samedi 10 mai 2008

Scénario: le poids de l'Histoire

Un scénario est avant tout une histoire, c'est une platitude qui se ride lorsque l'histoire est l'Histoire.

Une série de photographies très troublante vient d'être publiée. Il s'agit de dix clichés trouvés par Robert L. Capp, soldat des troupes d'occupation américaines, dans une cave en 1945 dans les environs de Hiroshima. Ces photographies ont certainement été prises par un photographe japonais amateur le lendemain du largage de la bombe atomique. Si elles n'ont été rendues publiques que le 5 Mai 2008, c'est que Robert L. Capp les avait déposé aux archives de la Hoover Institution en 1998 avec la close qu'elles ne soient pas publiées avant dix ans. Dix ans ont passé, soixante-trois depuis le largage de la bombe. On connaissait la photographie du champignon prise depuis le bombardier mais jamais le résultat humain au sol. L'immense champ de ruine dévasté qui figure sur d'autres clichés célèbres n'est que la toile de fond, la scène sur laquelle avait dû se dérouler une tragédie dont on imaginait l'ampleur sans jamais ne l'avoir jamais vue. Ces dix clichés sont le maillon manquant de ce film. Y figurent les acteurs, ou plus exactement devrais-je dire, les figurants, et comme on pouvait s'y attendre la réalité dépasse l'imagination. Des corps dans une flaque dont toute description est inutile. Les regarder est bien plus que regarder une image de guerre, un cliché d'un journal de news de l'époque ou actuel, c'est regarder l'Histoire. L'image elle-même de par son grain, son cadrage et son tirage montrent quelque chose de ce temps là.

Lorsque j'ai vu ces clichés je me suis demandé comment maintenant il était possible de raconter, au sens de raconter l'histoire, de cet événement. Toute la littérature, tout le cinéma, toute la musique, tous les documentaires, tous les livres et les cours d'Histoire rejaillissent et l'intercalent entre ces images et le regard qu'on porte dessus. Le scénario n'est plus toujours une histoire, n'est pas simplement une histoire. Parfois certains événements parlent de la manière dont nous racontons les histoires, notre histoire et l'Histoire en générale. Le scénariste ne peut ignorer le voile rétinien entre le monde et l'imagination et plus particulier ce voile commun, qu'il soit social, culturel, langagier, coutumier ou tout autre, mais cette cornée qui est l'Histoire telle que nous la voyons ou voulons la voir et que le scénariste, malgré lui peut-être, raconte et qu'il contribue à façonner.

Ces dix clichés sont une leçon d'Histoire et d'histoire: ils nous disent autant de ce qui s'est passé que de ce qu'on en a raconté.

Voici ces images.

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