lundi 22 février 2010

Les limites de la pensée: au sujet de l'information collaborative.

La liberté d'expression est un droit qui ne devrait jamais être remis en cause et il s'en faut de peut pour que ce soit un devoir.

Les évolutions des technologies de la communication ont fait exploser les possibilités d'expression: qui maintenant ne peut téléphone, envoyer un courrier électronique, écrit un billet sur un blog ou simplement prendre une photo ou une vidéo? Ces actes si compliqués il y a encore peu se sont démocratisé au point que n'importe qui n'importe où peut s'exprimer en s'adressant au monde entier en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ou plutôt le penser.

Les médias se sont rués sur cette aubaine. Aveuglé par cette utopie d'une démocratie participative ou d'une information embarquée, elle jubile d'être au cœur même de l'événement alors même qu'il se produit. Il est vrai que de dire qu'un athlète est mort à l'entrainement sur une piste de bobsleigh est devenu "has been" alors qu'il y a forcément une caméra ou un téléphone portable qui peut le montrer. À quoi bon dépêcher des équipes spécialisées lorsqu'il suffit d'arpenter des sites communautaires pour télécharger des vidéos amateurs (le seul qualificatif devant certainement permettre de ne pas soulever la question des droits), quand bien même celles-ci ne correspondraient pas aux faits.

Parce que le bât est justement là. Cet aveuglement commence par le fait de ne pas se poser les questions nécessaires. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit quelque chose que ce qu'il dit correspond à quoi que ce soit. Le travail journalistique doit respecter une éthique et un protocole qui ne lui permet peut-être pas de dégainer le premier, mais de viser juste. Le scoop à quelque peu éclipsé la véracité des faits et des propos. L'idée semble bien maintenant de trier le premier quoi qu'il arrive que de dire quelque chose de vrai ou de consistant. Si seulement en plus les conséquences étaient assumées, mais c'est une autre question.

Ensuite, la simple possibilité de s'exprimer n'est pas suffisante pour s'exprimer: encore faut-il avoir quelque chose à raconter. Le blog et les sites d'information collaboratif regorgent d'opinions dans le meilleur des cas, de billevesées plus ou moins nauséabondes dans la plus part, vendues comme de l'information. Mais le pire n'est pas encore là, le pire vient des commentateurs, le plus souvent anonymes, qui critiquent en vilipendant cette information non pas pour la corriger ou en déplorer l'inconsistance, mais pour l'abreuver d'opinions divergentes toutes aussi mal pesées.

Au rythme où vont les choses les médias se prennent les pieds dans le tapis et se mettent à faire de même et cette opinion de chacun pollue ainsi tous les secteurs de la vie commune jusqu'à la politique qui se limite maintenant à des disputes enfantines.

La pensée demande de la raison et la raison demande des arguments, des faits, des réflexions, des preuves, donc du temps. Ne serait-ce quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures, mais c'est déjà trop long semble-t-il à qui n'attend pas de l'information, des faits mais du sensationnel et quelque chose pour se distraire de l'ennui terrible de l'écran blanc que lui laisse son dernier téléphone 3G.

Ce qu'exige la consistance c'est une structure: que les éléments mis ensembles ne permettent pas de dériver des contradictions. Cela demande un peu de temps, beaucoup d'observation et de la finesse dans le raisonnement.

Ce que la démocratie participative avait oublié c'est que la démocratie ne peut se contenter du sentiment du peuple ou d’opinions individuelles. Les entendre et les prendre en compte, pourquoi pas, mais cela ne battit pas une politique et encore moins une démocratie.

Ce que la presse semble oublier c'est que l'information ne se fait pas avec des opinions ou des croyances, ni même des faits, mais des explications, des compréhensions, des mises en perspectives, des analyses de faits.

À tirer tout azimut tout se brouille et la pensée s'y perd.

Aucun commentaire: