jeudi 3 avril 2008

Qu'est-ce qu'une caméra?

Qu'est-ce qu'une caméra? La question est évidemment stupide, tout le monde sait qu'une caméra est un appareil optique ou électronique chargé de transformer la lumière en la fixant en images ou bien analogique ou bien digitale, et ces dernières années ont vu pulluler un grand nombre de version de caméra qui se retrouve jusque dans nos poches à scruter le ciel pendant que nous bavassons au téléphone. Soit.

Mais, et tout aussi évidemment, je pose la question un brin naïf un brin incertain. Je manie modestement la caméra. Mes images sont un peu académiques lors qu'il s'agit d'un paysage, équilibrées lors de scènes prises sur le vif et, à ma grande stupeur, déstructurées lorsque je film un acteur.
Tout d'abord on pourrait poser la question ontologique de la caméra. Sans aborder les questions physiques de son fonctionnement et de son mécanisme, il y a évidemment la question de sa fonction qui se pose. Il s'agit d'enregistrer une succession d'images. Mais la caméra est-elle un "point de vue" sur le monde, un personnage comme un être humain, est-ce un "passeur", un intermédiaire (médium/média) entre une scène et un observateur, est-ce un point externe ou interne à la scène, est-ce une perspective ou bien un "objectif"?
Je ne crois pas qu'il soit besoin de répondre de manière catégorique à ces questions ni même qu'il y ait une réponse catégorique à aucune d'elle. La caméra peut peut-être permettre tout cela à la fois. Certainement qu'une scène filmée sur le vif utilise une caméra "objective" ou le point de vue d'un observateur externe. Peut-être que pour un paysage le point de vue est nécessairement subjectif, peut-être que non. Mais ce qui m'embête le plus est le rapport avec l'acteur.

Alors que lorsque je filme une scène prise sur le vif (ce que je préfère) il me semble que la caméra découpe, dessine et dessine le sens de l'événement et en ce sens en fait une "scène". L'événement en lui-même peut avoir une signification ou se composer de différentes significations: un couple allongé sur l'herbe, un enfant qui joue au ballon, un chien qui passe, un vieil homme assis sur un banc, le soleil et les ombres dans les arbres. La caméra en cadrant et donc en sélectionnant et imposant un jeu de relations entre ces masses créé du sens dans la mesure où si ces différents composants cohabitent dans un même cadre alors il doit exister une interprétation dans laquelle ces composants ont une raison pour cohabiter dans un même cadre. Le sens n'est donc pas imposé mais est dégagé des composants par la sélection opérée par la prise de vue. Il en va de même pour le paysage sauf que lorsque l'image touche à l'abstraction du sens peut-être "importé" de l'espace cognitif du spectateur (plus encore que du cadreur), et c'est là ce qui fait la "subjectivité" de ce type d'image.

Mais qu'en est-il avec un acteur. Lorsque je filmais ce personnage qui s'exécutait pour entrer dans l'image, j'avais l'impression de devoir suivre quelque chose qui ne venait pas de l'événement lui-même. Un peu comme si le sens était déjà donné indépendamment de l'image ou de la prise de vue, et filmer du sens est quelque chose de très difficile. La caméra, dans cette relation à l'acteur prend un sens très particulier: l'événement est structuré en fonction de la caméra et non pas l'inverse. L'événement inclue donc son point de vue ou pire est ce point de vue lui-même. La difficulté vient du fait que le sens doit déjà être donné et donc pensé indépendamment de la caméra tout en ne pouvant s'en passer. La structure est donc diamétralement opposée à celle du premier cas dans lequel le sens naissait de l'image et donc était complètement gratuit et l'enrichissait. L'acteur jouant il apporte un sens bien plus large que ce que peut contenir la caméra. L'image devient grave et demande un scénario, une direction.

Il faut que je monte ces images pour tenter d'en reconstruire le sens. Peut-être que lorsque du sens est filmé, véhiculé par l'acteur, il doit nécessairement un avoir un scénario et un montage... Peut-être est-ce là la différence entre le cinéma et le cinématographe, l'un filme du sens l'autre écrit de la lumière.

Quoi qu'il en soit, plus j'utilise la caméra plus elle devient un outil aux potentialités inouïes mais qui intiment de faire des choix sans bien savoir ce qu'ils impliquent...

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