samedi 10 octobre 2009

Pensée comme manière d'être

Si l'architecture est le reflet de son époque comme dirait Gombrich, la pensée doit être un reflet d'une manière d'être.

À force d'avoir sacralisé la pensée, certains ont des difficultés à penser. Certes il y a bien une pensée savante, difficile, compliquée et obscure que seule une poignée d'initiés peut comprendre, mais cela n'est qu'une frange de la pensée.

Lorsque je donne un sujet aux étudiants qui prend une forme de ce qu'ils jugent être philosophique (entendu comme savant, compliqué et obscure) ils me font des copies qui sont compliquées et obscures (hélas pas très savantes). Pourquoi?

Le problème majeur est une confusion de ce qu'est l'abstraction. L'abstraction est une forme de généralisation à partir de principes décontextualisés qui permettent, pareils à des outils, de comprendre les cas particuliers à partir de schémas plus généraux. Si cela terni un peu la qualité propre et unique du cas singulier, cela permet de le rapprocher d'autres, de le comparer et en définitive de le comprendre, ce qui n'est pas inutile. En aucun cas cela signifie de prendre un regard supérieur, détaché et d'essayer d'appliquer de manière sauvage des moules à une matière informelle.

La meilleure stratégie est toujours de partir de-là où l'on est. Lapalissade certes mais qu'il est bon de rappeler est qui est l'une des règles de survie en montagne. Partir d'où l'on est c'est partir de ce que le voit, ce que l'on sent, ce que l'on perçoit, du bon sens, de ses désirs, intentions, attentes, projets ou encore doute. Pourquoi aller convoquer tout de suite de grands auteurs de des définitions que l'on ne comprend pas.

Le conseil, pour ne pas dire la règle, vaut pour tout et en particulier pour l'analyse d'image. Au lieu de chercher quoique ce soit de savant dans une image, commencer par la regarder telle qu'on la voit, telle qu'on la comprend et partir de-là comme hypothèse de départ, chercher à l'infirmer ou à la confirmer et avancer doucement mais sûrement dans l'analyse.

Combien oublient que l'horizon est déterminé par le canal latéral de l'oreille interne, c'est-à-dire sur une ligne horizontale rejoignant les deux oreilles, au milieu du nez, juste sous les yeux. Dire que l'horizon est là, c'est dire que dans l'espace égocentrique, l'espace par rapport au sujet, le milieu est là, ce qui est supérieur est “dessus", inférieur “dessous", que le devant et le derrière déterminés par le canal antérieur, c'est à dire également au niveau de l'oreille sur le profile, le près et le loin par l'effort du bras pour saisir l'objet.
Cela est valable, évidemment, en l'absence de tout indice contraire explicite (par exemple une indication d'échelle sur un plan ou dans une photographie -- un arbre est un étalon de ce type).
Ces évidences permettent à elles seules de comprendre le cadrage d'une image à partir de la sphère composée de l'angle du haut vers le bas, de l'axe de la position sur le côté, et de la distance.

Rien à partir de ces données qui ne dépendent que ce l'image et de celui qui la regarde, il est possible de faire une analyse précise et fine d'une image. Partir de là où l'on est...

Ensuite, évidemment, le problème est de réfléchir, de faire attention de ce que l'on dit, de pouvoir expliquer et justifier chacun de ses dires, avancer prudemment, mais rien d'autre peut suffire pour commencer.

Penser c'est avancer et le mieux pour se faire est de partir de sa propre hauteur au lieu de vouloir prendre un regard plongeant sur le monde, de chercher l'omniscience. D'autant qu'à la sortie le résultat n'est pas plus mauvais, bien au contraire.

Ceux qui se perdent dans des conjectures compliquées sont perdus. Ceux qui ne pensent pas, ne veulent pas exister. Seuls ceux qui pensent à leur échelle et avancent peuplent le monde et vivent leur existence pleinement. Ni plus ni moins. Et pourtant, et pourtant...

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