et nous en sommes les auteurs. Cela ne signifie pas qu'il y a un destin indépendant de nous, que tout soit écrit dans le grand livre ou non. Cela signifie simplement que nous autres humains, en tant qu'agents cognitifs rationnels nous agissons en faisant des choix, des stratégies, en voulant, en désirant, en ressentant et que cela dessine des perspectives et parmi celles-ci nous rêvons de certaines, redoutons d'autres et faisons quelques unes. De la même manière qu'un scénario doit être bien ficelé pour fonctionner, c'est-à-dire être crédible et intéresser le spectateur, de même les perspectives réelles doivent être bien construites et conduites.

Une entreprise en général et ses dirigeants en particuliers doivent aimer l'ensemble de leurs employés. Devoir ici réfère à une obligation à la fois logique, éthique et morale. Une entreprise qui n'aimerait pas ses employés ne pourrait fonctionner convenablement. Même si économiquement elle tournerait bien, elle gaspillerait inutilement son capital, son potentiel et son facteur humain. Un employé qui n'est pas accepté et reconnu à sa juste place et valeur est un employé qui tôt ou tard fera payer la facture et celle-ci sera salée, que ce soit en dépression, en arrêt maladie, en crise de nerf, en sabotage ou simplement en démotivation.

Une entreprise à le devoir fonctionnel et structurel de respecter ses employés car elle doit se respecter elle-même pour se déployer et s'épanouir de manière durable et saine. Elle doit également le faire éthiquement et moralement car elle ne doit jamais oublier que les employés sont avant tout des êtres humains, doués de désirs, de motivations et de perspectives. Si la perspective de l'entreprise contrecarre les perspectives de ses employés elle court inévitablement à la crise et à l'affrontement, et dans le combat contre Goliath, David est celui qui a le moins à perdre.

Dire que le travail est un moyen et non une fin n'est pas être réactionnaire ou révolutionnaire, c'est simplement souligner qu'un employé qui est satisfait de sa position car il se sent reconnu à sa valeur est un employé qui travaille mieux et donc qui rapporte plus à l'entreprise. Économiquement le pari est pascalien et seul une calculatrice bornée ne peut le comprendre. Au pire l'entreprise gagne le statut quo, au mieux elle décuple ses forces, seul un dupe frileux refuserait de faire un tel pari.

Dans le cas contraire ou mieux l'entreprise stagne, au pire elle se délite et se décompose plus ou moins rapidement. Quelle entreprise saine se dessine comme perspective sa propre perte?

Un scénario mal ficelé indiffère au mieux, ennui sinon ou au pire nous pousse à sortir de la salle.

Le capital humain est un capital mais il ne se monnaye pas de la même manière qu'une autre matière première. Le crédit cognitif est plus impalpable mais ses crises sont plus violantes et radicales.

Je crains qu'il ne faille réécrire certains scripts...

dimanche 13 avril 2008

Profession scénariste

Tout le monde se rappelle la grande grève des scénaristes américains de ces derniers mois.
La question qu'on se pose est "pourquoi les scénaristes français n'ont pas fait grève (ou ne font pas grève)?"
Un excellent article sur le site nonfiction.fr apporte des éléments de réponse à cette question.

Scénariste n'est pas un métier en France, c'est un hobbies, une occupation, une passion, quelque chose que l'on fait à côté, pour son plaisir. Les scénaristes n'ont pas de statut, ce ne sont pas des intermittents, ce ne sont pas des salariés, tout juste des auteurs s'ils veulent se déclarés comme tels, mais ‘auteur' n'est pas beaucoup plus un statut en France.
Le scénariste écrit un texte qu'il vendra par l'intermédiaire de son agent, s'il en a un, à un producteur qui le fera réaliser par quelqu'un s'il le veut. Le processus d'écriture est donc en amont du processus de réalisation, un peu comme si on pensait qu'il n'en faisait pas parti, un peut comme si la réalisation pouvait se passer du scénario.

Le scénariste n'est pas le réalisateur, c'est certain, mais il est difficile de penser qu'un film puisse être bon s'il pêche par son scénario, aussi bon que puisse être le réalisateur. Un film avec un excellent scénario restera un bon film, même si la réalisation ne suit pas. Mais un scénario n'est pas quelque chose de statique. Il est une trame qui laisse possible une grande variété de traitement. Le scénario est une partition de musique qui peut être interprétée de différentes manières sans devoir jamais le changer. Mais le scénario est un support d'image et a besoin d'image et rien n'empêche d'adapter cette trame à la réalisation. Le scénariste est, au moins pour une part, auteur du film, et l'associer à la réalisation permettrait de rendre le scénario moins rigide et la réalisation plus fluide.

Il reste aussi que le scénariste est un auteur et en ce sens doit faire une œuvre consistante et non pas simplement se contenter de croire qu'il fait un film. Scénariste n'est pas réalisateur. Le scénario doit être vivant, franc, audacieux, mais cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas respecter un certain format. Tout comme une dissertation doit être construite avant même d'être originale, un scénario doit l'être. Rédiger une dissertation s'apprend, écrire un scénario également.

Mais il y a une différence entre écrire et penser. Il est possible d'écrire et de penser seul comme il est possible d'écrire et de penser à plusieurs ou bien d'écrire seul une pensée collective ou inversement. La force de frappe en dépend: non pas que l'on pense mieux ou écrit mieux en groupe, mais parfois, lorsque le temps l'exige, il peut être bon de travailler collectivement, en particulier sur un format comme la série télé. Une série est une suite d'épisodes autonome qui constitue un ensemble cohérent de part ses personnages et ses péripéties. Rien n'empêche de dessiner la série de manière générale et de la développer ensuite, et cette division du travail est tout à fait adaptée à un travail collectif. Cela permet de durer dans le temps et de rester consistant (bien que ça ne le garantisse pas) et surtout d'économiser du temps et de l'argent. Mais la conception de l'auteur comme individualiste, autonome et couper du reste de la production est un frein à cette pratique, ce qui s'en ressent fortement dans la qualité de l'écriture et de la production.

Il serait bon de repenser un peu ce qu'est un film, une série télé, un documentaire et toute autre production scénarisée pour qu'enfin la France puisse rivaliser au moins avec les auteurs américains, sans les copier, mais en faisant mieux ce qu'ils savent le mieux faire: un cinéma qui leur ressemble.

vendredi 11 avril 2008

Comment se manifester quand manifester rend invisible?

Habituellement lorsque quelqu'un manifeste c'est pour se faire entendre, se faire voir, se rappeler à notre bon souvenir. Les lycéens dans la rue sont là pour dire "hé oh! on est là, ne faites pas comme si vous ne nous aviez pas vu ou bien si c'est le cas, alors voilà on est là!". On manifeste pour se faire voir, avec l'espoir que cette manifestation nous rende effectivement visible.

Mais il arrive que se manifester c'est faire l'inverse. C'est par exemple le cas où les manifestants sont présentés ou considérés comme des “casseurs", plus on fait du bruit alors plus on est sûr de ne pas se faire entendre.

Une stratégie est de considérer ce qui est montré au regard de tout le reste. Évidemment 40 000 personnes dans la rue c'est rien du tout si on compare cela au 60 million de Français.

Cette dialectique du sourd est celle qui gouverne les gouvernements totalitaires, en particulier la Chine. Faire du bruit ne sert pas à grand chose, puisque la répression se fait toujours en silence.

Crier contre la flamme Olympique sinon pour crier contre les jeux Olympiques qui comme on le sait ne sont pas non plus ce que l'humanité fait de mieux sauf en matière de corruption, dopage et autres.

Crier contre la Chine ne sert pas à grand chose non plus, le Grand Panda reste sourd puisqu'il n'entend que des voix ou bien céleste ou bien dans sa tête mais bien peu celle du monde.

Il faudrait dire ce qui se passe pour être efficace, mais il est difficile de savoir ce qui se passe.
Une solution serait d'éteindre sa télévision pour ne pas voir cette mascarade.

Une autre action qui serait efficace c'est de taper là où ça fait mal: ce qui peut arriver de pire à un Panda c'est que les bambous fleurissent car ça les prive de toute nourriture...
Que l'on fasse une économie éthique. Si on tient tant que ça aux droits de l'Homme, outre qu'il serait bon de bien les appliquer chez soi, il ne serait pas mauvais de jouer à une économie éthique et saine qui respecte ces droits: que l'on augmente la valeur de ces produits obscurs: faire faire par un enfant coûte moins cher à celui qui commandite, mais donnons lui le prix de la vie d'un enfant, et c'est beaucoup plus cher.

Messieurs les politiques ayez les actes de vos mots, tous les mots ne sont pas des actes et surtout pas la langue de bois!

vendredi 4 avril 2008

L'art du scénariste

Tout comme le paléontologue: déduire le personnage à partir d'un détail, d'un indice.

D'une bague on doit pouvoir connaître la couleur des cheveux et le repas de la veille. Les possibles sont immenses et multiples mais ceux qui se passent et se réalisent effectivement sont si restreints que pour un portrait robot il n'y a qu'un seul coupable; il faut trouver lequel. L'art du scénariste.

jeudi 3 avril 2008

Qu'est-ce qu'une caméra?

Qu'est-ce qu'une caméra? La question est évidemment stupide, tout le monde sait qu'une caméra est un appareil optique ou électronique chargé de transformer la lumière en la fixant en images ou bien analogique ou bien digitale, et ces dernières années ont vu pulluler un grand nombre de version de caméra qui se retrouve jusque dans nos poches à scruter le ciel pendant que nous bavassons au téléphone. Soit.

Mais, et tout aussi évidemment, je pose la question un brin naïf un brin incertain. Je manie modestement la caméra. Mes images sont un peu académiques lors qu'il s'agit d'un paysage, équilibrées lors de scènes prises sur le vif et, à ma grande stupeur, déstructurées lorsque je film un acteur.
Tout d'abord on pourrait poser la question ontologique de la caméra. Sans aborder les questions physiques de son fonctionnement et de son mécanisme, il y a évidemment la question de sa fonction qui se pose. Il s'agit d'enregistrer une succession d'images. Mais la caméra est-elle un "point de vue" sur le monde, un personnage comme un être humain, est-ce un "passeur", un intermédiaire (médium/média) entre une scène et un observateur, est-ce un point externe ou interne à la scène, est-ce une perspective ou bien un "objectif"?
Je ne crois pas qu'il soit besoin de répondre de manière catégorique à ces questions ni même qu'il y ait une réponse catégorique à aucune d'elle. La caméra peut peut-être permettre tout cela à la fois. Certainement qu'une scène filmée sur le vif utilise une caméra "objective" ou le point de vue d'un observateur externe. Peut-être que pour un paysage le point de vue est nécessairement subjectif, peut-être que non. Mais ce qui m'embête le plus est le rapport avec l'acteur.

Alors que lorsque je filme une scène prise sur le vif (ce que je préfère) il me semble que la caméra découpe, dessine et dessine le sens de l'événement et en ce sens en fait une "scène". L'événement en lui-même peut avoir une signification ou se composer de différentes significations: un couple allongé sur l'herbe, un enfant qui joue au ballon, un chien qui passe, un vieil homme assis sur un banc, le soleil et les ombres dans les arbres. La caméra en cadrant et donc en sélectionnant et imposant un jeu de relations entre ces masses créé du sens dans la mesure où si ces différents composants cohabitent dans un même cadre alors il doit exister une interprétation dans laquelle ces composants ont une raison pour cohabiter dans un même cadre. Le sens n'est donc pas imposé mais est dégagé des composants par la sélection opérée par la prise de vue. Il en va de même pour le paysage sauf que lorsque l'image touche à l'abstraction du sens peut-être "importé" de l'espace cognitif du spectateur (plus encore que du cadreur), et c'est là ce qui fait la "subjectivité" de ce type d'image.

Mais qu'en est-il avec un acteur. Lorsque je filmais ce personnage qui s'exécutait pour entrer dans l'image, j'avais l'impression de devoir suivre quelque chose qui ne venait pas de l'événement lui-même. Un peu comme si le sens était déjà donné indépendamment de l'image ou de la prise de vue, et filmer du sens est quelque chose de très difficile. La caméra, dans cette relation à l'acteur prend un sens très particulier: l'événement est structuré en fonction de la caméra et non pas l'inverse. L'événement inclue donc son point de vue ou pire est ce point de vue lui-même. La difficulté vient du fait que le sens doit déjà être donné et donc pensé indépendamment de la caméra tout en ne pouvant s'en passer. La structure est donc diamétralement opposée à celle du premier cas dans lequel le sens naissait de l'image et donc était complètement gratuit et l'enrichissait. L'acteur jouant il apporte un sens bien plus large que ce que peut contenir la caméra. L'image devient grave et demande un scénario, une direction.

Il faut que je monte ces images pour tenter d'en reconstruire le sens. Peut-être que lorsque du sens est filmé, véhiculé par l'acteur, il doit nécessairement un avoir un scénario et un montage... Peut-être est-ce là la différence entre le cinéma et le cinématographe, l'un filme du sens l'autre écrit de la lumière.

Quoi qu'il en soit, plus j'utilise la caméra plus elle devient un outil aux potentialités inouïes mais qui intiment de faire des choix sans bien savoir ce qu'ils impliquent...