lundi 31 août 2009

François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils



(bande d'annonce)

Un film de Benjamin Sylvand.

HDV, couleur, sonore, 55'55.



Ce film a été tourné à l'occasion du soixantième anniversaire du peintre François Sylvand et de ses quarante ans d'exposition.

real-fiction.com

vendredi 28 août 2009

La difficulté de l'image

L'image parait simple et facile, d'autant qu'il est maintenant possible d'en faire sans trop d'effort avec un appareil peu coûteux voire un simple téléphone portable.

Je suppose que la majorité de ceux qui font des images ne s'en rendent même pas ou plus compte. Une photo souvenir, une photo de famille, un MMS cela est devenu un reflex banal de nos jours et par conséquent on ne réfléchi par trop au statut de l'image ou à comment la faire, ce n'est pas plus mal et cela est sans doute généralisable à beaucoup d'activités liées aux évolutions technologiques.

Ce qui me surprend plus, en revanche est la réaction de ceux qui disent faire de l'image volontairement. Demandez à un photographe, un graphiste, ou un cinéaste (ou qui se revendique comme tel) de vous expliquer l'une de ses images. Vous aurez de grande chance de tomber une réponse du type: “une image vaut mille mots" suivi d'un silence embarrassé, et parfois cette réponse vaut mieux qu'un mauvais discours.

Je sais, l'attaque est basse et méchante et tôt auront conclus les pressés que je prends les photographes, les graphistes et les cinéastes pour des débiles écervelés. Outre que je ne me serais pas permis de limiter cet épithète à si peu, ce n'est pas vrai.

Seulement, déformation professionnelle oblige, il me paraît insensé et insoutenable de prôner une irresponsabilité de l'image. Lorsque quelqu'un dit quelque chose ou l'écrit, le minimum et de l'en tenir pour responsable et de lui demander des raisons et des explications au besoin. Il doit en aller de même pour l'image. La spontanéité et l'appel au génie aveugle est bon pour les prétentieux et les naïfs, mais ne suffit jamais à produire quoi que ce soit de bon.

Or cela suppose que faire une image, quelle que soit sa forme, s'apprend, se pratique et se réfléchi, et c'est loin d'être évident en pratique.

Lire une image est comme lire un texte. Qui ne sait pas lire un texte de philosophie le trouvera très rébarbatif et incompréhensible. Qui saura ce qu'il doit en attendre et y lire pourra le trouver passionnant. Idem pour une image.

Facile, me direz-vous, et comment lit-on une image alors?

Je conviens que comme pour la philosophie il n'existe pas de manuel tout fait, mais cela ne veut pas dire qu'il faille passer outre.

C'est pour cela que je pense qu'il est important de fournir des clés et de partager son expérience, c'est pour cela que j'organise cet atelier à l'ETNA. Ce n'est peut-être pas la solution optimum ou idéale, mais c'est un moyen pour essayer d'y remédier, modestement.

lien vers l'atelier

mercredi 12 août 2009

L'écriture documentaire

L'écriture documentaire, que ce soit pour un film ou tout autre support, est un exercice périlleux: il s'agit d'une part de laisser place au feu de l'action, contrairement à une fiction où l'ensemble des paramètres peuvent être contrôlés ou modifiés, sans se laisser aller à la dérive.

L'erreur serait d'écrire un documentaire comme on écrit un scénario, sur une trame narrative qui inévitablement mène sur le terrain de la fiction. Et si la fiction peut-être intéressante d'un point de vue ethnographique ou anthropologique elle l'est en tant qu'elle révèle, indirectement, les cadres de pensé et d'expérience de celui qui la fait. Or il semble que ce ne soit que rarement là l'intention de celui qui l'écrit.

L'écriture documentaire est plus proche du développement de la logique formelle que du roman. Elle doit suivre un fil argumentaire, le fil du raisonnement, le fil de la pensée. Pour cela, il faut penser et il faut argumenter, c'est-à-dire avoir quelque chose à dire et le démontrer. Cela peut-être fait de manière poétique ou littéraire, mais c'est alors une question de style, non de domaine.

Cela impose un travail sur le contexte avant le tournage, savoir ce que l'on veut dire, pourquoi, comment les choses fonctionnent a priori, ensuite il s'agit de tourner d'après ce cadre en fonction de ce qui se donne à tourner. Autrement dit il faut partir avec des hypothèses est chercher à les confirmer ou les infirmer sur le terrain. Ensuite, une fois cela fait, il faut recomposer clairement, au montage, le développement et l'exposition de l'argument avec les hypothèses et leurs valeurs, la conclusion suit si cela est bien fait. C'est ce qui reste à écrire, a posteriori, dans les commentaires.

Inutile donc de partir à fleur au canon en attendant de voir et d'être surpris par ce qui va se passer. Cette fausse attitude contemplative est naïve ou juste révélatrice d'une paraisse d'esprit. Partir avec un scénario tout écrit et bouclé est tout aussi inutile, mieux vaut alors tourner en décors artificiels au chaud, cela est bien plus pratique et en définitive certainement coûteux.

Réfléchir, agir, comprendre, exposer, c'est simplement ce qu'il faut faire.

Mais cela est valable pour tout.

lundi 20 juillet 2009

Profilmie et attitude devant la caméra

La profilmie est la modification de comportement induite par la présence de la caméra. Tout le monde sait qu'il perd son naturel devant un objectif, qui grimasse, qui essaie de se cacher derrière son ombre, qui crie, saute ou pleure.

Ces attitudes sont évidemment naturelle et se comprenne dans le jeu des cadres sociaux de représentation et de l'art de jouer des personnages en public, mais il reste que c'est le genre d'attitude que l'observateur souhaiterait mettre entre parenthèse ou éviter histoire de voir ce qui se passe “réellement" derrière ce masque. Réellement est ici mis entre guillemets car ce sont évidemment des comportements tout aussi réels que les autres et tout aussi intéressants à étudier.

Il y a deux grandes manière de lutter contre la profilmie: soit sur-jouer les comportements en la renforçant ou bien attendre que l'attention soit dissipée par autre chose que par la caméra.

La première option est celle du cinéma avec des acteurs et un scénario. La scène captée est préméditée et jouée volontairement pour la caméra, en ce sens tous les comportement captés sont profilmiques et recomposés de sorte que la présence de la caméra ne soit plus un problème ou un élément perturbateur mais au contraire la raison même d'être de ces comportements. Les résultats sont évidemment très bons lorsque les acteurs, le scénario et la prise de vue sont bons.

La seconde option, lorsqu'il n'est pas possible de faire jouer (et de surcroît rejouer les protagonistes) et lorsqu'on s'interdit de piéger ceux-ci par exemple avec de très longues focales de sorte à ce qu'ils ne sachent même pas qu'ils sont filmés, est de faire durer les prises de vue un tout petit plus longtemps que le temps estimé par le protagoniste de celles-ci. Je m'explique. Imaginons que vous soyez en train d'interviewer quelqu'un, vous laissez tourner la caméra avant et après le début et la fin “réelle" de l'interview et vous aurez des comportements très différents, parfois plus naturels. Dans des scènes de groupe la choses est également valable, souvent la dynamique de groupe met du temps à se mettre en place et ce sont ces moments là qui sont les plus intéressants pour l'observateur. Celui-ci doit donc être prêt à accepter d'aller au delà de son propre point de vue et de sa propre lassitude. En effet ce prolongement de la prise de vue est estimée en fonction d'une observation jugée “normale" par les protagonistes, c'est-à-dire le temps qu'ils estiment qu'un observateur quelconque, par exemple eux, prendrait dans des conditions quelconques d'observation. Temps qui sert par ailleurs au rôle d'acteur joué par le protagoniste en question, c'est-à-dire à l'attitude profilmique que l'on cherche justement à contrecarrer. Pour se faire donc il faut jouer le jeu du réalisateur-observateur en filmant ou prétendant filmer durant ce laps de temps et continuer au-delà. Étrangement ce dépassement de cadre ne fait généralement pas l'objet de protestations comme rupture du jeu de l'observateur et de l'observé mais rompt le jeu de l'acteur pour entamé celui du simple interlocuteur. Autrement dit au lieu d'accuser l'observateur de ne plus jouer le jeu, le protagoniste préfère abandonner l'attitude profilmique, sans pour autant ignorer soudainement qu'il est toujours filmé ou qu'il peut l'être.

Et c'est là que tout devient intéressant, mais il faut s'y préparer et c'est moins évidemment qu'il n'y parait...

vendredi 3 juillet 2009

Cinéma d'intrusion vs. d'observation

Le cinéma d'observation se contente de rester neutre par rapport à l'organisation des événements, un peu à la manière du reportage à la différence qu'ici c'est l'ensemble de l'organisation qui intéresse et non pas simplement ses points de rupture, autrement dit des événements à proprement parler, extraordinaire.

Le cinéma d'observation vise donc à la discrétion et à la mobilité et donc se doit d'être souple et léger.

Le réalisateur, souvent seul membre de l'équipe de tournage doit savoir ce qu'il filme ou ce qu'il veut filmer, ce qui implique un temps d'observation important pour s'imprégner et comprendre les cadres en jeu. Dans l'idéal cette période doit être relativement longue et en immersion dans le milieu, ce qui ne signifie pas nécessairement de “copiner" avec les agents mais de s'être fait voir d'eux au point d'être toléré. L'utilisation d'un outil est pour cela un facteur important d'interaction: l'appareil photographique, la caméra ou le crayon donnent une fonction à qui les porte et quelqu'un d'occupé est toujours mieux toléré qu'un simple contemplatif assez vite perçu comme un pervers ou un mystique. Il s'agit également de communiquer avec les agents en question, c'est-à-dire de ne pas se tenir à l'écart comme un chasseur devant sa proie, mais d'expliquer ce qu'on fait si on le demande.

Sur ce point il est également judicieux de rester relativement vague ou de raconter une histoire crédible aux yeux des agents observés sans nécessairement entrer dans les détails, surtout les concernant. Dire que l'on fait un documentaire ou un reportage sur la vie d'un village de campagne passe mieux que de dire que l'on fait l'observation des mœurs de ses habitants. Il est d'ailleurs courant d'observer que les agents sont plus prompts à donner des informations sur la communauté ou sur les autres que sur eux-mêmes, inutile donc d'affirmer ou de prétendre faire leur psychanalyse ou de les décortiquer comme des rats de laboratoire.

Le plan de tournage doit donc être clair mais assez souple pour tenir compte de ce qui est effectivement observer et non pas chercher à illustrer un propos a priori, chose fort aisée et simple tant une image peut dire tout et son contraire sous la contrainte.

Ce plan de tournage est un guide et un rail qui s'appuie sur l'observation préalable ou directe, mais alors avec plus de perte, et il est bon de se méfier des invitations à filmer. Souvent l'observé tient à jouer au réalisateur et essaie de forcer à tourner tel ou tel plan ou séquence qu'il juge intéressant. Il faut alors faire la part des choses entre le fantasme bien partagé de jouer au cinéaste et de croire qu'un plan peut être intéressant parce qu'on croit qu'il peut l'être et un plan effectivement intéressant parce qu'il s'inscrit dans une continuité filmique. D'autant que, lorsque qui est conseillé de filmé est intéressant, cela ressort souvent de l'extraordinaire ou de l'exception qui n'est pas nécessairement le plus intéressant.

Dans la même logique, mieux vaut ne pas trop montrer d'image ou de montage aux agents avant que le film ne soit effectivement construit et monté. Il faut montrer quelque chose pour contenir la frustration qui ne manquera pas d'apparaître, mais alors plutôt montrer ce que l'agent s'attend à voir que ce qu'on entend effectivement montrer. Cela permet d'éviter l'invitation à filmer qui devient vite exponentielle et surtout la profilmie (l'attitude induite par le fait que l'on est filmé) qui elle aussi a tendance à se renforcer au fur et à mesure où l'agent croit comprendre où va le film et donc à penser qu'il le maîtrise ou en est l'auteur.

Garder la maîtrise du tournage est capital, non seulement pour arriver au film planifié à l'origine mais aussi pour conserver sa fonction qui avait justement permis d'être accepté et toléré. Une fois que l'agent pense avoir pris la main alors il commence à considérer qu'il n'a plus besoin de vous ou à demander des contreparties qui font sortir du cadre de l'observation.

Le cinéma d'intrusion évite cela en soumettant l'agent filmé à sa volonté de manière claire et a priori. L'inconvénient est qu'aucun événement non planifié a priori par un scénario ne peut alors être filmé.

L'attitude du cinéaste d'observation est beaucoup moins simple et confortable qu'il n'y paraît, mais elle est essentielle pour parvenir justement à ce type de cinéma.

mardi 23 juin 2009

Cinéma vérité: la difficile position de l'observateur.

L'action de filmer est une interaction comme une autre. Lorsque vous entrez dans une boulangerie pleine de monde et que vous dites “bonjour" une partie de l'assemblée vous regarde et murmure quelque chose sans vraiment vous répondre. Vous venez de “casser" l'équilibre précaire des relations sociales.

La caméra, l'opérateur ou l'observateur agissent de la même manière quoi que l'analogie puisse être poussée jusqu'à la danse de l'éléphant dans un magasin de porcelaine sans trop tirer la caricature.

L'autre jour j'assistais au tournage d'une interview pour un film documentaire dans un petit local associatif. La débauche de moyen aurait sans doute fait sourire un Spielberg mais elle était déjà assez impressionnante compte tenu du lieu et des circonstances: une caméra beta sur trépied et moniteur de contrôle, trois postes d'éclairage, un preneur de son, un régisseur, un cadreur, un réalisateur et deux superviseurs, le tout dans une petite dizaine de mètres carrés au milieu d'une grande activité et, évidemment, pas mal de bruit. Ce dispositif en soi passerait (presque) pour léger en plein air ou au milieu d'un hall d'aéroport mais ici il occupait une bonne partie de la place disponible et obstruait les passages et circulations qu'empruntait les occupants du site. Ce type même de dispositif fait partie de ceux que je qualifie d'intrusif au sens où il est non seulement visible et vu par les protagonistes mais surtout qu'il perturbe fortement les interactions de ceux-ci. De cette manière il est évident que les images obtenues ne reflètent pas les interactions normales entre ces protagonistes et qu'elles ne peuvent être considérées comme des témoignages fiables ou valides de ces interactions.

J'ai eu l'occasion de filmer avec un dispositif beaucoup plus léger: une caméra, parfois sur trépied, avec un micro directionnel. La qualité du rendu est certes beaucoup moins flatteur, mais si ce dispositif est visible et vu, chose qui me paraît essentiel afin de ne par trahir la confiance avec les protagonistes (différences sans doute entre le reportage ou documentaire et le paparasisme) il est plus rapidement et facilement accepté par ceux-ci qui finissent alors par l'oublier jusqu'à laisser croire à l'observateur-opérateur qu'il a atteint son “nirvana": voir sans être vue ou devenir présent mais transparent.

Il serait cependant trompeur de croire que l'opérateur accepté ne déforme pas ou plus la “réalité" qu'il filme ou cherche à filmer. Le biais profilmique, c'est-à-dire la prise en compte par les protagonistes de la caméra et du fait qu'ils sont filmés dans leurs interactions est toujours là et bien présent, cependant il arrive parfois qu'il ne soit plus le centre de l'attention et c'est alors que l'opérateur a l'impression, sans doute à juste titre, d'avoir saisi un “morceau de réalité". Cela ne peut se faire que lorsque les protagonistes ont oubliés, pendant un instant la situation dans laquelle ils se trouvaient, et pour cela, inévitablement, il faut que le dispositif puisse se faire oublier.

La différence entre le “papararisme" et ce type de saisie par “acceptance" ressort dans les images: une image volée est fait indépendamment du fait qu'elle est saisie et donc elle sera floue, mal cadrée, parasitée par des éléments extérieurs au sujet principal et l'interaction des protagonistes ne prend pas en compte l'observateur ou son point de vue. En somme c'est comme si l'on montrait une bulle ou une bille pour en monter l'intérieur. Dans le processus par acceptance, la caméra ou le dispositif fait parti des interactions mais elle n'en est pas le centre d'intérêt, les images, sans nécessairement être de meilleure qualité, sont plus lisible et laisse apparaître le sujet de l'interaction filmée comme centrale.

Dans les cas où l'acceptance n'est pas possible ou que le dispositif est toujours trop encombrant pour être oublié il est possible de contourner le problème de l'incidence d'une profilmie trop importante en ayant recours à une reconstitution de l'interaction à filmer quitte à passer par la fiction. Mais ça sera l'objet d'une autre discussion.

jeudi 4 juin 2009

Philosophie et Design d'espace

Il y a philosophie et philosophie. Cette ambiguïté, pour ne pas dire confusion, perd certains qui se sentent obligés de faire “philosophie" comme je l'ai si joliment entendu au détour d'un couloir, au lieu de faire de la philosophie ou, plus simplement, de penser.

Il y a la philosophie auquel on veut sans cesse mettre un p majuscule, ce type de philosophie qui fait systématiquement dire à votre interlocuteur que vous devez être bien intelligent parce que vous en êtes diplômés et qui se sent soudain obligé de faire des phrases compliquées avec des mots obscurs.

Le gouffre entre la philosophie telle qu'on l'imagine, semble-t-il, ce genre de philosophie un peu poussiéreuse, très académique et bien compliquée et la philosophie plus terre-à-terre mais pragmatique qui n'est autre qu'une pensée claire, consistante et articulée est particulièrement frappant lorsque vous devez interroger un étudiant qui présente un travail visuel obligé de passé une épreuve portant ce nom.

La philosophie appliquée, c'est-à-dire la pensée en action, lorsqu'elle s'accroche ou s'attarde au design d'espace, n'a pas besoin de convoquer des noms anciens et illustres ou d'user un vocabulaire compliqué. La philosophie et l'architecture sont très proches et maintes philosophes, y compris Descartes et Wittgenstein, c'est dire, l'ont fait remarquer. Penser l'espace pour l'aménager oblige à un exercice de conception que les philosophes envient: il faut penser une structure, un contenant, l'agencer et le meubler, s'y déplacer en pensée mais surtout imaginer sa fonction, les flux et ses utilisations et le modifier au fur et à mesure de l'expérience de pensée pour l'améliorer et l'optimiser. Faire cela c'est se demander ce qu'est l'espace, comment s'y déplacer, se l'approprier, comment il vit, comment il s'articule, quelles sont ses faiblesses et ses limites, qu'est-ce qui en fait l'originalité, quelles sont ses relations avec les objets qu'il contient ou qu'il ne contient pas, quelle est son histoire et celle des éléments qu'il renferme, etc. etc.

Répondre à ces questions ne requière pas de culture spécifiquement philosophique mais de formuler et de considérer des problèmes qui n'en sont pas moins profonds et complexes, à ceci près qu'eux peuvent avoir une application plus immédiatement saisissable que d'autres.

Tout travail d'agencement de l'espace, quel qu'il soit, nécessite de répondre à ces questions, mis à part peut-être pour des capharnaüms sans nom, et encore.

Et si cela est vrai pour l'architecture il n'est pas difficile de comprendre que c'est valable pour à peu près tout le reste. En sommes un monsieur Jourdain philosophique qui arrête de penser de la sorte ne fait plus grand chose, peut-être ne peut-il même pas être mort...

Alors, de grâce, réfléchissez avant de baisser les bras et de débiter des inepties que vous-mêmes jugeriez creuses et fallacieuses...

vendredi 29 mai 2009

La différence comme marque de similitude.

L'anthropologie cherche à travers les différences les traits communs aux différentes cultures et finalement à l'Homme avec une majuscule. L'idée sous-jacente est bien qu'il n'y a qu'un seul et même Homme derrière chacun humain.

Mais si cette hypothèse est vraie alors la vérifier en cherchant un universel derrière chaque acte, chaque action, chaque outil, chaque objet ou chaque rite devient très compliqué. Le risque en effet est de tomber dans les pièges d'une mauvaise abstraction et dans le syndrome de Lichtenberg avec un couteau sans lame auquel il manque le manche.

Cette difficulté est l'un des paradoxes philosophiques de l'identité. Soit l'identité est une et deux choses identiques ne peuvent être distinguées ou bien elle est accidentelle et deux choses sont identiques parce qu'elles ne sont que similaires, c'est-à-dire qu'elles diffèrent par ailleurs.

L'idée d'une humanité une et unique est sans doute à comprendre en un sens théorique. En ce sens elle dit simplement que tous les hommes quels qu'ils soient procèdent de la même espèce et en ce sens ne sont pas distinguables et ne doivent pas l'être. C'est l'idée de la déclaration universelle des droits de l'Homme et c'est sur cette même conception que toute discrimination, quelle qu'elle soit entre des humains, sur quel critère que ce soit, est intolérable.

Mais d'un point de vue anthropologique ou de philosophie descriptive et non plus prescriptive ou normative, la question est différente. Considérer que tout est identique ou doit être identique revient à nier les différences qui justement sont des spécificités intéressantes. Si un classement est effectué sur cette base alors cette approche est condamnable, mais en revanche si elle considère que tout développement humain, quel qu'il soit, procède d'une même base, alors chacun apparaît comme un possible dans un menu rapporté à une fonction unique et spécifique. Une robe en peau de saumon, une tunique en plume, une robe à panier ou un blue-jean ne sont que des choix possibles parmi le menu des vêtements eux-mêmes pensés comme une fonction biologique de protection et un usage social.

Les différences en ce sens sont des enrichissements, des développements qui permettent de cartographier les possibles humains et à partir de là faire apparaître des invariants ou au moins des pondérations qui permettraient, en négatifs de comprendre l'ampleur et la profondeur de la géographie mentale humaine.

L'idée, en définitive est la même, au lieu de partir du général bien difficile à définir a priori à particulier du particulier, on part du particulier pour déterminer le général. C'est dans le fond la fonction d'un musée ethnographique ou d'une enquête de terrain. Avec la restriction que le général ainsi déduit ne devient pas catégorique et ne détermine pas essentiellement l’espèce humaine, mais devient un outil d'affinement progressif d'un portrait de l'Homme. Cultiver la différence c'est en somme cultiver toute la créativité humaine et enrichir les possibles contre une uniformisation radicale appelée par une compréhension naïve car compréhensive des propriétés. Cette uniformisation est logique et confortable (qui n'a pas de blue-jean sans sa garde-robe) mais appauvrit considérablement, à terme, notre savoir sur nous-mêmes.

C'est pour cela qu'il faut garder traces de toutes les différences, les cultiver mais aussi et surtout prendre le temps de les observer, de les contempler et de les comprendre. Finalement, ce qui rend similaire chaque Homme c'est que chacun est différent et unique.

dimanche 24 mai 2009

Cinéma d'observation

L'image peut servir à plusieurs fins. Elle peut, entre autres, servir à illustrer, à exposer ou à révéler.

Ces trois fonctions, qui n'épuisent pas toute l'image, supposent toutes trois une idée qui les soutienne.
Dans l'illustration l'idée est déjà exposée indépendamment de l'image qui n'est là qu'en redondance.
Dans l'exposition l'image soutient l'idée et la montrant sous un angle différent afin d'en permettre la saisie.
Dans le cas de la révélation, l'image est nécessaire à la saisie de l'idée qui ne se manifeste que par elle, complètement ou partiellement.

Le film ethnographique et documentaire utilise l'image comme révélateur, car si c'est bien une idée et une certaine compréhension de ce qui est filmé qui guide la prise de vue (l'angle, le cadrage, l'exposition, etc.) ce n'est qu'avec l'image que l'opérateur sait si son hypothèse de travail était correcte ou non et si ses parti-pris de prise de vue convenables et pertinents.

Cela suppose que l'image donne à voir quelque chose que l'on soupçonne ou que l'on attend sans savoir a priori si elle va le faire ou non. Contrairement à une mise en scène ou à une reconstitution, possible dans les deux autres types d'image.

L'image n'est donc pas une fin ou un aboutissement de l'exposé d'une idée mais bien le commencement d'un travail de défrichage, d'analyse et d'interprétation de l'image pour y trouver la manifestation d'une idée que le montage aidé parfois d'un commentaire permettra de mettre à jour.

L'image devient risquée puisqu'elle peut ne rien révéler du tout soit que l'idée n'apparaît pas (si elle existe) ou bien que les hypothèses de travail étaient fausses ou mal étayées ce qui peut se voir dans la prise de vue (cadrage, axe, angle...) qui en brouille la lecture.

Une image peut dire beaucoup de chose pour peu qu'elle soit lue avec finesse. L'information qu'on peut en tirer est aussi riche qu'un texte démonstratif, mais tout comme les textes scientifiques et ardus l'image est difficile à lire. Il fait la décortiquer, l'analyser, l'interpréter.

L'interprétation prête le flanc à la critique. On se demande si les commentaires de “Dead Birds" rendent effectivement compte de ce que pensent les acteurs. Mais cet engagement est indispensable et, comme dans toute étude réfléchie, l'interprétation, si elle est bien faite, doit toujours rester compatible avec toutes les autres et avec les faits.

Réaliser des images à caractère révélateur, des images d'investigation suppose donc de suivre les prémisses et l’ébauche d'un raisonnement tout en essayant à travers la prise de vue d'en tirer des éléments qui l'étayeront, le révéleront ou bien donneront des indications sur l'interprétation qu'il faudra en faire a posteriori. Le tournage d'un tel film ne peut donc se faire sur la base d'un scénario à proprement parler puisque rien n'est écrit de manière prévisible et assurée de sorte à pouvoir prédire ou anticiper la prise de vue, mais sur la base d'un plan basé sur des hypothèses qu'il s'agira de vérifier en direct et de moduler le cas échéant.

Ces contraintes sont peu compatibles avec une équipe large puisque la réactivité doit être totale mais plus encore le tournage doit se déterminer en fonction de ce qui se passe. L'opérateur image ne peut donc difficilement être différent du réalisateur à moins de supposer une connivence très forte entre les deux. Cependant, le fait que l'opérateur soit celui qui valide les hypothèses et qui conduira l'interprétation est beaucoup plus aisé et facile, puisque cela lui permet d'un même point de vue de conduire ces deux tâches.

L'inconvénient étant évidemment que le réalisateur doit être opérateur et donc connaître l'image et la technique de la prise de vue et du matériel employé tout en connaissant les méthodes d'interprétation et de lecture d'image si bien qu'il puisse remplir les deux tâches simultanément sans en parasiter aucune. Ces qualités sont déjà rares l'une et l'autre pour trouver les deux dans le même individu, mais cela arrive, heureusement.

Le son est un élément important et la prise de son peut se faire ou bien de manière directe avec une caméra équipée ou bien par un preneur de son distinct de l'opérateur image. Si le preneur de son connaît bien son métier il pourra suivre les protagonistes et l'action en l'anticipant plus facilement que l'opérateur image.

L'équipe de captation idéale donc se compose de deux membres: un opérateur réalisateur et un preneur de son, éventuels assistés pour le matériel, mais une équipe légère est moins intrusive et produit de meilleurs résultats.

Mais évidemment rien ne remplace l'idée et l'échafaudage des hypothèses et la présence d'esprit de leur validation, confirmation, infirmation et de réactivité lors de la prise de vue.

L'idée reste donc la clé maîtresse de toute image.

vendredi 22 mai 2009

Fiction d'après un fait divers

Dans une petite ville comme la France en compte beaucoup, il y avait une usine. Cette usine confectionnait des pièces de textile. L'usine était implantée depuis plusieurs générations déjà, jouissait d'une certaine réputation et avait fini par se confondre avec la ville, elle en était l'âme ouvrière.
Dans cette ville il y avait ceux qui travaillent à l'usine de textile et ceux qui travaillaient pour. Que ce fut le médecin, les commerçants ou les instituteurs, qui que ce fut d'une manière ou d'une autre son destin finissait par être lié en moins de deux coups à celui de l'usine.

La crise passa par là. La responsabilité de celle-ci n'est pas tout à faire claire mais elle passa par là avec pour effet de se séparer d'une partie du personnel et de délocaliser une partie de la production dans des pays en voie de développement, en particulier en Inde ou l'usine avait ouvert une succursale. Cette vague de licenciement qui affecta tout de même près d'un tiers du personnel provoqua un certain émoi dans la communauté et la ville se mobilisa. Une grève fut commencée mais larvée et la direction menaça de fermer définitivement l'ensemble du site si elle continuait. Le fait que seuls les jeunes arrivants, les intérimaires, les CDD et quelques départs en retraites furent concernés motiva les troupes et la survie de l'entreprise fut préférée au sort des infortunés, après assurance que finalement cela ne concernait pas les “vrais".

L'économie de la petite ville en fut affectée mais l'usine quant à elle se portait bien. Quelques commerçants durent fermer leur rideau et quelques familles partir, mais un équilibre précaire se remit en place tant bien que mal et on oublia les infortunés, préoccupé par la prochaine crise qu'on ne manquait pas d'annoncer.

Or ces infortunés l'étaient vraiment. Le chômage les indemnisa un temps et la direction promis un plan social qui finalement tomba aux oubliettes avec cette nouvelle perturbation providentielle et la pression de la mondialisation. L’usine reçue même une aide.

Mais l'ouvrier même le plus bête peut être malin. L'un d'eux alla demander conseil à un avocat et le tout fut porté devant les prud‘ hommes et la justice.

L'affaire s'enlisa mais fini tout de même par aboutir. Le tort sur imputé à l'usine qui n'avait pas proposé de reclassement et fait aboutir son plan social. Les indemnités compensatoires furent portées à plusieurs centaines de milliers d'euros, somme colossale mais juste et justifié, qui dans le fond ne correspondaient qu'à ce qui aurait dû être donné.

Mais voilà que la direction affirme que l'usine ne peut pas payer une telle somme dans le contexte actuel sans mettre en péril l'existence même de l'usine. Crise oblige.

Alors les employés, les ouvriers et même les commerçants, les professions libérales, les responsables politiques et même syndicaux crient haut et fort que ces infortunés veulent tuer l'entreprise et la ville. Ils ne comprennent même pas qu'ils soient restés ici alors qu'ils n'avaient plus rien à y faire n'ayant plus d'emploi, ne faisant plus vivre la ville et plombant l'assistance publique. On se souvient soudain d'eux et les considéra comme des parasites. Ils auraient dû laisser l'affaire et d'ailleurs le fait qu'ils aient consacré autant d'énergie pour se venger, car il s'agissait bien, aux yeux du bien pensant, d'une vengeance démontrait avec éclat la perfidie de cette gangrène.

Si la justice s'était trompée et avait l'inconscience de préférer faire fermer une usine au lieu de comprendre que le bien commun exige parfois le sacrifice de certains, alors que cela ne tienne et l'affaire sera réglée de manière plus directe et locale.

C'est ainsi que commencèrent les pressions sur les infortunés. Un voisin qui ne leur adresse plus la parole, les remontrances faites aux enfants dans la cour d'école ou à la sortie par les parents d'élèves, les commerçants qui n'accordent plus crédit ou qui refusent de servir, les pneus crevés et même un passage à tabac.

La ville ne s'en est jamais remise. On ne sait toujours pas si c'est pour cette raison ou non que l'usine à fermée ses portes. La seule chose que l'on sait est que personne, ni des anciens ni des nouveaux infortunés ne fut jamais reclassé ou indemnisé et le bureau de l'emploi n'a toujours pas traité leurs dossiers. La direction de l'usine à soudainement disparu après avoir touché une dernière aide de l'État.

La seule chose que l'on sache est que depuis quelques temps des vêtements de la même marque ont refait surface sur dans les rayons. Une étiquette mal coupée indique bien que le produit est “Made in France" mais les yeux experts d'anciennes coupeuses affirment que c'est un travail similaire à celui que produisait la succursale indienne.

On aurait pu penser que ces dernières épreuves aurait resserré les liens au sein de la communauté, mais c'est bien le contraire qui se produisit. On ostracisa encore plus les premiers infortunés comme responsables de l'infortune des autres.

Il ne resta bientôt plus rien du tissu social de la petite ville que des rideaux de fer fermé, des voitures aux pneus crevés et le râle rauque d'ivrogne ne mal de mauvais alcools.


(Adaptation libre d'après un fait divers)

lundi 11 mai 2009

Panthéon des grands films: “Dead Birds" de Robert Gardner

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Au Panthéon des grands films, il faut indéniablement inclure Dead Birds de Robert Gardner de 1964.

Ce qu'il y a de fascinant lorsqu'on commence à réfléchir sur des problèmes qui préoccupent l'humain c'est qu'on le fait de manière abstraite comme si ces problèmes pouvaient être appréhendés en eux-mêmes et pour eux-mêmes indépendamment de tout contexte et de tout particularisme en faisant abstraction des différences de chacun et des points de vue.
C'est méthode est évidemment critiquée au prétexte qu'elle s'intéresse à des sujets qui ne sont pas ceux que l'on rencontre dans ce monde là, que l'univers du philosophe est étranger de celui de l'expérience.

Or lorsque le travail est bien fait, le sujet traité de manière abstrait est un noyau qui rend compte de toutes les accidents qu'il peut supporter, de tous les contextes et de toutes les manières de l'appréhender. L'abstraction tend à l'essence des choses et non pas juste à les dépouiller de contingence jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Y parvenir est rare et difficile, mais lorsqu'on y arrive le résultat est stupéfiant de force, de puissance et l'intelligence. Dead Birds est ainsi.

“Dead Birds" parce que l'Homme, nous raconte la légende, est comme l'oiseau, il meurt. Ce film qui relate l'existence de “primitifs" d'un autre âge et d'un autre monde, montre l'essence même de l'homme. Ses menues actions, il s'habille, il mange, il danse, il boit à la rivière, il crie, il pleure, il se bat, il meurt.

Ces Hommes là sont les Hommes et nous comprenons que c'est de nous dont on parle. Il y a là une violence terrible et terrifiante de se retrouver devant un miroir et de découvrir que l'existence est tout autant dure que belle, et qu'ici ou là bas, maintenant ou en un autre temps, l'Homme reste Homme, quelque soit les différences qu'il veut voir chez son prochain, quelque soit la manière de le dire, de le porter, de le chanter ou de s'amuser.

Robert Gardner nous montre cela avec évidence dans un film magistral et beau.

À voir absolument.

mardi 5 mai 2009

L'art de diriger les Hommes en période de crise et de situation extraordinaire.

Lorsqu'on lit les récits d'expéditions polaires, que ce soit ceux de Charcot, de Nansen, d'Admunsen, de Shakelton, de Scott ou des autres, ce qu'il en ressort est que la survie d'une expédition en milieu hostile, en conditions difficiles voire extrêmes, avec un risque important et vers l'inconnu ou un but dont on ignore qu'il soit possible d'atteindre, cette survie dépend essentiellement d'un seul facteur, celui du moral des troupes.

Les récits polaires regorgent d'anecdotes extraordinaires qui relatent la survie d'êtres humains dans des conditions absolument inimaginables. Les survivants de l'expédition Franklin ont subsisté durant deux hivers sans rien au milieu du grand nord et ce simplement parce qu'ils espéraient pouvoir un jour revoir leur Angleterre. Shakelton a traversé l'océan antarctique sur une barque pour aller chercher du secours pour ses hommes.
L'Homme est un animal capable d'une force hors du commun qui l'épate lui-même lorsqu'il veut parce qu'il croit. Cette croyance n'est pas nécessairement religieuse, il s'agit simplement pour lui de se fixer un but, un objectif et de penser qu'un certain nombre de sacrifice ou d'obstacles valent la peine ou le coût d'être affrontés et surmontés pour y parvenir. En somme la valeur accordée au but est supérieure à la somme de toutes les difficultés, autrement dit, aux valeurs négatives qu'il faut payer pour l'obtenir.

Si les hommes de Nansen sont convaincus qu'il est préférable de traverser le Groenland que de faire demi-tour, alors ils traverseront le Groenland quelles qu'en soient les difficultés. Nansen dit bien que ces hommes n'en sont pas vraiment convaincus au départ et que ce qui parviendra finalement à les motivés ne sont pas les mêmes raisons que les siennes, mais en bon chef d'expédition il sait parler à ses hommes, il sait les comprendre, les écouter et trouver les mots justes pour les motiver.

La réussite d'une expédition dépend du moral des troupes. Ce moral repose sur ce que ces hommes acceptent, ce qu'ils croient, ce qui les motive. Le chef doit le comprendre et doit savoir en jouer. Ce n'est pas mener un homme par le bout du nez de lui promettre ce qu'il veut si c'est effectivement ce qu'il peut avoir en définitive, même si cet objectif n'est pas celui visé par le chef ou la raison d'être de l'expédition.
Nansen voulait prouver que le Groenland était une terre continue et qu'il n'y avait pas de mer intérieure qui le traversait et pour cela, il voulait montrer qu'il était possible de le traverser à ski. Ses hommes, au moins certains, n'avaient strictement que faire de prouver cela, ce qu'ils voulaient c'était être payé et pouvoir rejoindre le plus rapidement possible leur Laponie natale. Ces objectifs sont évidemment compatibles sur le fait de traverser le Groenland. En ménageant son discours Nansen est parvenu à ses fins.

Maintenant, en ouvrant la radio et en lisant les journaux, le flux d'informations rapporte que les universités sont encore bloquées, que des patrons sont séquestrés, qu'il y a des grèves dans les services de santés et des affrontements entre les forces de l'ordre et les gardiens de prison. Bref, qu'une partie de la population n'est pas très heureuse de son sort.
D'aucuns analysent la situation comme pré-révoluationnaire et le prélude d'une lutte organisée et collective. D'autres, évidemment plus proches du gouvernement, parlent d'épiphénomènes, d'intérêts individualistes et localisés, sporadiques et manipulés. Le parti majoritaire demande même que des actions de justices soient prises contre les manifestants. Statistiques à l’appui l'argumentaire tourne autour du pouvoir d'achat qui en fait n'est pas aussi mauvais que les gens veulent bien le croire et que la crise n'affecte qu'une infime partie de la population qui, au ton, de toute manière ne s'en sortirait même pas en période florissante.

Certes le discours se heurte à quelques phrases qui évidemment sont dites sorties de leur contexte et de leur situation, par exemple sur la rémunération de certains, patrons, sportifs ou artistes et sans bien savoir ni comment ni pourquoi le politique à décider de réguler le financier à coup de moral. J'avoue ne toujours pas très bien comprendre ce que la morale vient faire avec les affaires mais bon il faut croire qu'il suffit d'écouter et d'y croire, un peu incrédule, puisqu'aucun argument un tant soit peu consistant n'a pour le moment été fourni.

Tout cela pour nous expliquer que les dirigeants c'est-à-dire le gouvernement et en premier lieu le chef de l'État font ce qu'il faut faire du mieux qu'il faut pour juguler la crise. Et que les mécontents sont de mauvaise foi et que de toute manière il faut bien des sacrifiés sur l'autel du bien commun pour faire marcher au mieux le pays. En somme, laisser des Hommes au bord du chemin est une bonne chose du moment que l'expédition avance un peu. Or c'est bien méconnaître les expéditions que de suivre un tel raisonnement. C'est ne pas comprendre que les Hommes craignent plus leurs propres peurs et leur propre sort que celui des autres. Un homme ne pleure pas un laissé pour compte parce qu'il est un laissé pour compte, mais il pleure le fait que si lui-même venait à défaillir lui serait laissé sur le bord du chemin aussi simplement que celui qui vient de l'être. Les SDF font peur simplement parce qu'on sait que le loyer devient de plus en plus difficile à régler en fin de moi, et si on donne une pièce c'est en guise de placement sur la générosité des autres.
Ne pas comprendre cela, ne pas vouloir le comprendre, ne pas l'entendre ou savoir l'entendre est risqué. Risqué puisque c'est misé sur la réussite de l'expédition non pas à la force des Hommes et de leur moral, en en comptant sur le matériel. C'est croire qu'il est préférable de s'attaquer au Pôle Sud avec des chevaux et des tracteurs plutôt qu'avec des hommes qui comprennent ce qu'on attend d'eux et qui croient qu'on leur fait confiance.

Le matériel n'est rien si personne ne s'en sert. Le meilleur outil reste inutile si aucune utilité ne lui est donnée et aucun usage n'en est fait. Un enfant peut s'amuser d'un mouton de poussière et s'ennuyer au milieu d'un magasin de jouet.

Lorsqu'il y a trente ans les gens demandaient du rêve ils demandaient simplement à croire en quelque chose, un premier moteur, quelque chose à faire, à vouloir.

Mais penser qu'il est possible de donner de la volonté à quelqu'un, de lui donner du rêver ou quelque chose à croire, relève du paradoxe pragmatique. On n'interdit pas d'interdire, on n'impose pas la spontanéité, on ne rêve pas pour les autres.

Le chef aveugle qui conduit ses hommes comme une armée de robot est un Napoléon qui s'enlise dans les frimas de la défaite. C'est un explorateur qui après avoir laissé tous ses hommes tombe en panne d'essence dans le désert et qui peste contre la fatalité.

D'autant que si le chef prend le temps d'écouter ses Hommes, le plus souvent il est surpris de ce en quoi ils croient et ce que sont réellement leurs motivations et leurs demandes. Elles sont parfois dérisoires, infimes et minimes. Surpris il répond “c'est tout? mais il fallait le dire plus tôt, inutile de faire autant de bruit pour si peu". Oui, mais le bruit ne raisonne pas dans le vide.

La gronde qui grogne dans le pays n'est peut-être pas un prélude à une révolution, ce n'est peut-être pas 89 ou 68, mais c'est peut-être pire. C'est peut-être l'avènement d'une politique de sourds gouvernant des muets sous le regard d'aveugles.

N'importe quel Nansen, Charcot, Scott, Shakelton ou Admunsen aurait désireux de préserver son expédition et l'espoir d'atteindre des objectifs initiaux aurait tenté d'écouter, rien qu'écouter ses hommes, parce qu'il sait que sans eux il n'est rien et qu'il ne peut rien.

Bien sûr, même si ces grands explorateurs étaient pour la plus part militaires, ils ne maniaient pas leurs Hommes comme on manie une armée. Il est dommage que la politique soit à l'heure actuelle plus proche de l'art de la guerre que de celui de l'exploration, de la recherche, de la découverte et du rêve d’une Nation.

Il y aura des pertes, mais peut-être une victoire ou une défaite. Mais rien de nouveau, rien de découvert, rien d'extraordinaire.

mardi 21 avril 2009

Séquestration de patrons...

Au petit écran, le présentateur, bien coiffé, costume bleu et cravate à rayure ne sait plus où donner de la tête.

Les médias en ont rêvé: une info bien croustillante, violente même comme un volcan en éruption, pour montrer un peu de spectaculaire, donner un visage à la crise.

Et puis voilà que ça arrive: des entreprises licencient voire ferment sous couvert de la crise, même si les profits sont parfois bien juteux. On ferme, on met des ouvriers à la rue.
Alors l'ouvrier humilié se révolte. Il crie, mais on lui demande de la boucler. Il hurle, on lui demande de se calmer. Alors il se débat, il bloque le patron dans son bureau. Il barricade le portail, on lui envoie les forces de l'ordre.

Les responsables syndicaux sont débordés. De toute manière ils ne représentent plus grand monde. Le patronat crie qu'il ne peut discuter avec une foule. Il demande de l'ordre. On appelle à la police, elle charge, on en jette en prison.

Au petit écran on s'indigne et on pleurniche sur l'ordre social ébranlé, sur la violence de l'ouvrier comme une bête sauvage qu'il fait canaliser coûte que coûte. On fait une nouvelle loi, puis une autre.

On ne comprend pas comment un ouvrier peut en arriver à détruire son outils de travail. On trouve ça choquant.

Ils ne savent pas ce qu'est le chômage.

Ils ne se rendent pas compte qu'on vit bientôt mieux en prison qu'en détresse.

Alors on passe au sujet suivant: la coupe de football...

lundi 20 avril 2009

Question de discrimination.

Imaginez que vous vouliez aller au hamman et qu'on vous informe que la soirée est réservée aux femmes ou, pire, aux gays, et que vous vous être un homme hétérosexuel, considériez-vous que vous êtes victime d'une discrimination?

Je présume que non. Je présume que non car rien de vous oblige à aller au hammam ou à ce hammam là, et vous pouvez toujours vous repliez sur un autre hammam ouvert aux hommes hétérosexuels, même si c'est moins drôle.

Empêcher à une personne de faire quelque chose qu'elle n'est ni obligée de faire ni qu'il nécessaire de faire, il est difficile de considérer que cette personne est victime d'une discrimination. C'est la réponse qui a été faite à un homosexuel qui souhaitait donner son sang.

Comme on le sait, l'EFS (établissement français du sang), organisme habilité à collecter le sang en France, ne permet pas aux homosexuels, entre autre, de donner leur sang du fait du haut risque de contamination du sang lié à leurs mœurs déviantes et dangereuses. La Halde (haute autorité de lutte contre des discriminations et pour l'égalité) souligne que refuser à un homosexuel n'est pas faire preuve de discrimination puis que le don du sang n'est pas un droit, mais « le don du sang, à travers les concepts qui lui sont liés de générosité, de solidarité, et de conscience de l’altérité est un devoir d’aide et d’assistance et non un droit fondamental et inaliénable. Ce devoir d’assistance implique le respect des impératifs de sécurité.
Cependant, il convient de ne pas transformer ce principe légitime de sécurité en stigmatisation ou en mesure qui peut être considérée comme discriminatoire » (document de la Halde).

La question de la discrimination est donc complexe puis qu'il s'agit à la fois de savoir ce qui relève d'un droit et ce qui n'en relève pas et de la manière de pouvoir satisfaire un droit.

Le risque est de considérer une manière a minima de répondre à un droit qui relèverait de la discrimination et une manière d'y répondre de manière plus substantielle qui elle ne le serait pas. Prenez le problème du remboursement des lunettes de vue par exemple: la sécurité sociale rembourse un forfait minimum qui correspond à une paire de lunette entièrement remboursée ou remboursable. Évidemment ce ne sont pas les plus fashion qui soit mais elles permettent de voir. Si vous voulez être fashion vous devez en être de votre poche et alors les riches sont plus chanceux que les pauvres. En ce sens il n'y a pas de discrimination insupportable puisque le droit à compenser une handicape est respecté et que d'avoir des lunettes fashion n'interfère par avec le fait d'avoir une correction optique appropriée.

Le risque est de généraliser ce type de raisonnement. Si le travail est un droit, le fait d'avoir accès à un travail intéressant ou rémunérateur peut être considéré comme un plus esthétique non nécessaire et donc pouvant faire l'objet de discrimination. Une fois un emploi “raisonnable" fourni, la guerre est ouverte avec n'importe quelle arme.

Dans le cas du hammam il n'y a pas discrimination dans la mesure où il y a d'autres hammam qui sont ouvert pour la personne désireuse d'y aller. Le problème serait différent si pour une raison différente de votre propre bien-être ou sécurité (imaginons qu'une personne cardiaque ne puisse aller, pour des raisons médicales dans un hammam) l'accès à un lieu ou à une activité ou un événement vous est interdit, alors vous pouvez considérer que vous faites l'objet d'une discrimination.

Or ces restrictions ne sont pas suffisantes: je ne suis pas en train de dire qu'il faut vendre de l'alcool au mineurs sous prétexte que leur interdire serait discriminatoire, d'autant que cela irait à l'encontre de leur bien-être et de leur sécurité, ni qu'il faut laisser n'importe qui entrer dans les hammams gays, mais il est possible qu'il faille prendre en compte non pas uniquement le bien-être et la sécurité de l'individu mais aussi ceux de la collectivité. Ainsi il est possible d'interner une personne parce qu'elle nuit à la collectivité. Ce n'est pas une discrimination en tant que tel puisqu'elle répond à un impératif de cohésion sociale.

C'est cet argument qui permet à l'ESF, sous couvert du gouvernement d'écarter les homosexuels du don du sang. Les homosexuels, par leurs comportements et leurs mœurs peu fiables, n'est-ce pas (dites moi, savez-vous le pourcentage d'hétérosexuels qui trompent leur conjoint, selon les chiffres cela oscille entre 60% et 80% des couples qui ne sont pas d'une fidélité à toute épreuve, bon évidemment, pas vous), et que cela est un facteur de risque trop élevé pour risquer de contaminer le transfusé. Outre que les poches de sang sont testées avant la transfusion (j'espère, et j'ai toujours été fasciné par l'argument selon lequel les poches sont testées en groupe mais qu'ils vous envoient quand même le détail du test de votre sang -- la magie de l'induction je suppose), il est tout à fait possible de concevoir que le sang des pédés ne doit pas contaminer le sang des hétérosexuels, mais pour qu'il n'y ait pas discrimination il faudrait qu'il existe une possibilité pour eux de donner leur sang avec les précautions requises (par exemple en testant individuellement les poches (mais je sais ça coûte trop cher) ou bien en lot de poche de pédé (mais là soudainement ça sonne discriminatoire). Parce qu'il ne faut pas charrier: tous les pédés ne sont pas des folasses et personnellement je connais des couples homosexuels plus fidèles que des hétérosexuels, mais c'est une autre histoire.

L'autre point qui titille la question est celui des archives de l'EFS qui, une fois qu'elle vous a estampillée PD vous refoule quoi qu'il arrive, à vie.

Un article du Figaro du jour relate la n-ième mésaventure d'un homosexuel qui pensait être civique en donnant son sang et qui considère encore que vraiment c'est injuste de ne pas avoir le droit de le faire.

Au fait, l'intelligence est-elle aussi un comportement déviant? Car il semble que beaucoup de postes ne soient pas accessibles aux intelligents, sur la base de critères stupides, évidemment.

mardi 14 avril 2009

Les jeunes: maux de vieux

Le Monde ce matin: “Un mineur tué dans une bagarre à proximité de la gare de Lyon". Le Figaro: "La violence des bandes ne peut rester impunie", un peu plus loin "Les pistes pour relancer l'emploi des jeunes".

Sur un plateau télé, un sociologue est appelé à la rescousse. Le journaliste: comment expliquez-vous cette soudaine montée de violence chez les jeunes. Le sociologue, vous savez, c'est un non événement, il n'y a pas plus de violence qu'avant, même moins, mais on en parle plus c'est tout. Mais comment réagir demande le journaliste. Il ne faudrait pas faire comme les pompiers, toujours éteindre le feu, mais prévenir. Il faut faire de la prévention et les deux causes majeures sont l'échec scolaire et le chômage. L'autre journaliste, oui mais ça c'est bien beau et ça prend du temps, mais là tout de suite, qu'est-ce qu'il faut faire, une nouvelle loi?

"En outre, les jeunes étant - par définition - une population difficile à contrôler, il suffit souvent d'une réforme mal expliquée - type contrat première embauche (CPE) en 2006 - pour les faire descendre dans la rue par centaines de milliers": l'article du Figaro.

La dialectique ne change pas beaucoup. La crainte du jeune, le jeune instable, le jeune qui ne veut pas travailler, le jeune pas qualifié, le jeune pas sociable, le jeune violent, le jeune en échec, le jeune...

Et puis d'un coup le jeune devient vieux. C'est comme le miracle des vacances scolaires durant lesquelles l'étudiant de seconde année, nul, évidemment, devient soudainement un L3 (licence troisième année) intéressant et intéressé. Les miracles de la vie.

Demain sans doute qu'il y aura encore un article de fond transformant un fait divers en fait de société. Deux jeunes se battent dans la rue sous le regard hagard d'un bon père de famille qui vient de claquer sa femme et qui fini amèrement les dernières gouttes épaisses d'un liquide visqueux fort en alcool. Le scandale et sous ses yeux et il pense le voir.

En poursuivant cette dialectique il suffit de parquer les jeunes pour protéger les vieux, qui soit dit en passant ont souffert de la rudesse de l'hiver, rien ne va plus tout se déglingue.

"Dernière idée de Laurent Wauquiez : des «formations rebonds» pour les jeunes qui se retrouvent sans activité à la fin de leurs études. «Il s'agit de leur proposer des stages commandos, des formations d'une durée de six mois, dans des filières où il y a des besoins, explique-t-on à Bercy. Un bac + 3 en psychologie condamné au chômage faute de débouchés suivrait par exemple une formation commerciale dans un métier porteur.»" Figaro toujours.

Du génie, du génie! quelle idée géniale. Alors là on applaudit des deux nageoires et on attend qu'un vieux (les derniers intelligents de l'espèce) demande pourquoi qu'on payerait encore un centime pour une formation qui mène nulle part. Pourquoi ne pas simplement faire une filière unique "représentant de commerce" directement, ça serait plus efficace et au moins il y aurait nettement moins de chômeur. J'oubliais qu'on faisait de la politique avec des Légo...

L'équation pourtant est maintenant simple et la pédagogie gouvernementale l'éclaire:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence

• jeune + études nulles (i.e. non commerciales) = chômeur

équations qui se résolvent de la sorte:

• jeune + banlieue = échec scolaire = violence + nouvelle loi = prison = baisse du chômage

• jeune + études nulles = chômeur + formation 6 mois commerce = plein emploi

Hmm pourquoi ne suis-je pas convaincu?


Bien évidemment les choses sont plus compliquées que ça. Évidemment que la psycho (je ne parle même pas de la philo) ne mène à rien. Enfin, il faut expliciter l'axiome du “ne sert à rien économiquement", bien que...
D'une part je ne suis pas sûr qu'une société de service pur et pur nous mène au plein emploi sinon peut-être, au mieux, jusqu'au prochain grand badaboum ou qu'un ancien, donc sage, aux affaires depuis trente ans, nous dise qu'on a bien vu que ça ne marchait pas et qu'on aurait du l'écouter quinze ans plus tôt.

Notre société, telle qu'elle fonctionne n'est pas très loin des camps pour jeunes. Le chômage guette le vieux donc, par ordre de bien séance, on demande au jeune de patienter (il est encore trop con pour être opérationnel) alors on le parque sur un banc l'école, puis de prépa, puis d'université, puis de post-diplôme puis... et pendant ce temps le jeune vieilli et d'un coup devient vieux, mais alors le vieux lui dit qu'il n'est encore jeune (le vieux) et qu'il faut qu'il attende encore un peu.
Et puis le vieux rit, il dit que le jeune est nul parce qu'à trente ans il est encore à l'école, qu'il est donc nul, donc qu'il doit attendre.
Alors le jeune en attendant refait un autre diplôme, enseigne à d'autres jeunes, fait d'autres études, d'autres recherches en attendant.
Le vieux le regarde un peu bizarrement, il se demande bien quel trafic il fait pour payer un loyer aussi exorbitant sans travailler. C'est louche. Alors le vieux lui dit que maintenant que c'est la débandade sur les marchés, le jeune doit attendre.

Un jeune en à marre d'attendre. Non pas un emploi, non pas un boulot, non pas une vie, non, ça il ne sait même pas ce que c'est parce que son père est jeune, donc au chômage, non, d'attendre le bus. Alors il le dit, un jeune ricane, ils se tapent dessus. Hop en haut du Figaro. Les jeunes se rebellent! Ils sont en difficultés scolaires donc la cause du chômage.... C'est repartit.

Heureusement il y a le temps. Il y a le temps qui passe et les jeunes restent plus longtemps que les vieux. Un jour viendra où il n'y aura plus de vieux, plus que des jeunes, des jeunes vieux, mais jeunes. Il y aura toujours autant de faits divers, de chômages, de livres de philosophie et de types complètement perdus qui feront de la psycho parce que ça sera le seul diplôme qu'ils n'auront pas encore. La différence, peut-être, est qu'on ne dira plus alors que la faute incombent au jeunes, mais peut-être aux enfants. Querelles de mots en fin de compte.

Alors, un maux valant mille mots on légifère, on fait une loi, on l'oublie, on ne signe pas le décret d'application, on regarde les chiffres de la bourse et on attend secrètement le journal du lendemain pour se trouver une occupation à la petite journée.

Bien sûr faire de la politique c'est compliqué, mais ça ce sont les philosophes qui le disent et tout le monde sait qu'ils ne servent à rien. Alors le vieux fait de la politique non philosophique: il tape sur les jeunes avec des mots pendant que les jeunes (f)ont des maux...

mercredi 8 avril 2009

Université: une année blanche?

L'année avance et avec elle les problèmes. Maintenant que le mouvement se poursuit depuis plusieurs semaines et que les cours sont bloqués depuis parfois 10 semaines lit-on dans les journaux, qu'advient-il de l'année universitaire?

La question qui se pose maintenant est celle de savoir que faire d'une année à moitié amputée.

Fidèle à sa stratégie, le gouvernement a attendu que la gangrène fasse son œuvre pour que le problème pourrisse et se transforme sans devoir vraiment le régler. Le problème initial des revendications des universitaires devient maintenant celui des étudiants.

Il est vrai que de prendre en otage quiconque n'a jamais été une très bonne idée, en l'occurrence force est de constater que les étudiants y ont perdu quelques plumes. Et lorsqu'on dit “comprendre" ces rétentions cela ne signifie pas qu'on les approuve mais que l'on est conscient de la gravité de ce qui a pu mener à un tel acte, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, sans compter que de ne pas prendre en considération les remarques ou les revendications d'une personne revient à le prendre également en otage, ce qui n'est évidemment pas mieux.

Une rétention des notes plutôt que l'annulation des cours aurait sans doute eu un meilleur effet et un meilleur résultat: enseigner tout en refusant de délivrer un quelconque diplôme en validant les notes. Les étudiants auraient été pénalisés tout en ayant tout de même emmagasiné les connaissances nécessaires et la situation aurait pu être débloquée aussitôt le conflit réglé. Ici certains ont perdus un semestre donc une année.

Les propos accusateurs de la ministre, repris dans Le Figaro ne sont pas vraiment pour rassurer sur la résolution rapide et pacifique du conflit. Mais que faire?

Annuler les examens et donner la moyenne à tous les étudiants privés de cours serait une injustice vis-à-vis des autres mais également valider des connaissances absentes et ce qui revient à cautionner le fait qu'on n'apprend rien à l'université mais qu'il faut un diplôme pour travailler (or les deux prémisses sont fausses comme le démontre l'expérience).

Reporter les notes du premier semestre au second ne serait pas mieux. Que reste-t-il alors? Ce que semble vouloir la ministre: que les enseignants mettent leurs poings dans les poches et triment en cours supplémentaires et zippés afin de faire un semestre en trois semaines et valider une année dans la précipitation. Cela est certes possibles sur le papier ou en rêve mais peu probable dans la réalité des Hommes car c'est bien méconnaître le fonctionnement d'un étudiant: c'est croire qu'un étudiant est comme un disque dur sur lequel le prof se content de copier des fichiers, or un étudiant a besoin de temps pour comprendre et se mettre en condition pour apprendre, sans compter qu'il faut re-mobiliser des étudiants qui n'attendent probablement pas sagement dans leur petit mansardes que les grandes personnes règles leurs petites histoires. En trois semaines ce ne sont pas les connaissances que l'on va accroître mais bien la consommation d'anxiolytiques.

Annuler l'année et reconnaître que ce sont les étudiants qui payent les pots cassés en perdant une année ou un semestre? Ce serait une injustice incompréhensible, d'autant que ce sera à pure perte pour certains qui n'auront pas les moyens d'attendre une année de plus.

À moins d'aller vraiment dans l'optique de la semestrialisation en permettant que le premier semestre soit conserver et que les étudiants puisse effectuer leur semestre manquant à l'autonome en rendant réellement autonomes est semestres et en découpant les diplômes non pas en années mais en modules. Certains étudiants auraient alors perdus un semestre, ce qui est moins pire que de perdre une année entière (semestre qu'ils conservent quoi qu'il arrive d'ailleurs) et gagnés en liberté. Cela signifie également que les droits d'inscriptions devraient être semestrialisés et que les enseignements soient réellement des modules que les étudiants peuvent choisir et non pas choix de seconde main entre un tronc commun rigide et des options qui n'ont rien à voir ou si peu avec. Autrement dit cela ne signifie pas que les étudiants ayant obtenus le premier semestre doivent attendre le second semestre 2010 pour valider le second semestre 2009 amputé, mais qu'ils doivent pouvoir le faire au premier semestre 2010. Bonjour l'organisation des enseignements mais bon, rien est impossible puisque cela se passe bien dans d'autres pays...

Cet état de fait est peut-être une occasion de mettre sur pied une vraie réforme en profondeur de l'université, mais il semble que ce ne soit pas vraiment l'objet du débat ni du conflit actuel...

mardi 7 avril 2009

La distance avec le sujet

Dans un petit restaurant autours d'un couscous. L'un des convives, par ailleurs étudiant en première année de philosophie explique pourquoi il dévore des yeux la viande dans le plat au centre de la table: il est devenu végétarien. Ses raisons sont un peu obscures et confuses, elles tournent essentiellement autours de la maltraitance des animaux. Par provocation je lui dis qu'il doit alors admettre que tout ce qui vit à une âme (enfin, cela vient après un raisonnement un peu plus construit) et donc s'abstenir aussi de manger la semoule. Il prend tout cela au sérieux et cherche des contres arguments.

Il me parle d'une secte quelque part en Inde qui ne mange que ce qui tombe des arbres, il a oublié le nom et le cherche. Toujours provocateur je lui demande si ce ne sont pas les newtoniens. Un bref moment d'hésitation puis il éclate de rire.

Nous discutons un peu sur ce que peuvent bien manger ces hommes-là et il me dit que c'est un peu trop restrictif à son goût. Mais il suffit de mettre tout ce qu'on veut manger dans l'arbre et de le secouer, ou d'attendre qu'un enfant y soit grimper, de secouer l'arbre et de lui dire, avec des gros yeux bien effrayant que s'il ne veut pas qu'on le mange il faut qu'il aille nous chercher du chocolat au supermarché.

En fait, dans toute situation il y a une manière de la tourner de sorte qu'elle paraît moins exiguë qu'il n'y paraît. L'inverse est aussi vrai.


Dans cette discussion ce qui a le plus surprit le végétarien et qu'il soit possible d'être ironique à partir de choses sérieuses. Il a tendance à croire que la philosophie est une chose sérieuse.

C'est peut-être cela qui définie la force dans une discipline: la capacité à prendre de la distance avec le sujet.

Bien entendu cela n'a rien à voir avec la grandeur d'esprit mais c'est une attitude fort utile. Je me souviens au début de mon enseignement, encore idéaliste vis à vis de la philosophie, je ne supportais que difficilement que des étudiants puissent remettent en cause ce que j'admirais tant dans un raisonnement ou dans une œuvre.

À force d'entendre des âneries et de se prendre des coups on fini par comprendre que ces projectiles n'atteignent pas leur cible car ce ne sont que des tirs à l'aveugle plus défensifs qu'offensif. Une fois cela comprit la stratégie est beaucoup plus simple, calme et efficace.

J'admire, dans le fond, la candeur et la naïveté dont on fait preuve en première année encore. Idolâtrant quelques auteurs, violemment virulent contre d'autres, encore en quête d'une vérité que l'on pense pure et absolue.

Avec le temps et les coups on comprend que la chose est plus simple car plus complexe. On comprend aussi que l'existence reste indépendante de la fonction et de la discipline. On fait la part des choses, on se prend moins au sérieux, et en définitive c'est comme cela qu'on arrive à aller plus en profondeur là où d'autres ne pensaient même pas aller, aveugler qu'ils sont par la lumière.

Prendre un peu de distance avec le sujet pour se donner au moins l'espace d'en rire ou de l'admirer...

lundi 30 mars 2009

Cadrage et cinéma

N'oublions pas que le cinéma n'est qu'un moyen d'expression à l'instar de l'écriture. Il y a autant de manière de faire du cinéma qu'il y a des manière d'écrire et presque autant de genres.

Le montage est un élément essentiel du cinéma, de l'image animée et de tout média multimodal en général, nous avons déjà évoqué cet aspect. Mais en tant qu'il traite avec l'image, le cinéaste doit également prendre en compte la question du cadrage.

Le cadrage est particulièrement délicat dans le cas du film document et le cinéma ethnographique. En effet il s'agit de montrer alors un événement et la manière de le concevoir implique un certain cadrage et un certain cadrage implique nécessairement une manière de concevoir l'événement.

Deux options radicales s'opposent: une version contemplative ou objective versus une version analytique et interprétative. La premier pose la caméra sur un pied l'événement au grand angle in extenso sans coupe ni mouvement si ce n'est pour suivre l'événement dans sa totalité si celui-ci y oblige.
L'autre tourne l'événement de l'intérieur en cadre les éléments saillants et recompose la totalité à partir de ces repères. Cette technique découpe l'événement pour le construire ou le reconstruire à partir de son interprétation et sa compréhension qui ont guidé son tournage.

La version “objective" est proche du nominalisme: elle considère que chaque événement est particulier et en tant que tel ne peut pas être découpé sans altération. Le point de vue “extérieur" vise justement à garantir l'objectivité du tournage, à ne pas prendre position pour laisser l'événement “parler de lui-même" et s'il demande une explication c'est au spectateur de la trouver. Au pire une voix off commentera de manière professorale et détaché ce qui se passe.

La version constructiviste est plus analytique et cherche dans l'événement des points forts et des articulations qui en un sens revient à y chercher une structure avec des invariants qui permettent de le comprendre en le rapportant à d'autres événements, des catégories ou des lois. Le montage recompose l'événement, l'image est proche des articulations et des temps forts et cherche à les cadrer au mieux en fonction de leurs natures (agent, moyen, relation). Dans l'idéal l'événement ainsi recomposé devient intelligible par son exposé même et peut se passer de commentaire, sinon pour ce qui l'image ne peut montrer.

Les premiers films paraissent longs, les seconds décousus et compliqués, mais c'est le prix pour “voir" et “montrer" les événements et faire un cinéma similaire à un article scientifique ou à une thèse.

Évidemment ces deux positions sont extrêmes et caricaturales, et bien sûr l'ensemble du spectre entre ces deux jalons une multitudes de points de vue sont possible, quoi qu'il en soit le cinéaste ethnographe doit choisir et se prononcer sur son choix.

jeudi 26 mars 2009

Un métier / une formation: tentative d'expliquer le plein emploi en temps de chômage de masse.

Dans un article du Monde daté du 26 mars 2009, intitulé "Comment expliquer les milliers d'emplois non pourvus ?", l'auteur, Rémi Baroux conclut son papier en citant une conseillère du Pôle Emploi:
"je pense que la crise va inciter les gens à se réorienter, dit-elle. Quand j'ai des jeunes femmes, qui viennent du tertiaire et ne trouvent pas d'emploi, je les provoque, je leur dis “faites soudeur”."

Je suppose que la provocation en question tient au fait que les jeunes femmes en question, mais nous pouvons élargir la cible pour en propos, ne veulent pas se réorienter, ou du moins est-ce là la croyance qui transparaît dans ces propos.

Certes il n'est pas plaisant a priori de postuler à des emplois radicalement différents de ceux auxquels nous pouvions prétendre ou croire prétendre avec un diplôme particulier. Il est certain que si une de ces jeunes femme a préparé un BTS de communication visuelle et qu'en définitive une conseillère de feu l'ANPE lui propose de devenir soudeuse, il est fort à parier que le rictus sera un peu coincé, mais pourquoi pas.

Ce qui est plutôt étonnant dans cet article est la position symétrique des recruteurs qui à l'image du Pdg cité, affirme:
"Malgré la crise et mes efforts d'anticipation, je n'arrive pas à trouver", dit M. Sanguinetti. "Le niveau de formation est trop faible et les jeunes manquent de motivation", regrette-t-il.

Auquel il faut ajouter une remarque tout aussi pertinente d'une responsable d'agence d'intérim:
"même les jeunes sont réticents à bouger"

Décidément ces jeunes ne sont pas très coopératifs.

Expliquez leur simplement comment concilier le judicieux conseil de la reconversion avec la critique du manque de formation. Comme expliquez que des offres de premier emploi demandent des stages de plus de 6 mois ou des expériences de 2 ans? Sans soulever la question salariale.

Un chômeur est-il prêt à se reconvertir dans une branche différente de celle de son expérience ou bien un jeune diplômé à accepter un poste différent de celui de sa formation? c'est une première question importante.

Mais la seconde qui se lève immédiatement l'est tout autant: un employeur est-il prêt à embaucher un chômeur en reconversion ou un jeune diplômé à un poste différent de celui de sa formation?

Je crains que la négative soit plus radicale à la seconde et qu'elle bloque toute réponse à la première.

D'autant qu'à y regarder de plus près quel métier ne peut ne pas s'apprendre? Évidemment que cela demande une formation interne ou complémentaire et c'est sans doute ce point qui baisse plus que la motivation ou la mobilité.
L'essentiel pour ne pas dire toutes les tentatives d'envoyer une candidature sur un poste dont le CV ne correspond pas trait pour trait au profil n'a quasiment aucune chance d'aboutir sinon à un envoie automatique de refus.

Bien entendu que dans le meilleur des mondes tout employeur souhaiterait embaucher l'employé parfait qui correspond parfaitement au poste, mais ce monde là n'est qu'un fantasme ou, pire, issu d'une conception archaïque du travail (sans compter d'autres caractéristiques plus irréalistes encore comme le fait qu'il soit jeune mais qualifié, en bonne santé, sans famille ni attache, non syndiqué, docile ou gratuit).

Le travail est une activité dynamique qui s'adapte à l'instant à l'offre, la demande et aux circonstances. Si une entreprise n'est pas flexible, elle devient vite dépassée. N'importe quel bon gestionnaire le reconnaîtra. Pourquoi alors ne pas appliquer ce principe au travail même? Comment ne pas comprendre que cette dynamique s'opère également au niveau de l'employé?

Ce fantasme de l'employé directement opérationnel témoigne d'une ignorance profonde de celui-ci et sa confusion avec une machine-outil ou un robot, et encore.

Pourquoi un docteur en philosophie ne serait pas tout à fait apte à devenir conseiller à l'emploi, responsable de RH dans une entreprise, électricien ou boulanger? Parce qu'une telle mobilité est encore trop perçue comme une reconversion quand ce n'est pas un échec et que de tels “mutants" bougent et transgressent les règles d'un corporatisme encore bien vaillant.

Dans les circonstances économiques actuelles le sport de la recherche d'un bouc émissaire est repartit de plus belle: pour certains ce sont les partons, pour d'autres les jeunes, d'autres encore les politiques et pour ceux-ci le capitalisme lui-même.
Pourquoi une telle soif de sang?
Pourquoi ne pas simplement essayer de comprendre ce qui se passe, ce qui ne va pas et comment faire en sorte que cela marche mieux? Pourquoi ne pas enfin s'attaquer au problème plutôt que d'en trouver un responsable?

Est-ce par manque de motivation? Manque de mobilité? Ou manque d'audace pour enfin faire quelque chose d'autre que ce qu'on a toujours fait i.e de réorientation?

La critique ne vise finalement pas toujours ceux qu'on croit...

jeudi 5 mars 2009

Joris Ivens: attention chef d'œuvre!

"Regen" ("La pluie")
Pays-Bas/1929/15 min/N&B/muet/35 mm
Prise vue et montage: Joris Ivens
Scénario: Mannus Franken

L'arrivée de la pluie sur Amsterdam. Des images superbes, une poésie du réel à couper le souffle. À voir ou à revoir impérativement et à classer parmi les plus beaux films qui soit.

Heureusement maintenant disponible en DVD, cela ne vaut pas l'ambiance d'une projection mais c'est déjà ça.

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lundi 23 février 2009

Identité nationale: question de définition du même.

L'une des définitions donnée de l'identité est exprimée par le principe des indiscernables que l'on doit à W. G. Leibniz (Discours de Métaphysique, section 9).
Deux substances sont indiscernables si elle partage l'ensemble de leurs propriétés.

∀F(Fx ↔ Fy) → x=y

Cela vaut pour la métaphysique et la question ontologique ou une question de logique formelle.


La question de l'identité surgit maintenant dans le domaine politique, notamment dans l'appellation d'un nouveau portefeuille ministériel, comment définir l'identité d'un point de vue social ou humain?

Le même principe peut s'appliquer tel quel: deux individus sont identiques s'ils partagent les mêmes caractères. La définition des caractères en question reste alors à définir, ce qui laisse également ouverte la possibilité d'utiliser les tests ADN ou autres. Cependant cette notion de caractères, de propriétés ou de traits caractéristiques peut vite devenir problématique d'un point de vue éthique et moral, puisque pour une bonne part ces caractères en questions ne sont pas dépendants des individus et par conséquent toute utilisation de ceux-ci peut conduire ou conduit de facto à une discrimination qu'elle se veuille positive ou non.

Si ce critère est pris en compte, cela signifie que tout ce qui ne dépend pas de l'individu ou pour éviter toute confusion, de l'agent cognitif, ne peut être utilisé directement dans la définition sociale de l'identité, cela signifie qu'il faut s'intéresser ce qui dépende de l'agent. “Ce qui dépend de l'agent" correspond aux choix que l'agent peut faire dans un contexte où il est en mesure de choisir. Dire ceci n'implique pas directement que l'agent se trouve en position de liberté bien qu'il soit possible de définir la liberté en terme de choix non contraint dans un contexte approprié.

À ce stade du débat nous considérerons donc que les agents cognitifs (les individus) sont doués de choix et qu'il leur est donné une situation de choix non contraint. Par “situation de choix non contraint" il faut par exemple imaginer qu'au moment du désert une corbeille de fruit est présentée à un agent cognitif est qu'il peut choisir parmi les fruits qui lui sont présentés ou s'abstenir de choisir s'il ne veut pas manger de fruit. Ces situations sont rares mais il en suffit d'une pour que le principe s'applique.

Reprenons la définition de l'identité telle qu'elle est donnée par Leibniz. Dans ce cas deux agents cognitifs ne pourraient être distingués l'un de l'autre s'ils partagent les mêmes propriétés, et amendons-la avec les éclaircissements que nous venons d'apporter:

deux agents cognitifs sont identiques si dans une situation de choix donné ils choisissent les mêmes éléments dans un menu donné dans une situation donnée.

Il faut retenir que l'identité n'est faite que relativement aux critères en question. Par exemple, dans la formulation du principe de Leibniz, x et y sont identiques en fonction de F, non pas de leur graphie par exemple.

Ici, deux agents seront les mêmes s'ils choisissent les mêmes éléments dans une situation de choix, leur identité ne se basera donc que sur ce choix et non sur des autres critères possibles.

Mais allons plus loin. Le choix est manifesté par l'élément retenu dans un menu, mais ce n'est là que sa manifestation. Si le choix est issu d'un processus cognitif qui prend en compte les attentes, les désirs, les plaisirs, les émotions ou toutes autres motivations, si deux agents systématiquement choisissent les mêmes éléments, alors il est possible de postuler que leurs motivations, quelles qu'elles soient sont identiques et donc que ces agents sont identiques.

Ce raisonnement devient vite captieux. D'une part parce qu'il n'est pas dû tout évident qu'un choix ne provienne que d'une seule motivation possible. D'autre part, si le choix est effectivement le critère, il n'est pas suffisant pour déterminer l'identité de l'individu.

Revenons pourtant sur cette définition de l'identité sociale: deux agents sont considérés comme étant les mêmes si et seulement si dans toute situation égale de choix ils choisissent systématiquement les mêmes éléments dans un menu.

Au lieu maintenant de nous intéresser aux individus eux-mêmes, intéressons-nous à la possibilité même d'une telle définition. Cela signifie que dans une situation de choix le choix soit effectivement possible indépendamment d'aucun caractère propre de l'individu. Si cette définition est appliquée à des individus en société, cela signifie que la société doit accorder dans une situation de choix la possibilité de choisir à l'individu indépendamment de tout autre caractère.

Défini en termes de condition sociale, la définition en question devient:

dans une société deux individus sont identiques si dans une situation de choix ils choisissent les mêmes éléments dans un menu indépendamment de tout autre caractère.

La notion d'identité devient on le voit quelque peu bizarre car rien n'indique qu'il faille confondre les individus pour qu'il leur soit possible de choisir les mêmes choses. Il suffit simplement de considérer que ces deux agents cognitifs sont égaux car ils bénéficient dans les mêmes conditions des mêmes choix de sortent qu'ils puissent choisir sans contrainte les mêmes éléments dans un menu donné.

Qu'en est-il de l'identité sociale alors?

Si l'on s'en tient à la version logique l'idée serait de confondre les individus en fonction de certains caractères avec le risque de chercher ou de déterminer ces caractères alors même qu'il est très difficile de les établir ou qu'il soit contestable et condamnable de le faire.

Si maintenant la notion est comprise en termes de choix et de possibilité de choix, l'identité devient simplement une égalité des chances ou une égalité des choix: notions beaucoup plus positives et facile à discerner, mais on le voit avec une responsabilité qui ne repose plus sur l'individu mais incombe à la société elle-même.

vendredi 20 février 2009

Une problème de communication

La crise économique frappe le pays et ça, tout le monde l'aura remarqué. Et quand certains économistes ou responsables politiques affirment que la crise est certes grave mais touche moins notre pays que d'autres, sans doute que sur la base de certains chiffres ils n'ont pas tort. Il est vrai que si la vie est chère elle reste possible et accessible et que si les loyers deviennent insupportables l'heure n'est pas encore à l'expulsion de logements impayés.

Mais cantonner la crise au simple niveau économique et financier serait commettre une erreur de jugement. La crise est sociale et, comme on l'entend parfois, morale. Mais le dire ne suffit pas.

Revenons un instant sur la question des universités et de leur réforme. Sans nécessairement faire le lien avec un précédent billet, l'université à grandement besoin d'être rénovée et les universitaires et les étudiants sont certainement les premiers convaincus. Il faut d'ailleurs se rappeler des propositions profondes de réformes qui avaient été proposées par les chercheurs eux-mêmes lors des dernières grandes manifestations. Les universitaires et le gouvernement sont donc d'accord sur ce point. Or cela ne marche pas, pourquoi?

La réforme proposée par le gouvernement n'est certes pas parfaite mais globalement les universitaires la rejettent alors même qu'ils pourraient l'amender et l'améliorer. Mais ils ne le font pas, vont à l'affrontement et cela permet encore une fois de crier sur leur dos en les taxant de conservateurs et de corporatistes.

L'erreur serait d'en rester là dans l'analyse, et c'est l'erreur qui est commise. Les millions et les milliards ne font rien et cette histoire, toute cette histoire, n'est pas une question d'argent. Qui prétend que le “pouvoir d'achat" de règle et se réglera uniquement en augmentant les salaires? Il y a aussi la solution de baisser les prix ou bien de donner “autre chose". Comparez simplement le goût du pain à prix égale, si la boulangère vous le donne avec le sourire ou pas. Comparez à salaire égale l'humeur de la caissière à qui vous dites bonjour et de celle à qui vous ne lui dites pas. Comparez le travail de la secrétaire avec qui vous êtes courtois et celle avec qui vous ne l'êtes pas. Ces différences sont énormes et colossales et pourtant si elles peuvent faire perdre beaucoup, rapportent peu et ne coûtent rien.

Le problème actuel est celui-ci. Le gouvernement parle de « mal être » ou de “malaise existentiel" lorsqu'il parle des événements qui se passent dans le DOM. Certes mais là aussi les mots peuvent dire tout et son contraire.

Le malaise est réel, palpable et maintenant visible dans la rue, c'est un malaise de reconnaissance, d'estime et tout simplement d'humanité. Les gens du commun ne sont pas aussi idiots qu'on ne voudrait le croire, ils savent pertinemment qu'il y a la crise et beaucoup acceptent de ne pas être augmenté ou même de sacrifier une part de leur salaire pour que leur entreprise passe ce cap. Ils continuent à consommer malgré les incertitudes parce qu'ils savent aussi que l'économie c'est eux, leurs actes et leurs actions. Ils travaillent dur et avec ardeur car ils savent qu'il faut se serrer les coudes dans cette mauvaise pas. Et s'ils font “moins" parfois, par exemple en ce qui concerne les dons aux associations caritatives, ce n'est pas faute de vouloir mais parce qu'ils ne peuvent pas autant.

Mais ce qu'ils ne pardonnent pas ou plus et ce qu'ils crient maintenant dans la rue c'est l'ignorance de ces petits efforts, l'indifférence à ces petits riens qui font que la vie est supportable et qui distingue l'existence de la survie. Si leur “bonjour" n'est plus retourné, s'il est maintenant facturé ou critiqué et bien ils ne le donneront plus, ne l'offriront plus et c'est là que le lien se casse et que la fameuse fracture sociale apparaît, car en définitive l'économie réelle n'est pas faite que de biens, de produits, de consommation et de pouvoir d'achat, mais avant tout de relations, de regards, de mots et de sourires.

Alors bien sûr le bienséant ricanera de la naïveté de ces propos et l'homme de soutane se revigorera qu'enfin on prône un retour aux bonnes vieilles valeurs morales, mais ces deux-là, comme les premiers, auront tort. Non, c'est beaucoup plus simple, pratique et pragmatique que cela, c'est tout simplement ce qu'on appel le bon sens.

À vouloir bousculer ce que le bon sens à mis tant de temps à transformer en sagesse quotidienne on récole son désarroi, sa colère et finalement on perd son estime. Et regagner le confiance est ce qu'il y a le plus dur, de plus difficile et de plus méritant. Mais c'est un travail que les deux parties doivent faire.

Lorsqu'il y a des décennies certains paradaient en réclamant du rêve il fallait être bien crétin pour demander combien ça coûte ou coûterait le rêve. Car les termes de valeur et de prix ne s'appliquent pas qu'à la monnaie ou à l'économie.

Tant que cela ne sera pas compris, d'un côté comme de l'autre, le dialogue sera sourd, le temps passera et le choc n'en sera que plus violent. Tout cela n'est qu'une question de communication, mais la communication, finalement est l'essence même de l'échange. Enfin, la bonne communication s'entend.

jeudi 29 janvier 2009

Communication visuelle: qu'est-ce qu'une image?

Lorsqu'on pose la question “une image, c'est quoi", on hausse les épaules. Une image, ça paraît simple, ça paraît évident, mais en fait pas du tout.

Déjà, il y a plusieurs types d'images et rien que ça suffit déjà à soulever la question. Quels sont ces différents types d'images, quelles sont leurs fonctions, quelles sont leurs structures?

Lors de la remise du prix Kodak, j'ai beaucoup entendu la question “mais c'est tout de même étrange de faire des paysages si petit et en format carré!". C'est étrange parce qu'un paysage c'est grand, c'est vaste, c'est ouvert, c'est horizontal, alors forcément quand c'est petit, restreint et carré ça choque. Et pourtant, et pourtant.
Je ne soulèverai pas la question de ce qu'est un paysage à proprement parler. C'est une question ouverte et les réponses sont si peu cohérentes qu'elle ne sera pas résolue de sitôt. Cependant, si l'intention est de retranscrire une notion d'espace et de dimension, il est possible de le faire en utilisant les plans, les échelles, les masses, les couleurs, les formes et les textures, et ces différentes composantes peuvent se combiner dans n'importe quel format du moment que cette intention est préservée. Il n'y a rien d'essentiel dans un paysage au sens où nécessairement un paysage devrait être carré. Il faut dissocier l'habitude qu'on a prise de voir des paysages horizontaux et les paysages eux-mêmes.
Cette remarque vaut pour toutes les facettes de l'image.

Dans le domaine de la communication visuelle, le problème devient criant. Par communication visuelle il faut entendre une communication qui utilise l'image comme support d'un message ou d'un contenu. La communication visuelle n'occupe donc qu'une portion du domaine de l'image. Elle se distingue notamment des images esthétiques ou psychologiques. Cette distinction s'opère à travers les jugements pertinents et opportuns sur l'image. Une image de communication visuelle doit être évaluée sur des critères de communication, une image artistique sur des critères esthétiques et ainsi de suite.

Le problème maintenant devient celui de la communication. Quel est le critère de communication? Celui qui me paraît être le meilleur est celui de la compréhension ou de la lisibilité. Avant tout une communication réussi si l'interprète saisi le message, le contenu, l'information ou appelez ça comme vous voulez, que le producteur, l'émetteur, le graphiste y a mis.
Une image de communication visuelle doit être lisible. Ainsi chaque élément représenté doit l'est en fonction de ce critère et donc servir à l'énonciation ou à l'expression du message, du contenu ou de l'information.

Différents types de contenus peuvent être exprimés et donc différentes formes visuelles doivent s'y rapporter. Sur cette base il est possible de dresser une typologie de l'image. Il y a des images narratives d'autres conceptuelles, certaines sont classificatoires alors que d'autres sont analytiques ou encore symboliques, et ainsi de suite.

Ces types se manifestent dans des représentations visuelles, des images, et donc la structure de ces images doit refléter cette typologie. À partir de là une sorte de vocabulaire et de grammaires de l'image de communication visuelle peut se mettre en place. Par grammaire ou vocabulaire il faut entendre des éléments distinguables agencés suivant des principes récurrents. Des formes, des masses, des textures, des intensités, des vecteurs, etc. Ce vocabulaire et cette grammaire deviennent particulièrement saillants et importants dans certains types de représentation, les cartes topographiques par exemple.

Ainsi les images se définissent ou plus exactement de caractérisent et par conséquent peuvent s'étudier et s'analyser. C'est sur cette base qu'une image peut-être plus lisible, compréhensible, prégnante qu'une autre et donc meilleure sur cette échelle de valeur. L'évaluation esthétique dans le domaine de la communication visuelle n'a aucune pertinence et ne peut remplacer des critères pertinents et appropriés.

Mais l'expérience me montre que mêmes les professionnels de l’image ne voient pas, ne maîtrisent ou ne comprennent pas ces notions, la question doit paraître alors bien byzantine et difficile à un non professionnel.

Une tache à laquelle il faut s'atteler!

lundi 26 janvier 2009

Qu'est-ce qu'un concept?

La question est évidemment théorique et la littérature abondante sur cette question. Mais elle se pose aussi d'un point de vue pratique, dû moins lorsqu'elle ne porte non pas sur la constitution ou la nature du concept, mais sur son rôle dans l'explication théorique par exemple.

Lors d'un dîner l'autre jour, une amie préparant une thèse de littérature me fait par de la remarque de sa directrice de thèse et de son désarroi: sa directrice trouve que sa thèse manque de concepts. Son désarroi tient au fait qu'elle cherche à expliquer un problème précis et pratique de traduction du théâtre et qu'elle trouve que toute la littérature “conceptuelle" sur la question n'apporte rien de bien clair et de bien utile. Le concept c'est flou, c'est vaseux et surtout ça ne permet pas de rendre compte des subtiles différences entre les différents extraits du corpus.

En un sens c'est vrai, en un autre non. C'est vrai au regard de ce que la littérature considère comme étant un concept, faux au regard de ce qu'est effectivement un concept.

Un concept, pour le dire rapidement, est une entité mentale qui permet de catégoriser, de classer l'environnement par un agent cognitif qui le possède. Le concept CHAISE par exemple permet à celui qui le possède de discriminer et d'identifier les chaises et donc de les distinguer des tables et des oiseaux. Le concept est considéré comme abstrait car valant pour toutes les occurrences susceptibles de tomber dans son extension. Le concept CHAISE est abstrait au sens où il vaut pour toutes les chaises sans qu'aucune ne l'épuise. Soit.

Mais il y a deux types différents d'abstractions: un premier type correspond à ce qu'on pourrait appeler une abstraction négative. Cette abstraction retire des traits particuliers à un élément pour ne retenir que les traits essentiels à une classe. Le concept CHAISE n'a pas de couleur puisqu'aucune couleur n'est essentielle à une chaise pour être une chaise, pas de hauteur, pas de forme, etc. si bien qu'on se retrouve en définitive avec un "couteau sans lame auquel il manque le manche", c'est-à-dire pas grand chose.

La seconde abstraction cherche à partir de rien à agréger ensemble les propriétés essentielles d'un concept. Donc ou bien le résultat est grosso modo équivalant à la première tentative soit la définition du concept est donnée intensionnellement (avec un S) c'est-à-dire fonctionnellement. ainsi une chaise sera "n'importe quel meuble sur lequel il est possible de s'asseoir, qui possède un dossier mais pas d'accoudoirs". Le concept est réalisé même si aucun élément ne tombe sous son extension.

Ces deux tentatives pour établir et définir le concept, l'une plus empiriste, l'autre plus idéaliste, manquent toutes deux leur objectif. Une manière de le comprendre est de proposer ces approches à l'amie en question: comment parviendra-t-elle à mettre plus de concept dans sa thèse? Si elle y parvient c'est par son tallent propre et certainement pas grâce à ce conseil.

L'écueil de cette approche par l'abstraction tient au fait que la fonction et l'utilité même du concept est oubliée. À quoi sert un concept? À penser, à catégoriser, à classer, à comprendre, à connaître, à juger. C'est-à-dire à rendre possible une lecture et une compréhension d'un domaine. Cette utilité, cette valeur pragmatique du concept est centrale et primordiale.

Lorsqu'on veut se repérer dans un environnement, un bon outil pour le faire est d'utiliser une carte. La carte montre, manifeste les points saillants de l'environnement en question, points qui peuvent servir de point de repère. Plus la carte à de détails plus le repérage est facile mais plus la lecture est longue et fastidieuse.

Ces cartes, rapportées au domaine cognitif sont les conceptions et les points de repères sont les concepts. Les concepts sont donc des points de repère qui permettre de comprendre, l'examiner, de classer, de catégoriser un environnement. Certains concepts sont bâtis d'après l'expérience, d'autres non.

L'idée n'est pas qu'un concept vaut pour toutes ses occurrences au sens ou chacune devrait pouvoir s'y superposer, mais le concept doit permettre de repérer ces éléments comme relevant de ce concept suivant ce point de repère en question.

Un même environnement peut être cartographié de différentes manières: une carte de la population, une carte des transports et une carte géologique peuvent représenter le même espace mais avec des points de repère différents. Il en va de même pour les concepts.

Potentiellement tout peut être un concept comme tout détail peut devenir un point de repère s'il est utilisé en tant que tel. Il s'agit alors de l'indiquer comme point de repère pour une compréhension, une lecture et de structurer l'étude à partir de lui, c'est-à-dire développer une conception adéquate et cohérente.

L'art de la cartographie est subtil et délicat, la lecture de ses produits, les cartes, nécessite juste de l'attention. C'est la même chose pour les conceptions.

Un concept est donc un point de repère dans une pensée au sens d'une analyse, une étude, une présentation d'un domaine. Il s'agit alors de délimiter ce domaine et l'explication qu'on entend en donner et d'exposer à l'aide des traits saillants et caractéristiques nécessaires, à savoir, les concepts, qu'ils soient abstraits ou non, nouveaux ou non, compliqués ou non.

[Thèse sur les concepts, Benjamin Sylvand]

lundi 19 janvier 2009

Dominique Dubosc: ciné-trace

L'autre soir (le 10 janvier), l'ETNA (atelier de cinéma/vidéo expérimental) fêtait Dominique Dubosc.

Le cinéma documentaire est extraordinaire par sa fonction même: il garde une trace, montre quelque chose qui déjà n'est plus là. Mais il serait illusoire de croire que le cinéma montre un “ça-a-été" comme le disait Roland Barthes, mais plutôt un regard. Ce qui a été n'est pas nécessairement ou seulement le sujet filmé mais plutôt le regard qui a été porté sur ce sujet. C'est ce qui fait toute la différence entre un documentaire et une caméra de surveillance. L'intention du regard est patente dans le film, est lorsqu'on voit "Les maîtres fous" de Jean Rouch ou "God's country" de Louis Malle, c'est plus Rouch ou Malle qui se manifestent à travers l'image qu'une pratique ou un quotidien. Paradoxalement donc les meilleurs documentaires sont ceux qui deviennent transparents et dont la technique s'efface au profit du sujet et lorsque cette fin est atteinte le regard du cinéaste emplie pleinement l'écran et son point de vue devient incontournable.
Qui d'autre que Malle aurait pu faire émerger cette Amérique ou que Rouch cette Afrique?

Les films de Dominique Dubosc sont de cette trempe-là et "Réminiscences d'un voyage en Palestine" par exemple nous présente un regard singulier sur cette partie du monde qui raisonne d'une manière toute particulière avec l'actualité du moment. Mais si les films de Dominique sont beaux et puissants ce n'est pas parce qu'ils sont actuels mais parce qu'ils sont singuliers. Il montre à travers une certaine banalité toute la poésie qui habite un lieu et un moment. Les traces sont ténues et passagères, certaines ont déjà disparu mais le regard retrouve à travers elle des brides signifiantes qui éclairent le monde. Un char qui passe et ce sont toutes les craintes qui remontent. Une file d'attente à un point de passage et tout le poids de la recherche d'un travail, le désœuvrement qui transparaissent.
Ces souvenirs qui écrivent les lieux et les instants sont ceux que l'on dessine pour se remémorer comme sont ces endroits et le parallèle même dans le film entre le film et le dessin est plus qu'éclairant.

Mais les films de Dominique Dubosc ne sont pas nostalgiques. Ils ne revendiquent pas un passé ou une histoire. Ils sont plutôt des rêveries similaires à celle que l'on peut faire en regardant par la vitre d'un train ou d'une voiture d'un voyage trop long. Ses films sont une poésie réaliste de l'instant qui font ressortir tout ce que les images peuvent contenir même dans leur apparente banalité.

Le travail du cinéaste est de ciseler le regard et l'image pour montrer ce qu'ils contiennent et Dominique Dubosc le fait admirablement bien. C'est un cinéma simple et puissant de la trempe de Malle et de Rouch. Un cinéma rare et précieux.

(Le site de Domnique Dubosc)