mercredi 4 novembre 2009

Le syndrome de la boite vide: le risque de l'identité nationale

Les relations interpersonnelles sont parfois comprises en terme de jeux ou de rôles comme dans une pièce de théâtre. Il y a par exemple celui qui joue le "rôle" du professeur et ceux qui jouent le "rôle" de l'élève. Ce sont des habits que l'on endosse dans un certain cadre, un certain contexte, une certaine scène parce qu'ils sont rassurants et permettent d'identifier facilement les différents protagonistes et puis, surtout peut-être, parce qu'ils permettent d'être prévisible. Appartenir à un groupe, à une culture, c'est être prévisible. C'est savoir quelles seront vos actions, vos pensées, vos intentions, vos réactions dans une cadre donnée dans une situation donnée. Nous ne sommes que des conditionnels en puissance. C'est ainsi est c'est tant mieux parce que c'est plus simple comme ça.

Cependant dire que c'est simple ne veut pas dire que c'est facile. Si le rôle du professeur est simple il est difficile à jouer et à tenir. Idem pour celui de l'élève. Il est d'autant plus difficile que le rôle n'est qu'une coquille vide, il faut faire vivre, animer le personnage et cela demande un véritable investissement, sans compter qu'endosser un rôle c'est endosser la responsabilité qui va avec. Le professeur doit préparer son cours, corriger les copies, évaluer les élèves, etc.

Les choses commencent à se gâter lorsque les règles du jeu commencent à se déliter parce que les participants et cela est plus grave encore lorsque ce sont les arbitres, commencent à les détourner ou pire encore, à s'en désintéresser. Il est encore possible de cadrer la tricherie dans les règles d'un jeu et de prévoir les réactions à adopter (c'est le jeu de la justice ou de la police), mais on ne peut forcer un jouer à vouloir jouer. Même le refus de combattre est un cas limite en escrime et sa réglementation laisse toujours un arrière-goût douteux.

Nul n'est forcé de jouer un rôle ou dû moins l'est en démocratie.

Maintenant imaginer que le rôle est celui de postuler à la présidence d'un établissement public et que d'un coup d'un seul, on considère qu'une personne n'ayant pas joué le jeu puisse parfaitement y prétendre sous prétexte que les règles sont floues ou méritent d'être réécrites. C'est tout le jeu qui s'effondre alors et il est normal que tous les joueurs s'indignent: ou bien que le jeu ne soit plus le même ou bien que cette révision n'ait pas été prévue ou bien soit si tardive. Ce qui se passe alors est l'évanouissement total du jeu: enlevez les règles et ils ne restent plus rien. Ce sont dans ces circonstances que l'on voit bien ce qu'est le jeu social, et ce jeu social c'est le lien social. C'est quelque chose de très ténu, d'infime et de minime, enlevez le texte aux acteurs il ne reste plus que des gens sur une scène qui d'ailleurs n'en est plus une et qui n'ont plus rien à faire ensemble sans pour autant qu'ils disparaissent ou même que cela les affecte tant que ça. Ce sont des hommes et des femmes, mais ce ne sont plus des acteurs qui jouaient une pièce. Quelque chose a disparu, quelque chose de bougrement important, ce qui a disparu ce sont les relations, le lien, entre ces personnes.

Notre société tend doucement vers ce mal-là. Le jeu social est mis à mal, on ne veut plus jouer, on veut changer les règles, même plus tricher, non mais ne plus jouer. Les patients ne veulent plus jouer au patient, alors les médecins au médecin, les professeurs au professeur, alors les élèves à l'élève, les politiques au politique, alors les citoyens au citoyen. Le mal c'est alors l'ennuie, la lassitude. Ne rien faire. Là, pataud. Ça part à vau-l'eau, doucement, ça coule, on laisse aller et c'est tout le lien social qui finalement part avec l'eau du bain.

Alors, pour éviter le syndrome de la boite vide on change l'emballage, évidemment. C'est là qu'on ressort, qu'on exhume le bon vieux concept “d'identité nationale" pour essayer de refaire du Français. Si seulement c'était pour redessiner les règles du jeu, essayer de retaper ou de rattraper la fracture sociale, les déficits publiques, les projets communs, l'aventure collective peut-être que cela aurait du sens, mais là, tel qu'on nous la ressert l'impression est plutôt que c'est par dépit, parce qu'on n'a rien d'autre en stock alors on tire les dernières cartouches. Ce qu'il manque c'est un auteur, un scénariste, quelqu'un qui redonne du texte et du sens à la pièce.

Mais l'identité nationale, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est un concept creux et vide s'il ne s'accompagne pas d'un dessein commun. C'est une chose de créer un jeu aux règles merveilleuses et pleine de subtilités et de justesse, mais ça se sont les philosophes et les utopistes qui le font. Ce sont des jeux de papier. S'en est une autre d'y jouer. Ça ce sont les gens comme vous et moi. Une autre encore est de convaincre les gens à y jouer, les motiver, les enthousiasmer, les emporter, les persuader, ça c'est aux politiques de le faire. C'est ce qui manque. Mais chacun son rôle. En démocratie le choix est là. Il faut l'assumer ensuite.

Je reste personnellement assez perplexe quant à la force de persuasion de l'identité nationale pour rejouer en société. Mais je ne suis qu'un simple jouer, ni plus, ni moins.

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