“On ne creuse pas de trou dans l’eau” / “Don’t dig the water”
Premier film de fiction.
Un film de Benjamin Sylvand, avec Julie Vatain et Vincent Larochelle.
Bientôt!
vendredi 16 juillet 2010
samedi 10 juillet 2010
"La Guerre des Béatrix, coulisses d'une création" en DVD.

Le film “La Guerre des Béatrix, coulisses d'une création", essai documentaire sur la création dans le spectacle vivant tourné à l'occasion de la mise en place de la pièce de théâtre musicale “La Guerre des Béatrix" par l'Opéra-Studio de Genève, est maintenant disponible en DVD au prix de 15€ sur le site de la Real-Fiction.
HDV • 60 mn (version française).
lundi 21 juin 2010
L'équipe de France, reflet d'une société.
La rationalité humaine n'est ni fixe ni arrêtée, elle est mouvante et s'adapte aux circonstances, à l'environnement, à ses désirs, ses peurs, ses passions, ses connaissances, les autres. C'est cette versatilité qui fait sa force et sa puissance car sa capacité à s'adapter, à créer, à innover. Mais sa force est aussi sa faiblesse car si elle se met à douter, se questionner sur elle-même, son propre fonctionnement ou sa légitimité, si elle prend peur des circonstances, de l'environnement, des autres ou d'elle-même alors elle perd pied et se laisse emporter dans une spirale, ne maîtrise plus rien, subit, se perd.
Ce qui arrive en ce moment à l'équipe de France de football au mondial en Afrique du Sud est assez symptomatique d'une perte de repères à tout point de vue. Aucune direction, aucune perspective, aucune ligne de force, une paranoïa, une surestime de soi, un déni de réalité, tant au propre qu'au figuré. Mais cette déroute ne se cantonne pas à l'équipe elle-même mais à l'ensemble de la société française. L'attitude de la presse en témoigne: elle est déboussolée. Cela montre qu'elle n'est là que pour relater ce qui se passe sans l'analyser ou le poser dans un cadre qui permettrait l'analyse. La presse n'a pas plus de plan d'attaque, de stratégie que l'équipe. Elle se pose de fausses questions existentielles, métaphysiques ou éthiques: elle se prend la tête littéralement à savoir s'il est possible ou non d'écrire une insulte dans un titre alors même que l'article est écrit dans un français douteux à l'orthographe légère. Les cancans ont repris le dessus parce qu'il faut bien s'occuper sans savoir très bien quoi faire d'autre.
La France découvre qu'on lui a menti depuis des années. À force de s'entendre répéter que les choses sont plus compliquées que cela et qu'il faut laisser faire les spécialistes, le français a perdu ses connaissances et commencé à douter même du bon sens, pour s'apercevoir en fin de compte qu'il n'est pas plus bête qu'un autre et que les belles promesses n'engagent que ceux qui y croient. Les arguments des instances sportives étant les mêmes que ceux des hommes politiques, le résultat sera le même. Ne jamais faire confiance sur les promesses de résultats simplement parce que celui qui les fait n'est maître ni du temps ni même de son propre destin.
La presse n'informe plus, elle n'est que le mégaphone de gens qui sont incapables de recul car le nez dans le guidon. La presse n'analyse plus, ne fourni plus d'outils d'interprétation et de compréhension, alors les dépêches s'empilent, se poussent les unes les autres, sans point de fuite mais dans une grande fuite en avant.
Ce que cela montre est que la société est perdue, sans repère, sans espoirs, sans buts, sans volontés, mais aussi que les princes n'ont plus la consistance de ceux que voulait conseiller Machiavel. Il ne suffit pas de détourner l'attention du peuple, de l'occuper comme un enfant, il faut aussi et surtout une stratégie pour en faire quelque chose, le mener quelque part. Le peuple se fout pas mal de la valeur éthique ou morale de l'action, il est aussi bien capable de se battre pour une bonne ou une mauvaise raison et il admire plus Napoléon Ier pour la grandeur de ses massacres que Napoléon III pour la faiblesse de ses choix. Car c'est aller quelque part qu'il veut, non devoir décider de lui-même. Mais pour cela faut-il encore que les princes sachent eux-mêmes et n'attendent pas que les circonstances adviennent d'elle-même.
Sans raison, sans rationalité l'Homme n'est même pas un animal, mais un bois mort charrié par les flots, c'est un poids qui se subit lui-même dans une inertie qui l'entraîne à l'opposé de ce qu'il devrait souhaiter.
Les instants pathétiques que nous traversons ne sont que les reflets sombres d'une mauvaise passe de laquelle nous devons nous tirer car nous le pouvons donc le devons.
Ce qui arrive en ce moment à l'équipe de France de football au mondial en Afrique du Sud est assez symptomatique d'une perte de repères à tout point de vue. Aucune direction, aucune perspective, aucune ligne de force, une paranoïa, une surestime de soi, un déni de réalité, tant au propre qu'au figuré. Mais cette déroute ne se cantonne pas à l'équipe elle-même mais à l'ensemble de la société française. L'attitude de la presse en témoigne: elle est déboussolée. Cela montre qu'elle n'est là que pour relater ce qui se passe sans l'analyser ou le poser dans un cadre qui permettrait l'analyse. La presse n'a pas plus de plan d'attaque, de stratégie que l'équipe. Elle se pose de fausses questions existentielles, métaphysiques ou éthiques: elle se prend la tête littéralement à savoir s'il est possible ou non d'écrire une insulte dans un titre alors même que l'article est écrit dans un français douteux à l'orthographe légère. Les cancans ont repris le dessus parce qu'il faut bien s'occuper sans savoir très bien quoi faire d'autre.
La France découvre qu'on lui a menti depuis des années. À force de s'entendre répéter que les choses sont plus compliquées que cela et qu'il faut laisser faire les spécialistes, le français a perdu ses connaissances et commencé à douter même du bon sens, pour s'apercevoir en fin de compte qu'il n'est pas plus bête qu'un autre et que les belles promesses n'engagent que ceux qui y croient. Les arguments des instances sportives étant les mêmes que ceux des hommes politiques, le résultat sera le même. Ne jamais faire confiance sur les promesses de résultats simplement parce que celui qui les fait n'est maître ni du temps ni même de son propre destin.
La presse n'informe plus, elle n'est que le mégaphone de gens qui sont incapables de recul car le nez dans le guidon. La presse n'analyse plus, ne fourni plus d'outils d'interprétation et de compréhension, alors les dépêches s'empilent, se poussent les unes les autres, sans point de fuite mais dans une grande fuite en avant.
Ce que cela montre est que la société est perdue, sans repère, sans espoirs, sans buts, sans volontés, mais aussi que les princes n'ont plus la consistance de ceux que voulait conseiller Machiavel. Il ne suffit pas de détourner l'attention du peuple, de l'occuper comme un enfant, il faut aussi et surtout une stratégie pour en faire quelque chose, le mener quelque part. Le peuple se fout pas mal de la valeur éthique ou morale de l'action, il est aussi bien capable de se battre pour une bonne ou une mauvaise raison et il admire plus Napoléon Ier pour la grandeur de ses massacres que Napoléon III pour la faiblesse de ses choix. Car c'est aller quelque part qu'il veut, non devoir décider de lui-même. Mais pour cela faut-il encore que les princes sachent eux-mêmes et n'attendent pas que les circonstances adviennent d'elle-même.
Sans raison, sans rationalité l'Homme n'est même pas un animal, mais un bois mort charrié par les flots, c'est un poids qui se subit lui-même dans une inertie qui l'entraîne à l'opposé de ce qu'il devrait souhaiter.
Les instants pathétiques que nous traversons ne sont que les reflets sombres d'une mauvaise passe de laquelle nous devons nous tirer car nous le pouvons donc le devons.
lundi 31 mai 2010
La guérilla des images: vers une pragmatique de l'image
La Guerre du Golfe (1990-91) avait marqué un tournant important dans l'imagerie et la communication de guerre.
L'image n'y était plus utilisée simplement comme élément de propagande pour véhiculer un message idéologique, mais véritablement comme une arme asphyxiant littéralement l'adversaire et occultant l'information. L'image ne passait plus par le médium de la presse mais directement de la source combattante au public.
Cette utilisation de l'image la déconnecte de ses fonctions représentatives classiques: l'image n'est plus narrative car l'action qui n'est présentée ne l'est pas dans une fin de récit, l'image n'est plus analytique, il ne s'agit plus de comprendre ce qui est montré, l'image enfin n'est plus symbolique puisque ce n'est plus ce qu'elle montre qu'il faut regarder mais le fait même de montrer. Cet usage pragmatique de l'image a déconcerté le public qui ne sait plus vraiment ce qu'il faut regarder ni comment dans ce qui est montré et prend conscience peu à peu que c'est la source et le médium lui-même qui est important et non ce qu'il pourvoit.
Le développement de l'accès à l'image par la télévision surtout et l'Internet ou la téléphonie mobile a permis l'emploi massif de l'image dans ce nouveau sens.
La guerre livrée depuis 2001 entre la coalition américaine et l'extrémisme utilise l'image comme arme de guerre en s'envoyant communiqués et vidéos comme autant de missiles visant à déstabiliser l'adversaire, le désorganiser et le décrédibiliser.
Cela se passe encore entre des camps et des factions bien déterminées et assez bien localisées, ce qui se rapproche d'un conflit classique qui d'ailleurs est mené en parallèle avec des conséquences beaucoup moins virtuelles.
Mais cet usage de l'image accompagné du développement de son exploitation fait qu'un glissement s'est opéré d'un usage belliciste classique entre des opposants clairement délimités vers une véritable guérilla de l'image.
L'Internet est arrivé maintenant à un stade de maturation tel qu'il devient un véritable fouillis où retrouver une information ou hiérarchiser des données devient presque impossible simplement parce que son usage est devenu si simple que chacun peut l'utiliser à sa guise. Cet apparent déclin de l'Internet par son manque de lisibilité et de contrôle est justement la marque d'un changement d'attitude et de comportement à son égard. Cela signifie qu'il échappe à une censure efficace et donc peut devenir un support de résistance justement du fait de la difficulté de le régir. À cela s'ajoute la facilité maintenant de fabriquer de l'image techniquement de qualité et de la diffuser avec une certaine fiabilité. Il devient extrêmement simple de créer un support média voire une chaîne de télévision sans un matériel très poussé ou onéreux. La maîtrise technique de ces outils également s'est démocratisée à un rythme foudroyant.
De sorte que lorsque des soldats arraisonnent une flottille humanitaire pour en bloquer l'avancée, ce n'est pas avec des carabines qu'ils sont accueillis mais avec des caméras. La caméra de vidéo est devenue une arme légère qui désamorce la violence directe entre deux combattants pour la déplacer sur le terrain des opinions ou peut-être du témoignage, invoquant une réponse de l'Histoire avant même un acte avec le paradoxe de ne plus agir réellement mais simplement virtuellement ou symboliquement.
Chacun armé d'une caméra et l'utilisant non plus pour monter l'action ou l'interaction entre deux personnes mais pour agir avec elle (le soldat tire sur le cameraman) dissout les deux camps comme des entités claires et distinctes pour faire de chacun un combattant potentiel pour une cause qu'il décide et non plus pour un groupe dont il est le simple soldat. L'image en ce sens devient celle d'une guérilla.
Cette nouvelle forme de conflit par l'image surprend par sa rapidité, sa malléabilité et sa réactivité. En temps direct elle peut arroser le monde entité d'une image qui est partisane car celle de l'un des belligérants, brute, sans explication aucune des causes ou du contexte, et générale sans cible aucune qu'un appel à l'extérieur (montrer sans chercher très bien à s'adresser à quelqu'un).
Cette image est par conséquent de mauvaise qualité tant dans sa technicité que dans sa construction et son propos, mais devient un acte communicationnel: peu importe ce qui est montré, l'important est de montrer.
Il est fort à parier que ce nouvel usage de l'image va entraîner une réaction vive et forte des monopoles classiques du pouvoir tant par une contre-utilisation par asphyxie, propagande et restriction des moyens de communication. Mais il est déjà trop tard.
Reste maintenant à comprendre et étudier cette nouvelle pratique de l'image en tant que pragmatique.
L'image n'y était plus utilisée simplement comme élément de propagande pour véhiculer un message idéologique, mais véritablement comme une arme asphyxiant littéralement l'adversaire et occultant l'information. L'image ne passait plus par le médium de la presse mais directement de la source combattante au public.
Cette utilisation de l'image la déconnecte de ses fonctions représentatives classiques: l'image n'est plus narrative car l'action qui n'est présentée ne l'est pas dans une fin de récit, l'image n'est plus analytique, il ne s'agit plus de comprendre ce qui est montré, l'image enfin n'est plus symbolique puisque ce n'est plus ce qu'elle montre qu'il faut regarder mais le fait même de montrer. Cet usage pragmatique de l'image a déconcerté le public qui ne sait plus vraiment ce qu'il faut regarder ni comment dans ce qui est montré et prend conscience peu à peu que c'est la source et le médium lui-même qui est important et non ce qu'il pourvoit.
Le développement de l'accès à l'image par la télévision surtout et l'Internet ou la téléphonie mobile a permis l'emploi massif de l'image dans ce nouveau sens.
La guerre livrée depuis 2001 entre la coalition américaine et l'extrémisme utilise l'image comme arme de guerre en s'envoyant communiqués et vidéos comme autant de missiles visant à déstabiliser l'adversaire, le désorganiser et le décrédibiliser.
Cela se passe encore entre des camps et des factions bien déterminées et assez bien localisées, ce qui se rapproche d'un conflit classique qui d'ailleurs est mené en parallèle avec des conséquences beaucoup moins virtuelles.
Mais cet usage de l'image accompagné du développement de son exploitation fait qu'un glissement s'est opéré d'un usage belliciste classique entre des opposants clairement délimités vers une véritable guérilla de l'image.
L'Internet est arrivé maintenant à un stade de maturation tel qu'il devient un véritable fouillis où retrouver une information ou hiérarchiser des données devient presque impossible simplement parce que son usage est devenu si simple que chacun peut l'utiliser à sa guise. Cet apparent déclin de l'Internet par son manque de lisibilité et de contrôle est justement la marque d'un changement d'attitude et de comportement à son égard. Cela signifie qu'il échappe à une censure efficace et donc peut devenir un support de résistance justement du fait de la difficulté de le régir. À cela s'ajoute la facilité maintenant de fabriquer de l'image techniquement de qualité et de la diffuser avec une certaine fiabilité. Il devient extrêmement simple de créer un support média voire une chaîne de télévision sans un matériel très poussé ou onéreux. La maîtrise technique de ces outils également s'est démocratisée à un rythme foudroyant.
De sorte que lorsque des soldats arraisonnent une flottille humanitaire pour en bloquer l'avancée, ce n'est pas avec des carabines qu'ils sont accueillis mais avec des caméras. La caméra de vidéo est devenue une arme légère qui désamorce la violence directe entre deux combattants pour la déplacer sur le terrain des opinions ou peut-être du témoignage, invoquant une réponse de l'Histoire avant même un acte avec le paradoxe de ne plus agir réellement mais simplement virtuellement ou symboliquement.
Chacun armé d'une caméra et l'utilisant non plus pour monter l'action ou l'interaction entre deux personnes mais pour agir avec elle (le soldat tire sur le cameraman) dissout les deux camps comme des entités claires et distinctes pour faire de chacun un combattant potentiel pour une cause qu'il décide et non plus pour un groupe dont il est le simple soldat. L'image en ce sens devient celle d'une guérilla.
Cette nouvelle forme de conflit par l'image surprend par sa rapidité, sa malléabilité et sa réactivité. En temps direct elle peut arroser le monde entité d'une image qui est partisane car celle de l'un des belligérants, brute, sans explication aucune des causes ou du contexte, et générale sans cible aucune qu'un appel à l'extérieur (montrer sans chercher très bien à s'adresser à quelqu'un).
Cette image est par conséquent de mauvaise qualité tant dans sa technicité que dans sa construction et son propos, mais devient un acte communicationnel: peu importe ce qui est montré, l'important est de montrer.
Il est fort à parier que ce nouvel usage de l'image va entraîner une réaction vive et forte des monopoles classiques du pouvoir tant par une contre-utilisation par asphyxie, propagande et restriction des moyens de communication. Mais il est déjà trop tard.
Reste maintenant à comprendre et étudier cette nouvelle pratique de l'image en tant que pragmatique.
mardi 18 mai 2010
Le dilemme de la captation.
Comment filmer le spectacle vivant?
Toute la question est dans la notion même de “captation" avec le paradoxe qu'elle soulève de vouloir figer un instant, pérenniser une performance. Le spectacle vivant, par définition est soumis aux aléas des circonstances de la représentation, ou, pour être exacte, de la présentation, car chaque jeu sur scène est différent de tout autre et chaque soir la pièce est créée ou recréée. Le spectacle vivant, parce qu'il est vivant s'écoule avec le temps: on ne peut jamais voir deux fois la même pièce.
La captation utilise un support qui permet de fixer l'instant de sorte qu'il puisse être présent au futur et donc jamais passé. Contrairement au spectacle vivant on voit toujours le même film. S'il diffère c'est ou bien que ce n'est pas le même (le montage a été modifié par exemple) ou bien cela est lié aux circonstances de projection (un DVD rayé ou un projecteur qui s'enraie) mais non au film lui-même.
Un film est abstrait, il découpe le temps pour le contraindre et saisir l'image des choses pour les rendre atemporelle. L'homme meurt, pas son image.
Comment concilier ces contraintes?
Deux options se dessinent: la première consiste à prendre le parti de l'instant et de filmer la performance sous forme de témoignage: ça s'est passé ainsi. L'idée sera donc de prendre en plan large la scène de manière à incorporer dans le cadre les circonstances particulière, en particulier le public. Les imperfections du jeu voire de la captation elle-même rendront le caractère fragile du spectacle vivant. Cependant cette méthode n'est pas à proprement parler une captation du spectacle, mais un témoignage de celui-ci. Ce n'est pas le spectacle que l'on montre mais une performance en prenant en compte les circonstances qui si elles sont importantes pour le spectacle ne sont pas pour autant incluses dedans.
Une seconde option, plus radicale, consiste à séparer complètement la performance de ses circonstances en jouant hors contexte la pièce, c'est-à-dire spécifiquement pour la caméra. L'éclairage n'est pas alors celui de la représentation publique mais adaptée aux nécessités de la caméra, et le jeu d'acteur lui-même est accommodé aux besoins du cadrage. Cette technique vise à adapter la représentation au film et de la transformer en théâtre-filmé. Cette méthode est proche de celle de l'enregistrement d'un morceau de musique pour le disque: on joue en studio ou en milieu adéquat pour la mise de son et d'image ici et étalonne le montage au tournage quitte à faire différente prise pour les meilleurs raccords. La spontanéité est perdue au profit de la qualité et ce qui est montré est en quelque chose la quintessence du spectacle ou sa représentation la plus abstraite au sens de la moins dépendante de toute contingence extérieure à la pièce elle-même. Si la qualité de la captation est indéniablement supérieure, l'essence du spectacle vivant est quelque peu perdue pour ne pas dire tout à fait ignorée. La question est alors de savoir pourquoi ne pas aller franchement plus loin en tirant un véritable film du spectacle. Quoi qu'il en soit il est difficile encore de parler de captation.
L'entre-deux est de tenir compte des circonstances tout en montrant que le spectacle ne se résume pas à elles et ne s'y réduit pas. L'idée est alors de filmer le spectacle à travers différentes représentations et de faire en montage de celles-ci. La fragilité du spectacle se retrouve dans le montage avec les différences de jeu et de circonstance. En montrant que la même pièce (mêmes acteurs, même texte...) peut se tenir dans différentes circonstances ou variations de celles-ci, il est possible de faire ressortir le noyau dur de la pièce, commun à chacune de ses présentations ou représentations.
C'est donc en forçant les contraintes du spectacle vivant et du film que l'on peut parvenir à un compromis qui, comme tout compromis ne garde pas nécessairement le meilleur de chacun, mais qui a au moins le mérite de proposer quelque chose de constructif.
Mais c'est parce qu'il reste une insatisfaction lorsqu'on adopte le point de vue de l'un ou de l'autre que la question ne peut être tranchée de manière définitive.
Toute la question est dans la notion même de “captation" avec le paradoxe qu'elle soulève de vouloir figer un instant, pérenniser une performance. Le spectacle vivant, par définition est soumis aux aléas des circonstances de la représentation, ou, pour être exacte, de la présentation, car chaque jeu sur scène est différent de tout autre et chaque soir la pièce est créée ou recréée. Le spectacle vivant, parce qu'il est vivant s'écoule avec le temps: on ne peut jamais voir deux fois la même pièce.
La captation utilise un support qui permet de fixer l'instant de sorte qu'il puisse être présent au futur et donc jamais passé. Contrairement au spectacle vivant on voit toujours le même film. S'il diffère c'est ou bien que ce n'est pas le même (le montage a été modifié par exemple) ou bien cela est lié aux circonstances de projection (un DVD rayé ou un projecteur qui s'enraie) mais non au film lui-même.
Un film est abstrait, il découpe le temps pour le contraindre et saisir l'image des choses pour les rendre atemporelle. L'homme meurt, pas son image.
Comment concilier ces contraintes?
Deux options se dessinent: la première consiste à prendre le parti de l'instant et de filmer la performance sous forme de témoignage: ça s'est passé ainsi. L'idée sera donc de prendre en plan large la scène de manière à incorporer dans le cadre les circonstances particulière, en particulier le public. Les imperfections du jeu voire de la captation elle-même rendront le caractère fragile du spectacle vivant. Cependant cette méthode n'est pas à proprement parler une captation du spectacle, mais un témoignage de celui-ci. Ce n'est pas le spectacle que l'on montre mais une performance en prenant en compte les circonstances qui si elles sont importantes pour le spectacle ne sont pas pour autant incluses dedans.
Une seconde option, plus radicale, consiste à séparer complètement la performance de ses circonstances en jouant hors contexte la pièce, c'est-à-dire spécifiquement pour la caméra. L'éclairage n'est pas alors celui de la représentation publique mais adaptée aux nécessités de la caméra, et le jeu d'acteur lui-même est accommodé aux besoins du cadrage. Cette technique vise à adapter la représentation au film et de la transformer en théâtre-filmé. Cette méthode est proche de celle de l'enregistrement d'un morceau de musique pour le disque: on joue en studio ou en milieu adéquat pour la mise de son et d'image ici et étalonne le montage au tournage quitte à faire différente prise pour les meilleurs raccords. La spontanéité est perdue au profit de la qualité et ce qui est montré est en quelque chose la quintessence du spectacle ou sa représentation la plus abstraite au sens de la moins dépendante de toute contingence extérieure à la pièce elle-même. Si la qualité de la captation est indéniablement supérieure, l'essence du spectacle vivant est quelque peu perdue pour ne pas dire tout à fait ignorée. La question est alors de savoir pourquoi ne pas aller franchement plus loin en tirant un véritable film du spectacle. Quoi qu'il en soit il est difficile encore de parler de captation.
L'entre-deux est de tenir compte des circonstances tout en montrant que le spectacle ne se résume pas à elles et ne s'y réduit pas. L'idée est alors de filmer le spectacle à travers différentes représentations et de faire en montage de celles-ci. La fragilité du spectacle se retrouve dans le montage avec les différences de jeu et de circonstance. En montrant que la même pièce (mêmes acteurs, même texte...) peut se tenir dans différentes circonstances ou variations de celles-ci, il est possible de faire ressortir le noyau dur de la pièce, commun à chacune de ses présentations ou représentations.
C'est donc en forçant les contraintes du spectacle vivant et du film que l'on peut parvenir à un compromis qui, comme tout compromis ne garde pas nécessairement le meilleur de chacun, mais qui a au moins le mérite de proposer quelque chose de constructif.
Mais c'est parce qu'il reste une insatisfaction lorsqu'on adopte le point de vue de l'un ou de l'autre que la question ne peut être tranchée de manière définitive.
mardi 20 avril 2010
La question du panoramique.
L'utilisation d'un matériel léger, d'une équipe restreinte et l'emploi d'une méthodologie non intrusive de tournage entraîne une qualité d'image inférieure à d'autres procédés. Il n'y a là aucun fatalisme et aucune cause de nécessité, c'est un simple constat.
Ne pas utiliser de trépied en toute circonstance augmente considérablement le risque d'une image flottante voire tremblante qui nuit à sa qualité perçue. Ne tourner qu'en “lumière directe" (comme en son direct) affecte également le grain ou la finesse de l'image et de son rendu. Une équipe restreinte à une seule et même personne accentue le côté bricolage du tournage et l'impossibilité de gérer l'ensemble des paramètres de manière aussi précise qu'avec une large équipe. Mais ces facteurs optimisent la discrétion, la réactivité et la spontanéité.
La qualité d'image en fait ne dépend pas tellement des moyens employés que de la manière de les employer. Évidemment cette remarque ne vaut que restreinte à un contexte particulier de production d'image, mais cela ne l'affecte en rien. Il est possible de faire de très bonne chose avec un matériel d'entrée de gamme et inversement rien de bon avec du haut de gamme. L'important est d'avoir un outil adapté à son usage.
L'une des difficultés que semble rencontrer la HD, surtout lorsqu'elle est utilisée sans pied, est le moirage dans les panoramiques. Le problème ne vient pas spécialement de la caméra, mais du manque d'unité dans le traitement de l'image entre le capteur lui-même et les diverses compressions aux différents stades de la production. Les sauts de pixels sont très désagréables et donnent de véritables migraines ophtalmiques. Cela peut-être réduit par un champ de course très lent mais cela ne fait que réduire le problème, ou bien de projeter en résolution supérieure au tournage ce qui se fait au détriment de la couleur.
Mais la question est peut-être ailleurs. Le panoramique est un procédé très particulier en soi car il est étranger à la vision normale humaine. Faites-en vous-mêmes l'expérience: combien de fois effectuez-vous dans une journée une vision panoramique? Si peu qu'il n'est pas faux de dire jamais. Lorsque nous déplaçons notre regard d'un point vers un autre soit nous le faisons de manière rapide en deux temps: point de départ/point d'arrivée avec un entre-deux durant lequel notre regard ne s'attache à rien et donc auquel nous ne portons pas attention, ce qui se traduit par une sorte de flou rapide plus sombre que les deux points d'encrage. Ou bien nous effectuons ce panoramique de manière beaucoup plus lente en atteignant le point d'arrivée par une succession de points intermédiaires sur lesquels se portent notre attention avec un changement de focale pour chacun de ces points. Mais jamais de panoramique sans point de départ ni d'arrivée ni de focus intermédiaires.
Le panoramique à donc deux raisons d'être: la première est d'aboutir à un point en partant d'un autre et par conséquent de montrer que l'un découle de l'autre comme un effet d'une cause. Ce procédé peut aisément être épuré et renforcé par un montage cut qui évite l'inconvénient du flou. Au pire par un fondu enchaîné mais qui complique un peu la compréhension de cette relation. La seconde raison d'être du panoramique est descriptive et montre une étendue composée d'éléments signifiants et de leurs rapports spatiaux. Il s'agit donc de montrer non pas un panoramique mais un panorama et en ce sens peut aisément et avantageusement être remplacé par une vue d'ensemble suffisamment longue pour que le regard du spectateur puisse l'explorer.
Ces deux procédés ont l'avantage de clarifier la lisibilité en évitant l'effet de moirage et de renforcer le mode de lecture analytique/descriptif avec pour seul inconvénient d'éviter tout effet superflu de caméra, ce qui n'est pas un défaut bien au contraire.
Si ces procédés ne sont pas possibles lors du tournage, en particulier s'il n'est pas possible de faire un plan d'ensemble par manque de recul, alors le panoramique peut éventuellement se justifier mais encore il serait préférable de le remplacer par une succession de point focal avec un montage approprié ou par un mouvement de caméra d'un point à un autre afin de mettre l'accent sur le mouvement du regard et non pas de la caméra, dans ces deux cas le trépied n'est pas nécessaire.
Cela implique que l'accent est toujours mis sur la lisibilité et la clarté et non pas sur quelconque prouesse de tournage ou de jeux superflus d'effets, je conçois donc que cela puisse d'avantage plaire à un tenant de l'image comme outils et non pas d'un cinéaste esthétisant. Les remarques qui précèdent doivent donc s'entendre dans ce cadre-là.
Ne pas utiliser de trépied en toute circonstance augmente considérablement le risque d'une image flottante voire tremblante qui nuit à sa qualité perçue. Ne tourner qu'en “lumière directe" (comme en son direct) affecte également le grain ou la finesse de l'image et de son rendu. Une équipe restreinte à une seule et même personne accentue le côté bricolage du tournage et l'impossibilité de gérer l'ensemble des paramètres de manière aussi précise qu'avec une large équipe. Mais ces facteurs optimisent la discrétion, la réactivité et la spontanéité.
La qualité d'image en fait ne dépend pas tellement des moyens employés que de la manière de les employer. Évidemment cette remarque ne vaut que restreinte à un contexte particulier de production d'image, mais cela ne l'affecte en rien. Il est possible de faire de très bonne chose avec un matériel d'entrée de gamme et inversement rien de bon avec du haut de gamme. L'important est d'avoir un outil adapté à son usage.
L'une des difficultés que semble rencontrer la HD, surtout lorsqu'elle est utilisée sans pied, est le moirage dans les panoramiques. Le problème ne vient pas spécialement de la caméra, mais du manque d'unité dans le traitement de l'image entre le capteur lui-même et les diverses compressions aux différents stades de la production. Les sauts de pixels sont très désagréables et donnent de véritables migraines ophtalmiques. Cela peut-être réduit par un champ de course très lent mais cela ne fait que réduire le problème, ou bien de projeter en résolution supérieure au tournage ce qui se fait au détriment de la couleur.
Mais la question est peut-être ailleurs. Le panoramique est un procédé très particulier en soi car il est étranger à la vision normale humaine. Faites-en vous-mêmes l'expérience: combien de fois effectuez-vous dans une journée une vision panoramique? Si peu qu'il n'est pas faux de dire jamais. Lorsque nous déplaçons notre regard d'un point vers un autre soit nous le faisons de manière rapide en deux temps: point de départ/point d'arrivée avec un entre-deux durant lequel notre regard ne s'attache à rien et donc auquel nous ne portons pas attention, ce qui se traduit par une sorte de flou rapide plus sombre que les deux points d'encrage. Ou bien nous effectuons ce panoramique de manière beaucoup plus lente en atteignant le point d'arrivée par une succession de points intermédiaires sur lesquels se portent notre attention avec un changement de focale pour chacun de ces points. Mais jamais de panoramique sans point de départ ni d'arrivée ni de focus intermédiaires.
Le panoramique à donc deux raisons d'être: la première est d'aboutir à un point en partant d'un autre et par conséquent de montrer que l'un découle de l'autre comme un effet d'une cause. Ce procédé peut aisément être épuré et renforcé par un montage cut qui évite l'inconvénient du flou. Au pire par un fondu enchaîné mais qui complique un peu la compréhension de cette relation. La seconde raison d'être du panoramique est descriptive et montre une étendue composée d'éléments signifiants et de leurs rapports spatiaux. Il s'agit donc de montrer non pas un panoramique mais un panorama et en ce sens peut aisément et avantageusement être remplacé par une vue d'ensemble suffisamment longue pour que le regard du spectateur puisse l'explorer.
Ces deux procédés ont l'avantage de clarifier la lisibilité en évitant l'effet de moirage et de renforcer le mode de lecture analytique/descriptif avec pour seul inconvénient d'éviter tout effet superflu de caméra, ce qui n'est pas un défaut bien au contraire.
Si ces procédés ne sont pas possibles lors du tournage, en particulier s'il n'est pas possible de faire un plan d'ensemble par manque de recul, alors le panoramique peut éventuellement se justifier mais encore il serait préférable de le remplacer par une succession de point focal avec un montage approprié ou par un mouvement de caméra d'un point à un autre afin de mettre l'accent sur le mouvement du regard et non pas de la caméra, dans ces deux cas le trépied n'est pas nécessaire.
Cela implique que l'accent est toujours mis sur la lisibilité et la clarté et non pas sur quelconque prouesse de tournage ou de jeux superflus d'effets, je conçois donc que cela puisse d'avantage plaire à un tenant de l'image comme outils et non pas d'un cinéaste esthétisant. Les remarques qui précèdent doivent donc s'entendre dans ce cadre-là.
samedi 17 avril 2010
Merci!
Merci à tous ceux présents lors de la projection à l'ETNA ce 16 avril 2010.
Un film ne vit que parce qu'il est vu.
Un film ne vit que parce qu'il est vu.
dimanche 11 avril 2010
"Il existe puisque nous le projetons"
> 16 avril 2010 > 21h > Sylvand > ETNA > 16 rue de la Corderie, 75003 Paris > entrée libre et gratuite
mardi 6 avril 2010
Analyse de vidéo: Carnage à Badgad
L'Homme à travers ses choix et ses actes.
Cette vidéo embarquée d'un hélicoptère de l'armée américaine en Iraq, montre ce que voient les soldats, les conséquences de leurs actes et enregistre les conversations et donc les actes et les choix qu'ils effectuent.
Il est difficile d'authentifier ce document si ce n'est en se basant sur les sources d'où il émane, à savoir Wikileaks qui semble fiable si l'on tient compte des foudres de Washington. Mais même si ce document n'était pas aussi authentique que ça, le fait qu'il passe pour tel est suffisant pour en tenir compte.
Ces images sont effroyables bien qu'elles sont moins “violentes" à l'écran que ce peuvent montrer des films de “fiction" sur le même sujet. Les cadrages sont différents simplement parce qu'ils ne sont pas prémédités et que l'action n'est pas écrite dans un script à disposition des protagonistes, mais suit l'intention même de l'un des participants, à savoir l'hélicoptère et le soldat qui film.
Ce point de vue est donc partiel et ne rend pas compte de l'ensemble de la situation (par exemple des échanges entre les protagonistes au sol, leurs intentions, le matériel exact qu'ils possèdent, etc.), mais cela ne change pas grand chose à la lecture qu'il est possible d'en faire concernant le point de vue des soldats embarqués et les choix qu'ils opèrent.
Les images en elles-mêmes ne sont pas suffisantes pour informer convenablement le spectateur. Une légende doit préciser le contexte: le lieu, l'époque, la situation avec les protagonistes. Cela se passe à Bagdad en 2007 depuis un hélicoptère américain. Mais ces données en soi sont contingentes. Très vite le spectateur identifie une ville avec une place, des véhicules, des êtres humains. Avec un peu d'entraînement, il remarquera que certains protagonistes montrés sont armés. Il remarque également que la caméra peut zoomer et faire des gros plans en détails dans la scène, ce qui permet par exemple de confirmer que l'un des protagonistes au moins est effectivement armé.
Cependant ces images ne sont pas suffisantes pour déterminer un apparaître de vue subjective. Ce n'est pas un sujet qui “voit" et dont nous suivrions sa perspective comme si nous étions assis dans son cerveau à regarder à travers ses globes oculaires puis qu'il manque justement l'intention du sujet: ce qu'il voit effectivement. Ces images sont celles que peut montrer la caméra embarquée aux soldats embarqués, ce sont des images “outils", brute, qu'il faut encore interpréter, ce que les soldats tentent de faire. Cette interprétation et donc par conséquent l'intention de l'interprète, donc du soldat, sont données par le commentaire qui n'est pas une voix-off mais bien un dialogue entre protagonistes présents au moment des images. Nous les entendons et avons accès aux mêmes informations qu'eux, du moins dans l'image: en somme, nous sommes embarqués avec eux, à leur côté. Par conséquent nos interprétations, nos choix valent au même titre que les leurs. Ainsi nous pouvons poser la question: “qu'auriez-vous fait, vous, dans la même situation?" (ou “que ferais-je?" si vous préférez le style plus direct).
Comme nous l'avons déjà dit, l'image en elle-même n'est pas suffisante pour comprendre le contexte dans son ensemble. Vous n'êtes peut-être pas soldat, vous ne connaissez peut-être pas l'Iraq. C'est pour cela que la question ne se pose pas en ces termes: la question n'est pas de savoir ce que vous feriez, vous, si vous étiez soldats américains en Iraq. Mais ce que vous, spectateur de cette vidéo, faites dans cette situation. Vous ne reconnaissez peut-être pas un “insurgé" (d'ailleurs parmi les victimes il y a des enfants et deux reporters de Reuters), mais des humains. Vous ne connaissez peut-être pas l'arme employée mais comprenez qu'elle est suffisante pour supprimer la vie de ces humains.
Les choix opérés par les soldats, en particulier celui de tirer à plusieurs reprises se base non pas sur une estimation de la situation mais sur l'interprétation de celle-ci et ici en particulier sur un sentiment à la fois de crainte, de peur, et de toute puissance. Les hommes au sol sont armés donc ils vont nous attaquer donc il faut leur tirer dessus pour les en empêcher. Ce syllogisme est faux et ne tient pas compte du fait que l'hélicoptère est hors d'atteinte de ce danger-là. La demande de confirmation du tir respecte peut-être la hiérarchie mais non la transmission des informations nécessaires à la confirmation et à la validation d'un choix: on demande l'autorisation de tirer et non le fait de confirmer un danger imminent. Cela se répète pour la camionnette: le tirer presse la confirmation pour ne pas perdre l'opportunité de presser la gâchette alors même que ce véhicule est un véhicule de presse et non pas d'insurgés.
Le soldat semble pourtant comprendre que cet enrayement de responsabilité pose problème: il n'est pas responsable de ses choix (il a bien obtenu l'autorisation de tirer) mais devient reste responsable de la cohérence de ceux-ci non pas vis-à-vis de la situation abstraite, mais de lui-même. Les réactions au carnage, les félicitations indiquent qu'il revendique ou regrette l'action mais pas le choix dont elle résulte.
Ce raisonnement est irrationnel. Au sens propre dans la mesure où il ne se base pas sur des raisons, ici par exemple la vérification des personnes et de leurs intentions, cela est également criant dans le cas de l'immeuble visé par les missiles. Mais également au sens de l'objection possible de la fugacité et de la rapidité à laquelle doit s'effectuer ce choix et ce passage à l'acte. Il n'a pas le temps de faire ces vérifications donc il est justifié à agir de la sorte. Non. Justement, pour éviter un passage à l'acte non rationnel, non maîtrisé ou non voulu, lorsque la délibération complète n'est pas possible, se met en place un processus d'urgence faisant appel à l'habitude et au conditionnement. C'est la différence en un soldat et un non-soldat. Peut-être qu'un non-soldat réagirait de la sorte parce que pris de panique. Or un soldat doit justement être entraîné pour réagir d'une certaine manière dans ce type même de situation. Soit les soldats n'ont pas régit suivant cette procédure et alors il s'agit d'une bavure condamnable et qui doit être condamnée. S'ils sont agit suivant la procédure adéquate alors c'est celle-ci qu'il faut revoir de manière urgente et profonde car elle est tout aussi condamnable et doit être condamnée puisque cet exemple montre bien qu'elle ne correspond pas à une procédure adéquate qui aurait mené à éliminer des “insurgés" mais pas des enfants et des reporters.
Maintenant revenons à votre point de vue: vous, dans ces circonstances, comment jugez-vous cette vidéo.
Les critères accessibles à mettre en œuvre sont ceux-là même dont vous disposés en tant qu'être humain capable de voir ce que montre cette vidéo, d'entendre les sons et les commentaires et d'agir de manière rationnelle. Il ne s'agit plus de soldats et d'Iraq donc mais d'Homme, de Choix et d'Action.
Que cela soit possible, que cela puisse être filmé et diffusé, montre l'importance de l'image comme outils pour comprendre les interprétations tant de la situation que de l'image, et surtout de celle-ci puisqu'elle permet ici la lecture de cette situation. Le problème est très simple, mais la considération de ces paramètres extrêmement complexe et compliquée. D'où l'importance et la nécessité de telles images et de telles interprétations.
Cette vidéo embarquée d'un hélicoptère de l'armée américaine en Iraq, montre ce que voient les soldats, les conséquences de leurs actes et enregistre les conversations et donc les actes et les choix qu'ils effectuent.
Il est difficile d'authentifier ce document si ce n'est en se basant sur les sources d'où il émane, à savoir Wikileaks qui semble fiable si l'on tient compte des foudres de Washington. Mais même si ce document n'était pas aussi authentique que ça, le fait qu'il passe pour tel est suffisant pour en tenir compte.
Ces images sont effroyables bien qu'elles sont moins “violentes" à l'écran que ce peuvent montrer des films de “fiction" sur le même sujet. Les cadrages sont différents simplement parce qu'ils ne sont pas prémédités et que l'action n'est pas écrite dans un script à disposition des protagonistes, mais suit l'intention même de l'un des participants, à savoir l'hélicoptère et le soldat qui film.
Ce point de vue est donc partiel et ne rend pas compte de l'ensemble de la situation (par exemple des échanges entre les protagonistes au sol, leurs intentions, le matériel exact qu'ils possèdent, etc.), mais cela ne change pas grand chose à la lecture qu'il est possible d'en faire concernant le point de vue des soldats embarqués et les choix qu'ils opèrent.
Les images en elles-mêmes ne sont pas suffisantes pour informer convenablement le spectateur. Une légende doit préciser le contexte: le lieu, l'époque, la situation avec les protagonistes. Cela se passe à Bagdad en 2007 depuis un hélicoptère américain. Mais ces données en soi sont contingentes. Très vite le spectateur identifie une ville avec une place, des véhicules, des êtres humains. Avec un peu d'entraînement, il remarquera que certains protagonistes montrés sont armés. Il remarque également que la caméra peut zoomer et faire des gros plans en détails dans la scène, ce qui permet par exemple de confirmer que l'un des protagonistes au moins est effectivement armé.
Cependant ces images ne sont pas suffisantes pour déterminer un apparaître de vue subjective. Ce n'est pas un sujet qui “voit" et dont nous suivrions sa perspective comme si nous étions assis dans son cerveau à regarder à travers ses globes oculaires puis qu'il manque justement l'intention du sujet: ce qu'il voit effectivement. Ces images sont celles que peut montrer la caméra embarquée aux soldats embarqués, ce sont des images “outils", brute, qu'il faut encore interpréter, ce que les soldats tentent de faire. Cette interprétation et donc par conséquent l'intention de l'interprète, donc du soldat, sont données par le commentaire qui n'est pas une voix-off mais bien un dialogue entre protagonistes présents au moment des images. Nous les entendons et avons accès aux mêmes informations qu'eux, du moins dans l'image: en somme, nous sommes embarqués avec eux, à leur côté. Par conséquent nos interprétations, nos choix valent au même titre que les leurs. Ainsi nous pouvons poser la question: “qu'auriez-vous fait, vous, dans la même situation?" (ou “que ferais-je?" si vous préférez le style plus direct).
Comme nous l'avons déjà dit, l'image en elle-même n'est pas suffisante pour comprendre le contexte dans son ensemble. Vous n'êtes peut-être pas soldat, vous ne connaissez peut-être pas l'Iraq. C'est pour cela que la question ne se pose pas en ces termes: la question n'est pas de savoir ce que vous feriez, vous, si vous étiez soldats américains en Iraq. Mais ce que vous, spectateur de cette vidéo, faites dans cette situation. Vous ne reconnaissez peut-être pas un “insurgé" (d'ailleurs parmi les victimes il y a des enfants et deux reporters de Reuters), mais des humains. Vous ne connaissez peut-être pas l'arme employée mais comprenez qu'elle est suffisante pour supprimer la vie de ces humains.
Les choix opérés par les soldats, en particulier celui de tirer à plusieurs reprises se base non pas sur une estimation de la situation mais sur l'interprétation de celle-ci et ici en particulier sur un sentiment à la fois de crainte, de peur, et de toute puissance. Les hommes au sol sont armés donc ils vont nous attaquer donc il faut leur tirer dessus pour les en empêcher. Ce syllogisme est faux et ne tient pas compte du fait que l'hélicoptère est hors d'atteinte de ce danger-là. La demande de confirmation du tir respecte peut-être la hiérarchie mais non la transmission des informations nécessaires à la confirmation et à la validation d'un choix: on demande l'autorisation de tirer et non le fait de confirmer un danger imminent. Cela se répète pour la camionnette: le tirer presse la confirmation pour ne pas perdre l'opportunité de presser la gâchette alors même que ce véhicule est un véhicule de presse et non pas d'insurgés.
Le soldat semble pourtant comprendre que cet enrayement de responsabilité pose problème: il n'est pas responsable de ses choix (il a bien obtenu l'autorisation de tirer) mais devient reste responsable de la cohérence de ceux-ci non pas vis-à-vis de la situation abstraite, mais de lui-même. Les réactions au carnage, les félicitations indiquent qu'il revendique ou regrette l'action mais pas le choix dont elle résulte.
Ce raisonnement est irrationnel. Au sens propre dans la mesure où il ne se base pas sur des raisons, ici par exemple la vérification des personnes et de leurs intentions, cela est également criant dans le cas de l'immeuble visé par les missiles. Mais également au sens de l'objection possible de la fugacité et de la rapidité à laquelle doit s'effectuer ce choix et ce passage à l'acte. Il n'a pas le temps de faire ces vérifications donc il est justifié à agir de la sorte. Non. Justement, pour éviter un passage à l'acte non rationnel, non maîtrisé ou non voulu, lorsque la délibération complète n'est pas possible, se met en place un processus d'urgence faisant appel à l'habitude et au conditionnement. C'est la différence en un soldat et un non-soldat. Peut-être qu'un non-soldat réagirait de la sorte parce que pris de panique. Or un soldat doit justement être entraîné pour réagir d'une certaine manière dans ce type même de situation. Soit les soldats n'ont pas régit suivant cette procédure et alors il s'agit d'une bavure condamnable et qui doit être condamnée. S'ils sont agit suivant la procédure adéquate alors c'est celle-ci qu'il faut revoir de manière urgente et profonde car elle est tout aussi condamnable et doit être condamnée puisque cet exemple montre bien qu'elle ne correspond pas à une procédure adéquate qui aurait mené à éliminer des “insurgés" mais pas des enfants et des reporters.
Maintenant revenons à votre point de vue: vous, dans ces circonstances, comment jugez-vous cette vidéo.
Les critères accessibles à mettre en œuvre sont ceux-là même dont vous disposés en tant qu'être humain capable de voir ce que montre cette vidéo, d'entendre les sons et les commentaires et d'agir de manière rationnelle. Il ne s'agit plus de soldats et d'Iraq donc mais d'Homme, de Choix et d'Action.
Que cela soit possible, que cela puisse être filmé et diffusé, montre l'importance de l'image comme outils pour comprendre les interprétations tant de la situation que de l'image, et surtout de celle-ci puisqu'elle permet ici la lecture de cette situation. Le problème est très simple, mais la considération de ces paramètres extrêmement complexe et compliquée. D'où l'importance et la nécessité de telles images et de telles interprétations.
mardi 16 mars 2010
Projection Sylvand à l'ETNA le 16 avril 2010

Projection Sylvand à l'ETNA, 16 rue de la Corderie, 75003 Paris, le 16 avril 2010 à 21h, Entrée libre et gratuite.
lundi 15 mars 2010
“Tropicale Amissa, le Gabon à vélo" teaser
Teaser du film “Tropicale Amissa, le Gabon à vélo", de Benjamin Sylvand, 2010.
vendredi 12 mars 2010
Gestion des facteurs humains.
Je reçois ce matin, dans ma boite aux lettres, un courrier de la Maison des Examens m'expliquant qu'à cause de la lourdeurs des rapports entre les différentes administrations, les changements dans les modalités et les outils, la difficulté de bouclé les budgets et la crise, ils n'ont toujours pas versé les sommes qui me reviennent pour les surveillances de juin 2009, nous sommes en mars 2010, qu'ils s'en excuse et que si je désire quand même être rémunéré je dois remplir deux dossiers avec des pièces à fournir et espéré qu'il y a ait un peu de place dans les traitements des épreuves de 2010.
Inutile de spécifier que c'est le quatrième type de dossier de ce genre que je remplis pour cette prestation.
Il faut au moins reconnaître que s'ils ne payent pas, au moins reconnaissent-ils qu'il le devrait, contrairement à d'autres administration.
que dois-je penser de ce courrier et comment dois-je le prendre?
Certes la crise touche tout le monde, à commencer par moi, et que boucler un budget est difficile et que sacrifier deux trois salaires permettrait un petit bol d'air, mais que je sache c'est une administration publique, donc payée par mes impôts aussi, et donc l'argent qu'elle ne me donne pas est de l'argent que je lui ai donné. À ce compte là, pourquoi encore payer des impôts si ce n'est pas pour les redistribuer mais pour mes perdre en paperasse, en temps et en administratifs peut enclin à répondre dans les délais qu'ils nous imposent eux-mêmes?
Dans les manuels de management que j'ai pu lire, rien de très sensé sur la manière de traiter les Hommes. À croire qu'ils ne lisent que Machiavel. Les meilleurs livres de gestion des ressources humaines et des facteurs humains que j'ai pu lire sont ceux des expéditions en milieu extrême. La règle d'or est toujours la même: prenez soin de vos Hommes. Prendre soin ne signifie donc pas de les prendre pour des cons.
Un Homme qui se sent respecté et à sa place fera toujours des sacrifices plus grands qu'il ne le ferait dans aucun autre état d'esprit. Cela passe par un enthousiasme à la tâche, des heures supplémentaires qu'il n'aurait même pas l'idée de facturer, des prises d'initiative ou de risque, ou simplement dire bonjour et arriver avec le sourire.
Prenez-le pour un con il vous le rendra bien, avec le différence est qu'il aura toujours moins à perdre que vous et tombera toujours de moins haut. Craignez toujours vos subalternes si vous ne pouvez les aimer. Aimez-le, simplement en les respectants, et vous en ferez vos meilleurs alliés.
Ne faites que des promesses que vous pourrez tenir ou qui ne vous engagent pas au risque d'engendrer de la rancœur, de la désillusion et de la démotivation.
Si l'esclavage est tombé au État Unis c'est aussi parce qu'ils ne voulaient plus travailler. La résistance passive a fait plus de tord que les émeutes et les révoltes. Elle vous sape sur votre propre terrain: celui de l'avidité, de la cupidité, en somme de la spéculation et du vent.
Craignez ceux que vous méprisez, ils vous détestent encore plus que vous.
L'Homme, voilà le prochain défi.
Inutile de spécifier que c'est le quatrième type de dossier de ce genre que je remplis pour cette prestation.
Il faut au moins reconnaître que s'ils ne payent pas, au moins reconnaissent-ils qu'il le devrait, contrairement à d'autres administration.
que dois-je penser de ce courrier et comment dois-je le prendre?
Certes la crise touche tout le monde, à commencer par moi, et que boucler un budget est difficile et que sacrifier deux trois salaires permettrait un petit bol d'air, mais que je sache c'est une administration publique, donc payée par mes impôts aussi, et donc l'argent qu'elle ne me donne pas est de l'argent que je lui ai donné. À ce compte là, pourquoi encore payer des impôts si ce n'est pas pour les redistribuer mais pour mes perdre en paperasse, en temps et en administratifs peut enclin à répondre dans les délais qu'ils nous imposent eux-mêmes?
Dans les manuels de management que j'ai pu lire, rien de très sensé sur la manière de traiter les Hommes. À croire qu'ils ne lisent que Machiavel. Les meilleurs livres de gestion des ressources humaines et des facteurs humains que j'ai pu lire sont ceux des expéditions en milieu extrême. La règle d'or est toujours la même: prenez soin de vos Hommes. Prendre soin ne signifie donc pas de les prendre pour des cons.
Un Homme qui se sent respecté et à sa place fera toujours des sacrifices plus grands qu'il ne le ferait dans aucun autre état d'esprit. Cela passe par un enthousiasme à la tâche, des heures supplémentaires qu'il n'aurait même pas l'idée de facturer, des prises d'initiative ou de risque, ou simplement dire bonjour et arriver avec le sourire.
Prenez-le pour un con il vous le rendra bien, avec le différence est qu'il aura toujours moins à perdre que vous et tombera toujours de moins haut. Craignez toujours vos subalternes si vous ne pouvez les aimer. Aimez-le, simplement en les respectants, et vous en ferez vos meilleurs alliés.
Ne faites que des promesses que vous pourrez tenir ou qui ne vous engagent pas au risque d'engendrer de la rancœur, de la désillusion et de la démotivation.
Si l'esclavage est tombé au État Unis c'est aussi parce qu'ils ne voulaient plus travailler. La résistance passive a fait plus de tord que les émeutes et les révoltes. Elle vous sape sur votre propre terrain: celui de l'avidité, de la cupidité, en somme de la spéculation et du vent.
Craignez ceux que vous méprisez, ils vous détestent encore plus que vous.
L'Homme, voilà le prochain défi.
DVD François Sylvand
Le DVD du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" est maintenant disponible.
Vous pouvez vous le procurer à l'exposition à l'Espace des Allobroges à Cluses (74) du 18 au 31 mars 2010 ou bien sur le sur le site de la Real-Fiction.
lundi 8 mars 2010
Expo François Sylvand, Cluses 18>31 mars 2010

Exposition François Sylvand à Cluses (74), Espace des Allobroges, du 18 au 31 mars 2010. Entrée libre et gratuite.
Le film y sera présenté et accessible en DVD.
lundi 22 février 2010
DVD “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" disponible début mars!

Le DVD du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" sera disponible début mars pour l'exposition de Cluses.
Il comprend:
• le film: 55 minutes en version française
• une visite de l'exposition de Belley
• une interview du peintre à propos du film
• un livret avec les textes du film
Il sera en vente à l'exposition de Cluses, à l'atelier du peintre et sur le site de la Real-fiction.com au prix de 22€.
Les limites de la pensée: au sujet de l'information collaborative.
La liberté d'expression est un droit qui ne devrait jamais être remis en cause et il s'en faut de peut pour que ce soit un devoir.
Les évolutions des technologies de la communication ont fait exploser les possibilités d'expression: qui maintenant ne peut téléphone, envoyer un courrier électronique, écrit un billet sur un blog ou simplement prendre une photo ou une vidéo? Ces actes si compliqués il y a encore peu se sont démocratisé au point que n'importe qui n'importe où peut s'exprimer en s'adressant au monde entier en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ou plutôt le penser.
Les médias se sont rués sur cette aubaine. Aveuglé par cette utopie d'une démocratie participative ou d'une information embarquée, elle jubile d'être au cœur même de l'événement alors même qu'il se produit. Il est vrai que de dire qu'un athlète est mort à l'entrainement sur une piste de bobsleigh est devenu "has been" alors qu'il y a forcément une caméra ou un téléphone portable qui peut le montrer. À quoi bon dépêcher des équipes spécialisées lorsqu'il suffit d'arpenter des sites communautaires pour télécharger des vidéos amateurs (le seul qualificatif devant certainement permettre de ne pas soulever la question des droits), quand bien même celles-ci ne correspondraient pas aux faits.
Parce que le bât est justement là. Cet aveuglement commence par le fait de ne pas se poser les questions nécessaires. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit quelque chose que ce qu'il dit correspond à quoi que ce soit. Le travail journalistique doit respecter une éthique et un protocole qui ne lui permet peut-être pas de dégainer le premier, mais de viser juste. Le scoop à quelque peu éclipsé la véracité des faits et des propos. L'idée semble bien maintenant de trier le premier quoi qu'il arrive que de dire quelque chose de vrai ou de consistant. Si seulement en plus les conséquences étaient assumées, mais c'est une autre question.
Ensuite, la simple possibilité de s'exprimer n'est pas suffisante pour s'exprimer: encore faut-il avoir quelque chose à raconter. Le blog et les sites d'information collaboratif regorgent d'opinions dans le meilleur des cas, de billevesées plus ou moins nauséabondes dans la plus part, vendues comme de l'information. Mais le pire n'est pas encore là, le pire vient des commentateurs, le plus souvent anonymes, qui critiquent en vilipendant cette information non pas pour la corriger ou en déplorer l'inconsistance, mais pour l'abreuver d'opinions divergentes toutes aussi mal pesées.
Au rythme où vont les choses les médias se prennent les pieds dans le tapis et se mettent à faire de même et cette opinion de chacun pollue ainsi tous les secteurs de la vie commune jusqu'à la politique qui se limite maintenant à des disputes enfantines.
La pensée demande de la raison et la raison demande des arguments, des faits, des réflexions, des preuves, donc du temps. Ne serait-ce quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures, mais c'est déjà trop long semble-t-il à qui n'attend pas de l'information, des faits mais du sensationnel et quelque chose pour se distraire de l'ennui terrible de l'écran blanc que lui laisse son dernier téléphone 3G.
Ce qu'exige la consistance c'est une structure: que les éléments mis ensembles ne permettent pas de dériver des contradictions. Cela demande un peu de temps, beaucoup d'observation et de la finesse dans le raisonnement.
Ce que la démocratie participative avait oublié c'est que la démocratie ne peut se contenter du sentiment du peuple ou d’opinions individuelles. Les entendre et les prendre en compte, pourquoi pas, mais cela ne battit pas une politique et encore moins une démocratie.
Ce que la presse semble oublier c'est que l'information ne se fait pas avec des opinions ou des croyances, ni même des faits, mais des explications, des compréhensions, des mises en perspectives, des analyses de faits.
À tirer tout azimut tout se brouille et la pensée s'y perd.
Les évolutions des technologies de la communication ont fait exploser les possibilités d'expression: qui maintenant ne peut téléphone, envoyer un courrier électronique, écrit un billet sur un blog ou simplement prendre une photo ou une vidéo? Ces actes si compliqués il y a encore peu se sont démocratisé au point que n'importe qui n'importe où peut s'exprimer en s'adressant au monde entier en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ou plutôt le penser.
Les médias se sont rués sur cette aubaine. Aveuglé par cette utopie d'une démocratie participative ou d'une information embarquée, elle jubile d'être au cœur même de l'événement alors même qu'il se produit. Il est vrai que de dire qu'un athlète est mort à l'entrainement sur une piste de bobsleigh est devenu "has been" alors qu'il y a forcément une caméra ou un téléphone portable qui peut le montrer. À quoi bon dépêcher des équipes spécialisées lorsqu'il suffit d'arpenter des sites communautaires pour télécharger des vidéos amateurs (le seul qualificatif devant certainement permettre de ne pas soulever la question des droits), quand bien même celles-ci ne correspondraient pas aux faits.
Parce que le bât est justement là. Cet aveuglement commence par le fait de ne pas se poser les questions nécessaires. Ce n'est pas parce que quelqu'un dit quelque chose que ce qu'il dit correspond à quoi que ce soit. Le travail journalistique doit respecter une éthique et un protocole qui ne lui permet peut-être pas de dégainer le premier, mais de viser juste. Le scoop à quelque peu éclipsé la véracité des faits et des propos. L'idée semble bien maintenant de trier le premier quoi qu'il arrive que de dire quelque chose de vrai ou de consistant. Si seulement en plus les conséquences étaient assumées, mais c'est une autre question.
Ensuite, la simple possibilité de s'exprimer n'est pas suffisante pour s'exprimer: encore faut-il avoir quelque chose à raconter. Le blog et les sites d'information collaboratif regorgent d'opinions dans le meilleur des cas, de billevesées plus ou moins nauséabondes dans la plus part, vendues comme de l'information. Mais le pire n'est pas encore là, le pire vient des commentateurs, le plus souvent anonymes, qui critiquent en vilipendant cette information non pas pour la corriger ou en déplorer l'inconsistance, mais pour l'abreuver d'opinions divergentes toutes aussi mal pesées.
Au rythme où vont les choses les médias se prennent les pieds dans le tapis et se mettent à faire de même et cette opinion de chacun pollue ainsi tous les secteurs de la vie commune jusqu'à la politique qui se limite maintenant à des disputes enfantines.
La pensée demande de la raison et la raison demande des arguments, des faits, des réflexions, des preuves, donc du temps. Ne serait-ce quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures, mais c'est déjà trop long semble-t-il à qui n'attend pas de l'information, des faits mais du sensationnel et quelque chose pour se distraire de l'ennui terrible de l'écran blanc que lui laisse son dernier téléphone 3G.
Ce qu'exige la consistance c'est une structure: que les éléments mis ensembles ne permettent pas de dériver des contradictions. Cela demande un peu de temps, beaucoup d'observation et de la finesse dans le raisonnement.
Ce que la démocratie participative avait oublié c'est que la démocratie ne peut se contenter du sentiment du peuple ou d’opinions individuelles. Les entendre et les prendre en compte, pourquoi pas, mais cela ne battit pas une politique et encore moins une démocratie.
Ce que la presse semble oublier c'est que l'information ne se fait pas avec des opinions ou des croyances, ni même des faits, mais des explications, des compréhensions, des mises en perspectives, des analyses de faits.
À tirer tout azimut tout se brouille et la pensée s'y perd.
vendredi 19 février 2010
La question du stress.
Le stress revient sur le devant de la scène (site du ministère du travail). C'est une arme classique et communément utilisée pour affranchir un subordonné et marquer son autorité, pour ne pas dire son emprise dessus.
La faute incombe évidemment au supérieur. L'usage du stress est une marque de faiblesse, une incapacité à structurer une situation, y faire face et par conséquent d'établir une stratégie efficace et concertée (passant donc par le dialogue et l'échange d'arguments rationnels). Si les subordonnés sont stressés alors les dirigeants le sont également et donc tous subissent les circonstances au lieu d'y participer pleinement. C'est un constat, presque une lapalissade.
Il est facile de trouver des exemples autour de soi. L'état de stress des étudiants dans l'école où j'enseigne est assez important voire préoccupant dans certain cas. Cela se manifeste par de la désorganisation dans le travail (absence, non-rendu), par des troubles du comportement (fatigue, excitation, boulimie) voire plus grave par des troubles psychologiques ou physiologiques (angoisse, insomnie, démangeaisons cutanées, etc.)
Le temps de travail est un facteur important: trop lourd et mal structuré il favorise une fatigue latente très difficile à récupérer et qui finalement use les organismes comme les esprits. Après deux ans d'études les étudiants semblent avoir vieilli de cinq. Les rythmes de travail donc mais aussi les quantités. Avoir 8 heures de cours dans une journée est une chose, avoir 5 heures de travail ensuite en est une autre. 12 heures de travail et d'attention est beaucoup, trop, pour un être humain normalement constitué pris dans des obligations sociales qui plus est.
L'équipe d'encadrement porte également une part de responsabilité, notamment par un manque de coordination ou de visibilité d'ensemble. Voir les étudiant deux heures par semaine ne signifie pas qu'ils ne travaillent que deux heures par semaine (l'inverse est vrai, ce n'est pas parce qu'un prof enseigne deux heures qu'il ne travaille que deux heures). Plus de coordination donc (les cahiers de classe doivent avoir, je présume, cette volonté sans qu'elle fonctionne dans la pratique). Plus de visibilité également. Je suis frappé de constater combien d'étudiants ne savent pas pourquoi ils étudient, à long ou moyen terme, mais également et surtout à court terme. Ils ne perçoivent pas de finalité ou de direction dans ce qu'on leur enseigne et donc perdre facilement le fils, donc l'attention, donc la concentration, donc la capacité à travailler, donc finissent par décrocher. Mais si dans l'absolue chacun devrait être mettre de son destin comme un capitaine de son navire et donc devrait être en mesure de répondre seul à ces interrogations, dans la pratique les choses ne marchent pas ainsi. Il incombe donc au capitaine de rameuter ses troupes de temps à autre et de leur donner des directives claires et motivantes pour mener à bien l'opération qu'il a planifiée. Cela implique donc que la planification n'est pas la direction, les directives ou les motivations, évidemment. Un chef de guerre ne dévoile jamais ses plans même à ses propres troupes, mais il leur donne des objectifs qui permettront de les réaliser, cela va s'en dire.
Donc l'enseignant, dans ce cas précis, doit expliquer quels sont les objectifs, où les étudiants vont être conduits et pourquoi. Faites l'expérience et vous verrez le changement radical dans le comportement de la classe et des élèves individuellement: tout devient calme et sérénité, et le travail s'en ressent grandement.
Si les dirigeants ont leur responsabilité, les subordonnés également. La Boétie, dans son discours De la servitude volontaire insistait déjà sur la propension des subordonnés à se croire affranchis de toute responsabilité et finalement d'être passif. Un être humain privé de sa responsabilité est ou bien un esclave ou bien un fou (pour faire vite). L'esclave n'a pas son mot à dire et guère plus de droits, en particulier celui de se plaindre de sa situation. Idem pour le fou. Si donc les subordonnés veulent plaindre du traitement qui leur est réservé, libre à eux, mais qu'ils endossent les responsabilités qui leur incombent. Ils peuvent signaler les dysfonctionnements, les dérèglements, les inconsistances ou incongruités du système dont ils font partis. Ils peuvent éventuellement proposer des aménagements ou des améliorations ou demander des compensations. Mais surtout ils doivent être en mesure de se positionner eux, en tant qu'être humain raisonnable pourvu de droits et de possibilités. Ils doivent se demander quelle part de responsabilité ils veulent et peuvent assumer dans le système et quel rôle ils veulent tenir dans celui-ci. Plus humainement encore ils peuvent se prémunir contre ces pressions extérieures en connaissant leurs intentions, leurs projets personnels, leurs capacités et leurs limites. Ils doivent, parce qu'ils le peuvent, endosser toutes leurs responsabilités en tant qu'humain rationnel. Ils peuvent résister au stress simplement en ne tenant pas compte de directives inconsistantes sachant pleinement qu'elles seront mises à mal par leur simple formulation. De l'insubordination? Non, de la rationalité. Une critique n'en est pas une si elle n'est pas consistante et constructive, donc si elle ne répond pas à ces critères minimums de rationalité pourquoi devrait-on en tenir compte? Utopique? Non dans la mesure où ces directives ne sont pas données un pistolet sur la tempe (ce qui tend à priver la faculté de choix et de responsabilité et donc à ramener au statut d'esclave). Demander des raisons n'est certes pas toujours chose simple mais elle est rationnelle et raisonnable, plus, bien plus, que de se plier à des directives floues ou absurdes. Là encore, faites l'expérience: demandez des explications lorsqu'une directive ne vous paraît pas rationnelle. Plus qu'une engueulade c'est une déstabilisation qui se constate chez votre interlocuteur, parce que s'il est rationnel il sait parfaitement que sa demande est absurde, sinon il va s'en apercevoir à votre remarque ou bien encore ne pas comprendre de quoi il s'agit et son propre stress va apparaître au grand jour, ses faiblesses avec.
La raison est moins pénible ou aride qu'il n'y parait, et finalement est l'état le moins stressant dans lequel vivre, simplement parce que le stress n'y a pas sa place, pas de rôle à jouer.
Cela implique de se connaître soi-même, ce qui est un véritable travail en soi plus difficile que ne le pensent ceux qui n'ont jamais voulu y songer sérieusement. Mais c'est aussi quelque chose qui doit s'apprendre et donc s'enseigner. L'école est aussi là pour cela. Cela implique évidemment que l'enseignant lui-même ne soi pas stresser.
Le stress est donc véritablement un obstacle sérieux, mais les mesures pour y remédier ne peuvent venir d'en haut (ni plus d'en bas d'ailleurs) mais est un équilibre entre ce qu'en anthropologie Leroi-Gourhan appelle le “milieu interne" et le “milieu externe": entre l'espace cognitif de l'individu et l'environnement dans lequel il évolue. C'est un véritable programme existentiel, mais rien d'autre en fait que de vivre comme un être humain.
La faute incombe évidemment au supérieur. L'usage du stress est une marque de faiblesse, une incapacité à structurer une situation, y faire face et par conséquent d'établir une stratégie efficace et concertée (passant donc par le dialogue et l'échange d'arguments rationnels). Si les subordonnés sont stressés alors les dirigeants le sont également et donc tous subissent les circonstances au lieu d'y participer pleinement. C'est un constat, presque une lapalissade.
Il est facile de trouver des exemples autour de soi. L'état de stress des étudiants dans l'école où j'enseigne est assez important voire préoccupant dans certain cas. Cela se manifeste par de la désorganisation dans le travail (absence, non-rendu), par des troubles du comportement (fatigue, excitation, boulimie) voire plus grave par des troubles psychologiques ou physiologiques (angoisse, insomnie, démangeaisons cutanées, etc.)
Le temps de travail est un facteur important: trop lourd et mal structuré il favorise une fatigue latente très difficile à récupérer et qui finalement use les organismes comme les esprits. Après deux ans d'études les étudiants semblent avoir vieilli de cinq. Les rythmes de travail donc mais aussi les quantités. Avoir 8 heures de cours dans une journée est une chose, avoir 5 heures de travail ensuite en est une autre. 12 heures de travail et d'attention est beaucoup, trop, pour un être humain normalement constitué pris dans des obligations sociales qui plus est.
L'équipe d'encadrement porte également une part de responsabilité, notamment par un manque de coordination ou de visibilité d'ensemble. Voir les étudiant deux heures par semaine ne signifie pas qu'ils ne travaillent que deux heures par semaine (l'inverse est vrai, ce n'est pas parce qu'un prof enseigne deux heures qu'il ne travaille que deux heures). Plus de coordination donc (les cahiers de classe doivent avoir, je présume, cette volonté sans qu'elle fonctionne dans la pratique). Plus de visibilité également. Je suis frappé de constater combien d'étudiants ne savent pas pourquoi ils étudient, à long ou moyen terme, mais également et surtout à court terme. Ils ne perçoivent pas de finalité ou de direction dans ce qu'on leur enseigne et donc perdre facilement le fils, donc l'attention, donc la concentration, donc la capacité à travailler, donc finissent par décrocher. Mais si dans l'absolue chacun devrait être mettre de son destin comme un capitaine de son navire et donc devrait être en mesure de répondre seul à ces interrogations, dans la pratique les choses ne marchent pas ainsi. Il incombe donc au capitaine de rameuter ses troupes de temps à autre et de leur donner des directives claires et motivantes pour mener à bien l'opération qu'il a planifiée. Cela implique donc que la planification n'est pas la direction, les directives ou les motivations, évidemment. Un chef de guerre ne dévoile jamais ses plans même à ses propres troupes, mais il leur donne des objectifs qui permettront de les réaliser, cela va s'en dire.
Donc l'enseignant, dans ce cas précis, doit expliquer quels sont les objectifs, où les étudiants vont être conduits et pourquoi. Faites l'expérience et vous verrez le changement radical dans le comportement de la classe et des élèves individuellement: tout devient calme et sérénité, et le travail s'en ressent grandement.
Si les dirigeants ont leur responsabilité, les subordonnés également. La Boétie, dans son discours De la servitude volontaire insistait déjà sur la propension des subordonnés à se croire affranchis de toute responsabilité et finalement d'être passif. Un être humain privé de sa responsabilité est ou bien un esclave ou bien un fou (pour faire vite). L'esclave n'a pas son mot à dire et guère plus de droits, en particulier celui de se plaindre de sa situation. Idem pour le fou. Si donc les subordonnés veulent plaindre du traitement qui leur est réservé, libre à eux, mais qu'ils endossent les responsabilités qui leur incombent. Ils peuvent signaler les dysfonctionnements, les dérèglements, les inconsistances ou incongruités du système dont ils font partis. Ils peuvent éventuellement proposer des aménagements ou des améliorations ou demander des compensations. Mais surtout ils doivent être en mesure de se positionner eux, en tant qu'être humain raisonnable pourvu de droits et de possibilités. Ils doivent se demander quelle part de responsabilité ils veulent et peuvent assumer dans le système et quel rôle ils veulent tenir dans celui-ci. Plus humainement encore ils peuvent se prémunir contre ces pressions extérieures en connaissant leurs intentions, leurs projets personnels, leurs capacités et leurs limites. Ils doivent, parce qu'ils le peuvent, endosser toutes leurs responsabilités en tant qu'humain rationnel. Ils peuvent résister au stress simplement en ne tenant pas compte de directives inconsistantes sachant pleinement qu'elles seront mises à mal par leur simple formulation. De l'insubordination? Non, de la rationalité. Une critique n'en est pas une si elle n'est pas consistante et constructive, donc si elle ne répond pas à ces critères minimums de rationalité pourquoi devrait-on en tenir compte? Utopique? Non dans la mesure où ces directives ne sont pas données un pistolet sur la tempe (ce qui tend à priver la faculté de choix et de responsabilité et donc à ramener au statut d'esclave). Demander des raisons n'est certes pas toujours chose simple mais elle est rationnelle et raisonnable, plus, bien plus, que de se plier à des directives floues ou absurdes. Là encore, faites l'expérience: demandez des explications lorsqu'une directive ne vous paraît pas rationnelle. Plus qu'une engueulade c'est une déstabilisation qui se constate chez votre interlocuteur, parce que s'il est rationnel il sait parfaitement que sa demande est absurde, sinon il va s'en apercevoir à votre remarque ou bien encore ne pas comprendre de quoi il s'agit et son propre stress va apparaître au grand jour, ses faiblesses avec.
La raison est moins pénible ou aride qu'il n'y parait, et finalement est l'état le moins stressant dans lequel vivre, simplement parce que le stress n'y a pas sa place, pas de rôle à jouer.
Cela implique de se connaître soi-même, ce qui est un véritable travail en soi plus difficile que ne le pensent ceux qui n'ont jamais voulu y songer sérieusement. Mais c'est aussi quelque chose qui doit s'apprendre et donc s'enseigner. L'école est aussi là pour cela. Cela implique évidemment que l'enseignant lui-même ne soi pas stresser.
Le stress est donc véritablement un obstacle sérieux, mais les mesures pour y remédier ne peuvent venir d'en haut (ni plus d'en bas d'ailleurs) mais est un équilibre entre ce qu'en anthropologie Leroi-Gourhan appelle le “milieu interne" et le “milieu externe": entre l'espace cognitif de l'individu et l'environnement dans lequel il évolue. C'est un véritable programme existentiel, mais rien d'autre en fait que de vivre comme un être humain.
mercredi 17 février 2010
L'éducation a-t-elle un coût?
Étrange de poser la question alors qu'on enseigne dans une école privée, certes, mais ce n'est pas le sens premier que je voudrais soulever.
Si je pose la question c'est que de temps à autre je me demande pourquoi j'enseigne. J'aime l'enseignement. Bizarre de dire cela comme ça mais c'est vrai. Je le sais parce que je ne peux m'empêcher d'enseigner, ne pas enseigner me manque. J'aime enseigner aussi dans des structures peu conventionnelles ou moins conventionnelles que l'Éducation Nationale. Peut-être est-ce par souvenir de ma scolarité ou bien par crainte de passer ou de rater les concours. Peut-être. Je crois surtout que c'est la liberté de programme et de contraintes administratives que j'aime le plus, cela donne plus de temps à consacrer aux étudiants et plus de sens à l'engagement aussi.
Il n'y a pas de cours pour apprendre à enseigner. Au début, au premier cours, on est parachuter de l'autre côté du bureau et il faut se lancer. Ce n'est pas évident. La peur nous taraude le ventre, une peur un peu confuse, la peur du regard des autres, des collègues, des anciens professeurs, des étudiants, la peur de ne pas savoir, la peur de ne pas faire face, juste la peur. Peu à peu ce sentiment disparaît. Le trac reste bien sûr, mais moins de peur. Le métier entre, nos habitudes aussi. Le petit rituel avant le cours pour se mettre en condition. Bien sûr reste le sentiment amer de honte après un mauvais cours quand on n'est pas dans son assiette, fatigué, que finalement le cours que l'on croyait avoir suffisamment préparé.
À force l'étudiant devient plus clair, plus compréhensible, son comportement et ses réactions plus lisibles et il devient plus facile d'y faire face. Au début toute entorse à la discipline est un affront difficile à digérer. Peu à peu on comprend qu'en fait le contenu est secondaire. Bien sûr qu'il est nécessaire est important, mais que ces accrocs ne sont pas des manques de respects mais plutôt des failles dans l'édifice de la compréhension: l'apprentissage passe avant le savoir. Apprendre à savoir avant de savoir quoique ce soit. Alors la perspective change et l'on comprend que la matière n'est pas un bloc à pousser entre le bureau et les étudiants, mais qu'il faut véritablement les y amener, la faire vivre, naître ou renaître devant eux comme un tour de magie toujours aussi fascinant pour qui le découvre. Donner envie, donner envie, donner envie. Convaincre que la motivation est le bon côté de la force. Rassurer, rassurer, rassurer. Ensuite, le savoir ils vont le chercher tout seul d'eux-mêmes pour peu qu'on en ait baliser le chemin.
Convaincre et rassurer. On n'est pas un psychologue quand même! Et pourtant c'est bien là la clé du mystère. Un étudiant ça s'amadoue, ça s'apprivoise, et dès qu'il est en confiance alors il peut accepter de prendre le risque de découvrir. Les Christophe Colomb ne sont pas monnaie courante et qui irait de lui-même se jeter dans l'inconnu, délaisser son savoir pour le remettre en question ou en endosser un autre? Apprendre n'est pas évident, ils nous le rappellent, on l'avait oublié.
Le métier s'acquiert sur le tas, ce qui ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas s'apprendre. D'ailleurs, avec le recul, on l'a bien appris, par mimétisme de professeurs qui nous ont marqués et fascinés. Volontairement ou non c'est bien à eux que l'on essaie de ressembler, c'est bien notre propre émerveillement que l'on cherche à susciter chez nos étudiants. C'est éprouvant et difficile et ça ne marche pas tout le temps, pour ne pas dire pas beaucoup en fait, s'il fallait être réaliste.
Mais un rien sur ce parcours est un succès incommensurable. Une question sincèrement curieuse est un Grall. Un saut de sourcil d'un point compris est un feu d'artifice qui redonne sens à cette vocation dont on vient parfois à douter. Et ça n'a pas de prix. D'un côté comme de l'autre du bureau.
Si je pose la question c'est que de temps à autre je me demande pourquoi j'enseigne. J'aime l'enseignement. Bizarre de dire cela comme ça mais c'est vrai. Je le sais parce que je ne peux m'empêcher d'enseigner, ne pas enseigner me manque. J'aime enseigner aussi dans des structures peu conventionnelles ou moins conventionnelles que l'Éducation Nationale. Peut-être est-ce par souvenir de ma scolarité ou bien par crainte de passer ou de rater les concours. Peut-être. Je crois surtout que c'est la liberté de programme et de contraintes administratives que j'aime le plus, cela donne plus de temps à consacrer aux étudiants et plus de sens à l'engagement aussi.
Il n'y a pas de cours pour apprendre à enseigner. Au début, au premier cours, on est parachuter de l'autre côté du bureau et il faut se lancer. Ce n'est pas évident. La peur nous taraude le ventre, une peur un peu confuse, la peur du regard des autres, des collègues, des anciens professeurs, des étudiants, la peur de ne pas savoir, la peur de ne pas faire face, juste la peur. Peu à peu ce sentiment disparaît. Le trac reste bien sûr, mais moins de peur. Le métier entre, nos habitudes aussi. Le petit rituel avant le cours pour se mettre en condition. Bien sûr reste le sentiment amer de honte après un mauvais cours quand on n'est pas dans son assiette, fatigué, que finalement le cours que l'on croyait avoir suffisamment préparé.
À force l'étudiant devient plus clair, plus compréhensible, son comportement et ses réactions plus lisibles et il devient plus facile d'y faire face. Au début toute entorse à la discipline est un affront difficile à digérer. Peu à peu on comprend qu'en fait le contenu est secondaire. Bien sûr qu'il est nécessaire est important, mais que ces accrocs ne sont pas des manques de respects mais plutôt des failles dans l'édifice de la compréhension: l'apprentissage passe avant le savoir. Apprendre à savoir avant de savoir quoique ce soit. Alors la perspective change et l'on comprend que la matière n'est pas un bloc à pousser entre le bureau et les étudiants, mais qu'il faut véritablement les y amener, la faire vivre, naître ou renaître devant eux comme un tour de magie toujours aussi fascinant pour qui le découvre. Donner envie, donner envie, donner envie. Convaincre que la motivation est le bon côté de la force. Rassurer, rassurer, rassurer. Ensuite, le savoir ils vont le chercher tout seul d'eux-mêmes pour peu qu'on en ait baliser le chemin.
Convaincre et rassurer. On n'est pas un psychologue quand même! Et pourtant c'est bien là la clé du mystère. Un étudiant ça s'amadoue, ça s'apprivoise, et dès qu'il est en confiance alors il peut accepter de prendre le risque de découvrir. Les Christophe Colomb ne sont pas monnaie courante et qui irait de lui-même se jeter dans l'inconnu, délaisser son savoir pour le remettre en question ou en endosser un autre? Apprendre n'est pas évident, ils nous le rappellent, on l'avait oublié.
Le métier s'acquiert sur le tas, ce qui ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas s'apprendre. D'ailleurs, avec le recul, on l'a bien appris, par mimétisme de professeurs qui nous ont marqués et fascinés. Volontairement ou non c'est bien à eux que l'on essaie de ressembler, c'est bien notre propre émerveillement que l'on cherche à susciter chez nos étudiants. C'est éprouvant et difficile et ça ne marche pas tout le temps, pour ne pas dire pas beaucoup en fait, s'il fallait être réaliste.
Mais un rien sur ce parcours est un succès incommensurable. Une question sincèrement curieuse est un Grall. Un saut de sourcil d'un point compris est un feu d'artifice qui redonne sens à cette vocation dont on vient parfois à douter. Et ça n'a pas de prix. D'un côté comme de l'autre du bureau.
mardi 9 février 2010
La découverte de l'homme.



Voilà longtemps que je n'avais pas voyagé et la découverte de l'Afrique a été aussi bouleversante que le Grand Nord. Si là-bas j'avais découvert ce qu'est le paysage dans son essence même, ici j'ai l'impression d'avoir appris ce qu'était l'Homme.
Le contraste avec la vie parisienne permet de révéler les différences et de devoir se positionner par rapport à elles. Dire cela c'est dire que tout tient dans le regard et la manière dont on découpe, décortique, analyse ou conceptualise le monde. Ce fut l'Afrique et le Svalbard pour moi, ce pourrait être n'importe où pour un autre, voire, pour celui qui sait vraiment voir, l'endroit qu'il n'a jamais quitté.
Découvrir l'Afrique, plus exactement le Gabon, et le cyclisme de haut niveau a été une bonne école et finalement essayer de comprendre les règles, les mécanismes et les habitudes du cyclisme n'est pas très différent que d'essayer de comprendre les clés d’une autre culture, d'autres comportements et habitus.
Une chose m'a frappée: ces contrastes ne semblaient pas vraiment poser de problèmes à quiconque en fait. Les caméras filmaient avec le plus grand naturel le folklore local aussi authentique que la Kinkerne est représentative de la Savoie. Un enfant pleure dans un village vite une photo. Une femme vent des beignets, vite, une réfugiée politique. Avec la même aisance avec laquelle les coureurs sont filmés et photographiés comme des coureurs cyclistes le sont et, sous-entendus, doivent l'être. Cela en dit long sur la manière de conceptualiser le monde.
Moi qui ne m'y connais rien, ce qui m'a frappé, c'est le côté profondément humain de tout ce petit monde, gabonnais comme coureurs cyclistes. Il y a quelque chose d'absurde évidemment dans le fait de traverser le Gabon à vélo lorsqu'on vient de France ou du Danemark, quelque chose de franchement bizarre à suivre des cyclistes qui traversent le Gabon assis dans une voiture climatisée. Mais il y a quelque chose de très humain aussi: ce n'est plus tel ou tel coureur, connu ou pas, mais un homme sur un vélo, un effort aussi absurde que magnifique d'essayer de se surpasser, de faire une chose qui n'a pas d'autre sens que sa propre réalisation.
Dans l'effort, dans la fatigue l'homme devient humain et tous se ressemblent. Ce n'est plus untel ou untel mais un Homme, un visage, un effort, un prototype, un stéréotype, un échantillon qui vaut pour tout autre car à travers lui c'est nous que nous voyons.
La couleur de peau, la race, la nationalité, le passé, la culture, l'origine, tout cela n'a plus de sens: c'est un homme, c'est tout. Et le naturel est si puissant qu'il n'est même pas besoin de majuscule pour comprendre.
Je pensais prendre des paysages là-bas, ce sont des portraits que je ramène. La découverte est immense.
lundi 8 février 2010
Éloge de l'indépendance.
Légitimement je ne pourrais me plaindre de ma situation bien que j'espère parfois qu'elle soit meilleure et plus confortable. Si je ne m'en plains pas c'est qu'à sa manière elle est plus confortable que celle qu'il m'arrive de souhaiter lorsque je me réfère aux autres. Oui un salaire dépassant les 500 euros par mois serait une bouffée d'oxygène, oui un appartement plus vaste que ces 30 m2 à deux ne ferait pas de mal...
Mais la liberté d'esprit m'a pas de prix et les remarques positives qui remonte au sujet d'un film ou d'une image réconfortent plus que tout autre chose. L'indépendance: pouvoir faire uniquement ce que l'on veut comme on le veut. Faire un film tel qu'on l'a en tête sans se plier à des règles, des coutumes, des contraintes autres que celles que l'on accepte. Voilà le sens de la liberté et celle-ci est inestimable.
Sans un passage par la recherche universitaire, je pense qu'il me serait difficile d'être dans le même état d'esprit. Elle m'a montrée les limites de la connaissance et le travail incessant pour l'améliorer et la poursuivre avec opiniâtreté et humilité. Connaître ses limites et ses capacités mais aussi que l'existence n'est vécue que lorsque ces capacités sont menées à ces limites.
Peu à peu le chemin se trace, il est peut-être modeste mais il est à ma mesure et je me sens bien le soir en me couchant d'avoir fait ce que j'avais à faire, ni plus ni moins.
Cette liberté rare je me rends compte que bien peu la connaissent et s'engluent encore dans des considérations qui ne leurs conviennent pas et pendant ce temps ils oublient d'exister.
L'indépendance c'est pouvoir exister seul, et ce n'est pas évident et être bien accompagné aide beaucoup!
Mais la liberté d'esprit m'a pas de prix et les remarques positives qui remonte au sujet d'un film ou d'une image réconfortent plus que tout autre chose. L'indépendance: pouvoir faire uniquement ce que l'on veut comme on le veut. Faire un film tel qu'on l'a en tête sans se plier à des règles, des coutumes, des contraintes autres que celles que l'on accepte. Voilà le sens de la liberté et celle-ci est inestimable.
Sans un passage par la recherche universitaire, je pense qu'il me serait difficile d'être dans le même état d'esprit. Elle m'a montrée les limites de la connaissance et le travail incessant pour l'améliorer et la poursuivre avec opiniâtreté et humilité. Connaître ses limites et ses capacités mais aussi que l'existence n'est vécue que lorsque ces capacités sont menées à ces limites.
Peu à peu le chemin se trace, il est peut-être modeste mais il est à ma mesure et je me sens bien le soir en me couchant d'avoir fait ce que j'avais à faire, ni plus ni moins.
Cette liberté rare je me rends compte que bien peu la connaissent et s'engluent encore dans des considérations qui ne leurs conviennent pas et pendant ce temps ils oublient d'exister.
L'indépendance c'est pouvoir exister seul, et ce n'est pas évident et être bien accompagné aide beaucoup!
dimanche 7 février 2010
Premières images du Gabon






Scans rapides de six images du Gabon, presque au hasard. “Presque" car ce sont des scans d'essais, mais je tenais quand même à présenter autant de portraits que de paysages.
Ces trois portraits sont presque anonymes. “Presque" parce que même si j'ai interagit avec ces personnes, elles valent pour vous d'anonymes et de stéréotypes de gabonais ou d'africain, idem pour ces paysages, c'est pour cette raison qu'aucune autre précision que ce qui est présenté dans l'image ne sera apportée.
En faisant le tri dans les images et dans les rushs pour le film, un ordre commence à apparaître ou plus exactement je commence à retrouver la perspective que je voulais prendre et que j'essayais de suivre en prenant ces images.
Ce film, comme ces photos, sont pris sur le vif, dans le feu de l'action, ce qui m'est très inconfortable. Le rythme m'était imposé et était trop rapide pour que je puisse prendre véritablement mes marques. C'est là que je découvre que je suis plus lent que je le pensais.
J'ai accepté ce parti-pris comme fils conducteur: mon premier contact avec l'Afrique, mon premier contact avec le vélo, la difficulté de trouver mes marques, de comprendre les règles du jeu tout comme celle d'une autre culture. Cette distance se retrouve dans les photos et surtout dans le film et me permettra d'exprimer cette distance inconfortable, ces obstacles qui entravent la compréhension évidente de ce que l'on voit ou l'on vit. Et pourtant il y a une douceur dans ces images, un calme qui reflète le sentiment ressenti là-bas.
Ce ne sont là que les premières images, les autres suivront bientôt.
mardi 2 février 2010
Premier retour sur l'Afrique
Voilà une semaine maintenant que je suis revenu du Gabon où j'étais invité à suivre la Tropicale Amissa Bongo 2010. Vous ne connaissez pas la Tropicale Amissa? Pourtant une horde de média était présente cette année, mais peut-être que vous ne la connaissez pas aussi parce que vous ne suspectez pas qu'il puisse y avoir une course cycliste de première catégorie au Gabon. Une course de première catégorie signifie la présence d'équipes professionnelles, ici Cofidis, AG2R ou encore Bbox pour ne citer qu'elles.
Et oui, au Gabon il y a aussi des coureurs cyclistes. Je sais, un noir sur un vélo est aussi impensable qu'un blanc vainqueur du 100 mètre, et pourtant.
Le plus frappant dans cette aventure est justement la confrontation aux préjugés. Je pensais en avoir moins que les autres, l'arrogance des études sans doute, mais cette première fois au Gabon fut véritablement une claque. D'abord parce que le Gabon est très vert, étonnamment vert et que cela fini par être dérangeant pour un pays d'Afrique. On en avait presque oublié la forêt tropicale. Il y fait chaud, une trentaine de degrés mais le taux très élevé d'humidité (qui frôle les 100%) rend la chaleur plus supportable que je l'avais imaginée. La beauté du peuple ensuite et sa manière si littéraire de manier le français renvoie le parlé parisien au rang de patois local.
Le dénuement. La pauvreté est un concept vide et abstrait lorsqu'on n'y est pas confronté directement. Mais si la chaleur de là-bas n'a rien à voir avec celle de nos latitudes, la pauvreté non plus. Ici les gens sont pauvres lorsqu'ils ne peuvent suivre le rythme effréné de la consommation, ils sont pauvres de vivres dans les logements insalubres, lorsque l'évier fuit et que le chauffage ne marche pas. Ici les pauvres le sont parce qu'ils leur manquent quelque chose.
Là-bas, j'ai traversé des villages où il n'y a rien. Des cahutes en taule ondulée sous la chaleur, une pompe à eau pour l'ensemble, pas d'électricité. De la terre battue, des pièces minuscules qui se confondent avec la maisonnée entière, pas d'ouverture autre que la porte qui ferme mal. Il n'y a rien. Le dénuement est tel qu'on se demande par où commencer. Mais ces gens là ne demandent pas. Ils n'ont rien mais n'ont même pas l'air de s'en rendre compte. Ils sont juste souriants et vous parlent avec un peu de crainte et d'appréhension au début puis jovialement dans un français raffiné. Ils se débrouillent et bricolent avec une ingéniosité réelle qui fait que rien n'est inutilisé, même si c'est pour tout autre chose que sa fonction première.
L'étudiante qui m'avait invité à découvrir son pays me disait une fois qu'elle ne s'était jamais sentie aussi “noire" qu'en France. L'inverse est vrai, jamais je n'avais ressenti le fait d'être “blanc". Inévitablement sans doute en ai-je pris les plis et les travers néo-colonialiste: difficile de s'empêcher de tutoyer quelqu'un de plus jeune alors qu'il nous appelle “monsieur Benjamin". Je veux croire que je fais la même chose ici mais je n'en suis pas certain non plus.
L'un des enseignements de ce voyage, outre le monde du cyclisme et celui des journalistes qui méritent un article à eux seuls, il y a celui de la difficulté de vivre “simplement", sans tout l'attirail que nous ne voyons même plus et qui nous déboussole tant lorsqu'il nous manque. Les chaussures, les chapeaux, les crèmes solaires ou anti-moustiques, les appareils photos et autres montres, mais aussi plus bêtement les lunettes de vue. J'ai croisé bien peu de Gabonais dans l'arrière pays équipés de lunettes alors qu'ils ne doivent pas en avoir moins besoin que nous.
C'est ce genre de voyage qui bien que de bons hôtels en bons hôtels en berlines climatisées laisse des traces et nous rappelle combien nous sommes peu de chose et encore moins sans tout le bardas auquel nous nous agrippons.
J'essaie encore de mettre un peu d'ordre dans mes notes et mes images pour en dégager quelque chose de plus consistant, mais il fallait déjà commencer par des premières impressions.
Et oui, au Gabon il y a aussi des coureurs cyclistes. Je sais, un noir sur un vélo est aussi impensable qu'un blanc vainqueur du 100 mètre, et pourtant.
Le plus frappant dans cette aventure est justement la confrontation aux préjugés. Je pensais en avoir moins que les autres, l'arrogance des études sans doute, mais cette première fois au Gabon fut véritablement une claque. D'abord parce que le Gabon est très vert, étonnamment vert et que cela fini par être dérangeant pour un pays d'Afrique. On en avait presque oublié la forêt tropicale. Il y fait chaud, une trentaine de degrés mais le taux très élevé d'humidité (qui frôle les 100%) rend la chaleur plus supportable que je l'avais imaginée. La beauté du peuple ensuite et sa manière si littéraire de manier le français renvoie le parlé parisien au rang de patois local.
Le dénuement. La pauvreté est un concept vide et abstrait lorsqu'on n'y est pas confronté directement. Mais si la chaleur de là-bas n'a rien à voir avec celle de nos latitudes, la pauvreté non plus. Ici les gens sont pauvres lorsqu'ils ne peuvent suivre le rythme effréné de la consommation, ils sont pauvres de vivres dans les logements insalubres, lorsque l'évier fuit et que le chauffage ne marche pas. Ici les pauvres le sont parce qu'ils leur manquent quelque chose.
Là-bas, j'ai traversé des villages où il n'y a rien. Des cahutes en taule ondulée sous la chaleur, une pompe à eau pour l'ensemble, pas d'électricité. De la terre battue, des pièces minuscules qui se confondent avec la maisonnée entière, pas d'ouverture autre que la porte qui ferme mal. Il n'y a rien. Le dénuement est tel qu'on se demande par où commencer. Mais ces gens là ne demandent pas. Ils n'ont rien mais n'ont même pas l'air de s'en rendre compte. Ils sont juste souriants et vous parlent avec un peu de crainte et d'appréhension au début puis jovialement dans un français raffiné. Ils se débrouillent et bricolent avec une ingéniosité réelle qui fait que rien n'est inutilisé, même si c'est pour tout autre chose que sa fonction première.
L'étudiante qui m'avait invité à découvrir son pays me disait une fois qu'elle ne s'était jamais sentie aussi “noire" qu'en France. L'inverse est vrai, jamais je n'avais ressenti le fait d'être “blanc". Inévitablement sans doute en ai-je pris les plis et les travers néo-colonialiste: difficile de s'empêcher de tutoyer quelqu'un de plus jeune alors qu'il nous appelle “monsieur Benjamin". Je veux croire que je fais la même chose ici mais je n'en suis pas certain non plus.
L'un des enseignements de ce voyage, outre le monde du cyclisme et celui des journalistes qui méritent un article à eux seuls, il y a celui de la difficulté de vivre “simplement", sans tout l'attirail que nous ne voyons même plus et qui nous déboussole tant lorsqu'il nous manque. Les chaussures, les chapeaux, les crèmes solaires ou anti-moustiques, les appareils photos et autres montres, mais aussi plus bêtement les lunettes de vue. J'ai croisé bien peu de Gabonais dans l'arrière pays équipés de lunettes alors qu'ils ne doivent pas en avoir moins besoin que nous.
C'est ce genre de voyage qui bien que de bons hôtels en bons hôtels en berlines climatisées laisse des traces et nous rappelle combien nous sommes peu de chose et encore moins sans tout le bardas auquel nous nous agrippons.
J'essaie encore de mettre un peu d'ordre dans mes notes et mes images pour en dégager quelque chose de plus consistant, mais il fallait déjà commencer par des premières impressions.
jeudi 14 janvier 2010
Se préparer à filmer l'inconnu.
Le cinéma du réel est un cinéma de l'instant. Pour essayer de contredire ou au moins de corriger la formule de Louis Jouvet “Au théâtre on joue, au cinéma on a joué", cette forme particulière de cinéma cherche à retenir ce qui se déploie dans la spontanéité du moment sans écriture préalable.
Mais toute la difficulté est ici. Si l'image et le film ne sont pas préparés, écrits même devrait-on dire, alors cela ressemble plus à un mauvais film de vacances qu'autre chose.
Un film est une entité construite: il doit comporter l'ensemble des éléments nécessaires et suffisants à sa compréhension, contrairement au film de vacances qui reste hermétique sans la voix stridente de la grand-tante pour le commenter.
Cette construction essentielle suppose une forme d'écriture. Même si l'écriture filmique se fait alors principalement au montage dans une sélection de plans et de séquences tournées et de bandes son, il n'en reste pas moins que ces plans et échantillons sonores doivent avoir une cohérence qui permette le montage. Le film se bâtit alors autours d'une problématique, c'est-à-dire d'une perspective sur le monde qui déterminera le tournage. Cela suppose d'être attentif et d'accepter de ne pas tout filmer, se restreindre à cette problématique. Et cela suppose évidemment une problématique.
En ce sens le cinéma du réel et plus particulièrement l'essai documentaire, se rapproche du raisonnement en action. La problématique permet d'élaborer des hypothèses qui seront vérifiées et articulées entre elles par le montage. Le prologue introduit la problématique, la conclusion la résout, le montage l'expose, l'articulation la développe.
Tout comme dans l'élaboration d'un raisonnement dans l'action de la pensée, la perspective peut évoluer et les hypothèses s'infirmer contre l'intuition de départ. Cela est possible et il faut l'accepter. C'est en ce sens que le film “se fait" de lui-même en fonction des événements qui adviennent ou pas.
Plus qu'une écriture au préalable (même si le cinéma travaille secrètement à une problématique à l'aide de ce qu'il imagine qu'il trouvera ou qu'il aimerait trouver) c'est une attitude d'attention qu'il faut travailler. Ensuite le gros du travail tient dans l'assimilation et la compréhension du matériau (des images et des sons rapportés) et la distance critique à prendre avec. La mise en forme d'après la problématique de départ et son articulation à travers ce matériau donne le film. Cette partie est nécessairement écrite puisqu'elle doit être montée et donc articulée. Les commentaires sont là pour corriger les manques (les images et les sons qu'on aurait dû prendre ou qu'il n'a pas été possible de prendre) et dans l'expression de l'intention, c'est-à-dire la problématique et la conclusion. Mais si le film est bien fait et le cinéma consciencieux alors aucun ajout ad hoc n'est nécessaire.
C'est en ce sens que le cinéma du réel s'écrit.
Le plus difficile en somme est de se préparer à l'inconnu.
[Notes avant le départ au Gabon.]
Mais toute la difficulté est ici. Si l'image et le film ne sont pas préparés, écrits même devrait-on dire, alors cela ressemble plus à un mauvais film de vacances qu'autre chose.
Un film est une entité construite: il doit comporter l'ensemble des éléments nécessaires et suffisants à sa compréhension, contrairement au film de vacances qui reste hermétique sans la voix stridente de la grand-tante pour le commenter.
Cette construction essentielle suppose une forme d'écriture. Même si l'écriture filmique se fait alors principalement au montage dans une sélection de plans et de séquences tournées et de bandes son, il n'en reste pas moins que ces plans et échantillons sonores doivent avoir une cohérence qui permette le montage. Le film se bâtit alors autours d'une problématique, c'est-à-dire d'une perspective sur le monde qui déterminera le tournage. Cela suppose d'être attentif et d'accepter de ne pas tout filmer, se restreindre à cette problématique. Et cela suppose évidemment une problématique.
En ce sens le cinéma du réel et plus particulièrement l'essai documentaire, se rapproche du raisonnement en action. La problématique permet d'élaborer des hypothèses qui seront vérifiées et articulées entre elles par le montage. Le prologue introduit la problématique, la conclusion la résout, le montage l'expose, l'articulation la développe.
Tout comme dans l'élaboration d'un raisonnement dans l'action de la pensée, la perspective peut évoluer et les hypothèses s'infirmer contre l'intuition de départ. Cela est possible et il faut l'accepter. C'est en ce sens que le film “se fait" de lui-même en fonction des événements qui adviennent ou pas.
Plus qu'une écriture au préalable (même si le cinéma travaille secrètement à une problématique à l'aide de ce qu'il imagine qu'il trouvera ou qu'il aimerait trouver) c'est une attitude d'attention qu'il faut travailler. Ensuite le gros du travail tient dans l'assimilation et la compréhension du matériau (des images et des sons rapportés) et la distance critique à prendre avec. La mise en forme d'après la problématique de départ et son articulation à travers ce matériau donne le film. Cette partie est nécessairement écrite puisqu'elle doit être montée et donc articulée. Les commentaires sont là pour corriger les manques (les images et les sons qu'on aurait dû prendre ou qu'il n'a pas été possible de prendre) et dans l'expression de l'intention, c'est-à-dire la problématique et la conclusion. Mais si le film est bien fait et le cinéma consciencieux alors aucun ajout ad hoc n'est nécessaire.
C'est en ce sens que le cinéma du réel s'écrit.
Le plus difficile en somme est de se préparer à l'inconnu.
[Notes avant le départ au Gabon.]
mercredi 6 janvier 2010
Le tragique de la tristesse d'un homme.
La tristesse d'un homme en prise avec son destin est toujours une chose tragique et impressionnante. Mais le tragique est parfois dans la banalité.
C'est une situation toute simple. Un élève qui se rend compte à la vue de son bulletin qu'il paye à prix fort des copies non rendues ou des absences desquelles ils pensaient tirer un plaisir. Tel un couperet l'histoire le rattrape, il s'excuse et s'en excuse mais rien y fait. Il se rend maintenant compte de ce qu'il aurait dû ou voulu faire mais c'est trop tard. Il ronge son frein et se maudit lui-même alors qu'il ne devrait pas. Pour l'une des toutes premières fois il tâte son destin et se rend compte de la responsabilité des choses.
Mais il ne faudrait pas croire qu'un destin, même aussi insignifiant que celui d'un homme sans qualité, aussi banal qu'un simple étudiant dans une classe, est petit et étriqué ou tragique par sa petitesse et son insignifiance.
Non, le tragique vient aussi et surtout du monde qui l'entoure. Quand ce n'est pas des acteurs qui le peuplent.
Un employé jusque-là modèle qui doit quitte son poste pour suivre sa moitié qui d'un coup devient un bon à rien que l'on néglige ou que l'on brime simplement parce que le patron n'avait pas imaginé un instant que son employé était avant tout humain et passe sa colère comme le caprice d'un enfant à qui le monde ne convient pas.
Le tragique de l'existence d'un homme réside dans la banalité de son quotidien. C'est ce qui en fait la grandeur.
Mais lorsque le monde s'efforce de vouloir faire plier celui qui se contentait de le suivre et de l'animer, un retournement soudain parce que les foudres du capricieux doivent bien tomber quelque part, alors c'est à n'y plus rien comprendre. L'homme devient triste. Triste de ne pas comprendre ce prix exorbitant auquel on lui fait payer soudain la liberté de son existence. Il y a une injuste profonde là-dessous. Et la tristesse d'un homme en prise avec son destin est une chose tragique.
Pourquoi tous les hommes ne savent pas qu'ils en sont et que jouer aux dieux est aussi vain que pathétique? Restons humains.
C'est une situation toute simple. Un élève qui se rend compte à la vue de son bulletin qu'il paye à prix fort des copies non rendues ou des absences desquelles ils pensaient tirer un plaisir. Tel un couperet l'histoire le rattrape, il s'excuse et s'en excuse mais rien y fait. Il se rend maintenant compte de ce qu'il aurait dû ou voulu faire mais c'est trop tard. Il ronge son frein et se maudit lui-même alors qu'il ne devrait pas. Pour l'une des toutes premières fois il tâte son destin et se rend compte de la responsabilité des choses.
Mais il ne faudrait pas croire qu'un destin, même aussi insignifiant que celui d'un homme sans qualité, aussi banal qu'un simple étudiant dans une classe, est petit et étriqué ou tragique par sa petitesse et son insignifiance.
Non, le tragique vient aussi et surtout du monde qui l'entoure. Quand ce n'est pas des acteurs qui le peuplent.
Un employé jusque-là modèle qui doit quitte son poste pour suivre sa moitié qui d'un coup devient un bon à rien que l'on néglige ou que l'on brime simplement parce que le patron n'avait pas imaginé un instant que son employé était avant tout humain et passe sa colère comme le caprice d'un enfant à qui le monde ne convient pas.
Le tragique de l'existence d'un homme réside dans la banalité de son quotidien. C'est ce qui en fait la grandeur.
Mais lorsque le monde s'efforce de vouloir faire plier celui qui se contentait de le suivre et de l'animer, un retournement soudain parce que les foudres du capricieux doivent bien tomber quelque part, alors c'est à n'y plus rien comprendre. L'homme devient triste. Triste de ne pas comprendre ce prix exorbitant auquel on lui fait payer soudain la liberté de son existence. Il y a une injuste profonde là-dessous. Et la tristesse d'un homme en prise avec son destin est une chose tragique.
Pourquoi tous les hommes ne savent pas qu'ils en sont et que jouer aux dieux est aussi vain que pathétique? Restons humains.
jeudi 31 décembre 2009
Le désespoir de la bureaucratie.
Lien vers le Mp3
Voilà encore un post pour lequel je vais encore me faire taper dessus et pour lequel on me rappellera qu'il faut apprendre à se taire et à serrer les poings dans les poches. Certes, mais on ne se refait pas.
‘Bureaucratie' est l'autre terme pour ‘inertie' à ceci près que l'inertie est un mouvement. La bureaucratie c'est un immense mur contre lequel viennent se fracasser l'enthousiasme et les espoirs de quelques personnes qui pensent naïvement que faire est mieux qu'attendre.
Voilà: après deux ans enfin et quelques mails bien salés, la réponse tombe: “La rémunération n'est donc pas possible" (sic.). Merci, au revoir.
Voilà. C'est bien, c'est clair et net comme un tranchant de tronçonneuse bien affûté et pourtant il reste un je-ne-sais-quoi qui immanquablement nous pousse à redemander que l'on répète encore une fois: “La rémunération n'est donc pas possible." Ni, merci, désolé, rien. Sec, comme du bois mort.
Vous avez donc enseigné pour rien. Soit. Le seul écho qui reste est celui des mails qui rebondissent d'un bureau à l'autre, d'un ordinateur à un serveur, d'un câble à un clavier, sans ordre ni but. Des années d'échos pour rien puisqu'en fin de compte le dossier s'est désintégré au fils des couloirs et des pièces jointes, des signatures égarées ou des mails qui ont dû sombrer dans la boite spam.
Rationnellement il reste à espérer que le Bon Dieu existe et sera se souvenir du dévouement de ces naïfs qui ici-bas ont tenté de faire plutôt qu'attendre.
Cela conforte mon opinion et mon nouveau credo: ne fait rien pour autrui sans qu'il n'ait déjà déboursé (et ensuite c'est plus la peine de faire quoi que ce soit puisqu'il a déjà payé). Horrible de devenir de cette trempe-là soi-même mais bon, l'âge passe voyez-vous, les illusions aussi. Il faut bien qu'il y ait des avantages aux cheveux blancs.
Un philosophe d'envergure impressionnante m'a un jour dit à table commentant vers moi le CV copieux de l'autre voisin qui se vantait mine de rien: “Fais peu, prétend beaucoup". Je n'avais jamais vraiment saisi la profondeur de cette maxime qui m'écœurait pas mal j'avoue. Mais maintenant elle sonne plus clair à mon oreille, effectivement.
Cela permet au moins de distinguer les actions que l'on fait pour soi de celles qu'on fait pour autrui. Je m'étais donné pour consigne de faire de “l'humanitaire" jusqu'à 30 ans. Ils sont passés. Maintenant je ne fais plus que pour moi, sinon il faut payer. Dommage pour les reliquats, mais cela m'apprendra, et c'est ce que je ne manquerai pas d'enseigner moi-même.
En lisant Saramago je me disais qu'il exagérait, tirait le trait jusqu'à la caricature et que ce monde tyrannique-là n'était que de papier. En ce 31 décembre 2009 je sais qu'il n'en est rien, mais qu'il est bien camouflé quand même.
Que cela n'empêche pas de passer un bon réveillon et que l'année 2010 soit meilleure pour tout le monde!
Voilà encore un post pour lequel je vais encore me faire taper dessus et pour lequel on me rappellera qu'il faut apprendre à se taire et à serrer les poings dans les poches. Certes, mais on ne se refait pas.
‘Bureaucratie' est l'autre terme pour ‘inertie' à ceci près que l'inertie est un mouvement. La bureaucratie c'est un immense mur contre lequel viennent se fracasser l'enthousiasme et les espoirs de quelques personnes qui pensent naïvement que faire est mieux qu'attendre.
Voilà: après deux ans enfin et quelques mails bien salés, la réponse tombe: “La rémunération n'est donc pas possible" (sic.). Merci, au revoir.
Voilà. C'est bien, c'est clair et net comme un tranchant de tronçonneuse bien affûté et pourtant il reste un je-ne-sais-quoi qui immanquablement nous pousse à redemander que l'on répète encore une fois: “La rémunération n'est donc pas possible." Ni, merci, désolé, rien. Sec, comme du bois mort.
Vous avez donc enseigné pour rien. Soit. Le seul écho qui reste est celui des mails qui rebondissent d'un bureau à l'autre, d'un ordinateur à un serveur, d'un câble à un clavier, sans ordre ni but. Des années d'échos pour rien puisqu'en fin de compte le dossier s'est désintégré au fils des couloirs et des pièces jointes, des signatures égarées ou des mails qui ont dû sombrer dans la boite spam.
Rationnellement il reste à espérer que le Bon Dieu existe et sera se souvenir du dévouement de ces naïfs qui ici-bas ont tenté de faire plutôt qu'attendre.
Cela conforte mon opinion et mon nouveau credo: ne fait rien pour autrui sans qu'il n'ait déjà déboursé (et ensuite c'est plus la peine de faire quoi que ce soit puisqu'il a déjà payé). Horrible de devenir de cette trempe-là soi-même mais bon, l'âge passe voyez-vous, les illusions aussi. Il faut bien qu'il y ait des avantages aux cheveux blancs.
Un philosophe d'envergure impressionnante m'a un jour dit à table commentant vers moi le CV copieux de l'autre voisin qui se vantait mine de rien: “Fais peu, prétend beaucoup". Je n'avais jamais vraiment saisi la profondeur de cette maxime qui m'écœurait pas mal j'avoue. Mais maintenant elle sonne plus clair à mon oreille, effectivement.
Cela permet au moins de distinguer les actions que l'on fait pour soi de celles qu'on fait pour autrui. Je m'étais donné pour consigne de faire de “l'humanitaire" jusqu'à 30 ans. Ils sont passés. Maintenant je ne fais plus que pour moi, sinon il faut payer. Dommage pour les reliquats, mais cela m'apprendra, et c'est ce que je ne manquerai pas d'enseigner moi-même.
En lisant Saramago je me disais qu'il exagérait, tirait le trait jusqu'à la caricature et que ce monde tyrannique-là n'était que de papier. En ce 31 décembre 2009 je sais qu'il n'en est rien, mais qu'il est bien camouflé quand même.
Que cela n'empêche pas de passer un bon réveillon et que l'année 2010 soit meilleure pour tout le monde!
mardi 29 décembre 2009
Question d'orientation.
Lien vers le MP3
Un parent d'élève m'appelle pour des cours particuliers pour sa fille.
En deux heures le constat est là: elle n'est pas brillante mais pèche surtout par un manque total d'organisation et de méthodologie, cas classique. Elle doit présenter le bac à la fin de l'année et en l'état c'est pas gagné. Le père dit de manière catégorique “il faut qu'elle ait le bac" en sortant une sacrée liasse de billets de la poche. Pourquoi faire? Pourquoi devrait-elle avoir le bac? Qu'est-ce qu'elle va en faire de son bac?
La question le désarçonne. Je me tourne vers la fille. Que veux-tu faire l'année prochaine? Yeux en soucoupe. Elle ne sait pas, elle n'a pas réfléchi à la question.
Le père insiste: ce n'est pas le problème, elle verra bien quand elle aura son bac.
Ben oui mais le problème est que les inscriptions sont bien souvent avant le bac et quoi qu'il arrive je ne comprends pas quelle motivation un enfant peut avoir pour décrocher son bac sans projet. Son intérêt est bien au contraire de rester à la maison, pas fou.
Le père ne semble pas comprendre, la fille ne saisit pas l'enjeu de l'orientation.
L'orientation tient. Le père saute dessus et, comme prévu, tire à boulet rouge sur l'école (un lycée privé) et ses incapables d'enseignants qui ont mal orienté sa fille et qui ne savent pas la motiver.
Avec sa liasse il voudrait en plus qu'on l'éduque et qu'on fasse son travail. Non, tout ne s'achète pas dans la vie et surtout pas l'enthousiasme ou la motivation. Eh oui, construire un projet d'existence et sa mise en forme pédagogique est le travail d'un parent et nul ne pourra s'y soustraire sans en payer les pots cassés.
Il est choqué. Il veut que je revienne vite lui donner des cours pour son bac blanc. Non. Elle n'a jamais travaillé seule et ne sait pas ce que c'est, ça serait bien qu'elle commence à comprendre. À coup de billets (qu'il montre plus qu'il ne donne) il veut rattraper ses lacunes. Mais on ne comble pas des lacunes de paresse. Les deux ans qu'elle a passé à ne rien faire sont perdus. Maintenant il faut aller de l'avant, avancer, se donner un but et l'atteindre. Il voudrait peut-être qu'elle vive avec toujours deux ans de retard sur son présent? Allons il faut être réaliste et assumer, pour une fois, une fois seulement.
Le jour où elle me dira ce qu'elle veut faire en septembre prochain, je garantis qu'en deux semaines elle obtient son bac, juré craché, mais pas pour 25 euros de l'heure.
Ah bon entendeur, salut.
Un parent d'élève m'appelle pour des cours particuliers pour sa fille.
En deux heures le constat est là: elle n'est pas brillante mais pèche surtout par un manque total d'organisation et de méthodologie, cas classique. Elle doit présenter le bac à la fin de l'année et en l'état c'est pas gagné. Le père dit de manière catégorique “il faut qu'elle ait le bac" en sortant une sacrée liasse de billets de la poche. Pourquoi faire? Pourquoi devrait-elle avoir le bac? Qu'est-ce qu'elle va en faire de son bac?
La question le désarçonne. Je me tourne vers la fille. Que veux-tu faire l'année prochaine? Yeux en soucoupe. Elle ne sait pas, elle n'a pas réfléchi à la question.
Le père insiste: ce n'est pas le problème, elle verra bien quand elle aura son bac.
Ben oui mais le problème est que les inscriptions sont bien souvent avant le bac et quoi qu'il arrive je ne comprends pas quelle motivation un enfant peut avoir pour décrocher son bac sans projet. Son intérêt est bien au contraire de rester à la maison, pas fou.
Le père ne semble pas comprendre, la fille ne saisit pas l'enjeu de l'orientation.
L'orientation tient. Le père saute dessus et, comme prévu, tire à boulet rouge sur l'école (un lycée privé) et ses incapables d'enseignants qui ont mal orienté sa fille et qui ne savent pas la motiver.
Avec sa liasse il voudrait en plus qu'on l'éduque et qu'on fasse son travail. Non, tout ne s'achète pas dans la vie et surtout pas l'enthousiasme ou la motivation. Eh oui, construire un projet d'existence et sa mise en forme pédagogique est le travail d'un parent et nul ne pourra s'y soustraire sans en payer les pots cassés.
Il est choqué. Il veut que je revienne vite lui donner des cours pour son bac blanc. Non. Elle n'a jamais travaillé seule et ne sait pas ce que c'est, ça serait bien qu'elle commence à comprendre. À coup de billets (qu'il montre plus qu'il ne donne) il veut rattraper ses lacunes. Mais on ne comble pas des lacunes de paresse. Les deux ans qu'elle a passé à ne rien faire sont perdus. Maintenant il faut aller de l'avant, avancer, se donner un but et l'atteindre. Il voudrait peut-être qu'elle vive avec toujours deux ans de retard sur son présent? Allons il faut être réaliste et assumer, pour une fois, une fois seulement.
Le jour où elle me dira ce qu'elle veut faire en septembre prochain, je garantis qu'en deux semaines elle obtient son bac, juré craché, mais pas pour 25 euros de l'heure.
Ah bon entendeur, salut.
lundi 28 décembre 2009
De la valeur des choses et quelques paradoxes.
Lien vers le MP3
Quelle est la valeur des choses?
La question n'est pas aussi anodine et il faudrait même y entendre quelques roulements existentiels par dessus. La valeur des choses c'est la valeur des choses qu'on achète ou qu'on vend mais aussi et surtout celle que l'on estime.
Ce matin je suis allé acheter une baguette et depuis la semaine dernière celle-ci a pris 5 centimes, bientôt 15 dans l'année et c'est la boulangerie du quartier où l'inflation est la plus contenue. Et c'est une baguette tout ce qu'il y a de plus ordinaire, le boulanger n'était pas content que je ne prenne pas la baguette de campagne à 1,20 euros, mais je n'avais même pas assez. Un peu plus tôt la pharmacienne m'a littéralement agressé en le hurlant dessus que mon médecin ne devait plus me prescrire de médicaments génériques et que j'étais un mauvais client parce que je ne voulais pas acheter autre chose que ce qui était indiqué sur l'ordonnance. Non je n'ai pas besoin de levure, de sirops, de fils dentaires ou je ne sais quoi d'autre.
La fin de l'année semble tendue pour tout le monde.
Un parent d'élève m'appelle pour un cours particulier. Je demande 30 euros de l'heure, pour tester. Il a fallu batailler pour avoir en avoir 25. Je sais que cela peut paraître beaucoup d'un certain point de vue mais j'avoue également avoir honte. 25 euros ce n'est même pas de la prostitution. C'est bien en de ça de ce que j'estime valoir pour une heure de coaching scolaire simplement parce qu'à 25 euros de l'heure je sais que j'aurais encore le regard noir du père et les remarques désobligeantes sur le système scolaire et les dons cachés de la fille, alors même que la mère est enseignante. Mais c'est partout pareil.
La différence est justement que maintenant la différence se fait sentir. À 25 euros de l'heure je fais de la garderie et dis “oui, oui". À 25 euros de l'heure ce n'est pas un docteur avec 10 ans d'expérience qu'ils “louent" mais un bac+3 boutonneux qui s'en contre fiche, à ce prix-là ce n'est pas un maître mais un esclave qu'ils auront. Après tout, moi, le bac, je l'ai eu et s'ils estiment que donner quelques cours sous-payés permettra de l'acheter à leur fille et bien ils se trompent.
Parce que le prix du pain est si cher, le prix de l'enthousiasme ou de l'engagement l'est tout autant.
Parfois j'ai honte. J'ai honte de faire ce que je fais au prix que je le fais. J'ai honte parce que j'ai honte de ne pas pouvoir payer le loyer en fin de mois, j'ai honte parce que je dois emprunter de l'argent pour manger, j'ai honte parce que je n'y arrive plus. Depuis longtemps j'ai peu à peu rogné et abandonné mes rêves. Depuis deux ans je ne vais plus au cinéma si ce n'est pour voir mes propres films. Je n'ai pas encore renoncé aux livres mais dans l'année je vais quitter Paris simplement parce que je ne peux plus y suivre le cours affolant des prix et des augmentations.
Cette honte c'est la mienne parce que peu à peu cette valeur à laquelle je n'arrive pas à me vendre ou me faire payer pour ce que je fais, déteint peu à peu sur moi, sur la valeur que je m'accorde, ma propre estime, mon amour-propre.
S'il y a une distance à partir du moment ou la fuite se transforme en agression, il doit y avoir un seuil auquel la soumission devient révolte. La question n'est pas tellement celle de l'argent mais de ce qui va avec, du regard que l'autre porte sur l'autre, la confiance ou le lien qui peut en émaner, sur lequel quelque chose peut se construire. À partir d'un certain stade l'ouvrier, celui qui fait ne se distingue plus de la machine, sauf que contrairement à elle, lui en souffre. Il ne s’investit plus dans son ouvrage simplement parce qu'il ne peut pas, il n'a plus la place pour le faire. Ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, mais simplement que s'il le fait alors il se dévalorise et s'il ne le fait pas il se protège. C'est une sorte de paradoxe économique de l'action. À 25 euros de l'heure je ne peux pas faire correctement mon travail sans aller à l'encontre de l'éthique qui me permet de le faire sereinement. À 30 une sorte de cercle vertueux se mettrait peut-être en place et je ferais plus qu'il ne me serait demandé simplement parce que l'estime serait là et l'enthousiasme prendrait le pas dessus.
Mais ça les gens s'en foutent et s'en contre-foutent. Si ce père de famille voulait aider sa fille il se soucierait un tant soit peu de l'enseignant. Mais c'est justement parce qu'il n'y est pas attentif que sa fille a besoin de cours. Autre paradoxe.
Si son pain était moins cher ou nettement meilleur, j'irais en acheter tous les jours. Si la pharmacienne était aimable je lui achèterais peut-être quelque chose. Mais elle ne peut l'être parce qu'elle ne fait pas son chiffre, il ne peut-être bon parce qu'il estime payer trop de charges, etc.
Le lien social est là, dans cet invisible ineffable et impalpable et pourtant si tangible et si présent.
A force d'économie de bout de chandelle tout part à vau l'eau. Voyez-vous, ce pauvre père de famille, sa fille va devoir suivre des cours pendant un semestre entier à raison de plusieurs par semaine simplement pour que je puisse m'y retrouver en fin de compte et cela sans aucun égard pour les résultats de sa fille. S'il y avait regardé à deux fois, en deux heures elle aurait son bac, parole juré craché, deux pauvres heures à 30 euros. Et bien pour 40 heures à 25, je ne suis pas certain qu'elle l'ait voyez-vous. Le pire est que lui aura perdu son argent et moi mon honneur.
La valeur des choses...
Quelle est la valeur des choses?
La question n'est pas aussi anodine et il faudrait même y entendre quelques roulements existentiels par dessus. La valeur des choses c'est la valeur des choses qu'on achète ou qu'on vend mais aussi et surtout celle que l'on estime.
Ce matin je suis allé acheter une baguette et depuis la semaine dernière celle-ci a pris 5 centimes, bientôt 15 dans l'année et c'est la boulangerie du quartier où l'inflation est la plus contenue. Et c'est une baguette tout ce qu'il y a de plus ordinaire, le boulanger n'était pas content que je ne prenne pas la baguette de campagne à 1,20 euros, mais je n'avais même pas assez. Un peu plus tôt la pharmacienne m'a littéralement agressé en le hurlant dessus que mon médecin ne devait plus me prescrire de médicaments génériques et que j'étais un mauvais client parce que je ne voulais pas acheter autre chose que ce qui était indiqué sur l'ordonnance. Non je n'ai pas besoin de levure, de sirops, de fils dentaires ou je ne sais quoi d'autre.
La fin de l'année semble tendue pour tout le monde.
Un parent d'élève m'appelle pour un cours particulier. Je demande 30 euros de l'heure, pour tester. Il a fallu batailler pour avoir en avoir 25. Je sais que cela peut paraître beaucoup d'un certain point de vue mais j'avoue également avoir honte. 25 euros ce n'est même pas de la prostitution. C'est bien en de ça de ce que j'estime valoir pour une heure de coaching scolaire simplement parce qu'à 25 euros de l'heure je sais que j'aurais encore le regard noir du père et les remarques désobligeantes sur le système scolaire et les dons cachés de la fille, alors même que la mère est enseignante. Mais c'est partout pareil.
La différence est justement que maintenant la différence se fait sentir. À 25 euros de l'heure je fais de la garderie et dis “oui, oui". À 25 euros de l'heure ce n'est pas un docteur avec 10 ans d'expérience qu'ils “louent" mais un bac+3 boutonneux qui s'en contre fiche, à ce prix-là ce n'est pas un maître mais un esclave qu'ils auront. Après tout, moi, le bac, je l'ai eu et s'ils estiment que donner quelques cours sous-payés permettra de l'acheter à leur fille et bien ils se trompent.
Parce que le prix du pain est si cher, le prix de l'enthousiasme ou de l'engagement l'est tout autant.
Parfois j'ai honte. J'ai honte de faire ce que je fais au prix que je le fais. J'ai honte parce que j'ai honte de ne pas pouvoir payer le loyer en fin de mois, j'ai honte parce que je dois emprunter de l'argent pour manger, j'ai honte parce que je n'y arrive plus. Depuis longtemps j'ai peu à peu rogné et abandonné mes rêves. Depuis deux ans je ne vais plus au cinéma si ce n'est pour voir mes propres films. Je n'ai pas encore renoncé aux livres mais dans l'année je vais quitter Paris simplement parce que je ne peux plus y suivre le cours affolant des prix et des augmentations.
Cette honte c'est la mienne parce que peu à peu cette valeur à laquelle je n'arrive pas à me vendre ou me faire payer pour ce que je fais, déteint peu à peu sur moi, sur la valeur que je m'accorde, ma propre estime, mon amour-propre.
S'il y a une distance à partir du moment ou la fuite se transforme en agression, il doit y avoir un seuil auquel la soumission devient révolte. La question n'est pas tellement celle de l'argent mais de ce qui va avec, du regard que l'autre porte sur l'autre, la confiance ou le lien qui peut en émaner, sur lequel quelque chose peut se construire. À partir d'un certain stade l'ouvrier, celui qui fait ne se distingue plus de la machine, sauf que contrairement à elle, lui en souffre. Il ne s’investit plus dans son ouvrage simplement parce qu'il ne peut pas, il n'a plus la place pour le faire. Ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise volonté, mais simplement que s'il le fait alors il se dévalorise et s'il ne le fait pas il se protège. C'est une sorte de paradoxe économique de l'action. À 25 euros de l'heure je ne peux pas faire correctement mon travail sans aller à l'encontre de l'éthique qui me permet de le faire sereinement. À 30 une sorte de cercle vertueux se mettrait peut-être en place et je ferais plus qu'il ne me serait demandé simplement parce que l'estime serait là et l'enthousiasme prendrait le pas dessus.
Mais ça les gens s'en foutent et s'en contre-foutent. Si ce père de famille voulait aider sa fille il se soucierait un tant soit peu de l'enseignant. Mais c'est justement parce qu'il n'y est pas attentif que sa fille a besoin de cours. Autre paradoxe.
Si son pain était moins cher ou nettement meilleur, j'irais en acheter tous les jours. Si la pharmacienne était aimable je lui achèterais peut-être quelque chose. Mais elle ne peut l'être parce qu'elle ne fait pas son chiffre, il ne peut-être bon parce qu'il estime payer trop de charges, etc.
Le lien social est là, dans cet invisible ineffable et impalpable et pourtant si tangible et si présent.
A force d'économie de bout de chandelle tout part à vau l'eau. Voyez-vous, ce pauvre père de famille, sa fille va devoir suivre des cours pendant un semestre entier à raison de plusieurs par semaine simplement pour que je puisse m'y retrouver en fin de compte et cela sans aucun égard pour les résultats de sa fille. S'il y avait regardé à deux fois, en deux heures elle aurait son bac, parole juré craché, deux pauvres heures à 30 euros. Et bien pour 40 heures à 25, je ne suis pas certain qu'elle l'ait voyez-vous. Le pire est que lui aura perdu son argent et moi mon honneur.
La valeur des choses...
mardi 15 décembre 2009
Paysage: question de cadre.

Même si cela ne devrait pas, tout est sujet à réflexion. Une photographie que l'on pourrait regarder comme une simple photographie devient objet de réflexion.
Ce qui frappe dans la photographie, quelle qu'elle soit, c'est le cadrage et même plus précisément le cadre. Contrairement à la réalité, la photographie est une image parce qu'elle est bornée, limitée. La photographie tronque et tranche le réel. Je parle de la photographie en tant que processus pour faire des images, sans même parler de la manipulation possible de ces images. Ici cette image est le scan non retouché d'un négatif Ekta 100. Peut-être aurait-il fallu corriger le ciel et les contrastes dans les ombres, mais brut ainsi elle a aussi son charme.
Le cadre est justement ce qu'on ne voit pas dans la photographie. Plus que la Nature peut-être, nous autres Hommes avons horreur du vide et ne le voyons pas. La photographie n'est pas tant une fenêtre sur le monde qu'une découpe de celui-ci. Si la photo tient c'est parce qu'elle est cadrée, c'est-à-dire non seulement qu'elle entre dans le cadre mais que ses rapports avec sont tels qu'ils paraissent équilibrés et que le contenu même de l'image semble tenir de lui-même. C'est alors que le regard commence à scruter et à noter les détails.
Sans ce cadre il n'y aurait rien à voir, ou dû moins nous ne saurions pas ce qu'il faudrait voir ou regarder. Le cadre en somme est un indicateur d'attention, il dit “c'est cela qu'il faut regarder". Mais même plus encore, il structure le regard: c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a un avant et un arrière-plan, un haut et un bas, c'est parce qu'il y a un cadre qu'il y a une perspective. Le cadre détermine ou dû moins contraint la “grammaire" visuelle de ce qui est montré et de comment le voir.
Le cadre photographie n'est pas différent des cadres sociaux. Tout comme dans la photographie, la vie est composée et structurée de la sorte, avec des hauts, des bas, des devants et des derrières, des hiérarchies et des perspectives qui délimitent l'espace et ses possibilités. Ce ne sont pas des formes et des couleurs mais des jeux et des rôles sociaux mais en fin de compte cela n'est pas très différent.
Regarder une photographie ou n'importe quelle image c'est aussi lire une manière de penser, de voir, de regarder et de comprendre l'espace, le regard humain et peut-être même le contexte social de ce regard. C'est une photographie occidentale. C'est en ce sens peut-être que la culture est relative. Simplement parce que ce n'est pas ce que l'image montre qu'il faut regarder mais l'image elle-même.
Un paysage des Alpes.
mardi 8 décembre 2009
De l'effritement social.
L'effritement social est un chiffon rouge agité depuis la fameuse “fracture". Les jeunes contre les vieux, les actifs contre les assistés, les autochtones contre les intrus, les noirs contre les rouges, et j'en passe des dichotomies de cet acabit, des pires et des meilleures.
Mais avec le temps, est-ce par habitude, lassitude ou réalité, l'émiettement prend de plus en plus de consistance.
La réalité est qu'à force de dire que l'on s'oppose à quelque chose, même inconsciemment, et bien cela donne le droit de s'opposer. Mais non pas (ou plus) avec des mots mais avec des gestes, ou plutôt des attitudes, en particulière l'indifférence. Ah quoi bon parler d'un homme qui crève dans le caniveau, cela ne scandalise plus, l'émeu plus, mais pire encore, ne fait plus réagir. Simplement parce que la force et la volonté ne sont plus là. Qu'ils s'en mettent plein les poches ou qu'ils crèvent c'est la même chose. Plus de destin, plus de dessein, plus de responsabilité.
Pendant ce temps s'ils pensent faire ce qu'ils veulent serait trompeur et une bien grave erreur.
Quelques détails qui manifestent ces fêlures: l'entraide est moins franche qu'avant. Un idiot qui avait cru bon prendre la parole alors qu'il aurait mieux fait de se taire est maintenant traîné en diffamation, il vient demander de l'aide à qui soutenait la cause pour laquelle il s'égosillait et on lui tourne le dos. Tant pis pour lui. La mémé qui revient parce qu'elle a un peu de mal à finir son mois, on lui rappelle sèchement ses dires d'il y a quelques années lorsque les jeunes n'avaient qu'à bosser au lieu de perdre leur temps au chômage. Le patron qui se plaint de la baisse des rentrées d'argent et du comportement des clients et en profite pour faire serrer un peu plus la ceinture et exiger plus reçoit des démissions en retour. Non, l'emploi ne fait plus rêver. Travailler plus pour gagner plus, non, ce n'était pas le credo. Travailler pour être un peu heureux, oui peut-être et plus que de l'argent c'est de reconnaissance qu'il manque, mais maintenant c'est trop tard. Comme une mayonnaise qui ne prend pas, chacun retourne dans son coin et reprend ces billes. Que la boite dusse fermer? Qu'importe. Si les patrons savent si bien, qu'ils agissent maintenant.
Le semblant de liant qui reste est sous perfusion. Enlever les câbles et les drains et tout part à veaux l'eau. Même pour une épidémie de grippe on arrive à faire dire que les médecins ne sont pas compétents. A quoi bon alors.
Mais attention, à un certain stade, même payer des impôts ou cette dette qui nous croule sans que nous n'en tirons bénéfice nous paraîtra quelque chose d'inutile.
Il voulait nous vendre du rêve et c'est de la désillusion du vent que l'on récolte.
Ce qui me rassure et de voir des gens en CDI depuis des années rendre leur tablier rien que pour goûter un peu à la liberté. Le patron vient le voir en lui disant “mais que vais-je faire sans toi?", en se posant la question à lui-même il se rend compte qu'il n'en avait pas besoin.
Tout comme c'est le peuple qui tient le politique, c'est l'employer qui tient le patron. Espérons pour eux que l'écran reste encore un peu opaque.
Mais avec le temps, est-ce par habitude, lassitude ou réalité, l'émiettement prend de plus en plus de consistance.
La réalité est qu'à force de dire que l'on s'oppose à quelque chose, même inconsciemment, et bien cela donne le droit de s'opposer. Mais non pas (ou plus) avec des mots mais avec des gestes, ou plutôt des attitudes, en particulière l'indifférence. Ah quoi bon parler d'un homme qui crève dans le caniveau, cela ne scandalise plus, l'émeu plus, mais pire encore, ne fait plus réagir. Simplement parce que la force et la volonté ne sont plus là. Qu'ils s'en mettent plein les poches ou qu'ils crèvent c'est la même chose. Plus de destin, plus de dessein, plus de responsabilité.
Pendant ce temps s'ils pensent faire ce qu'ils veulent serait trompeur et une bien grave erreur.
Quelques détails qui manifestent ces fêlures: l'entraide est moins franche qu'avant. Un idiot qui avait cru bon prendre la parole alors qu'il aurait mieux fait de se taire est maintenant traîné en diffamation, il vient demander de l'aide à qui soutenait la cause pour laquelle il s'égosillait et on lui tourne le dos. Tant pis pour lui. La mémé qui revient parce qu'elle a un peu de mal à finir son mois, on lui rappelle sèchement ses dires d'il y a quelques années lorsque les jeunes n'avaient qu'à bosser au lieu de perdre leur temps au chômage. Le patron qui se plaint de la baisse des rentrées d'argent et du comportement des clients et en profite pour faire serrer un peu plus la ceinture et exiger plus reçoit des démissions en retour. Non, l'emploi ne fait plus rêver. Travailler plus pour gagner plus, non, ce n'était pas le credo. Travailler pour être un peu heureux, oui peut-être et plus que de l'argent c'est de reconnaissance qu'il manque, mais maintenant c'est trop tard. Comme une mayonnaise qui ne prend pas, chacun retourne dans son coin et reprend ces billes. Que la boite dusse fermer? Qu'importe. Si les patrons savent si bien, qu'ils agissent maintenant.
Le semblant de liant qui reste est sous perfusion. Enlever les câbles et les drains et tout part à veaux l'eau. Même pour une épidémie de grippe on arrive à faire dire que les médecins ne sont pas compétents. A quoi bon alors.
Mais attention, à un certain stade, même payer des impôts ou cette dette qui nous croule sans que nous n'en tirons bénéfice nous paraîtra quelque chose d'inutile.
Il voulait nous vendre du rêve et c'est de la désillusion du vent que l'on récolte.
Ce qui me rassure et de voir des gens en CDI depuis des années rendre leur tablier rien que pour goûter un peu à la liberté. Le patron vient le voir en lui disant “mais que vais-je faire sans toi?", en se posant la question à lui-même il se rend compte qu'il n'en avait pas besoin.
Tout comme c'est le peuple qui tient le politique, c'est l'employer qui tient le patron. Espérons pour eux que l'écran reste encore un peu opaque.
vendredi 4 décembre 2009
Identité nationale: risque d'un débat mal posé.
Il doit y avoir une bonne manière de poser le problème, sinon la question, de l'identité nationale, mais tel qu'il est posé il l'est mal. D'abord il y a la question de la terminologie: “identité" et “nationale" sont des termes connotés qui charrient plus que de besoin. Ensuite, il y a le pourquoi de la question. Une question ne peut être posée sans finalité, simplement parce que toute réponse, quelle qu'elle soit, est une motivation pour l'action. In abstracto ce débat n'en est pas un et ne peut en être un. Quels sont donc les tenants et les aboutissants et les intentions de ceux qui posent la question? C'est une première à laquelle il faudrait poser.
Au Panthéon des grands Hommes de la nation, à l'entrée, se font face les cénotaphes de Voltaire et de Rousseau, tous deux considérés comme des pairs de la nation (et non pas des pères) parce qu'ils ont contribué à forger ce qu'on a appelé par la suite "l'esprit français" et des Lumières. Et ces termes et ces noms ressurgissent dans le débat comme un patronage bienveillant. Or ce serait oublier un peu vite que Rousseau n'était pas français mais Genevois et que Voltaire n'a pu vivre qu'aux frontières de la France. Le Panthéon des grands Hommes (ce qui inclue bien évidemment les femmes) est peuplé de grands Hommes mais peu de français au sens étroit du terme, sens qui justement oppose le français à l'immigré par exemple. Marie Curie n'était pas “français" comme le poulet de Bresse est un poulet de Bresse. Picasso, Van Gogh, Stravinski, Julien Green, Brel ou Marguerite Yourcenar ne sont pas français et pourtant nous les associons et les assimilons à la France et à son patrimoine justement parce qu'ils y ont contribué.
Alors voilà, d’aucuns diront que la différence entre le méchant immigré et le bon est que le dernier “apporte" quelque chose à la France, l'enrichie alors que l'autre en profite et la dépouille. Si le débat est comptable, je ne suis pas certain que la France en sorte grandie. Aucun de ces grands noms de la “culture française", mais “culture francophone" serait plus juste n'a terminé sereinement son existence en France. Pensez même à Descartes qu'on site en héros national qui n'a eu pour choix de vie que l'exile. On revendique Hugo et c'est bien à cause d'un débat mal pesé du même tonneau qu'il a dû chercher refuge ailleurs.
Que la France ait des valeurs, qu'il y ait un esprit français cela ne fait aucun doute, et c'est justement cet esprit qui en a fait et qui fait sa grandeur. C'est parce qu'il était possible d'éditer l'Encyclopédie en France qu'elle a pu se faire en France, mais n'oublions pas que Descartes écrivait aussi en latin.
Vouloir enfermer un esprit dans une boite à catégorie c'est le taxidermiser dans une boite à papillon comme dirait Céline, autre grandeur de la littérature française qui en illustre aussi le paradoxe.
Vous voulez parler de culture, de vision politique, de valeurs, soit, mais ce n'est pas parler d'hommes et de femmes, de flux de population ou de billets de banque. Poser ce débat en ces termes c'est faire le jeu de la différence. Souvenez-vous du couteau sans lame auquel il manque le manche. À chercher l'essence du français vous n'allez trouvez que du vide ou des choses que vous ne voudriez pas voir. Si vous le posez en termes de valeurs alors il faudra accepter que certains qui ne viennent pas de ces contrées puissent les incarner et les faire vivre mieux que d'autres et que de bons vieux franchouillards de sang et de terre préféreront se vendre à l'ennemie plutôt que de risquer de les défendre. Parce que tous les français de carte d'identité ne font pas tous vivre ces valeurs, cette culture, cette langue et une vision qui sont celles que nous voudrions que la France défende.
N'oubliez pas non plus que tous les grands Hommes du Panthéon dont on retient le nom ont été des dissidents car les valeurs qu'ils ont fait émergées ne l'étaient pas de leur temps. N'oubliez pas qu'au moment des Lumières et de la mise en place de des droits de l'Homme la politique n'était que Terreur et tyrannie.
Le risque d'un débat mal posé est de n'entendre que ceux qu'on aimerait faire taire. Les autres œuvrent en silence, justement pour faire alors que d'autres palabrent.
Au Panthéon des grands Hommes de la nation, à l'entrée, se font face les cénotaphes de Voltaire et de Rousseau, tous deux considérés comme des pairs de la nation (et non pas des pères) parce qu'ils ont contribué à forger ce qu'on a appelé par la suite "l'esprit français" et des Lumières. Et ces termes et ces noms ressurgissent dans le débat comme un patronage bienveillant. Or ce serait oublier un peu vite que Rousseau n'était pas français mais Genevois et que Voltaire n'a pu vivre qu'aux frontières de la France. Le Panthéon des grands Hommes (ce qui inclue bien évidemment les femmes) est peuplé de grands Hommes mais peu de français au sens étroit du terme, sens qui justement oppose le français à l'immigré par exemple. Marie Curie n'était pas “français" comme le poulet de Bresse est un poulet de Bresse. Picasso, Van Gogh, Stravinski, Julien Green, Brel ou Marguerite Yourcenar ne sont pas français et pourtant nous les associons et les assimilons à la France et à son patrimoine justement parce qu'ils y ont contribué.
Alors voilà, d’aucuns diront que la différence entre le méchant immigré et le bon est que le dernier “apporte" quelque chose à la France, l'enrichie alors que l'autre en profite et la dépouille. Si le débat est comptable, je ne suis pas certain que la France en sorte grandie. Aucun de ces grands noms de la “culture française", mais “culture francophone" serait plus juste n'a terminé sereinement son existence en France. Pensez même à Descartes qu'on site en héros national qui n'a eu pour choix de vie que l'exile. On revendique Hugo et c'est bien à cause d'un débat mal pesé du même tonneau qu'il a dû chercher refuge ailleurs.
Que la France ait des valeurs, qu'il y ait un esprit français cela ne fait aucun doute, et c'est justement cet esprit qui en a fait et qui fait sa grandeur. C'est parce qu'il était possible d'éditer l'Encyclopédie en France qu'elle a pu se faire en France, mais n'oublions pas que Descartes écrivait aussi en latin.
Vouloir enfermer un esprit dans une boite à catégorie c'est le taxidermiser dans une boite à papillon comme dirait Céline, autre grandeur de la littérature française qui en illustre aussi le paradoxe.
Vous voulez parler de culture, de vision politique, de valeurs, soit, mais ce n'est pas parler d'hommes et de femmes, de flux de population ou de billets de banque. Poser ce débat en ces termes c'est faire le jeu de la différence. Souvenez-vous du couteau sans lame auquel il manque le manche. À chercher l'essence du français vous n'allez trouvez que du vide ou des choses que vous ne voudriez pas voir. Si vous le posez en termes de valeurs alors il faudra accepter que certains qui ne viennent pas de ces contrées puissent les incarner et les faire vivre mieux que d'autres et que de bons vieux franchouillards de sang et de terre préféreront se vendre à l'ennemie plutôt que de risquer de les défendre. Parce que tous les français de carte d'identité ne font pas tous vivre ces valeurs, cette culture, cette langue et une vision qui sont celles que nous voudrions que la France défende.
N'oubliez pas non plus que tous les grands Hommes du Panthéon dont on retient le nom ont été des dissidents car les valeurs qu'ils ont fait émergées ne l'étaient pas de leur temps. N'oubliez pas qu'au moment des Lumières et de la mise en place de des droits de l'Homme la politique n'était que Terreur et tyrannie.
Le risque d'un débat mal posé est de n'entendre que ceux qu'on aimerait faire taire. Les autres œuvrent en silence, justement pour faire alors que d'autres palabrent.
vendredi 20 novembre 2009
Projection: l'avis de la presse.
mercredi 18 novembre 2009
Accueil enthousiaste du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" à Rumilly.
L'intérêt d'une œuvre d'art est d'être vu car seul le public peut la faire vivre.
Force est de constater que le public est nettement moins fainéant, débile ou imbécile que la rumeur tient parfois à la faire croire. Bien au contraire il est exigeant à condition de ne pas le prendre pour un fainéant, un débile ou un imbécile. C'est le constat que je tire de la projection du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" du 17 novembre à Rumilly. 120 personnes ont fait le déplacement, parfois de loin pour voir ce film qui ne sera peut être pas présenté en salle de ci tôt (hélas). De tous horizons et tous intérêts et malgré tout, tous sont restés jusqu'au terme mais ont posé des questions très pertinentes qui éclairent le propos mais aussi la manière dont il est reçu. Et plus, ce public en redemande.
L'aspect parfois compliqué, alambiqué voire ésotérique du propos, déformation professionnelle, pouvait faire craindre un rejet ou une incompréhension, mais pas dû tout et bien au contraire même cela semble avoir donné de l'ardeur à chacun qui maintenant ose dire ce qu'il pense.
Ce type de film est singulier et sort des sentiers battus car les circuits traditionnels lui sont encore barrés, espérons pour peu encore, mais cela laisse l'espoir d'une place pour cette expression et la possibilité même d'un circuit de diffusion adapté.
Quoi qu'il en soit cet accueil est le meilleur et le plus beau que pouvait lui réserver le public et ce film, hier, en est véritablement devenu un à travers ses yeux.
Merci encore.
Force est de constater que le public est nettement moins fainéant, débile ou imbécile que la rumeur tient parfois à la faire croire. Bien au contraire il est exigeant à condition de ne pas le prendre pour un fainéant, un débile ou un imbécile. C'est le constat que je tire de la projection du film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" du 17 novembre à Rumilly. 120 personnes ont fait le déplacement, parfois de loin pour voir ce film qui ne sera peut être pas présenté en salle de ci tôt (hélas). De tous horizons et tous intérêts et malgré tout, tous sont restés jusqu'au terme mais ont posé des questions très pertinentes qui éclairent le propos mais aussi la manière dont il est reçu. Et plus, ce public en redemande.
L'aspect parfois compliqué, alambiqué voire ésotérique du propos, déformation professionnelle, pouvait faire craindre un rejet ou une incompréhension, mais pas dû tout et bien au contraire même cela semble avoir donné de l'ardeur à chacun qui maintenant ose dire ce qu'il pense.
Ce type de film est singulier et sort des sentiers battus car les circuits traditionnels lui sont encore barrés, espérons pour peu encore, mais cela laisse l'espoir d'une place pour cette expression et la possibilité même d'un circuit de diffusion adapté.
Quoi qu'il en soit cet accueil est le meilleur et le plus beau que pouvait lui réserver le public et ce film, hier, en est véritablement devenu un à travers ses yeux.
Merci encore.
jeudi 12 novembre 2009
Article de l'Hebdo des Savoies parut le 12 novembre 2009
mardi 10 novembre 2009
Avis: Le film “François Sylvand, portrait d'un artiste par son fils" en salle mardi prochain
samedi 7 novembre 2009
Tapage nocturne: encore.
Une fois de plus des voisins remettent ça, une fête à 30 personnes dans leur 85m2 carré avec particule et la musique à fond dont, à l'étage du dessus, 50m2 en moins, nous ne profitions que des vibrations qui font sautiller les verres sur la table.
Un soir, puis un autre, une ribambelle qui finie par user jusqu'à la dernière barrière de l'impératif catégorique le plus coriace.
Le bruit est la pollution que je supporte personnellement le moins, d'autant que les bouchons d'oreille ou autre boule Quiès sont pires.
C'est une question de bon voisinage, si seulement cette notion à un sens et qui reste à l'appréciation de chacun malgré une réglementation, ce qui rend celle-ci bien difficilement applicable en pratique. Le bruit, c'est comme la douleur, chacun à un seuil différent et pour soi ce qui est toujours insupportable paraît broutille à autrui. Tout comme dans une fête on ne fait jamais assez de bruit parce que tout est toujours plus supportable du fait du seuil que l'on repousse sans cesse par acclimatation. L'effet est donc proportionnellement inverse chez l'auditeur passif...
Au moins ce qui est bien c'est que l'on comprend que la tolérance n'est pas innée et que rien ne sert de prêcher la bonne parole à une âme qui n'est déjà convaincue.
Autre indication important: louer un 85m2 à 25 ans agrémenté d'une particule permet semble-t-il de se foutre complètement du reste de l'humanité...
Colère lasse.
Un soir, puis un autre, une ribambelle qui finie par user jusqu'à la dernière barrière de l'impératif catégorique le plus coriace.
Le bruit est la pollution que je supporte personnellement le moins, d'autant que les bouchons d'oreille ou autre boule Quiès sont pires.
C'est une question de bon voisinage, si seulement cette notion à un sens et qui reste à l'appréciation de chacun malgré une réglementation, ce qui rend celle-ci bien difficilement applicable en pratique. Le bruit, c'est comme la douleur, chacun à un seuil différent et pour soi ce qui est toujours insupportable paraît broutille à autrui. Tout comme dans une fête on ne fait jamais assez de bruit parce que tout est toujours plus supportable du fait du seuil que l'on repousse sans cesse par acclimatation. L'effet est donc proportionnellement inverse chez l'auditeur passif...
Au moins ce qui est bien c'est que l'on comprend que la tolérance n'est pas innée et que rien ne sert de prêcher la bonne parole à une âme qui n'est déjà convaincue.
Autre indication important: louer un 85m2 à 25 ans agrémenté d'une particule permet semble-t-il de se foutre complètement du reste de l'humanité...
Colère lasse.
mercredi 4 novembre 2009
Le syndrome de la boite vide: le risque de l'identité nationale
Les relations interpersonnelles sont parfois comprises en terme de jeux ou de rôles comme dans une pièce de théâtre. Il y a par exemple celui qui joue le "rôle" du professeur et ceux qui jouent le "rôle" de l'élève. Ce sont des habits que l'on endosse dans un certain cadre, un certain contexte, une certaine scène parce qu'ils sont rassurants et permettent d'identifier facilement les différents protagonistes et puis, surtout peut-être, parce qu'ils permettent d'être prévisible. Appartenir à un groupe, à une culture, c'est être prévisible. C'est savoir quelles seront vos actions, vos pensées, vos intentions, vos réactions dans une cadre donnée dans une situation donnée. Nous ne sommes que des conditionnels en puissance. C'est ainsi est c'est tant mieux parce que c'est plus simple comme ça.
Cependant dire que c'est simple ne veut pas dire que c'est facile. Si le rôle du professeur est simple il est difficile à jouer et à tenir. Idem pour celui de l'élève. Il est d'autant plus difficile que le rôle n'est qu'une coquille vide, il faut faire vivre, animer le personnage et cela demande un véritable investissement, sans compter qu'endosser un rôle c'est endosser la responsabilité qui va avec. Le professeur doit préparer son cours, corriger les copies, évaluer les élèves, etc.
Les choses commencent à se gâter lorsque les règles du jeu commencent à se déliter parce que les participants et cela est plus grave encore lorsque ce sont les arbitres, commencent à les détourner ou pire encore, à s'en désintéresser. Il est encore possible de cadrer la tricherie dans les règles d'un jeu et de prévoir les réactions à adopter (c'est le jeu de la justice ou de la police), mais on ne peut forcer un jouer à vouloir jouer. Même le refus de combattre est un cas limite en escrime et sa réglementation laisse toujours un arrière-goût douteux.
Nul n'est forcé de jouer un rôle ou dû moins l'est en démocratie.
Maintenant imaginer que le rôle est celui de postuler à la présidence d'un établissement public et que d'un coup d'un seul, on considère qu'une personne n'ayant pas joué le jeu puisse parfaitement y prétendre sous prétexte que les règles sont floues ou méritent d'être réécrites. C'est tout le jeu qui s'effondre alors et il est normal que tous les joueurs s'indignent: ou bien que le jeu ne soit plus le même ou bien que cette révision n'ait pas été prévue ou bien soit si tardive. Ce qui se passe alors est l'évanouissement total du jeu: enlevez les règles et ils ne restent plus rien. Ce sont dans ces circonstances que l'on voit bien ce qu'est le jeu social, et ce jeu social c'est le lien social. C'est quelque chose de très ténu, d'infime et de minime, enlevez le texte aux acteurs il ne reste plus que des gens sur une scène qui d'ailleurs n'en est plus une et qui n'ont plus rien à faire ensemble sans pour autant qu'ils disparaissent ou même que cela les affecte tant que ça. Ce sont des hommes et des femmes, mais ce ne sont plus des acteurs qui jouaient une pièce. Quelque chose a disparu, quelque chose de bougrement important, ce qui a disparu ce sont les relations, le lien, entre ces personnes.
Notre société tend doucement vers ce mal-là. Le jeu social est mis à mal, on ne veut plus jouer, on veut changer les règles, même plus tricher, non mais ne plus jouer. Les patients ne veulent plus jouer au patient, alors les médecins au médecin, les professeurs au professeur, alors les élèves à l'élève, les politiques au politique, alors les citoyens au citoyen. Le mal c'est alors l'ennuie, la lassitude. Ne rien faire. Là, pataud. Ça part à vau-l'eau, doucement, ça coule, on laisse aller et c'est tout le lien social qui finalement part avec l'eau du bain.
Alors, pour éviter le syndrome de la boite vide on change l'emballage, évidemment. C'est là qu'on ressort, qu'on exhume le bon vieux concept “d'identité nationale" pour essayer de refaire du Français. Si seulement c'était pour redessiner les règles du jeu, essayer de retaper ou de rattraper la fracture sociale, les déficits publiques, les projets communs, l'aventure collective peut-être que cela aurait du sens, mais là, tel qu'on nous la ressert l'impression est plutôt que c'est par dépit, parce qu'on n'a rien d'autre en stock alors on tire les dernières cartouches. Ce qu'il manque c'est un auteur, un scénariste, quelqu'un qui redonne du texte et du sens à la pièce.
Mais l'identité nationale, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est un concept creux et vide s'il ne s'accompagne pas d'un dessein commun. C'est une chose de créer un jeu aux règles merveilleuses et pleine de subtilités et de justesse, mais ça se sont les philosophes et les utopistes qui le font. Ce sont des jeux de papier. S'en est une autre d'y jouer. Ça ce sont les gens comme vous et moi. Une autre encore est de convaincre les gens à y jouer, les motiver, les enthousiasmer, les emporter, les persuader, ça c'est aux politiques de le faire. C'est ce qui manque. Mais chacun son rôle. En démocratie le choix est là. Il faut l'assumer ensuite.
Je reste personnellement assez perplexe quant à la force de persuasion de l'identité nationale pour rejouer en société. Mais je ne suis qu'un simple jouer, ni plus, ni moins.
Cependant dire que c'est simple ne veut pas dire que c'est facile. Si le rôle du professeur est simple il est difficile à jouer et à tenir. Idem pour celui de l'élève. Il est d'autant plus difficile que le rôle n'est qu'une coquille vide, il faut faire vivre, animer le personnage et cela demande un véritable investissement, sans compter qu'endosser un rôle c'est endosser la responsabilité qui va avec. Le professeur doit préparer son cours, corriger les copies, évaluer les élèves, etc.
Les choses commencent à se gâter lorsque les règles du jeu commencent à se déliter parce que les participants et cela est plus grave encore lorsque ce sont les arbitres, commencent à les détourner ou pire encore, à s'en désintéresser. Il est encore possible de cadrer la tricherie dans les règles d'un jeu et de prévoir les réactions à adopter (c'est le jeu de la justice ou de la police), mais on ne peut forcer un jouer à vouloir jouer. Même le refus de combattre est un cas limite en escrime et sa réglementation laisse toujours un arrière-goût douteux.
Nul n'est forcé de jouer un rôle ou dû moins l'est en démocratie.
Maintenant imaginer que le rôle est celui de postuler à la présidence d'un établissement public et que d'un coup d'un seul, on considère qu'une personne n'ayant pas joué le jeu puisse parfaitement y prétendre sous prétexte que les règles sont floues ou méritent d'être réécrites. C'est tout le jeu qui s'effondre alors et il est normal que tous les joueurs s'indignent: ou bien que le jeu ne soit plus le même ou bien que cette révision n'ait pas été prévue ou bien soit si tardive. Ce qui se passe alors est l'évanouissement total du jeu: enlevez les règles et ils ne restent plus rien. Ce sont dans ces circonstances que l'on voit bien ce qu'est le jeu social, et ce jeu social c'est le lien social. C'est quelque chose de très ténu, d'infime et de minime, enlevez le texte aux acteurs il ne reste plus que des gens sur une scène qui d'ailleurs n'en est plus une et qui n'ont plus rien à faire ensemble sans pour autant qu'ils disparaissent ou même que cela les affecte tant que ça. Ce sont des hommes et des femmes, mais ce ne sont plus des acteurs qui jouaient une pièce. Quelque chose a disparu, quelque chose de bougrement important, ce qui a disparu ce sont les relations, le lien, entre ces personnes.
Notre société tend doucement vers ce mal-là. Le jeu social est mis à mal, on ne veut plus jouer, on veut changer les règles, même plus tricher, non mais ne plus jouer. Les patients ne veulent plus jouer au patient, alors les médecins au médecin, les professeurs au professeur, alors les élèves à l'élève, les politiques au politique, alors les citoyens au citoyen. Le mal c'est alors l'ennuie, la lassitude. Ne rien faire. Là, pataud. Ça part à vau-l'eau, doucement, ça coule, on laisse aller et c'est tout le lien social qui finalement part avec l'eau du bain.
Alors, pour éviter le syndrome de la boite vide on change l'emballage, évidemment. C'est là qu'on ressort, qu'on exhume le bon vieux concept “d'identité nationale" pour essayer de refaire du Français. Si seulement c'était pour redessiner les règles du jeu, essayer de retaper ou de rattraper la fracture sociale, les déficits publiques, les projets communs, l'aventure collective peut-être que cela aurait du sens, mais là, tel qu'on nous la ressert l'impression est plutôt que c'est par dépit, parce qu'on n'a rien d'autre en stock alors on tire les dernières cartouches. Ce qu'il manque c'est un auteur, un scénariste, quelqu'un qui redonne du texte et du sens à la pièce.
Mais l'identité nationale, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est un concept creux et vide s'il ne s'accompagne pas d'un dessein commun. C'est une chose de créer un jeu aux règles merveilleuses et pleine de subtilités et de justesse, mais ça se sont les philosophes et les utopistes qui le font. Ce sont des jeux de papier. S'en est une autre d'y jouer. Ça ce sont les gens comme vous et moi. Une autre encore est de convaincre les gens à y jouer, les motiver, les enthousiasmer, les emporter, les persuader, ça c'est aux politiques de le faire. C'est ce qui manque. Mais chacun son rôle. En démocratie le choix est là. Il faut l'assumer ensuite.
Je reste personnellement assez perplexe quant à la force de persuasion de l'identité nationale pour rejouer en société. Mais je ne suis qu'un simple jouer, ni plus, ni moins.
mardi 3 novembre 2009
Claude Lévi-Strauss: la disparition d'un géant
Claude Lévi-Strauss s'est éteint le 1er novembre 2009. Il disait à l'occasion de son centenaire, fêté cette année, qu'il vivait reclus du monde actuel parce qu'il ne le comprenait pas. Difficile de rester son propre contemporain et il faut croire qu'entrer dans la Pléiade c'es sortir de l'existence.
Souvent les gens s'étonnaient d'apprendre qu'il était encore parmi nous, en somme il ne fait maintenant que confirmer ce qu'ils pensaient. Mais c'est là une disparition bien triste qui tourne un chapitre dans le livre de l'Histoire et de la compréhension de l'Homme. Une figure totémique et tutélaire de la pensée, comme un repère dans le brouillard.
Déboussolés il va nous falloir reconstruire le paysage de la pensée pour trouver les mythes d'aujourd'hui en espérant qu'ils jalonneront le passé...
Souvent les gens s'étonnaient d'apprendre qu'il était encore parmi nous, en somme il ne fait maintenant que confirmer ce qu'ils pensaient. Mais c'est là une disparition bien triste qui tourne un chapitre dans le livre de l'Histoire et de la compréhension de l'Homme. Une figure totémique et tutélaire de la pensée, comme un repère dans le brouillard.
Déboussolés il va nous falloir reconstruire le paysage de la pensée pour trouver les mythes d'aujourd'hui en espérant qu'ils jalonneront le passé...
dimanche 1 novembre 2009
Deux manières de faire de la politique...
Dans un même journal, deux manières de réagir différemment face aux décisions du pouvoir politique.
La première est de blâmer toute critique et d'inciter à entrer dans le rang, conseil que madame Morano donne à Rama Yade, reprenant le mot de Jen-Pierre Chevènement “un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l'ouvrir, ça démissionne". En soulignant au passage que la formule de Chevènement s'appliquait à lui-même et non pas pour zigouiller un collègue.
L'autre est la prise de parole de Mahmoud Vahidnia, un étudiant iranien, devant l'ayatollah Khamenei, guide suprême iranien, ce mercredi 28 octobre 2009.
Certes les situations et les conditions ne sont pas les mêmes, les réactions un peu courroucées des dirigeants seules se rejoignent. Lorsque quelqu'un vous dit que vous avez toute liberté de le critiquer cela signifie ou bien que vous êtes fasse à un masochiste qui n'en vaut pas la peine soit que vous allez passer un sale quart d'heure.
Le courage de l'étudiant frise la témérité voire le suicide mais son geste est louable au plus au moins ne serait-ce parce qu'il montre qu'il est possible encore d'avoir des idéaux sous la contrainte, ce qui est toujours de bon augure pour la Raison. Il est triste que de tels coups dans l'eau n'aient pour conséquences que le funeste destin de leurs auteurs, mais parfois, à court d'autre chose, le combat pour autrui peut prévaloir. Peut-être même le doit-il.
De l'autre cela montre par contraste la grandeur et la qualité du débat politique français actuel. La zizanie complète d'un équipage sans autre ambition que la sienne dans une embarcation qui prend l'eau de toute part avec un capitaine aveugle et colérique sans vision ni dessein. La critique va bientôt être anti patriotique et au doute répondra bientôt une Marseillaise scandée aux bruits des talons. La possible mise en examen d'un ancien président de la République scandalise cette clique sous prétexte qu'elle ébranle la grandeur de la fonction sans imaginer un instant que le scandale est qu'il soit possible que des éventuels prévenus puissent briguer de tels mandats. Le scandale n'est pas dans la fonction mais quand qui en revêt l'habit.
Peut-être faut-il attendre que la Raison ne supporte plus la pression que lui met un pouvoir qui n'en a pas pour qu'un héros, ne serait-ce que d'une heure, ose apporter sa contribution à la lumière d'un équilibre meilleur entre les Hommes et redonne un sens au mot ‘politique'. Peut-être que le lent délitement de l'édifice commun en atténue la ruine à ses occupants, peut-être. Hélas.
La première est de blâmer toute critique et d'inciter à entrer dans le rang, conseil que madame Morano donne à Rama Yade, reprenant le mot de Jen-Pierre Chevènement “un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l'ouvrir, ça démissionne". En soulignant au passage que la formule de Chevènement s'appliquait à lui-même et non pas pour zigouiller un collègue.
L'autre est la prise de parole de Mahmoud Vahidnia, un étudiant iranien, devant l'ayatollah Khamenei, guide suprême iranien, ce mercredi 28 octobre 2009.
Certes les situations et les conditions ne sont pas les mêmes, les réactions un peu courroucées des dirigeants seules se rejoignent. Lorsque quelqu'un vous dit que vous avez toute liberté de le critiquer cela signifie ou bien que vous êtes fasse à un masochiste qui n'en vaut pas la peine soit que vous allez passer un sale quart d'heure.
Le courage de l'étudiant frise la témérité voire le suicide mais son geste est louable au plus au moins ne serait-ce parce qu'il montre qu'il est possible encore d'avoir des idéaux sous la contrainte, ce qui est toujours de bon augure pour la Raison. Il est triste que de tels coups dans l'eau n'aient pour conséquences que le funeste destin de leurs auteurs, mais parfois, à court d'autre chose, le combat pour autrui peut prévaloir. Peut-être même le doit-il.
De l'autre cela montre par contraste la grandeur et la qualité du débat politique français actuel. La zizanie complète d'un équipage sans autre ambition que la sienne dans une embarcation qui prend l'eau de toute part avec un capitaine aveugle et colérique sans vision ni dessein. La critique va bientôt être anti patriotique et au doute répondra bientôt une Marseillaise scandée aux bruits des talons. La possible mise en examen d'un ancien président de la République scandalise cette clique sous prétexte qu'elle ébranle la grandeur de la fonction sans imaginer un instant que le scandale est qu'il soit possible que des éventuels prévenus puissent briguer de tels mandats. Le scandale n'est pas dans la fonction mais quand qui en revêt l'habit.
Peut-être faut-il attendre que la Raison ne supporte plus la pression que lui met un pouvoir qui n'en a pas pour qu'un héros, ne serait-ce que d'une heure, ose apporter sa contribution à la lumière d'un équilibre meilleur entre les Hommes et redonne un sens au mot ‘politique'. Peut-être que le lent délitement de l'édifice commun en atténue la ruine à ses occupants, peut-être. Hélas.
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