jeudi 26 mars 2009

Un métier / une formation: tentative d'expliquer le plein emploi en temps de chômage de masse.

Dans un article du Monde daté du 26 mars 2009, intitulé "Comment expliquer les milliers d'emplois non pourvus ?", l'auteur, Rémi Baroux conclut son papier en citant une conseillère du Pôle Emploi:
"je pense que la crise va inciter les gens à se réorienter, dit-elle. Quand j'ai des jeunes femmes, qui viennent du tertiaire et ne trouvent pas d'emploi, je les provoque, je leur dis “faites soudeur”."

Je suppose que la provocation en question tient au fait que les jeunes femmes en question, mais nous pouvons élargir la cible pour en propos, ne veulent pas se réorienter, ou du moins est-ce là la croyance qui transparaît dans ces propos.

Certes il n'est pas plaisant a priori de postuler à des emplois radicalement différents de ceux auxquels nous pouvions prétendre ou croire prétendre avec un diplôme particulier. Il est certain que si une de ces jeunes femme a préparé un BTS de communication visuelle et qu'en définitive une conseillère de feu l'ANPE lui propose de devenir soudeuse, il est fort à parier que le rictus sera un peu coincé, mais pourquoi pas.

Ce qui est plutôt étonnant dans cet article est la position symétrique des recruteurs qui à l'image du Pdg cité, affirme:
"Malgré la crise et mes efforts d'anticipation, je n'arrive pas à trouver", dit M. Sanguinetti. "Le niveau de formation est trop faible et les jeunes manquent de motivation", regrette-t-il.

Auquel il faut ajouter une remarque tout aussi pertinente d'une responsable d'agence d'intérim:
"même les jeunes sont réticents à bouger"

Décidément ces jeunes ne sont pas très coopératifs.

Expliquez leur simplement comment concilier le judicieux conseil de la reconversion avec la critique du manque de formation. Comme expliquez que des offres de premier emploi demandent des stages de plus de 6 mois ou des expériences de 2 ans? Sans soulever la question salariale.

Un chômeur est-il prêt à se reconvertir dans une branche différente de celle de son expérience ou bien un jeune diplômé à accepter un poste différent de celui de sa formation? c'est une première question importante.

Mais la seconde qui se lève immédiatement l'est tout autant: un employeur est-il prêt à embaucher un chômeur en reconversion ou un jeune diplômé à un poste différent de celui de sa formation?

Je crains que la négative soit plus radicale à la seconde et qu'elle bloque toute réponse à la première.

D'autant qu'à y regarder de plus près quel métier ne peut ne pas s'apprendre? Évidemment que cela demande une formation interne ou complémentaire et c'est sans doute ce point qui baisse plus que la motivation ou la mobilité.
L'essentiel pour ne pas dire toutes les tentatives d'envoyer une candidature sur un poste dont le CV ne correspond pas trait pour trait au profil n'a quasiment aucune chance d'aboutir sinon à un envoie automatique de refus.

Bien entendu que dans le meilleur des mondes tout employeur souhaiterait embaucher l'employé parfait qui correspond parfaitement au poste, mais ce monde là n'est qu'un fantasme ou, pire, issu d'une conception archaïque du travail (sans compter d'autres caractéristiques plus irréalistes encore comme le fait qu'il soit jeune mais qualifié, en bonne santé, sans famille ni attache, non syndiqué, docile ou gratuit).

Le travail est une activité dynamique qui s'adapte à l'instant à l'offre, la demande et aux circonstances. Si une entreprise n'est pas flexible, elle devient vite dépassée. N'importe quel bon gestionnaire le reconnaîtra. Pourquoi alors ne pas appliquer ce principe au travail même? Comment ne pas comprendre que cette dynamique s'opère également au niveau de l'employé?

Ce fantasme de l'employé directement opérationnel témoigne d'une ignorance profonde de celui-ci et sa confusion avec une machine-outil ou un robot, et encore.

Pourquoi un docteur en philosophie ne serait pas tout à fait apte à devenir conseiller à l'emploi, responsable de RH dans une entreprise, électricien ou boulanger? Parce qu'une telle mobilité est encore trop perçue comme une reconversion quand ce n'est pas un échec et que de tels “mutants" bougent et transgressent les règles d'un corporatisme encore bien vaillant.

Dans les circonstances économiques actuelles le sport de la recherche d'un bouc émissaire est repartit de plus belle: pour certains ce sont les partons, pour d'autres les jeunes, d'autres encore les politiques et pour ceux-ci le capitalisme lui-même.
Pourquoi une telle soif de sang?
Pourquoi ne pas simplement essayer de comprendre ce qui se passe, ce qui ne va pas et comment faire en sorte que cela marche mieux? Pourquoi ne pas enfin s'attaquer au problème plutôt que d'en trouver un responsable?

Est-ce par manque de motivation? Manque de mobilité? Ou manque d'audace pour enfin faire quelque chose d'autre que ce qu'on a toujours fait i.e de réorientation?

La critique ne vise finalement pas toujours ceux qu'on croit...

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