jeudi 13 mars 2008

L'existence n'a rien de biologique: l'euthanasie ou le droit d'exister.

L'actualité relance la question de l'euthanasie. La mort peut-elle être un médicament ou une pratique médicale? Non, c'est ce que répondent catégoriquement la loi et la morale.

L'euthanasie est combattue et condamnée comme le meurtre ou le suicide et ce au nom de la vie, c'est l'argument avancée par madame la ministre de la justice, invitée à se prononcer sur la question. La médecine n'a pas vocation à administrer des substances létale: notre droit est basé sur la vie.

C'est vrai et c'est heureux, du moins le serait-ce si tel était le cas. Que l'on condamne la guillotine au nom du droit à la vie est une bonne chose, mais de la remiser au placard n'en éloigne pas la mort.
La vie, la mort sont des notions biologique et c'est biologiquement qu'on les détermine. Mais la vie au sens de vécu n'est pas biologique. Au risque de passer pour un hérétique, je m'explique. Exister de sorte à faire quelque chose de sa vie n'a rien de biologique. Un condamner à la peine capitale qu'elle conduise à la mort ou non reste un condamné, mis au ban de la société, et la mort sociale et parfois plus dure que la mort biologique. Abolir le couperet pour le remplacer par quatre murs clos ne fait pas de soi un partisan de la vie. Nos prisons sont des maisons de morts, des cimetières sociaux dont on écarte toujours plus les fantômes de peur de les retrouver un jour dans nos placards ou nos consciences. Vivre, c'est faire quelque chose de sa vie. La vie est la lutte contre la mort et la lutte contre la mort est une lutte contre le temps et lutter contre le temps c'est dépasser le présent pour s'en imaginer un, s'en construire un, au futur et à l'avenir. Celui qui ne le fait pas ou plus est déjà mort, condamné à attendre que la biologie fasse son œuvre ou bien à la devancer en lui donnant un petit coup de main.

L'existence n'a rien de biologique. Il est stupide de construire un droit sur la vie, aussi stupide que de construire une voiture sur le mouvement. Cela ne suffit pas. Le droit doit être construit sur la dignité: sur le fait de pouvoir exister. La vie n'en est qu'une condition, certes nécessaire mais certainement pas suffisante.

La médecine est là pour aider la vie. Elle ne peut rien sur l'existence. Elle peut maintenir quelqu'un en vie, éloigner la mort, la retarder, mais elle ne comblera pas ce gain, ce laps, par de l'existence. Quel sens y a-t-il rationnellement à maintenir quelqu'un artificiellement en vie alors qu'il n'existe pas? Est-ce réellement pour aider le patient ou n'est-ce pas plutôt vis-à-vis des vivants qui restent et qui ne peuvent admettre la mort d'un proche? Je ne dis pas qu'il faut débrancher tout le monde, je pose simplement la question.

Mais cette question est encore plus vivre et aiguë lorsqu'elle vient d'elle-même de la part d'un vivant. "Je veux mourir" dit-elle. On cri au scandale et on se demande hypocritement pourquoi elle ne se suicide pas toute seule sans rien dire. Elle ne se suicide pas par qu'elle ne veut pas devancer la mort, elle veut simplement arrêter de vivre parce que sa vie est devenue impossible, parce qu'elle n'a plus d'avenir, de futur et qu'elle voudrait pouvoir arrêter là. Le suicider met un terme à sa vie. Un point final. Le cri d'alarme de celle qui veut l'euthanasie est tout autre: elle voudrait exister encore, elle voudrait vivre encore, elle voudrait faire des projets, se projeter dans l'avenir, mais la vie ne suit plus, la vie ne lui promet plus cela, la vie est devenue impossible sans laisser place à la mort. Demander l'euthanasie c'est demander un médicament, c'est demander à la médecine de faire quelque chose et que si elle ne peut prolonger la vie alors qu'elle la soigne plus radicalement. L'euthanasie c'est pas un échec, c'est un cri d'amour à l'existence, contre la vie. C'est la vie qui est en tord, la mort n'a rien à voir la dedans.

Mais notre société ne comprend pas ça. Elle ne le comprend pas parce qu'elle ne comprend pas cette distinction subtile entre vie et existence. Elle se dit croyance en croyant à la vie et se dit matérialiste en croyant à la biologie. Mais l'existence n'a rien à voir avec la vie. La décence, la dignité ne sont pas des notions naturelles, ce sont des notions sociales.
Un corps peut très bien fonctionner, le corps battre et les organes tenir leurs rôles et le regard des autres ou son propre regard peut malgré tout devenir intolérable et c'est là le pire. La vie peut bricoler et l'existence ne plus suivre. Mais notre médecine n'a pas encore de remède à cela. Ce n'est pas de la psychologie, ce n'est pas une thérapie qu'il faut, non car le mal n'est pas mental ou psychique, à vrai dire il n'y a même pas de mal, non, il est plus profond, il est Humain... c'est nous, notre regard, notre conception, notre manière de voir et de penser qui ne correspond plus... les limites sont atteintes et alors... alors c'est le "je ne sais pas"... c'est l'ignorance, c'est une crevasse dans notre vison du monde... Parfois certains s'y trouvent au bord. Ils ne sont pas à blâmer. S'il faudrait blâmer quelqu'un c'est encore nous, car nous ne savons pas comment faire, nous ne savons pas quoi faire... C'est un merveilleux appel à l'existence auquel nous ne savons répondre... un appel aux progrès de la médecine, de la pensée, un coup de pied à l'humanité pour qu'elle ne s'arrête pas là et qu'elle aille plus loin....

Et nous nous ne savons pas quoi dire, quoi faire... Mais parfois le silence vaut mieux que la stupidité d'une conception qui ne correspond plus à rien et surtout pas à la réalité et à l'existence...

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