vendredi 22 février 2008

Nouveaux oligarques sociaux: VAE et ascenseur social.

C'est bien connu, c'est au pied du mur qu'on voit mieux le mur, ou pour le dire différemment c'est quand on est face à l'ours qu'on se demande si oui ou non on a bien pris les cartouches.

Dans le contexte économique que l'on connaît, se posent des questions sur l'accès au travail. Ce contexte est paradoxal au sens où jamais autant de richesses n'ont été disponibles qu'aujourd'hui et pourtant le chômage reste présent voire élevé et l'insertion professionnelle reste plus que jamais difficile. Il y a des richesses mais celles-ci sont très inégalitairement distribuées et réparties. Évidemment c'était mieux avant et bien sûr qu'une guerre arrangerait tout. Non, sérieusement. Le paradoxe de la situation vient que la population économie a évoluée dans un sens que le système n'a pas anticipé. Les baby-boomers qui actuellement forment la catégorie des seniors actifs ont bénéficié de conditions très favorables par rapport à leurs aînés mais aussi à leurs descendants. L'après-guerre leurs a permis de faire des études et de trouver un emploi sur un marché rénové et en plein expansion. La crise pétrolière a mis un terme à une embellie économique suivi des crises des années 90 liées au pétrole toujours mais aussi aux divers spéculations. Mais l'un des problèmes qui n'apparaît de manière criante que depuis peu est plus profond et ne touche pas tant à l'économie qu'à la structure sociale elle-même.

Ces baby-boomers ont connus une prospérité indéniable par rapports à leurs aînés sur le plan de la formation et de la santé. Il faut se réjouir de ces progrès. La contrepartie est que système économique et sociale doit maintenant absorber ces progrès sociaux sans en avoir l'espace. Les gains liés à la formation et à la santé ont gommé les cycles générationnels. Être “vieux" actuellement n'est pas la même chose que d'être vieux il y a vingt ou trente ans, le barème de la vieillesse est repoussé et c'est tant mieux. On vit plus longtemps et mieux. Donc on travaille plus longtemps ou est retraité plus longtemps. La contrepartie est que l'espace actif est plus engorgés et les anciens seniors ont de plus de plus en mal à trouver leur place étant défavorisés sur le plan de la formation (moins de diplômes) et bénéficiant une santé moins robuste, ce qui engendre une précarité sur la plan du travail ou de la retraite. À l'autre extrémité du spectre, les jeunes souffrent eux aussi de place sur l'espace de l'emploi, les seniors en poste et ce encore pour une dizaine d'année repoussant le turnover et retardant au maximum l'arrivée de sang neuf sur le marché pour permettre une stabilité du taux actuel des richesses. Plus d'entrant impliquerait nécessairement ou bien une nouvelle répartition des richesses et donc une baisse du pouvoir d'achat ou bien la création de nouvelles richesses fort difficiles à trouver.

À ce phénomène économique simple: plus d'actif donc une répartition plus large des richesses et donc une perte de pouvoir d'achat, s'ajoute un phénomène social.

Le pouvoir d'achat des baby-boomer ayant fortement progressé par rapport à leurs aînés, le catégories sociales ont elles aussi évoluées. Posséder un logement équipé et confortable n'est plus un luxe, pas plus que d'avoir un ou plusieurs véhicules et de pouvoir prendre des vacances. Ce qui était l'apanage des hautes couches sociales dans la première moitié du XXe est devenu à la fin du siècle monnaie courante (je parle évidemment de la situation Française et Occidentale). Le niveau social c'est donc dessiné économiquement alors qu'il reposait sur un prestige et un honneur différent avant cela. Le statut social au sens du début du XXe, issue des classes du XIXe reposait sur le nom, la fonction et le niveau d'étude. Faire des études étaient alors quelque chose rare et de valorisant socialement. L'élévation du niveau de formation à partir de l'après-guerre pour arriver maintenant une quasi généralisation du niveau Bac voire Bac+2 à rogné peu à peu le prestige lié au diplôme. Seuls restaient encore épargnés les diplômes de 3ième cycle et encore.

Pour mettre définitivement à mal le prestige lié à la formation, il devient possible maintenant d'acquérir un diplôme universitaire par validation d'expérience. C'est là une avancée sociale majeure. Les inégalités issue de l'égalité des chances par l'école peuvent être rattrapé par le parcours professionnel. L'accès à la certification universitaire et donc totale, ce qui a pour effet d'ajuster le niveau économique au niveau social, la croissante économique ayant été beaucoup plus rapide que la croissance sociale.

L'inconvénient de ce principe démocratique est l'isolement social et économique encore plus accru des aînés qui en ayant permis cette évolution reste en marge et de la richesse économique produite par leurs efforts et de la reconnaissance sociale. Mais les nouvelles générations sont elles aussi fortement affectée par ce réajustement sociale. Les diplômes ne valent plus comme ticket d'entrée sur le marché du travail puisqu'ils peuvent être acquis par la suite. L'expérience devient donc le nouveau critère par rapport à la connaissance et surtout au statut social. Alors qu'il y a encore une dizaine d'année avoir une diplôme était avoir une statut, un état social, maintenant il devient un label, un signal dont la valeur économique est devenue nulle puisque l'économie n'est plus assujettie au social mais l'inverse.

Alors que le diplôme avait pour effet de retarder l'arrivée de nouveaux actifs sur le marché du travail en élevant le niveau social général, la situation est maintenant différente. Le niveau économique primant, l'intérêt de faire des études diplômantes au delà du niveau médian est nul sauf dans le cas de pouvoir faire survivre l'ancien modèle social par le prestige et l'honneur. Le diplôme jouant alors le rôle de label, ce qu'ont bien compris les grandes écoles qui d'ailleurs ne délivrent pas de diplômes.

Ce progrès social valorise les couches sociale se situant juste sous le niveau médian en le permettant d'atteindre ce niveau médian ou les couches très élevées qui peuvent jouer à la fois sur le plan économique et social.

Les couches sociales basses constituées des anciens seniors ou des couches les plus pauvres ne bénéficient pas de ces avancées, pas plus que les couches intermédiaires qui elles ne peuvent pas accéder au niveau supérieur mais se font en plus rattraper par les couches médian. Elles qui étaient entre deux deviennent à leur tour médianes. C'est entre ces anciennes et ces nouvelles couches médianes que s'opère la fracture sociale. Alors que les unes avaient un statut de part leur attitude sociale leurs autres l'acquièrent économiquement. Ces nouveaux oligarques sociaux comparables au nouveaux riches d'entant, changent radicalement et profondément la structure sociale et forcent à se questionner sur le statut du savoir, des arts, des contenus et des connaissances.

Mon propos n'est pas de sauver les universités et de les reposer comme des citadelles imprenables et surtout intouchables aux classes inférieurs. Je serais même d'avis de considérer tout diplôme comme certificat et donc de dessiner les frontières entre l'entreprise et l'université. Mon propos est plutôt de comprendre ce qu'est ce nouvel état social, comment il se structure et fonctionne ou plus exactement comment le dessiner, le construire et le constituer. Mais également il est vrai de savoir ce que deviennent les enjeux non économiques dans ce nouveau modèle sociale. Qu'en est-t-il de l'art, de la science et du savoir? Est-il possible de les laisser entièrement au main de l'économie et de ses critères? Peut-être, je ne sais pas. La question qu'il s'agit de poser est celle de leurs apports sociaux, l'art, la science, la connaissances ont-ils d'autres fonctions qu'économiques? Ont-ils encore des fonctions particulières qui ne pourraient-être suppléées par l'économie?

Ces questions se ramènent à une seule: où allons-nous? Quelle perspective voulons nous donner à notre société, notre vivre ensemble. C'est une question qui me semble capitale et dont l'écho est pressant à l'heure actuelle. Cette question n'est pas dissociable du “d'où venons-nous?" et du “où sommes-nous?" mais il serait une grave erreur de croire qu'elle s'y réduit.

Penseur nous avons besoin de toi! Voilà déjà une fonction qui ne se réduit pas à l'économie.

Aucun commentaire: